Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

MÉDITATIONS POUR TOUS LES JOURS DE L’ANNÉE

MARS

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(note de la bibliothèque «Regard»: nous avons modifié certaines constructions de phrase et certains mots afin de rendre le texte plus facile à comprendre; le texte original fut publié en 1759)


1er mars

Sur l'amour déréglé de soi-même.


1er Point.

Il est naturel de s'aimer soi-même.

Dieu ne le défend pas, puisque c’est un sentiment qu’il a lui-même imprimé dans notre âme; mais il faut régler cet amour:

... Aimer son prochain comme soi-même, c’est plus que tous les holocaustes et tous les sacrifices. (Marc XII. 33. V. S.)

Celui qui ne s'aime que pour la vie présente est ennemi de lui-même!

Il ne s'occupe que de son bonheur, de ses intérêts, de ses plaisirs et de ses amusements, mais, en réalité, il s’éloigne à chaque instant du véritable centre de sa félicité éternelle:


DEVENANT LUI-MÊME L’AUTEUR ET L’INSTRUMENT DE SA RUINE.


Il creuse de ses propres mains le précipice affreux où il doit être englouti et tourmenté pour l’éternité.

La haine la plus grande et la plus persévérante ne pourrait jamais lui souhaiter et le faire souffrir en ce monde DES MAUX COMPARABLES À CEUX QU’IL SE PRÉPARE DANS L’AUTRE!


2e Point.

Le vrai Chrétien ne s'aime que pour la vie future.

Il est sans cesse en guerre avec lui-même pour combattre les mauvaises inclinations de sa nature.

Il se gêne, il se mortifie pour observer la Loi de Dieu,

il embrasse avec ardeur tout ce qu’elle lui commande;

il s’interdit tout ce qu’elle lui défend.

Quel insensé, disent les mondains!

Comment un homme peut-il vivre dans une pareille contrainte?

Leur surprise est une marque de leur aveuglement: ils ne comprennent pas que ce Juste qui travaille pour son bonheur à venir, connaît bien mieux ses véritables intérêts que ceux qui ne s’aiment eux-mêmes que pour le temps présent.


* * *


2 mars

Sur l'amour de la vie.


1er Point.

Il est permis à un Chrétien d'être attentif à la conservation de sa vie...

... Il y est même obligé, puisque Dieu la lui donne pour l’employer à son service et à sa gloire jusqu'à ce qu’il en marque lui-même les bornes selon les moyens qu’il aura permis ou ordonné d'après les conseils de sa sagesse.

Ne doutez donc pas qu’il condamne et qu’il punisse un jour très sévèrement ceux qui ne font aucun scrupule pour altérer considérablement leur santé afin de varier et de multiplier leurs plaisirs au risque d’abréger ainsi leurs jours.


2e Point.

Il n'est pas permis à un Chrétien d'aimer la vie pour satisfaire ses passions.

Vous aimez la vie pour elle-même et sans aucun retour vers le Dieu qui vous l’a donnée; vous l’aimez à cause des plaisirs dont vous jouissez;

vous l’aimez parce que vous ne connaissez point d’autre bonheur que celui des sens:

vous l’aimez, et cet amour étouffe dans votre coeur les sentiments de la foi, le désir et l’espérance de la vie éternelle.


Votre amour pour la vie est donc excessif et désordonné;

il vous empêche de désirer les biens de la vie future,

et par là il vous rend indigne de les posséder.


Si quelqu’un, en effet, veut aimer la vie Et voir des jours heureux,

Qu’il préserve sa langue du mal Et ses lèvres des paroles trompeuses,

Qu’il s’éloigne du mal et fasse le bien,

Qu’il recherche la paix et la poursuive; (1 Pierre III. 10-11)


* * *


3 mars

Sur la crainte de la mort.


1er Point.

Un Chrétien a de grandes raisons de craindre la mort.

Cette attitude ne doit pas s'entendre avec cette crainte honteuse, lâche et déshonorante, que l'on nomme proprement LA PEUR qui rend un homme tremblant et timide lorsque sa vie est en péril; c'est une faiblesse indigne d'un homme.

Il s'agit uniquement de cette crainte raisonnable et réfléchie QUI N'ENVISAGE LA MORT QUE PAR RAPPORT À L'ÉTERNITÉ OÙ ELLE NOUS CONDUIT!

Une crainte qui n’est point incompatible avec le courage, parce qu’elle est toujours accompagnée de la «Religion» et du devoir.

Cette crainte de la mort est fondée sur la juste sévérité du jugement de Dieu qui la suit immédiatement et qui décidera de notre sort pour l’éternité.


N’entre pas en jugement avec ton serviteur!

Car aucun vivant n’est juste devant toi.

(Ps. CXLIII. 2.)



2e Point.

L'usage de cette crainte est salutaire.

Elle ne doit point nous rendre timides lorsqu’il faudra perdre ou exposer notre vie; elle ne doit servir qu’à nous engager à bien vivre selon les enseignements de Dieu.

Si la mort n’est véritablement à craindre que parce qu’elle sera suivie d’un jugement si terrible et si redoutable, que ne dois-je donc pas faire pendant que je suis encore sur la terre pour sanctifier tous les jours de ma vie et pour travailler à mon salut


TRAVAILLEZ À VOTRE SALUT AVEC CRAINTE ET TREMBLEMENT...

(Philip. II. 12.)


* * *


4 mars

Sur le désir de la mort.


1er Point.

Le Chrétien peut désirer la mort pour être plus tôt avec Dieu, pour n'être plus exposé à perdre sa grâçe, pour être enfin dans un état immuable de justice et de sainteté.

II peut la désirer quand il pense que nous n'avons point sur la terre de Cité permanente, quand il regarde LE CIEL COMME SA VÉRITABLE PATRIE, et la terre comme un lieu d’exil.

C’est ce qui faisait dire à Saint Paul: Qui me délivrera de ce corps de mort!

Mais il disait aussi:

Je suis pressé des deux côtés:

j’ai le désir de m’en aller et d’être avec Christ, ce qui de beaucoup est le meilleur;

mais à cause de vous
il est plus nécessaire que je demeure dans la chair. (Philip. I. 23-24)


2e Point.

Ce désir est contraire à l'esprit du Christianisme, quand il n'est fondé que sur le dépit et l'impatience que nous causent:

1. La privation des biens de ce monde;

2. Les événements malheureux qui frustrent nos espérances et qui déconcertent les projets de notre ambition;

3. Les désagréments et les amertumes que nous ressentons de la dureté de ceux qui nous dirigent, ou de la malice de nos égaux;

4. Le dégoût de la vie qui nous prend dans l’accablement des diverses maladies.

5. Des regrets trop sensibles et trop humains qui s’emparent de notre âme, et qui en absorbent tous les mouvements suite à la mort des personnes qui nous sont chères.


* * *


5 mars

Sur le mépris de la vie.


1er Point.

Un vrai Chrétien doit mépriser la vie parce qu'il est disciple de Jésus-Christ.

Il s’est donné à lui; il s'est engagé à l'écouter comme son maître, à le suivre comme son modèle, à imiter ses sentiments lorsque son état ne lui permettrait pas de lui ressembler par les mêmes actions.

Or quel cas ce divin Sauveur a-t-il fait de sa vie?

Ne l’a-t-il pas sacrifiée, ne l’a-t-il pas prodiguée pour notre Salut?

Quand son heure fut venue, hésita-t-il un moment à y renoncer?

On ne pouvait la lui ôter; il fallait que lui-même la donnât.

La durée de la nôtre ne dépend pas de nous!


REFUSERONS-NOUS DE LA SACRIFIER

POUR UN DIEU QUI A SACRIFIÉ LA SIENNE POUR NOUS?


C'est le sentiment que doit nous inspirer le moindre regard jeté sur l’image de ce divin Sauveur expirant nos péchés sur une croix.


2e Point.

Parce qu'il a l'espérance de suivre Jésus-Christ dans sa gloire.

Cette espérance est une des trois vertus fondamentales du Christianisme (Maintenant donc ces trois choses demeurent: la foi, l’espérance, la charité; mais la plus grande de ces choses, c’est la charité. 1 Cor. XIII.13.).

Elle n’est donc pas moins nécessaire que la foi et la charité; et si elle nous manque, nous ne sommes plus de véritables Chrétiens.

Mais si nous l’avons, que doit nous paraître la vie présente en comparaison de la vie future?

Si quelqu'un m'aime, qu'il me suive,  disait le Sauveur, où je serai, là sera aussi mon Serviteur. (Jean XII. 26.)

Nous irons donc, après la mort, régner dans le Ciel AVEC Jésus-Christ; nous participerons au bonheur infini et incompréhensible de la Divinité.

Une telle espérance ne suffira-t-elle pas pour nous faire mépriser une vie fragile et passagère, pour fixer comme une ancre inébranlable notre cœur et nos désirs à cette vie éternelle qui nous est promise?


* * *


6 mars

Sur la disposition habituelle où les Chrétiens doivent être à l'égard de leur mort.


1er Point.

Ils peuvent la craindre ou la désirer à certains moments selon les différents points de vue dans lesquels ils l'envisagent.

C’est ainsi qu’en ont usé les Saints, qui sont nos modèles.

Écoutez Saint Paul:

Je me sens pressé des deux cotés, disait-il aux premiers Fidèles;

je désire de mourir pour être avec Jésus-Christ, ce qui est sans comparaison le meilleur;

mais il est nécessaire pour votre bien que je demeure encore sur la terre.

Je suis pressé des deux côtés: j’ai le désir de m’en aller et d’être avec Christ, ce qui de beaucoup est le meilleur; mais à cause de vous il est plus nécessaire que je demeure dans la chair. (Philip. I. 23-24. V. S.)

Vous voyez qu’il balance, pour ainsi dire, entre le désir et la crainte de la mort.

Il la désire pour être avec Jésus-Christ;

il la craint parce qu’il ne voudrait pas abandonner ses soins pour l'Église naissante.

D’un côté il voudrait quitter la vie pour aller à Dieu;

Mais, de l’autre, il consent à vivre pour le salut de ses frères.


2e Point.

Notre disposition habituelle doit être une soumission entière à la volonté de Dieu pour la vie ou pour la mort.

Non seulement pour la mort en elle-même, mais pour le genre de mort auquel il lui plaira de nous condamner.

Non seulement pour le genre de notre mort, mais pour le temps, pour l’âge, pour le jour et pour le moment où il voudra nous appeler à lui.

Soit que nous vivions ou que nous mourions, disait Saint Paul, nous sommes toujours au Seigneur; aucun de nous ne vit pour lui et ne meurt pour lui.

- Quand nous vivons, nous sommes à Dieu, parce que nous vivons pour lui par sa grâce;

- Quand nous mourons, nous sommes encore à lui parce que nous mourons dans une ferme espérance de régner avec lui dans sa gloire.


* * *

7 mars

Sur l'inquiétude de l'avenir.


1er Point.

Il y a un avenir dont nous ne devons point nous inquiéter.

C’est celui dont Dieu dispose indépendamment de nous et sans aucun concours de notre volonté:

Que m'arrivera-t-il, disent tous les jours les mondains?

Serais-je heureux ou malheureux?

Tous mes jours sont comptés; quel en sera le nombre, etc.?

Et ils consultent quelquefois pour le savoir, des Imposteurs, des Prophètes de mensonge, (astrologues, diseuses de bonne aventure, horoscopes, etc.) qui se jouent de leur crédulité, et qui les nourrissent de leurs chimériques prédictions.

Remarquez:

1. Que celui qui cherche à connaître l’avenir par les seules lumières de l’esprit humain, porte atteinte aux droits de Dieu, qui s’en est réservé la connaissance, et qui est résolu de nous la cacher ou de nous la révéler selon SA volonté.

2. Lorsque, pour y parvenir, il a recours à ces opérations suspectes où l'on évoque les morts ou l'on fait parler les Démons, sa curiosité est encore plus abominable.

3. Que, sans chercher à la connaître, il s’en inquiète à l’excès, il offense le Seigneur par son manque de confiance dans sa bonté.


2e Point.

Il y a un avenir dont nous devons sans cesse être occupés.

C’est celui auquel on pense le moins, dont on s’inquiète le moins, c’est CET AVENIR ÉTERNEL qui doit succéder à la courte durée de notre vie:


C’est LE SEUL que Dieu nous ordonne de prévoir

et auquel il nous avertit de nous préparer.


Cet avenir est certain: nous ne pouvons l’éviter, mais nous pouvons le rendre malheureux ou favorable par le bon ou le mauvais usage du présent.


* * *


8 mars

Sur la soumission à la volonté de Dieu.


1er Point.

Cette soumission est un devoir indispensable.

Un Sujet doit être soumis aux volontés de son Souverain, un Serviteur à celles de son Maître, et à plus forte raison, la Créature à celles de son Créateur!

Ô homme, s'écrie l’Apôtre Saint Paul, qui êtes-vous pour contester avec Dieu? Un vase d'argile dira-t-il à celui qui l'a fait: Pourquoi m'avez-vous fait ainsi?

Ô homme, toi plutôt, qui es-tu pour contester avec Dieu? Le vase d’argile dira-t-il à celui qui l’a formé: Pourquoi m’as-tu fait ainsi? (Rom. IX. 20. V. S.)

Et n’êtes-vous pas mille fois plus dépendant de Dieu, qu’un vase ne peut l'être de l’Ouvrier qui l’a formé?


2e Point.

Cette soumission fait notre bonheur.

Heureux l’homme en effet:

- qui se soumet en tout aux volontés divines,

- qui s’abandonne à la Providence,

- qui se laisse conduire par la sagesse de Dieu,

- et qui espère tout de la bonté.

Rien ne s’oppose à ses désirs, parce qu’il ne souhaite que ce que Dieu veut; et tout arrive selon sa volonté, parce qu’il veut et qu’il approuve sincèrement tout ce qui lui arrive.

Ô heureuse paix! ô douce tranquillité! Vous êtes le partage et la récompense de ces âmes fidèles qui se reposent, pour ainsi dire, dans le sein de Dieu, parce qu’elles n’ont jamais d’autre volonté que la sienne.


* * *

9 mars

Sur l’application personnelle que l'on doit se faire à soi-même des maximes évangéliques

(Des préceptes évangéliques).


1er Point.

On admire ces maximes, mais on ne les pratique pas.

Pour peu qu'on réfléchisse sur ces grands préceptes:

- d'un amour de Dieu supérieur à tout autre sentiment,

- d’un amour du prochain qui égale celui que nous avons pour nous-mêmes,

- d’un renoncement aux prétentions de l’amour-propre, qui élève un homme au-dessus de la terre, au-dessus de tous les intérêts humains:

Qui pourrait s’empêcher d’admirer des maximes si pures, si sublimes, et si raisonnables?

Mais quel est le fruit de cette admiration?

On n’en est, malheureusement, ni plus attentif à tous ces devoirs, ni plus détaché des biens de ce monde!


2e Point.

Cause de ce désordre.

Il vient en partie de ce qu’en admirant les préceptes et les maximes de l’Évangile, on n’a pas soin d'en faire une application personnelle, c’est-à-dire, de les appliquer à son état, à ses inclinations, à ses défauts et aux circonstances particulières où l’on se trouve.

On dira bien que rien n’est plus estimable qu’un véritable Chrétien; mais on ne dit pas:

- Le suis-je, et que dois-je faire pour le devenir?

- D’où il arrive que l’on est:


CHRÉTIEN EN PAROLES ET NON EN ACTES!


Mettez en pratique la parole, et ne vous bornez pas à l’écouter,

en vous trompant vous-mêmes par de faux raisonnements.

(Jacq. I. 22.)


* * *


10 mars

Sur la science du salut.



1er Point.

Elle est appelée dans l’Écriture la Science de Dieu.

Elle nous apprend à connaître Dieu, c'est-à-dire connaître le plus parfait et le plus accompli de tous les êtres; celui qui réunit dans le plus haut degré toutes les perfections inimaginables qui vont au-delà de tout ce que nous pouvons nous-mêmes imaginer.

Si la connaissance de ses moindres ouvrages nous paraît digne d'occuper notre esprit, que sera-ce que de le connaître lui-même?

Ô hommes! vous vous croyez habiles lorsque vous connaissez imparfaitement une partie des ouvrages de Dieu et vous ignorez la science du salut; vous renoncez à la connaissance de cet Être supérieur et souverain, qui renferme dans son essence divine tout ce qui peut ravir et satisfaire votre admiration sans jamais l’épuiser.


2e Point.

Cette science est appelée dans l'Écriture, la science des Saints (Prov. XXX. 3.)

Elle nous apprend à connaître nos devoirs et par conséquent à connaître la piété, la charité, la justice qui sont l’image de Dieu.

Cette connaissance de nos devoirs est proprement L'ART DE CONFORMER NOS ACTIONS AVEC LA NATURE ET LA VOLONTÉ DE DIEU et d’imiter ses perfections divines autant que l’infirmité humaine peut le permettre.

Quoi de plus digne d’occuper toute l’attention de notre esprit et tous les mouvements de notre coeur quand il est inspiré par Dieu.


* * *

11 mars

Sur la vanité des sciences humaines.


1er Point.

Connaissez Dieu et connaissez vos devoirs.

C'est la plus nécessaire de toutes les sciences; toutes les autres sont vaines et frivoles si nous ne les rapportons pas à la science du salut:

Que sert à l'homme, disait le Sauveur, de gagner tout le monde, s'il vient à perdre son âme?

Ne peut-on pas dire également:

Que sert à l’homme de tout savoir, s’il ignore ce qui seul peut le conduire au salut et au bonheur éternel de son âme?

Ce sont des spéculations STÉRILES, des connaissances qui n’ont aucun rapport avec cet unique et nécessaire salut que nous ne devons JAMAIS PERDRE DE VUE!

Des spéculations qui ne peuvent nous attirer, tout au plus, qu'une vaine fumée de gloire, ne sont, en réalité, qu’une oisiveté moins grossière et plus réfléchie, mais quand même une ignorance d'autant plus méprisable qu’elle est accompagnée pour l'ordinaire de beaucoup de présomption et d’orgueil.


2e Point.

Les connaissances humaines deviennent néfastes:

- quand elles nous détournent de la science du salut, c'est-à-dire, quand elles nous empêchent absolument d'y penser;

- quand elles n’ont aucun rapport, même éloigné, avec les devoirs de notre état;

- quand nous perdons, pour les acquérir, un temps que nous pourrions employer plus utilement à remplir des obligations plus essentielles;

- quand elles ne sont pour nous qu’un amusement pris avec excès, sans aucune fin raisonnable, et par conséquent sans fruit et sans mérite;

- quand nous ne cherchons qu’à satisfaire une vanité sans borne, une curiosité sans règle et sans mesure.


* * *

12 mars

Sur les moyens d'acquérir la connaissance de Dieu.


1er Point.

Le considérer en lui-même.

C'est à dire comme un ÊTRE INFINI, ÉTERNEL, IMMUABLE, qui remplit tout l’univers de l’immensité de sa présence, et qui remplirait également mille autres mondes plus vastes et plus étendus que celui-ci, qu’il pourrait créer par une seule parole, s’il le voulait.

C'est un Être qui possède toutes les perfections; SEUL grand, SEUL sage, SEUL puissant, SEUL immortel.

C'est un Être ADMIRABLE dans ses oeuvres, ADMIRABLE dans les effets de sa justice et de sa bonté, ADMIRABLE dans ses Saints, qui sont les ouvrages de sa grâce

C'est un Être qui est en même temps:

- le Dieu fort,

- le Dieu saint,

- le Dieu des armées,

- le Dieu de la paix

- et le Dieu des vertus.

Ô Roi de gloire! qui est semblable à toi?

Quel bonheur pour moi de te connaître?

Et quel malheur si je suis assez aveugle pour te connaître sans te craindre et sans t'aimer!


2e Point.

Le considérer par rapport à nous.

Il est l’auteur de notre existence, le principe et le conservateur de notre être;

- il est notre Souverain, notre Juge,

- notre refuge dans nos disgrâces,

- notre Consolateur dans nos afflictions,

- notre meilleur ami ou notre plus terrible ennemi,

- le soutien de notre vie,

- le fondement de nos espérances après notre mort,

- la source de notre félicité à venir,

- notre partage et notre récompense dans l’éternité.


Il doit donc être l’objet de TOUTES nos pensées,

le centre de TOUS nos désirs!


* * *

13 mars

Sur les moyens d'acquérir la connaissance 
de nos devoirs.


1er Point.

Le premier, c'est de consulter la Loi de Dieu.

Cette Loi parle et nous avertit de nos obligations.

David, au milieu de cette multitude prodigieuse d’affaires et d’occupations extérieures qui remplissait presque tous les moments de sa vie, trouvait encore du temps pour méditer la Loi du Seigneur.


CETTE LOI DIVINE ÉTAIT TOUJOURS PRÉSENTE À SON ESPRIT ET À SON CŒUR.


Quelle que puisse être, après le nombre et la variété des devoirs que cette Loi divine nous impose, même si la pratique est difficile, l’étude n’en est pas pour autant inaccessible puisqu’elle ne roule toute entière que sur deux préceptes:


Aimez Dieu par-dessus tout,

et le prochain comme soi-même


Toute la Loi et les Prophètes sont renfermés dans ces deux Commandements.

(Marc XII. 33.)


2e Point.

Le second moyen de connaître nos devoirs, c'est aussi de consulter notre conscience.

- C’est un Juge sévère que vous portez dans vous-même, et qui a établi son tribunal dans votre cœur;

- c’est un Guide qui vous montre la voie du salut;

- c’est un Censeur exact qui s’élève contre vos égarements.

Ne méprisez pas ses avis et ses reproches;

Ne rejetez pas la lumière que Dieu vous offre;

N’étouffez pas cette voix intérieure qui ne paraît importune qu’aux pécheurs obstinés, mais qui ramène à Dieu les âmes égarées lorsqu’elles n’ont pas perdu tout désir et toute espérance de leur salut.


* * *


14 mars

Sur le vrai bonheur.


1er Point.

Notre but et notre intérêt capital, c’est le bonheur.

Nous voulons tous être heureux; mais nous ne cherchons pas ce bonheur là où il est, et nous croyons le trouver où il n’est pas.

Si vous considérez le bonheur, dans sa nature, vous verrez qu’il consiste d’un côté à être exempt, s’il est possible, de tout mal, ou au moins des plus grands maux, et de l’autre, à jouir, s’il se peut, de tous les biens, ou du moins des plus grands biens.

L’exemption des douleurs ou des incommodités du corps fait, si vous le voulez, une partie du bonheur; mais elle n’en est que la moindre partie.

Pour être heureux, il est encore plus essentiel d’être délivré des chagrins, des tourments et des inquiétudes de l’âme.

C’est pour cette raison que l’on voit:

- tant de pauvres heureux dans leur indigence, parce qu’ils jouissent de cette tranquillité;

- tant de riches malheureux dans leur opulence, parce que leur âme est en proie à des chagrins cuisants et à de cruelles inquiétudes.


2e Point.

Si vous considérez le bonheur par rapport à sa durée, il consiste sans doute...

à être heureux, non pour un peu de temps, mais pour le plus longtemps qu’il est possible, et s’il ce peut pour l'Éternité.

En un mot, le vrai, le parfait bonheur est celui qui réside dans notre âme et qui n’a jamais de fin.

Donc il n’y a que la «Religion» qui puisse nous le procurer, puisqu’elle seule a pour but de nous conduire à cette grande félicité par Jésus-Christ qui nous délivre des plus grands maux, et qui nous assure, pour toujours, la possession d’un bien infini dans sa nature et dans sa durée.


* * *

15 mars

Sur le bonheur des Pécheurs comparé
 à celui des Justes.


1er Point.

Le mauvais Riche vivait dans l’abondance et dans les délices, et Lazare était accablé de misère et d’infirmités.

Voilà des biens d’un côté et des maux de l’autre; mais si vous considérez ces deux hommes pendant leur vie, vous trouverez que l’état du Riche ne l'empêchait pas d'avoir de grands maux, et ne lui donnait pas les biens véritables, PUISQU'IL N’AVAIT QUE DES BIENS TERRESTRES ET PASSAGERS qui ne subsistent pas et qui étaient insuffisant pour lui donner la paix du cœur.

Lazare au contraire jouissait des plus grands biens, il était exempt des plus grands maux qui trouble le coeur puisque ses biens étaient intérieurs et solides tandis ses maux n’étaient qu'extérieurs et pour peu de durée.


2e Point.

Si vous les considérez après leur mort, vous verrez le mauvais Riche enseveli et conduit en enfer; quant à Lazare il est porté par les Anges dans le sein d'Abraham.

L’un souffre de maux infinis et éternels;

L’autre goûte des délices inexprimables dont il ne verra jamais la fin:


LEQUEL DES DEUX A MIEUX CONNU LE VRAI BONHEUR!


* * *


16 mars

Sur la distinction de l'âme et du corps.


1er Point.

Notre âme est une substance spirituelle, qui pense, qui voit, qui réfléchit, qui sent la joie ou la tristesse, le plaisir ou la douleur.

Notre corps n’est par lui-même qu’une substance morte et inanimée.

1° L’Éternel Dieu forma l’homme de la poussière de la terre,

2° il souffla dans ses narines un souffle de vie et l’homme devint un être vivant. (Genèse II. 7)

L’âme seule est susceptible de vie et de sentiment. Qu’elle soit séparée du corps, celui-ci n’est plus qu’un amas de cendre et de poussière (Genèse III. 19), II ne peut donc y avoir de bonheur que dans notre âme; nous ne sommes heureux que par elle.

Or il est certain que le bonheur de notre âme ne consiste pas dans les biens extérieurs et dans les plaisirs des sens puisque l’expérience nous apprend que ces sortes de biens ne sont pas capables de lui procurer un parfait repos, une tranquillité intérieure et inaltérable.


2e Point.

Notre âme est une substance immortelle capable de jouir d’une félicité éternelle.

Donc le plus haut point de la sagesse serait de souffrir patiemment les maux, et de sacrifier, s’il le faut, les biens de la vie présente, pour assurer à notre âme les seuls biens qui lui épargneront les maux de la vie future.

C’est pour cette raison que la «Religion» nous donne pour maxime de travailler avec plus de soin à éviter des tourments éternels; elle nous rappelle aussi que nos afflictions seront courtes et légères, car leur durée ne peut s'étendre au delà des limites de notre vie.


Travaillez, non pour la nourriture qui périt,

mais pour celle qui subsiste pour la vie éternelle...

(Jean VI. 27.)


* * *


17 mars

Sur la passion dominante.


1er Point.

Il faut connaître notre passion dominante si nous ne voulons pas qu'elle nous aveugle.

L'étude et la connaissance de soi-même n'est pas moins nécessaires pour former un véritable Chrétien que pour former un Sage, selon les principes de la philosophie humaine.

Si vous ne connaissez pas votre passion dominante, celle qui place le Seigneur au second plan, vous serez facilement aveuglé par elle, ébloui et gêné pour considérer l'essentiel.

Exact et scrupuleux sur la plupart des articles de la Loi de Dieu, il y en aura UN sur lequel vous aurez certainement du relâchement et:


CE SERA TOUJOURS CELUI QUI SE TROUVERA CONTRAIRE

À LA PASSION QUI VOUS DOMINE.


2e Point.

Il faut absolument réprimer sa passion dominante parce que l'aveuglement qu'elle produit ne pourrait nous justifier.

D'abord parce qu'elle est néfaste dans son principe puisque son effet consiste à nous dominer alors que ce devrait être le Seigneur.

Ensuite parce que les remèdes sont faciles SI nous voulons les utiliser.

Ces remèdes consistent à consulter Moïse et les Prophètes, c'est-à-dire ceux qui sont, par leur état, les Interprètes de la Loi de Dieu, et par conséquent des Guides dans la voie du salut, sans oublier les enseignements du Nouveau Testament qui concernent spécifiquement l'Église de Jésus-Christ.

Ensuite nous appliquer à nous-mêmes la même censure que nous faisons tous les jours avec tant de lumière et de discernement sur la conduite des autres.


* * *

18 mars

Sur les moyens de connaître nos passions dominantes.


1er Point.

Pour les connaître, il faut d'abord faire attention à leur nombre.

Beaucoup ont plusieurs passions qui les dominent successivement, d’autres en ont qu'une seule, mais dont ils sont continuellement occupés.

Ceux qui en ont plusieurs ne s'inquiètent pas aussi facilement de leur état que ceux qui n’en ont qu’une.

Cette multitude de passions qui les gouvernent leur fait commettre tant d'écarts ou de péchés qu'il leur est comme impossible d'en prendre suffisamment conscience ; le Seigneur n'étant même plus à la seconde place!


2e Point.

Pour les connaître, il faut faire attention aux différents caractères qui les distinguent l'un de l'autre.

Il y en a des passions si grossières qui jettent un homme dans de si grands désordres, qu’il ne peut se les cacher longtemps.

David et Salomon pouvaient-ils le cacher à eux-mêmes la passion qui les dominait au point d'engager:

- l'un à répandre le sang du fidèle Urie;

- l’autre à renoncer au culte du vrai Dieu pour adorer des idoles!

II y a d’autres passions dont les dérèglements sont moins sensibles, qui demeurent en quelque sorte cachées dans les replis du coeur, telles que la jalousie, la haine, la vanité, la paresse.

Celles-là n’ont souvent aucun dehors qui nous frappe; elles nous trompent; elles nous aveuglent avec d’autant plus de facilité qu’elles ne nous font presque pas sentir leur domination.

Faites donc mourir les membres qui sont sur la terre, l’impudicité, l’impureté, les passions, les mauvais désirs, et la cupidité, qui est une idolâtrie. (Col. III. 5)


* * *


19 mars

Sur la Conscience.


1er Point.

Qu'est-ce que la conscience?

C'est, dit Saint Jean Damascène (né vers 676 et mort le 4 décembre 749), cette Loi intérieure que Dieu a gravée dans le cœur de tous les hommes pour les instruire.

C’est, dit Saint Basile (329-379), cette lumière secrète de la raison et de la «Religion» qui nous montre la route que nous devons prendre, et celle que nous devons éviter.

La conscience est à notre âme ce que l'oeil est à notre corps!

Jésus-Christ parlait de la conscience quand il disait:

Votre oeil est la lampe de votre corps. Si votre oeil est simple, tout votre corps sera éclairé; mais si votre oeil est mauvais, tout votre corps sera dans les ténèbres: prenez donc garde que la lumière qui est en vous ne soie elle-même que ténèbres.

L’oeil est la lampe du corps. Si ton oeil est en bon état, tout ton corps sera éclairé; mais si ton oeil est en mauvais état, tout ton corps sera dans les ténèbres.

Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes ces ténèbres! (Matth. VI. 22-23. V. S.)


2e Point.

La conscience est toujours droite par elle-même.

C’est une lumière pure parce qu’elle vient de Dieu qui nous l'a donnée pour nous conduire; nous en sommes si persuadés, que nous disons tous les jours aux hommes quand nous croyons qu’ils se trompent ou qu’ils veulent nous tromper: j’en appelle à votre conscience; comme étant convaincus que le jugement de la conscience est toujours équitable.

Mais hélas! il arrive souvent que les lumières sont obscurcies par nos passions et que la conscience devient de moins en moins sensible.

C’est ce qui nous oblige à faire la distinction entre LA BONNE ET LA MAUVAISE CONSCIENCE:

- la conscience droite est celle des Justes.

- la mauvaise conscience est celle des pécheurs.

Priez Dieu de purifier l’oeil de votre âme, et vous-même, ne permettez pas qu'il y ait quoique que ce soit qui soit capable de lui cacher la vérité.


* * *

20 mars

Sur le repos de la Conscience.



1er Point.

Il y a un repos de la conscience que l’on doit désirer.

C'est celui qui consiste dans ce témoignage avantageux que nous rend notre conscience lorsque nous marchons dans les voies de Dieu, lorsque nous cherchons sincèrement à lui plaire et que nous sommes fidèles à lui obéir et toujours retenus par la crainte de l'offenser.

Ce témoignage n’est nullement incompatible avec les sentiments de l’humilité Chrétienne, car nous n’ignorons pas, qu’après avoir exécuté tout ce que Dieu nous commande, nous devons encore nous regarder comme des serviteurs inutiles.

Vous de même, quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné, dites: Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire. (Luc XVII. 10.)

Mais au moins nous ne sommes pas des serviteurs coupables quoiqu’il soit toujours vrai de dire qu'il nous arrive encore de pécher; et que Dieu couronne SES propres dons en couronnant NOS mérites.


2e Point.

Il y a un repos de la conscience que l'on doit craindre.

C’est celui qui vient de son propre aveuglement, ou parce qu’on ne se fait plus aucun scrupule de rien.

C’est l’état des pécheurs endurcis, l'état de ceux qui refusent d'abandonner certains péchés.... C’est aussi l’état de la plupart des pécheurs et de ceux qui ont rétrogradé.

Alors la conscience se tait, elle ne nous fait aucun reproche;

mais ce silence est terrible, parce qu’il conduit à l’impénitence.


* * *

21 mars

Sur l'aveuglement de la Conscience.


1er Point.

Cet aveuglement est bien plus ordinaire qu'on ne le pense.

Il y a, dit le Sage, une voie qui paraît droite à l'homme et dont les issues aboutissent à la mort.

Telle voie paraît droite à un homme, Mais son issue, c’est la voie de la mort. (Prov. XIV. 12. V. S.)

Tous ceux qui ont quelque sentiment de «Religion» et quelque désir de leur salut, ne se perdent pas au milieu de «grands» péchés; ils ne voudraient pas imiter ceux qui violent sans scrupule et sans remords toutes les Lois divines à la fois.

Ils prennent donc UNE VOIE QUI LEUR PARAÎT DROITE, parce que leur conscience aveuglée sur les fautes (légères) qu’ils y commettent habituellement, leur en cache le désordre et les suites.

Cet aveuglement est si commun qu’on en aperçoit souvent les effets dans des personnes qui paraissent avoir une piété hors du commun.

Elles observent à la vérité une grande partie des Lois de Dieu;


mais la seule voie qui conduit à la vie,

est celle où on les observe TOUTES sans aucune exception!


2e Point.

Quels sont les péchés sur lesquels il est plus facile et plus ordinaire de s'aveugler!

Remarquez:

1° on s’aveugle plus facilement sur les petites fautes que sur les grandes, pour ne pas voir le danger évident des fautes que l'on qualifie de légères, quand elles sont continuelles et multipliées;

2° on s'aveugle avec la même facilité sur la gravité de ces fautes, que nous croyons légères, alors qu’elles sont grandes pour le Seigneur dont les yeux sont trop purs pour voir le mal (Habakuk I. 13.)

3° de même, il y a de très grandes fautes connues pour telles, sur lesquelles on reste aveugle PARCE QU’IL EN COÛTERAIT TROP À NOTRE AMOUR-PROPRE POUR S’EN DÉTACHER.


* * *

22 mars

Sur les divers caractères de la Conscience
 et de l'Amour-propre.


1er Point.

Une conscience droite est un Guide sûr et fidèle qui ne nous cache rien.

Nous n'avons qu’à l’écouter pour connaître la route que nous devons suivre.


LA CONSCIENCE DROITE EST UN JUGE SÉVÈRE QUI NE NOUS PARDONNE RIEN.


Au moindre péché que nous commettons, elle nous fait entendre ses reproches, elle nous avertit de notre égarement et nous en fait rougir.

Reproches salutaires; utiles avertissements pour celui qui est attentif à vous écouter et à vous suivre!


2e Point.

L'amour-propre au contraire est un Guide faux et trompeur.

Cet amour-propre (orgueil) nous déguise tout:

- Il nous cache l'étendue de nos devoirs;

Il y met des limites;

Il les affaiblit;

Il interprète faussement la Loi de Dieu;

- Il nous fournit mille prétextes pour l’esquiver ou pour la restreindre dans ses applications.

C’est aussi un Juge toujours indulgent qui nous pardonne tout;

- Il trouve toujours des raisons pour nous justifier;

- Il parle toujours en faveur des dispenses, et jamais pour la rigueur et pour la sévérité de la Loi.

Il y a donc une contrariété perpétuelle entre notre conscience et notre amour-propre; on ne saurait en mesurer les conséquences pour notre salut EN ENTRETENANT CETTE CONTRARIÉTÉ au lieu de PRÉFÉRER LES SAGES AVERTISSEMENTS D’UNE CONSCIENCE DROITE aux conseils pernicieux de cet amour-propre.


* * *

23 mars.

Sur la mauvaise Conscience.


1er Point.

Les erreurs de la mauvaise conscience sont d'autant plus dangereuses qu’elle est facile à déformer:

1° parce qu'il est facile de s’aveugler sur ses devoirs pour peu qu’ils se trouvent contraires à nos inclinations et à nos intérêts:

Tout ce que nous voulons, tout ce que nous désirons avec ardeur nous PARAÎT permis; le reste devient une charge à éviter.

2° parce qu’il est facile de s’aveugler sur la distinction précise des vertus et des vices: Il n'y a rien qui ressemble mieux à la confiance que l’opiniâtreté, à la libéralité que la profusion, à la douceur que la timidité.

Toute vertu portée à un certain excès devient un vice. À moins que l’oeil de notre âme ne soit parfaitement pur, il n’aperçoit qu’avec peine la nuance qui les sépare.


2e Point.

Plus on est élevé dans le monde, plus il est facile de s'y faire une mauvaise conscience.

1° parce qu’alors on a des intérêts plus importants et des devoirs plus étendus, sur lesquels il est plus facile de se tromper;

2° parce qu’on trouve plus aisément des Guides qui nous flattent et qui emploient toute l’adresse de leur esprit à connaître et à justifier nos défauts.

Méfiez-vous donc de ces caractères malléables et artificieux, rusés, dont les discours sont toujours favorables aux intérêts de votre amour-propre.


* * *

24 mars

Sur les illusions de la mauvaise Conscience.


1er Point.

Elle nous déguise le mal et par conséquent, elle nous le fait commettre hardiment et tranquillement.

La hardiesse vient de la fausse assurance dans laquelle on se trouve, croyant qu’il n’y a rien de répréhensible, rien même qui ne soit aussi louable et utile que l'action que l'on nous propose.

La tranquillité que l'on ressent sans aucun trouble ni aucun remords après avoir accompli l'action est une tranquillité dangereuse qui fait qu’un pécheur s’endort, pour ainsi dire, dans son iniquité, séduit par les apparences d’une fausse paix, D’UNE PAIX IMAGINAIRE, tandis qu’il est réellement et continuellement en guerre avec Dieu.


2e Point.

En nous déguisant ce mal, la mauvaise conscience le rend beaucoup plus difficile à guérir.

On déplore l'état malheureux d’un pécheur livré à ses folles passions dont ses habitudes tyranniques le rendent esclave du péché; mais l'état d’une âme séduite par les illusions de la mauvaise conscience, est encore plus dangereux!

Ce pécheur sait au moins qu’il s’égare tandis que S’IL PÈCHE AVEC PLUS DE CONNAISSANCE, cela démontre qu’il est moins facile à corriger.

Mais quel est, ô mon Dieu, le malheur de ceux qui s’égarent sans connaître et sans avouer leurs égarements!

Et combien n’est-il pas à craindre qu’ils ne persévèrent jusqu’à la mort dans les voies de l’iniquité!


* * *

25 mars

Sur les péchés d’ignorance.


1er Point.

Il y a deux sortes d’ignorance.

L'une est involontaire et l’autre volontaire en elle-même ou dans son principe.

La première n'est pas fréquente dans un siècle aussi éclairé que le nôtre et dans un Chrétien qui, vivant dans le monde, possède tant de moyens et de facilités pour connaître ses devoirs qu'il est inutile de s’y arrêter.

Nous considérons ici l'ignorance volontaire. On s’en sert souvent pour excuser ses fautes.

Je ne savais pas, dit-on, que cela fût défendu.

Vous ne le saviez pas! MAIS VOUS POUVIEZ ET VOUS DEVIEZ LE SAVOIR; votre ignorance, loin de vous justifier est elle-même un péché.

David priait le Seigneur de lui pardonner ses ignorances (Qui connaît ses égarements? Pardonne-moi ceux que j’ignore. Ps. XIX. 12.). Tout ce qui a besoin d’être pardonné ne peut être qu’un péché qui nous a rendu coupable.


2e Point.

La source des péchés d'ignorance.

C’est la négligence à s’instruire de ses devoirs.

- On s’en écarte, parce qu’on les ignore;

- et on les ignore, parce qu'on est résolu de s’en écarter;

- on craint la gêne et la contrainte.

On regarde les avis, les conseils, les prédications, les saintes lectures, les scrupules raisonnables comme une lumière importune qui n’est propre qu’à nous inquiéter et à troubler la tranquillité d’une vie que l’on veut abandonner toute entière à la mollesse sans s'inquiéter pour son salut.


* * *

26 mars

Sur les moyens de guérir les illusions de la mauvaise Conscience.


1er Point.

Ces moyens consistent à comparer les jugements que nous formons sur l'état de notre conscience avec ceux que nous formons sur la conscience des autres.

Ceux-ci sont souvent exacts jusqu’à la sévérité; prenons-les donc pour modèle de ceux que nous devons former sur notre propre conscience;


ELLE N’EST QUE TROP ÉCLAIRÉE QUAND IL S’AGIT DE JUGER LES AUTRES.


Pourquoi ne serait-t-elle aveugle que pour elle-même?

Pourquoi ne pas employer à notre avantage personnel, cette lumière qui est en nous et qui nous rend si clairvoyants pour apercevoir les vices des autres et si sévères pour les condamner?


2e Point.

Comparer les voies où notre conscience nous conduit avec la voie qui conduit au Ciel.

Cette voie est ÉTROITE; elle n’a donc aucun rapport, aucun lien avec une CONSCIENCE LARGE.

Il dépend de nous de former notre conscience au gré de nos intérêts et de nos désirs; mais nous aurons beau les prendre pour guides et adopter tous les faux principes qu’ils sont capables de nous inspirer:

ces mauvais principes erronés ne nous donneront pas le pouvoir d’élargir la Voie du salut.


* * *


Est-ce la volonté de Dieu qui doit s’accommoder à la conscience de l’homme,

ou

la conscience de l’homme qui doit se régler et se former sur la volonté de Dieu?


J’AI FAIT PLIER MA VOLONTÉ AUX PAROLES DE SA BOUCHE.

(Job XXIII:12.)


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27 mars

Sur la Conscience timorée comparée à la 
Conscience scrupuleuse.

(Timoré: Qui est pénétré d'une crainte louable, mais sensiblement exagérée.)


1er Point.

La conscience timorée consiste dans une juste crainte d'offenser Dieu.

Cette crainte est une crainte raisonnable, puisque le plus grand malheur qui puisse arriver à un homme, c’est d’encourir la disgrâce de Dieu.

C'est une crainte nécessaire, puisque c’est un frein que Dieu nous donne pour nous retenir dans le devoir.

Tout Chrétien est donc obligé d’avoir une conscience timorée, sans quoi il s’abandonnera sans retenue à la vanité de ses désirs.

Il ne suffit pas même, pour être un vrai Chrétien, d’avoir une conscience timorée à l’égard des fautes graves:

Il faut qu’il ait une conscience délicate, c’est-à-dire, une conscience qui s’effraie des moindres péchés, qui les évite autant qu’il est possible, et qui se les reproche quand il a eu le malheur d'y tomber.


2e Point.

La conscience scrupuleuse est celle qui s'inquiète à l'excès.

On la confond quelquefois avec la conscience timorée et la conscience délicate. Mais elle va plus loin, et les mondains affectent mal à propos de traiter d’âmes faibles et scrupuleuses celles qui leur paraissent vivement et continuellement pénétrées de la crainte d’offenser Dieu;

mais ils se trompent, puisque cette crainte est au contraire le comble de la sagesse, et qu’elle ne devient blâmable que lorsqu’elle est PORTÉE À UN EXCÈS D’INQUIÉTUDE FACE À LA JUSTICE ET À LA BONTÉ DU SOUVERAIN MAÎTRE.


* * *


28 mars

Sur la vigilance Chrétienne.


1er Point.

Cette vigilance est nécessaire.

1° Jésus-Christ en a fait un précepte:

Je le dis à tous, SANS EXCEPTION, veillez sans cesse sur vous-mêmes. (Marc XIII. 37.)

2° Ce précepte est fondé aussi sur la grandeur et la multitude de nos obligations, car la Loi de Dieu règle jusqu'aux pensées de notre esprit, jusqu'aux mouvements de notre coeur:

- elle assujettit le corps et l'âme à l'ordre qu'elle nous prescrit;

- elle exige une obéissance entière et parfaite.

De quelle vigilance n'avez-vous pas besoin pour faire face à tant de devoirs avec une vertu si fragile qu'elle peut se démentir à tous les instants!


2e Point.

Pratique de cette vigilance.

Un chrétien fidèle examine sans cesse et avec attention ce qu'il doit à Dieu, au prochain et à lui-même.

Il considère la nature et les dangers du monde, pour voir s'il est obligé de les fuir ou de s'y exposer; il mesure ses forces, IL PRIE LE SEIGNEUR de les augmenter et de le soutenir par SA grâce.

Il a toujours la Loi de Dieu devant ses yeux pour ne rien désirer ni rien faire de ce qu'elle défend, ou pour accomplir ce qu'elle lui commande.

C'est dans la réunion de toutes ces différentes observations, mûrement pesées, que consiste principalement la pratique de la vigilance Chrétienne.


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29 mars

Sur la piété extérieure.


1er Point.

La piété intérieure ne suffit pas si elle n'est pas accompagnée de la piété extérieure.

Ce serait mal connaître l’esprit de la «Religion» que de regarder les pratiques extérieures de la piété comme inutiles.

Ce serait rougir de l'Évangile que de les omettre par respect humain:

On croit dans le cœur pour être justifié, dit Saint Paul, et pour être sauvé on confesse de bouche.

Car c’est en croyant du coeur qu’on parvient à la justice, et c’est en confessant de la bouche qu’on parvient au salut. (Rom. X. 10. V. S.)

Ce que cet Apôtre dit en cet endroit de la Foi, s’applique également aux autres vertus:

On les a dans le cœur pour être justifié,

et on les manifeste à l'extérieur par la conduite et par les actions.


2e Point.

La piété extérieure ne suffit pas si elle n'est pas sanctifiée par la piété intérieure.

Toute action extérieure séparée du sentiment intérieur, est un corps sans âme, un airain sonnant, une cymbale vide et retentissante.

Non, il n’y a point de prière où il n’y a point de cœur qui prie;

Point d’adoration où il n'y a point de cœur qui adore.

Dès que vous ôtez ce sentiment intérieur, ce désir sincère de plaire à Dieu, qui doit sanctifier toutes les actions d’un Chrétien, ce dernier n’agit plus que par coutume, par habitude, par bienséance, par vanité ou par un esprit de superstition et de faiblesse.


* * *

30 mars

Sur la piété extérieure d'un homme 
 travaillant dans le monde.


1er Point.

Elle est réglée par les devoirs de son état par rapport à ses actions.

Vous vivez dans le monde, votre piété intérieure peut être la même que celle des Solitaires les plus retirés du monde.

- Aimez Dieu avec la même ardeur,

- avoir les mêmes désirs de le posséder, de le servir et de lui plaire,

- le même zèle pour sa gloire,

- la même soumission à ses volontés.

Votre état vous le permet parce que tout ce qui demeure renfermé dans votre âme ne peut jamais causer de trouble, ni d’altération dans vos devoirs.

Mais votre piété extérieure ne peut plus être la même si celle-ci doit toujours être réglée par les devoirs de votre état!

Il s'enfuit que si cet état vous demande plus de travail que de prière, vous donnerez plus de temps au travail qu’à la prière.


2e Point.

Par rapport à ses discours.

Un Chrétien qui vit dans le monde ne doit pas s’ériger en Prédicateur ni en Prophète, surtout à l’égard de ceux dont la conduite particulière n’est point soumise à ses ordres.

Les discours d’un homme vertueux n’ont aucun effet dès qu’il sort de son état; sa piété se discrédite elle-même quand elle devient critique; elle ne doit être qu’exemplaire.

Il ne lui convient pas pour l’ordinaire de censurer les vices des hommes et de travailler à les en guérir si ce n'est que par l’impression douce et efficace de ses exemples.

Un miroir n’a point de voix pour avertir ceux qui regardent les défauts de leur visage et il peut les faire rougir sans pouvoir leur reprocher quqoique ce soit.


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31 mars

Sur les défauts que l'on reproche dans le monde à ceux qui font profession de piété.


1er Point.

Ces reproches ne sont pas toujours injustes.

Il est rare que les mondains osent décrier la piété quand ils la croient solide, sincère et véritable.

Quand est-ce donc qu’ils en parlent avec mépris?

Quand ils voient ceux qui en font profession:

1° aimer la vertu surtout en parole au lieu de l'appliquer à vaincre et à corriger leur caractère;

2° aimer la retraite par un goût de paresse et d'oisiveté, non pour chercher Dieu, mais pour éviter le monde et pour se dérober à ses devoirs;

3° porter la dévotion jusqu'à la superstition, sans examiner les limites de l’une et de l’autre;

4° joindre à la dévotion des affections, des caprices et des inégalités répréhensibles.


2e Point.

On doit mépriser les reproches des mondains quand ils sont injustes, et savoir en profiter quand ils sont justifiés.

Si le monde critique injustement votre piété, s'il ne vous attribue que des défauts imaginaires, vous devez dire: Je compte pour rien tous les jugements du monde, Dieu sera mon Juge!

Mais si ces reproches sont fondés sur des défauts réels, ne vous regardez plus comme un Chrétien persécuté pour la justice, songez plutôt à réformer l'imperfection de votre justice, qui est l’unique objet de la censure.


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