Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

MÉDITATIONS POUR TOUS LES JOURS DE L’ANNÉE

MAI

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(note de la bibliothèque «Regard»: nous avons modifié certaines constructions de phrase et certains mots afin de rendre le texte plus facile à comprendre; le texte original fut publié en 1759)


1er mai

Sur la justice de Dieu.

1er Point.

Nous pensons volontiers aux attributs de Dieu qui nous sont favorables.

Nous aimons à nous représenter notre Dieu comme le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation; comme un père tendre et indulgent, à qui les fautes d’un enfant vif et volage, inspirent plus de pitié que de courroux, et qui couronne le retour du fils prodigue par des faveurs capables de faire envie au fils qui ne s’est jamais égaré; comme un Dieu bienfaisant qui ne veut point la mort du pécheur; mais plutôt qu'il se convertisse et qu'il vive.


Ces idées sont vraies, solides et confiantes;

elles doivent servir à nourrir notre espérance.


Dis-leur: je suis vivant! dit le Seigneur, l’Éternel, ce que je désire, ce n’est pas que le méchant meure, c’est qu’il change de conduite et qu’il vive. (Ez. XXXIII. 11.)

2e Point.

Mais la miséricorde et la bonté de Dieu ne doivent pas nous faire oublier ses attributs propres à nous inspirer une crainte salutaire.


Dieu est bon; MAIS il est juste:

Il nous ordonne de l’appeler Notre Père et il veut bien en prendre le nom, mais il sera notre Juge: IL EST MISÉRICORDIEUX, et toujours prêt à nous pardonner;


mais il vient un temps où sa justice le rend inexorable!


Il est bon, encore une fois, en ce monde et pendant la vie;

MAIS à la mort, au jugement, c'est un Dieu terrible:


ses ennemis devront lui rendre compte; c’est une chose TERRIBLE que de tomber entre les mains du Dieu vivant (Héb. X. 31. V. S); et il ne faudra rien moins qu’une éternité entière de douleurs et de tourments, pour satisfaire sa justice.

C’est à cause de ces choses que la colère de Dieu vient sur les fils de la rébellion... (Col. III. 6.)

Et j’entendis une voix forte qui venait du temple, et qui disait aux sept anges: Allez, et versez sur la terre les sept coupes de la colère de Dieu. (Apoc. XVI. 1.)


* * *

2 mai

Sur l’éternité des peines de l'enfer.


1er Point.

Nous devons la croire même si elle nous paraît incompréhensible.

Tout est incompréhensible; tout est mystère dans la «Religion», comme dans la nature.

La plus petite portion de matière, considérée dans la multitude innombrable de ses parties, renferme un abîme de difficultés et de contradictions contre lesquelles tous les efforts de la philosophie humaine ont échoué jusqu’ici; et si nous ne pouvons comprendre les moindres ouvrages de Dieu:

Comment pourrions-nous le comprendre lui-même, et mesurer exactement toute l'étendue de sa puissance et de sa justice?

Il l'a dit; il l’a répété cent fois dans ses Écritures, que les supplices des réprouvés seront ÉTERNELS, IL LE FAUT DONC LE CROIRE:


DIEU N'EST PAS UN HOMME POUR MENTIR!

(Nombres XXIII. 19.)


C’est une des vérités capitales de la «Religion»!


2e Point.

C'est uniquement l'intérêt personnel du pécheur qui le fait douter de cette vérité.

Il conçoit l’éternité de la récompense pour une action passagère; et il ne veut pas reconnaître l'éternité des peines pour un péché d’un moment.

Il reconnaît que la grandeur de Dieu est infinie; que le sang de Jésus-Christ dont le pécheur abuse est d’un prix infini; mais IL NE VEUT PAS CROIRE que le péché sera puni par des peines infinies dans leur durée.

Qu’est-ce donc qui le rend rebelle à cette vérité?

C’est qu’il voudrait être toujours pécheur et toujours heureux, ou du moins n’être malheureux que pour un temps.

Mais que peut faire son intérêt contre une vérité qui vient de Dieu?

Et quand le Seigneur a parlé, ne faut-il pas que l’intérêt et le raisonnement humain; se taise et se soumette?


* * *

3 mai

Sur les désirs.


1er Point.

Il faut savoir en faire le discernement, car il y a de mauvais désirs que nous devons bannir de notre âme.

Tels sont bien des désirs inutiles qui se produisent en nous par:

1. Des caprices et des rêveries d’une imagination déréglée;

2. Des désirs téméraires, qualité qui convient à la plupart de nos désirs. Leur témérité est fondée sur l’ignorance que nous avons de l’avenir.

- Vous souhaitez avec ardeur, un établissement qui vous paraît agréable, parce que vous ne savez pas qu’il fera le malheur de votre vie.

- Vous aspirez à ce degré de fortune et d’élévation, parce que vous ignorez qu'il ne servira qu’à rendre votre chute plus prochaine et plus éclatante.

3. Des désirs «criminels». Le «crime» est toujours précédé d’un désir qui vous porte à le commettre; si vous retranchez ce désir; si vous étouffez ce monstre dans sa naissance, vous détruirez alors le péché à la source.

Soyez donc toujours attentif à limiter et à régler vos désirs.


2e Point.

Il y a de bons désirs que nous devons exciter et entretenir dans notre âme.

C’est le désir de nous rendre de plus en plus agréables à Dieu, utiles au prochain; de croître tous les jours en grâce, en sagesse, en vertu; d’obtenir de nouveaux dons du Saint-Esprit, pour acquérir un meilleur service; le désir enfin d’arriver à ce Royaume céleste, où nous n’aurons plus rien à désirer.

C’est en ce sens qu'un Chrétien peut être appelé un homme de désir.

Il aspire sans cesse à ce qu’il y a de plus sain et de plus parfait selon Dieu.

À l’égard des biens fragiles et passagers de la vie présente, il ne les estime pas assez pour les désirer.


* * *

4 mai

Sur les désirs des faux biens de ce monde.


1er Point.

Les mondains en sont continuellement occupés.

Ils désirent généralement tous les biens qui sont compris sous le nom de FORTUNE, et leurs désirs font leurs tourments parce qu'ils ne sont jamais rassasiés. 


Un désir allumé dans le coeur est un feu dévorant;

plus vous lui fournissez d’aliments, plus il augmente.


2e Point.

Ils sont toujours accompagnés de crainte et de chagrin.

On n’est pas seul à désirer les faux biens de ce monde; d’autres les désirent autant que nous, et ils ont souvent, pour y parvenir, des prétentions mieux fondées et des moyens plus efficaces que nous. On craint parfois qu’ils ne réussissent mieux que nous!

Le plus souvent on n’obtient rien, ou du moins on obtient peu: on n’a jamais tout ce qu’on désire, et encore moins tout ce qu’on peut désirer.

Saint Augustin avait donc raison de dire:

Vous nous avez créés. Seigneur, pour vous aimer; et notre âme ne peut jamais trouver de véritable repos que dans votre amour.


* * *

5 mai

Sur le désir d'avancer dans les voies
 de la justice.


1er Point.

Il doit égaler au moins celui qu’ont les mondains pour l’avancement de leur fortune.

S'agit-il des biens de ce monde?

Ils ne sont jamais contents, jamais rassasiés; ils ne considèrent pas ceux qui en ont moins qu’eux; ils ne pensent qu’à ceux qui en ont davantage pour tâcher d’arriver à ce point de grandeur et de fortune où ils sont parvenus, et ensuite les surpasser, s’il est possible.


2e Point.

S'agit-il au contraire des biens de la grâce?

Hélas... ! On ne regarde pas à ceux qui ont le plus de vertu; on ne fait attention qu’à ceux qui en ont le moins!

On ne songe ni à égaler ni à surpasser ceux qui nous ont devancés dans les voies de la justice; on se règle, on se modèle sur l’exemple des plus lâches et des plus imparfaits.

Réformons cet abus;

1. À l’égard des biens de ce monde: regardez ceux qui en ont moins que vous,

et vous vous trouverez dans l’abondance.

2. Considérez au contraire, à l’égard des vertus, ceux qui en ont plus que vous,

et vous rougirez de vos faiblesses et de vos imperfections.


* * *


6 mai

Sur les usages du monde.


1er Point.

Un Chrétien qui vit dans le monde doit se conformer à ses usages DANS TOUT CE QUI N'EST PAS CONTRAIRE À LA LOI DE DIEU.

Quel motif aurait-il de s’en éloigner?

Serait-ce par mépris pour ceux qui les suivent?

Mais un vrai Chrétien ne méprise personne, et il n’a de mépris que pour lui-même.

Serait-ce par un vain désir de paraître singulier?

Mais ce désir est tout à fait contraire à l’esprit de Jésus-Christ!

Serait-ce par défaut de complaisance et de ménagement pour ceux avec qui on est obligé de vivre?

Mais la charité Chrétienne l’oblige à être doux, complaisant, et même prévenant à l’égard de tout le monde.

Serait-ce enfin pour éviter la gêne et la contrainte attachées à diverses obligations prescrites par les usages du monde?

Mais c’est en se soumettant à cette contrainte habituelle qu’il pratique le renoncement à lui-même, et l’obligation de porter sa croix.


2e Point.

Un Chrétien doit s'éloigner des usages du monde, quand ils sont contraires à la Loi de Jésus-Christ.

Il imite alors ces fidèles Israélites, qui laissant un peuple idolâtre fléchir le genou devant Baal, demeuraient fermes et inébranlables dans le culte et dans le service du Dieu d'Israël.

Il se dit à lui-même:

Si je trahis les intérêts de Dieu et de sa Loi, je pourrais peut-être par là me ménager l'approbation du monde et me garantir de la censure; mais j'attirerai sur moi la colère du Très-Haut, et rien ne pourrait me mettre à couvert de ses vengeances.


* * *

7 mai

Sur les Instructions de Jésus-Christ.


1er Point.

Jésus-Christ est proprement le seul Docteur et le seul Maître que nous devons écouter.

Ceux qui le représentent sur la terre ne sont nos Maîtres et nos Docteurs à condition qu'ils nous parlent en son nom et EN ACCORD AVEC SA PAROLE.

Ce divin Sauveur nous instruit en deux manières:

Par ses leçons: ouvrez l'Évangile, étudiez-le avec APPLICATION, lisez-le avec DOCILITÉ; c’est la règle de votre croyance et de vos moeurs.

Toute la «Religion» y est renfermée; vous y trouverez tout ce que vous devez croire et tout ce que vous devez faire pour être sauvé.

C’est là qu'il nous révèle ses grands mystères, ses premières vérités qui servent de fondement à sa morale:

- La chute et la rédemption de l'homme,

- les dons du Saint-Esprit,

- les opérations de la grâce,

- le souverain bonheur des prédestinés, et les tourments éternels des impies.


2e Point.

Il nous instruit aussi par ses exemples!

Ce qu'il a dit et ce qu’il a fait, c’est l’abrégé de tout le Christianisme:

- Ce qu'il a dit; c'est à quoi nous devons nous soumettre, et c’est dans ce sens qu’il est notre MAÎTRE.

- Ce qu'il a fait; c’est ce que nous devons imiter, et c’est dans ce sens qu’il est notre MODÈLE.

Tout notre mal, dit Saint Bernard , vient de ce que nous ne voulons suivre ni ses leçons, ni ses exemples.


Il faut cependant que son Évangile vous gouverne OU ALORS... il vous condamnera!


CHOISISSEZ-LE, car s'il ne sert pas à votre salut, il sera infailliblement le titre de votre condamnation et le fondement de votre perte pour l'éternité!


* * *

8 mai

Sur l'espérance Chrétienne.


1er Point.

Qu’est-ce que l'espérance Chrétienne!

C'est une des trois principales vertus du Christianisme (foi, espérance et amour); et cependant elle est pour l’ordinaire assez peu connue et encore moins pratiquée.

- Les uns vous diront qu’elle consiste dans une persuasion ferme et assurée que nous serons sauvés par la miséricorde de Dieu;

- Les autres dans un désir ardent de la béatitude céleste.

Mais cette notion est imparfaite si l'on n'ajoute pas que cette persuasion et ce désir sont:


FONDÉS SUR LES PROMESSES QUE DIEU A FAITES

À CEUX QUI PRATIQUERONT SA LOI

ET QUI PROFITERONT DES SECOURS DE SA GRÂCE.


Il en est à cet égard de l'espérance comme de la foi.

Celle-ci est morte et stérile, si vous la séparez des oeuvres; et pour la même raison, si vous ne joignez à l'espérance les oeuvres qui nous sanctifient, elle ne produira rien pour le salut.


2e Point.

Usage de l'espérance Chrétienne.

Si vous êtes en état de grâce, l'espérance vous soutiendra contre les attraits du vice, contre les négligences de la tiédeur, et contre les faiblesses du découragement.

Si vous êtes en état de péché, l’espérance que vous aurez en la miséricorde de Dieu, vous inspirera le désir de retourner promptement à lui.

Enfin, si vous êtes exposé à des tentations violentes, ce qui forme un état incertain entre l’état de la grâce et celui du péché, AYEZ CONFIANCE EN DIEU!

Espérez dans le secours qu’il vous a promis; c’est le vrai moyen de remporter la victoire.


* * *

9 mai

Sur la confiance qu’un Chrétien doit avoir dans les prières que l'on fait pour lui.


1er Point.

Elles sont utiles sans aucun doute.

Les mondains eux-mêmes en sont si persuadés, que lorsqu’ils sont engagés dans des habitudes «criminelles», s’il leur reste encore quelque sentiment de «Religion», ils conjurent les personnes consacrées à Dieu de prier pour eux.

C’est ainsi que Pharaon, dans le temps qu’il persécutait le peuple fidèle, disait à Moïse: Prier votre Dieu pour moi.

On sait aussi combien les larmes et les prières de Monique contribuèrent à la conversion de son fils Augustin.

Ne négligez pas d’employer des prières que le zèle anime et que la charité inspire; des prières que le Seigneur a souvent exaucées.


2e Point.

Mais n'y mettez pas toute votre confiance.

Vous pouvez sans doute tirer un grand avantage des prières que l'on fait pour vous; mais:


RIEN NE PEUT VOUS DISPENSER DE PRIER VOUS-MÊME.


S. Chrysostôme nous apprend que:

Dieu aime encore mieux nos prières, tout pécheur que nous sommes, que celles que les Saints font pour nous.

Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret;

et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. (Matth. VI. 6.)


* * *

10 mai

Sur la constance, la persévérance des Martyrs.


1er Point.

Tout Chrétien doit être disposé à souffrir le martyre, plutôt que de renoncer à sa Foi, ou de violer la Loi du Seigneur.

Quand nous lisons l’Histoire des Martyrs, nous les regardons comme des hommes extraordinaires, comme des héros élevés au plus sublime degré de la confiance et de la vertu; cependant ils n’ont rien souffert; ils n’ont rien sacrifié, que nous ne soyons tous aussi obligés de sacrifier et de souffrir si nous nous trouvions dans les mêmes circonstances.

Oui, tout Chrétien est obligé de soutenir, s’il le faut, les principes et la pratique de sa «Religion» jusqu'au martyre.

C'est une conséquence nécessaire de cette préférence entière et absolue que Dieu exige de nous et qui a fait dire au Sauveur du monde:

Celui qui voudra sauver sa vie, la perdra; et celui qui la perdra pour l'amour de moi et de l'Évangile, la sauvera.

Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de la bonne nouvelle la sauvera. (Marc VIII. 35. V. S.)

Mais comment peut-on être disposé à MOURIR POUR DIEU, quand on ne peut pas se résoudre à vivre pour lui et à lui faire les moindres sacrifices!


2e Point.

Toute la vie d'un Chrétien doit être un martyre continuel.

C’est un abus de croire qu’il n’y ait qu’un certain nombre de Saints qui soient parvenus au bonheur du Ciel par la voie du martyre; tous ont mérité la même couronne; les uns par un martyre plus prompt et plus abrégé; les autres, par un martyre plus lent et plus durable.

Tous n’ont pas fait le sacrifice de leur vie; mais:


TOUS ONT SACRIFIÉ LES VICES

ET LES ATTACHEMENTS DE LA CHAIR ET DU MONDE.


Il y a un martyre du coeur comme il y en a un du corps. Celui-ci nous paraît affreux par l’horreur des supplices; mais l’autre a aussi ses rigueurs par la violence continuelle qu’il fait à notre ancienne nature.


* * *

11 mai

Sur l'union indissoluble de la probité et de la «Religion».
(Probité = honnêteté, droiture, intégrité.)


1er Point.

Sans «Religion», point de probité.

On aura peut-être une probité apparente, passagère et limitée; mais jamais une probité solide, confiante et universelle.

Si l'on n’est retenu par la crainte des lois humaines, bien des «crimes» (péchés) inconnus échappent à ces lois; et il arrive souvent que le pouvoir qui a poussé ceux qui les commettent, leur impose silence jusqu'au tombeau.

Quel frein sera donc capable d'arrêter les grands et les puissants du siècle quand ils auront secoué le joug de cette «Religion» divine, qui seule peut régler leur autorité sur leurs devoirs?

Les lois qu'ils promulguent ont, à la vérité, PLUS DE PRISE SUR LES PARTICULIERS que sur eux-mêmes; mais, trop souvent ces lois n’agissent que sur les corps; il n’y a que la «Religion» qui puisse répondre au coeur.


2e Point.

Sans probité, point de religion!

La loi naturelle est la première de toutes les lois; l'Évangile, au lieu de la détruire ne fait que renchérir sur elle et la rendre plus parfaite et plut étendue.

Celui qui la viole par l’injustice, la calomnie, le faux témoignage, la cruauté, la noirceur et la perfidie, quelque dévot qu'il paraisse à l’extérieur, ne peut donc avoir qu’une ombre et un fantôme de religion.

Il en foule aux pieds tous les droits; il en abandonne tous les principes; il est pire qu’un païen, qu'un infidèle.


* * *

12 mai

Sur la difficulté de se sanctifier dans le monde.


1er Point.

Il ne faut pas croire qu'il soit facile de se sanctifier dans le monde.

L'Évangile nous demande:

- une si grande pureté de mœurs,

- un si grand détachement des biens de la terre,

- un dévouement si parfait au service de Dieu,

qu’il est bien difficile de la pratiquer au milieu d’un monde que l’on peut regarder comme le séjour de la mollesse, de l’injustice et de la volupté;

- un monde où l’on respire un air contagieux qui porte dans les cœurs une corruption presque générale;

- un monde où l’on aperçoit tant d’objets qui réveillent les passions; où l’on a, pour ainsi dire, à la main tant de moyens de les satisfaire;

- un monde où les pièges sont si dangereux et les chutes si fréquentes.

Cette première réflexion vous fera travailler à votre salut dans le monde avec crainte et tremblement (Philip. II. 12.).


2e Point.

Il ne faut pas croire qu'il soit impossible de se sauver parce que l'on vit dans le monde.

Sans le secours de la grâce, on ne le pourrait pas! Mais ce qui paraît impossible aux hommes, est possible à Dieu!

Quand Jésus-Christ s’exprime avec tant de force et d’énergie sur l'extrême difficulté que trouveront les Riches du monde à pénétrer dans le Royaume des Cieux, il ne prétendait pas les désespérer; il voulait plutôt leur faire sentir le besoin qu’ils avaient d’une vigilance particulière et d’un plus grand effort de sa grâce, pour se sauver du naufrage parmi tant d’écueils.

J'ai vaincu le monde, et vous pourrez toujours le vaincre, quand vous combattrez AVEC moi.

Cette seconde réflexion vous fera travailler à votre salut dans le monde, avec une humble et salutaire confiance en Jésus-Christ.

Vous aurez des tribulations dans le monde; mais prenez courage, J’AI VAINCU LE MONDE. (Jean XVI. 33.)


* * *


13 mai

Sur la connaissance des vertus et des
 vices.


1er Point.

Il est aisé de s’y méprendre; il faut donc avoir une grande droiture de coeur.

Il faut beaucoup d’attention sur soi-même pour en faire le discernement sans quoi nous prendrons; de véritables vices pour des vertus:

- l’ambition, pour une inclination héroïque;

- la vengeance, pour un acte de justice;

- la hauteur, pour une élévation de sentiments;

- le luxe, pour une dépense nécessaire;

- la fourberie, pour sagesse;

- la témérité, pour valeur;

- la licence même et le libertinage, pour une liberté permise.


2e Point.

La même illusion nous fera prendre de véritables vertus pour des vices.

- La patience ne nous paraîtra qu’une honteuse faiblesse;

- l’économie, une sordide avarice;

- l’oubli des injures, une lâcheté;

- l’humilité, une bassesse;

- la prudence, une timidité mal entendue;

- la retenue dans les discours, un silence stupide.

Un Chrétien doit donc s’appliquer à faire un juste discernement des vices et des vertus pour juger avec équité autant ceux qui lui sont soumis que pour se juger lui-même.


* * *

14 mai

Sur les moyens de se sanctifier DANS 
le monde.


1er Point.

Le premier, est de considérer que l'état d’un Chrétien qui vit dans le monde n’est point incompatible avec la Sainteté.

Tertullien avait dit, qu'un Chrétien ne pouvait être Empereur; et d’autres soutinrent qu’il ne pouvait être riche.

Ils étaient dans l’erreur:

- la piété est de tous les états; tous ne sont pas appelés à quitter le monde;

- le Christianisme ne forme pas par lui-même une condition particulière et différente des autres; mais il les perfectionne toutes également.

Soyez riche ou pauvre, maître ou esclave, né dans la poussière ou élevé sur le trône, vous êtes appelé au Royaume des Cieux; et, sans renoncer à votre état, vous pouvez y parvenir.


2e Point.

Le second, est de réformer les abus et de profiter des grâces de son état.

Il y a des abus propres à chaque état.

- L’orgueil, l’oisiveté, la mollesse, sont les abus de la grandeur;

- le luxe, la dureté, les folles dépenses, sont les abus des richesses;

- l’impatience, le murmure et la fraude, sont les abus de la pauvreté.

Évitez ces abus, et vous pourrez vous sanctifier dans la pauvreté, dans l’opulence et dans la grandeur.

Il y a aussi des grâces propres de chaque état, c’est-à-dire, des grâces spécialement destinées à nous garantir des vices et des périls relatifs à notre état, et le salut dépend de notre zèle à demander ces grâces, et de notre fidélité à y répondre.


Apprenons à vivre DANS le monde

sans être DU monde!


* * *

15 mai

Sur les obstacles que le monde oppose 
à notre salut.


1er Point.

Plus ces obstacles sont grands, plus ils doivent animer notre courage.

Il s’agit ici de «gagner» le Ciel: prétendez-vous y arriver sans qu’il vous en coûte aucun effort?

Il s’agit d’obtenir la couronne des Vainqueurs: peut-on espérer vaincre sans avoir combattu?

Plus les périls sont grands, plus les obstacles nous paraissent invincibles: plus on aura besoin de persévérance pour en triompher.

Fera-t-on moins pour Dieu que pour le monde?

Aura-t-on moins de force, moins de confiance et de courage pour acquérir les biens immortels de la vie future, que l’on n’en a pour se procurer les biens fragiles et passagers de la vie présente?


2e Point.

Il n'y a aucun de ces obstacles dont on ne puisse tirer avantage pour son salut....

... parce qu’il n’y en a aucun qui ne puisse être un moyen de sanctification, si nous savons en faire un bon usage.

- Les richesses ne nous fournissent-elles pas mille occasions d’exercer la charité, et d’amasser dans le Ciel un trésor de bonnes oeuvres?

- L’autorité ne nous met-elle pas à portée de faire régner la justice, et de conduire les hommes à la vertu PAR NOTRE EXEMPLE.

En mettant tout à profit, on trouve Dieu partout: on le sert, on l’aime, on l’adore, on se sanctifie dans tous les états et dans toutes les circonstances de la vie tant que l'on reste dans la crainte de Dieu et dans l'obéissance à sa parole.


* * *

16 mai

Sur l'amour de la retraite.


1er Point.

Cet amour est souvent une illusion pour un Chrétien qui vit dans le monde.

Les mondains eux-mêmes forment quelquefois des projets de retraite.

Quand on leur parle de se convertir à Dieu, et de mettre l’ordre et la réforme dans leur conduite, ils nous répondent; qu’ils veulent tout quitter, tout abandonner, comme si le dérèglement de leur vie était inséparablement attaché à leur condition, et qu’il ne fût pas en leur pouvoir de s'en séparer.

Mais réfléchissez: ce n’est point le tumulte du monde et l’agitation extérieurs de vos affaires qui vous empêche de servir Dieu; c’est plutôt le trouble intérieur de vos passions que vous écoutez; c’est l’empire de vos habitudes vicieuses que vous chérissez.


2e Point.

On peut trouver, quand on veut, la retraite et la solitude au milieu du monde.

Principalement par le bon usage du temps. Ne peut-on pas ménager toujours quelques heures ou quelques moments de retraite pour méditer la Loi de Dieu?

Ne peut-on pas se faire habituellement à soi-même une espèce de retraite au fond de son coeur où l’on s’entretient intérieurement avec Dieu, tandis que l'on paraît occupé des soins et des intérêts du siècle?


Alors tandis que l’esprit est attentif aux affaires du monde;

le coeur est à Dieu.


L’Éternel est ma retraite, Mon Dieu est le rocher de mon refuge. (XCIV Ps. 22.)

Mais quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. (Matth. VI. 6)

* * *

17 mai

Sur la connaissance du monde.


1er Point.

Plus on le connaît, plus on le méprise.

S’il a de quoi nous éblouir, il a aussi de quoi nous désabuser, nous désillusionner.

- On sait, pour peu qu’on le connaisse, que personne n’y est content;

- On sait le peu d'appui qu’il y a à faire sur ses biens passagers qui n’ont rien de solide; des biens qui nous échappent et qui disparaissent comme de vains fantômes au moment que nous y pensons le moins.

Le Solitaire qui n’a point connu le monde a besoin de beaucoup de réflexions pour en être gardé; le peu d’expérience qu’il en a, lui en cache le néant et la vanité.

Le Chrétien affermi les découvre au premier coup d’oeil quand il le voit de plus près.


2e Point.

Plus on le connaît, plus on veut s'en détacher.

Il suffit de réfléchir sur la FAUSSETÉ de ses caresses, sur L’INCONSTANCE de ses faveurs, et sur la BASSESSE de ses artifices.

- Tout est VAIN dans ses promesses;

- Tout est FAUX dans son commerce, ses relations;

- Zout est FLATTERIE ou médisance dans ses discours!

L'ambition, l’intérêt, la jalousie, sont les seuls ressorts qui le font agir: LA VÉRITÉ EN EST BANNIE!

On n'y trouve partout que dissimulation, mensonge, artifice et déguisement des sentiments.

Parmi cette foule de gens qui vous environnent, combien en compterez-vous qu’une vraie et sincère amitié est attachée à votre personne; des personnes du monde qui voulussent bien partager vos malheurs et qui soient pas prêtes à se dévouer sans chercher à prendre votre place?


Voilà, vous connaissez le vrai portrait du monde;

ET C’EST CE MONDE QUE L'ON PRÉFÈRE ENCORE À DIEU!


* * *

18 mai

Sur les dangers du monde.


1er Point.

Ces dangers n'empêchent pas qu'on puisse pratiquer la morale de l'Évangile indépendamment de notre état.

Les deux grands principes de cette morale sont qu'il faut aimer Dieu de tout son coeur, et le prochain comme soi-même.

Un Chrétien, sans quitter le monde et sans sortir de son état, ne peut-il pas remplir ces deux obligations qui renferment toute la Loi?

Ne peut-il pas s’élever à Dieu par la Foi, s’unir à lui par l’amour, se communiquer au prochain par la charité, et, s’il tombe dans quelque faute, se repentir sincèrement?


2e Point.

Ces dangers n'ont point empêché que la foi chrétienne n'ait été pratiquée dans toutes sortes d’états, de conditions.

Rappelez-vous les Saints qui ont vécu comme vous au milieu du monde, sans jamais faire au monde le sacrifice de leur «Religion» et de leur salut.

Souvenez-vous de ces Rois qui, malgré tous les charmes et tous les embarras du siècle, ont eu la force de s’élever aux pensées de l’éternité en entretenant, dans leur coeur, une relation secrète et continuelle avec Dieu.
Toujours soumis à l'autorité de sa Loi, toujours fidèles aux impressions de sa grâce:


QUI VOUS EMPÊCHE DE LES IMITER?


* * *

19 mai

Sur la sainteté propre d’un Chrétien
 engagé dans le monde.


1er Point.

À considérer par rapport à sa conduite extérieure.

Le Chrétien se fait un point capital d’accorder les devoirs de la vie civile avec ceux de la «Religion»: il n'oublie jamais ce qu’il doit à Dieu, sans rien négliger de ce qu’il doit au monde.

S’il se familiarise avec PEU de personnes, il a de la douceur et de la complaisance pour TOUS.

Bon Maître, bon Sujet, bon Citoyen, bon Magistrat, bon Guerrier, bon Père de famille, Fils soumis, Époux fidèle, Ami confiant et généreux, il fait voir dans toutes ces actions que la piété est utile à tout, et que c'est à elle que les biens solides de la vie présente et ceux de la vie future ont été promis.


2e Point.

Après ce qui paraît au-dehors; pénétrez à l'intérieur de son âme.

C’est là qu’il donne un libre essor à ces grands sentiments de Foi, de «Religion» et de Piété dont il est rempli.


En réalité, il ne vit que pour Dieu!

Il n'agit, il ne parle, il ne travaille, il ne respire que pour Dieu.


Que de nobles, que de généreux sacrifices ne fait-il pas au fond de son coeur!

Les hommes, qui ne voient que les apparences, ne trouvent rien dans son extérieur qui le distingue des autres Fidèles; mais ce Dieu qui sonde les plus secrets replis des consciences, aperçoit dans la sienne les motifs les plus purs, les dispositions les plus saintes et les plus sublimes.

Moi, l’Éternel, j’éprouve le coeur, je sonde les reins, Pour rendre à chacun selon ses voies, Selon le fruit de ses oeuvres. (Jérémie XVII. 10.)


* * *

20 mai

Sur la pensée de la mort.


1er Point.

Pensez souvent à la mort.

Pensez-y tous les jours, pensez-y continuellement pour être toujours prêt à comparaître devant Dieu.

SOYEZ PRÊTS, disait le Sauveur, parce que le Fils de l'homme viendra à l'heure que vous n'y penserez pas.

Vous aussi, TENEZ-VOUS PRÊTS, car le Fils de l’homme viendra à l’heure où vous n’y penserez pas. (Luc XII. 40. V. S.)

Son arrivée, c'est la mort qui vous surprendra si vous n'êtes toujours pas préparé!

Comment serez-vous préparé si vous y pensez rarement, si vous n'y pensez jamais?

L'instant, où vous perdrez de vue ce moment décisif pour votre salut, pourrait bien être celui que Jésus-Christ prendra pour vous appeler à lui.

Ayez donc toujours votre dernière heure devant les yeux, disait Saint Basile:

- quand le jour commence doutez que vous en verrez la fin;

- quand vous entrez dans les ténèbres de la nuit, ne vous assurez pas de voir le jour suivant.


2e Point.

Pensez-y pour sanctifier toutes vos actions.

Non, il n’y a point de moyen plus efficace pour nous engager à bien vivre, que de penser que chaque jour qui commence sera peut-être le dernier jour de notre vie.

C’est ainsi qu’en usait le Saint homme Job:

Depuis que je suis au monde, disait-il, j'attends chaque jour que mon changement arrive: vous m'appellerez, Seigneur, et je vous répondrai.

Appelez-moi quand il vous plaira; à quelque heure, en quelque lieu que ce soit, je suis prêt à vous répondre.

Si l'homme meurt, revivra-t-il?
J'attendrai [donc] tous les jours de mon combat, jusqu'à ce qu'il m'arrive du changement.
Appelle-moi, et je te répondrai; ne dédaigne point l'ouvrage de tes mains. (Job XIV: 14-15. V. D. M.)

Mettez-vous en état de tenir à Dieu le même langage.


* * *

21 mai

Sur l'application que l'on doit avoir aux devoirs de son 
état.
(En rapport avec la vie privée, professionnelle ou religieuse.)


1er Point.

Cette application est indispensable.

Vous vivez dans le monde, et vous ne voulez point y avoir d’autres occupations que la prière; d’autres soins, d’autres travaux que celui de méditer les vérités du salut:


C’EST UN ABUS.


Vous ne pouvez être un vrai Chrétien qu’autant que vous remplissiez fidèlement les devoirs de votre état. C’est-à-dire, travailler à l’affaire dont vous êtes chargé par votre profession et par votre état.

Mais nous vous exhortons, frères, à abonder toujours plus dans cet amour, et à mettre votre honneur à vivre tranquilles, à VOUS OCCUPER DE VOS PROPRES AFFAIRES,

et À TRAVAILLER DE VOS MAINS, comme nous vous l’avons recommandé, en sorte que vous vous conduisiez honnêtement envers ceux du dehors, et que vous n’ayez besoin de personne. (1 Thess. IV. 10-12. V. S.)

Voilà un commandement et une prière à la fois, qui marque à quel point l’Apôtre Paul jugeait cette application importante et nécessaire pour le salut.


2e Point.

Cette application est souvent négligée par ceux même qui font profession de piété.

On pratique tous les devoirs extérieurs de la «Religion», mais on ne fait pas assez attention à ceux de sa charge.

On prolonge les prières dans le saint Temple; et l’on abrège le temps que l’on doit au travail.

On entre dans toutes les œuvres de charité et on néglige des obligations de justice.

On prie Dieu..., et on fait négligemment le service du Prince.


* * *

22 mai

Sur l'hommage que l’on rend à Dieu en s’acquittant correctement des devoirs de son état.
(En rapport avec la vie privée, professionnelle ou religieuse.)


1er Point.

Dieu est celui qui nous a placés dans l'état où nous nous trouvons.

Il semble d'abord que c'est uniquement la noblesse ou la faveur qui fait les Grands; le hasard ou l'industrie qui fait les Maîtres et la nécessité qui fait les Serviteurs (les Ouvriers).

Mais si vous remontez à la véritable source des différentes conditions, vous trouverez qu'elles viennent de Dieu qui les a instituées et ordonnées pour le maintien de la société humaine.


2e point.

Les devoirs de notre état sont aussi une partie essentielle du culte que nous devons à Dieu.

Qui peut douter que la «Religion» vient de Dieu et qu'il exige que nous pratiquions tous les devoirs d’un état dont il est l’auteur!

L’aurait-il institué cet état, sans vouloir que l’on en remplisse les obligations?

Il le veut sans doute; et dans ce sens, il est vrai de dire que les devoirs d’état sont de véritables devoirs de «Religion»; et que même s’ils diffèrent par leur objet, ils n’en diffèrent nullement par:


L’OBLIGATION DE LES ACCOMPLIR qu’ils nous imposent

indépendamment de notre rang!


Maîtres, accordez à vos serviteurs ce qui est juste et équitable, sachant que vous aussi vous avez un maître dans le ciel. (Col. IV. 1)

Serviteurs, soyez soumis en toute crainte à vos maîtres, non seulement à ceux qui sont bons et doux, mais aussi à ceux qui sont d’un caractère difficile. (1 Pierre II. 18.)


* * *

23 mai

Sur les défauts de ceux qui remplacent des pratiques de piété par les devoirs de leur état.
(En rapport avec la vie privée, professionnelle ou religieuse.)


1er Point.

Le premier défaut c'est l'orgueil.

La pratique des devoirs de notre état, quoiqu’expressément commandée par la «Religion», n’a rien d’éblouissant: elle n’annonce pas par elle-même une piété remarquable.

Les pécheurs s’acquittent quelquefois de ces sortes de devoirs, du moins à l’extérieur, avec autant d’exactitude et de fidélité que les justes. Il n'y a donc rien là qui flatte l’orgueil quoique cet orgueil veut toujours être flatté.


2e Point.

Le second défaut, c'est le caprice de la volonté propre.

Nous voulons jouir des droits de notre liberté jusque dans la pratique de nos devoirs; et comme ceux de notre état ne conviennent pas toujours à nos fantaisies et à nos caprices, nous aimons les remplacer par d’autres qui nous plaisent davantage, parce qu’ils sont de notre choix:

des exercices de piété qu’on peut changer, varier, diversifier, prolonger ou abréger à son gré.


Chacun faisait ce qui lui semblait bon.

(Juges XVII. 6.)



* * *

24 mai

Sur la fidélité que la «Religion» nous inspire à l’égard des devoirs de notre état.
(En rapport avec la vie privée, professionnelle ou religieuse.)


1er Point.

Celui qui se conduit fidèlement à l'égard de la «Religion» sera aussi fidèle à tous les devoirs de son état.

Aucune passion, aucun motif humain ne peut nous faire, à cet égard, des demandes aussi étendues que celles de la «Religion».

- Combien, dans chaque état, n'y a-t-il pas des devoirs obscurs que la vanité même nous ferait abandonner parce qu’il n’y aurait rien à gagner pour elle à les accomplir?

- Combien de ces devoirs nous paraissent petits et sans importance?

- Combien y en a-t-il qui nous laissent absolument indifférents?

La «Religion» nous soutient; aussi bien dans la pratique des devoirs obscurs comme dans celle des devoirs éclatants parce qu'il y a plus à gagner pour la «Religion», qu'à perdre pour la vanité.

La «Religion» ne connaît point de petits devoirs ou de devoirs indifférents.


2e Point.

Être fidèle dans tous les temps.

Si c'est le respect humain ou la vanité qui vous guident, ces motifs vous soutiendront à la vue des hommes; mais vous serez infidèle quand ils ne verront pas votre infidélité:

Tel est brave au grand jour, qui devient lâche dans les ténèbres.

D’ailleurs les passions se succèdent les unes aux autres et détruisent les précédentes.

S'il en survient une contraire et supérieure, le devoir sera bientôt sacrifié:

Ce père de famille que l’intérêt rendait sage, l’amour désordonné le rendra dissipateur de ses biens.


* * *


25 mai

Sur les peines attachées à la pratique des devoirs de chaque état.
(En rapport avec la vie privée, professionnelle ou religieuse.)


1er Point.

Il n'appartient qu'à la «Religion» de nous les adoucir.

Il n’y a presque personne dans le monde qui soit content de son état, et qui n’envie celui d’un autre.

Mais si vous envisagez votre état dans l'esprit de la «Religion», vous ne vous plaindrez plus des peines qui en sont inséparables; vous ne serez plus tenté de changer d’état et vous serez reconnaissant d'avoir ce travail.

Toutes les conditions vous paraîtront égales, parce qu’elles sont toutes réglées et établies par la volonté de Dieu, vous n’en préférerez donc aucune parce que:


RIEN N’EST PRÉFÉRABLE À CE QUE DIEU VEUT,

À CE QUE DIEU ORDONNE.


2e Point.

Les peines accidentelles qui se joignent si souvent aux peines essentielles et communes à tous les états.

Quelle épouse saura mieux supporter un joug que les défauts et les caprices d’un homme rendent quelquefois si dur, que celle qui envisagera son état dans l’esprit de la «Religion»?

Quel maître, quel serviteur, quel enfant, quel père de famille saura faire un meilleur usage des chagrins qu’il éprouve dans son état, que celui qui aura les yeux attachés sur cette Providence divine qui les aura permises?

Réfléchissez sur ce principe, et faites-en l’application aussi bien aux peines essentielles ou accidentelles et particulières de votre état.


* * *

26 mai

Sur le mérite attaché à la pratique des
 devoirs de son état.
(En rapport avec la vie privée, professionnelle ou religieuse.)


1er Point.

Cette pratique est une source abondante de mérite.

Car en quoi consiste le vrai mérite de l'homme?

- N’est-ce pas à faire continuellement ce que Dieu veut, ce que Dieu ordonne?

- Qui est-ce qui le sait mieux sinon celui qui accomplit fidèlement les devoirs de son état?

Le travail entrepris dans UN TEMPS OÙ IL NOUS EST PRESCRIT PAR LE DEVOIR, est donc une occupation plus sainte plus méritoire que la prière.


2e Point.

Jésus-Christ, notre maître et notre modèle, semble avoir fait de cette pratique un des principaux fondements de son mérite.

Il n’employa que les trois dernières années de sa vie à faire ces grandes actions et ces grands sacrifices qui nous étonnent.

Que faisait-il donc pendant les trente années qui les précédèrent?

- II accomplissait les devoirs de son état;

- Il obéissait à ses parents;

- Il vivait du travail de ses mains:

Il y avait à Jérusalem des sectes nombreuses et austères de Pharisiens, qui ajoutaient à la Loi mille observances nouvelles. Le monde admirait leur sainteté.


Où était cependant le vrai mérite et la plus parfaite vertu?


N’était-ce pas sous ce toit rustique où Jésus-Christ soumis aux volontés de son Père était uniquement occupé des devoirs de son état?


* * *


27 mai

Sur le motif qui doit nous conduire dans la pratique des devoirs de notre état.
(En rapport avec la vie privée, professionnelle ou religieuse.)


1er Point.

Nous ne devons avoir en vue QUE la pensée de plaire à Dieu.

La «Religion» nous assujettit à cet égard aux mêmes devoirs que le monde; mais elle exige des motifs différents: elle veut que nous fassions, par un esprit de soumission aux volontés divines, ce que font dans leur état, la plupart des hommes par un esprit de vanité, par un esprit d’ambition, par un esprit d’intérêt ou de cupidité.

Serviteurs, disait Saint Paul, obéissez à vos maîtres pour obéir à Dieu.


2e Point.

Ce n'est pas toujours la différence des occupations qui fait dans chaque état la différence du pécheur et du juste, c’est plutôt la différence des motifs qui les font agir.

Le juste travaille pour Dieu, et le pécheur pour le monde ou pour lui-même;

Le juste cherche à gagner les biens du Ciel et le pécheur à acquérir ceux de la terre;

Le juste travaille pour la gloire de Dieu et pour son salut, et le pécheur pour sa fortune ou pour sa propre gloire.

Par cette différence: le même travail rend l'un parfait dans sa «Religion» et l’autre entièrement vide des bons fruits de la «Religion».


* * *

28 mai

Sur les dangers propres de chaque état.
(En rapport avec la vie privée, professionnelle ou religieuse.)


1er Point.

Il n'y a point d'état qui n’ait ses peines, il n'y en a point non plus qui ne mettent en danger le salut.

Si vous portez, dans toutes les occupations propres de votre état, un esprit de «Religion» et la pensée de l'éternité, vous ne trouverez dans tous ces dangers uniquement de fréquentes occasions de remporter des victoires:

- vous triompherez de l’orgueil, en usant des honneurs avec modestie;

- de la volupté, en usant des plaisirs, même permis, avec modération;

- de la cupidité, en usant des richesses sans faste et sans attachement.


2e Point.

Que dit l'Écriture de celui qui se sanctifie dans le monde malgré les dangers propres de son état?

Si donc quelqu’un se conserve pur, en s’abstenant de ces choses, il sera un vase d’honneur, sanctifié, utile à son maître, propre à toute bonne oeuvre.

Fuis les passions de la jeunesse, et recherche la justice, la foi, la charité, la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un coeur pur.

Repousse les discussions folles et inutiles, sachant qu’elles font naître des querelles. (2 Tim. II. 21-23.)

Il est digne de toutes nos louanges; et sa vie quoique simple et commune en apparence, doit être regardée comme une suite continuelle de prodiges.

Il a su se servir des dangers même de son état pour se rendre parfait dans sa «Religion»:

Il sera donc couronné d'une gloire immortelle parce qu’il a été tenté de violer la Loi de Dieu, mais il est demeuré fidèle; il aurait pu faire le mal, mais il ne l’a pas fait!


* * *

29 mai

Sur les vertus qu’on exerce en pratiquant les devoirs de son état.
(En rapport avec la vie privée, professionnelle ou religieuse.)


1er Point.

Un Chrétien trouve dans les devoirs de son état un exercice continuel de charité.

Il n’y a aucun état dans le monde qui n’ait un rapport immédiat au bien général de la Société.

IL Y A UN COMMANDEMENT DE DIEU QUI NOUS OBLIGE À AIMER LE PROCHAIN COMME NOUS-MÊMES:


Par conséquent de travailler à le rendre heureux,

et à lui procurer tous les avantages qui dépendent de nous.


Il ne tient donc qu’à vous d’envisager, dans toutes vos occupations, le rapport direct qu’elles peuvent avoir à l'utilité publique ou particulière de votre prochain, et de vous proposer une fin noble, pure et méritoire devant Dieu.


2e Point.

Un Chrétien trouve dans les peines de son état un exercice continuel d'humilité.

Point d’état qui n’ait ses chagrins et ses peines; les Rois même n’en sont pas exempts sur le trône; et si ceux qui les approchent souffrent continuellement, des assiduités et des complaisances qu’ils sont obligés d'avoir pour leurs maîtres, ceux-ci ne souffrent pas moins des fautes et des négligences de ceux qui les servent.

Dans quel état ne trouve-t-on pas des croix et des épines, des assujettissements, de la gène et de la contrainte?

Il faut en profiter en s’y soumettant dans un esprit d'humilité, en les déposant devant Dieu et en demandant son secours pour rester ferme dans la foi.


* * *

30 mai

Sur la gloire du monde.


1er Point.

Les mondains ne travaillent que pour la gloire du monde.

Ils veulent être loués, ils veulent être estimés, considérés.

- Ils ambitionnent les titres et les distinctions éclatantes; ils les demandent; ils les recherchent pour eux-mêmes, pour leurs descendants et pour leurs familles;

- Ils n’aspirent qu'à rendre leurs noms immortels;

- Plus ils sont élevés, plus ils croient avoir de moyens pour y réussir.

Voilà ce qui s’appelle la gloire du monde: voilà l’idole à laquelle les mondains sacrifient leurs soins, leur temps, leur repos et quelquefois leur vie et leur éternité.


2e Point.

La fausseté de la gloire du monde.

La vraie gloire ne peut pas se trouver dans les louanges des hommes qui sont souvent injustes et rarement sincères.

Elle n’est point dans le respect et dans les hommages des hommes dont le coeur a si peu de part;

Elle n’est point non plus dans les titres gravés sur le marbre et sur l’airain, que le temps détruit, et qui disparaissent au même titre que les Héros.


IL N’Y A QUE DIEU SEUL QUI POSSÈDE

ET QUI PUISSE DONNER

L’IMMORTALITÉ.


Connaître votre puissance et craindre votre justice, ô mon Dieu, c’est le vrai principe et le solide fondement d’une gloire immortelle.


* * *

31 mai

Sur la gloire de Dieu.


1er Point.

Nous ne devons chercher et désirer QUE la gloire de Dieu.

Si je me glorifie moi-même, disait le Sauveur, ma gloire n'est rien, ce n’est qu’une ombre et une légère vapeur qui se dissipe, et qui n’a aucune consistance ni solidité.

Jésus répondit: Si je me glorifie moi-même, ma gloire n’est rien. C’est mon Père qui me glorifie... (Jean VIII. 54. V. S.)

Au Dieu immortel soit donc rendu tout l’honneur et toute la gloire: elle lui appartient en propre; IL EST L'AUTEUR ET LE PRINCIPE DE TOUT BIEN:

Il est donc juste qu’il ait la gloire de tout, et nous ne pouvons nous en attribuer la moindre partie sans une atteinte sacrilège à sa personne.


2e Point.

En ne cherchant que la gloire de Dieu, on s'assure à soi-même une gloire immortelle.

C'est mon Père qui me glorifie, disait le Sauveur, parce que je n’agis, et ne travaille que pour sa gloire.

N’attendons rien des hommes:


NE VIVONS ET NE TRAVAILLONS QUE POUR DIEU,

C’EST LUI QUI SERA NOTRE RÉCOMPENSE.


Nous sentons trop le néant et la bassesse des créatures pour nous contenter de leurs vains applaudissements:


NE SOYONS TOUCHÉS QUE DE LA GLOIRE DE DIEU.


* * *


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