Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

MÉDITATIONS POUR TOUS LES JOURS DE L’ANNÉE

FEVRIER

***

1er février

Sur l'homicide.


1er Point.

Vous ne tuerez point, dit le Seigneur

Cette Loi défend tous les meurtres extérieurs, et par conséquent,

1. l’homicide de soi-même (le suicide), lorsqu’on attente à sa propre vie, pour hâter la fin de ses peines;

2. les duels (texte publié en 1759); ce qui conduit à la condamnation de ceux qui les provoquent, qui les autorisent ou qui les approuvent;

3. la précipitation, la négligence ou la prévention dans les jugements qui décident de la vie d’un homme et quelquefois de la vie de plusieurs hommes à la fois: tel était l'arrêt injuste par lequel Assuérus ordonna le massacre de tous les Juifs à la sollicitation du cruel Haman (Esther chap. III);

4. les guerres qui ne sont allumées que par l'ambition, par un désir effréné d’accroître sa puissance au-delà des bornes légitimes.


2e Point.

Cette même Loi défend également les meurtres intérieurs.

Ce sont les meurtres que l’on commet DANS son coeur par le désir de la mort:

- d'un ennemi qui nous offense et qui nous persécute;

- d’un époux ou d’une épouse dont la conduite nous est odieuse et nous paraît insupportable;

- d’un père même (qui le croirait!) ou d’un parent dont la succession se fait trop attendre.

À quels excès, grand Dieu, ne se porte-t-on pas dans le secret du coeur quand la cupidité commande!

Et de quelles horreurs ne devient pas capable UNE ÂME QUE TU ABANDONNES, PARCE QU’ELLE T'ABANDONNE!


* * *

2 février

Sur le jurement.


1er Point.

Le jurement est défendu par la Loi de Dieu.

Avant toutes choses, mes frères, NE JUREZ NI PAR LE CIEL, NI PAR LA TERRE, NI PAR AUCUN AUTRE SERMENT.

Mais que votre oui soit oui, et que votre non soit non, afin que vous ne tombiez pas sous le jugement. (Jacques V. 12. V. S.)

Examinez les jurements compris dans cette défense.

Il est certain qu’elle ne regarde en aucune sorte les serments qu’exige une autorité légitime dans des occasions importantes pour le maintien de ses Lois.

Nous prenons alors Dieu à témoin de la vérité de nos paroles, ou en levant la main vers le Ciel ou en jurant sur son saint Évangile, parce que nous y sommes autorisés par l'Autorité qui vient de Dieu (Rom. XIII. 1; Tite III. 1.).

Ce que Dieu condamne, ce sont les jurements inutiles, où l’on prend le nom de Dieu en vain, les imprécations et les blasphèmes exécrables.

Combien en voit-on qui se font une malheureuse habitude de ne parler qu’en jurant? Qui ne peuvent assurer les vérités les plus simples et les plus communes sans outrager la Divinité, et sans se dévouer eux-mêmes à la mort ou aux tourments éternels!


2e Point.

Ces jurements ne peuvent être justifiés sous aucun prétexte.

On a beau prétendre que l’on jure, que l’on blasphème sans y penser, sans entendre quelquefois la signification des paroles qu’on prononce; qu’on les dit par légèreté, par habitude et nullement par irrévérence: MAUVAISES EXCUSES.


Si c’est un mal de les proférer,

c’en est encore un plus grand de s’en faire une habitude.


Une telle habitude marque toujours:

- peu de respect pour la «Religion»;

- peu d’égard à la Majesté du Très-Haut qui remplit l’Univers par l’immensité de sa présence;

- un désordre insensé dans les discours, qui ne peut être qu’une suite de l’égarement de l’esprit et du coeur.


* * *


3 février

Sur la faim et la soif de la justice.


1er Point.

Tout Chrétien doit être affamé, altéré de la justice.

C’est-à-dire, qu’il ne doit pas avoir moins d’ardeur et d’empressement pour les biens spirituels qu’un homme tourmenté par la faim et par la soif, en a pour la nourriture de son corps.

Les dons du Ciel qui le sanctifient, les vertus qui le rendent agréable à Dieu, sont toujours le principal objet de ses désirs, il s'en occupe, il les recherche, il en est affamé et altéré.

Il arrive souvent que celui qui désire les biens du corps avec le plus d'ardeur, les cherche sans les trouver; mais quand on cherche AVEC SINCÉRITÉ les biens de la grâce, on les trouve.

Quand on les demande avec une foi vive, on est sûr de les obtenir, et l'on éprouve la vérité de cette parole de Jésus-Christ:

Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés.(Matth. V. 6.)


2e Point.

C'est par cette faim et cette soif spirituelle que nous devons juger de l'état de notre conscience.

Suis-je uniquement occupé du désir de mon salut?

Suis-je véritablement affamé et altéré de la justice?

Pourrais-je dire à Dieu avec la même vérité que le Prophète:

Je cours à vous, Seigneur, comme le cerf altéré court à l'eau des fontaines.

Comme une biche soupire après des courants d’eau, Ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu! (Ps. XL II. 1. V. S.)

De même que le dégoût de la nourriture du corps doit faire craindre la perte de la santé, ainsi notre âme est en danger de perdre la sainteté et la justice si elle cesse de la désirer.


* * *


4 février

Sur l'oeil qui scandalise.


1er Point.

On entend par l'oeil qui nous scandalise toute occasion qui nous porte au péché.

Si vous la cherchez VOUS Y SUCCOMBEREZ PAR VOTRE FAIBLESSE qui n’est déjà que trop grande; mais qui augmente encore par le danger de l’occasion.

Ève ne viola le commandement du Seigneur que parce qu’elle s'approcha de l’arbre qui portait le fruit défendu, parce qu’elle voulut avoir un entretien avec le serpent.

La séduction du discours jointe à la présence de l’objet, triomphent aisément d’une vertu faible et mal assurée.


2e Point.

Par la soustraction ou l'abandon des grâces de Dieu.

Si c’est l’ordre et la volonté de Dieu, et si c’est le devoir de votre état qui vous met en présence du péché pour vous éprouver, vous marchez avec assurance parce que le Seigneur est avec vous pour vous donner la victoire.

Mais si c’est vous-même qui la cherchez, si c’est le goût et la passion qui vous mettent en présence du péché, n’attendez plus que Dieu vous accompagne, et qu’il se tienne auprès de vous: il retirera cette main toute-puissante, sans laquelle vous ne pouvez vous soutenir, et vous tomberez dans l’abîme.


* * *


5 février

Sur la recherche VOLONTAIRE de la prochaine occasion de pécher.


1er Point.

Toutes les occasions à venir du péché ne sont pas toujours volontaires.

1° Il y en a que l'on rencontre comme par hasard et sans les chercher: telle fut celle où la chaste Suzanne fut autrefois exposée lorsqu’elle se baignait dans le jardin de son père. Elle n'y pensait pas; jusque tout à coup elle se trouva dans l’occasion de commettre un acte qu’elle avait en horreur, et dont la seule idée fit frémir sa vertu.

(L’histoire de Suzanne  se trouve dans le Livre de Daniel, en appendice 13, d’après le texte grec de Théodotion [érudit juif écrivant en grec au IIème siècle] traduit par Saint Jérôme [347 – 420] et introduit dans sa Vulgate.

Ce passage est considéré comme apocryphe par les juifs et les protestants et ne se trouve que dans la Bible catholique.

Lors de l’exil des juifs à Babylone sous Nabuchodonosor II, Suzanne, femme belle et pieuse est accusée d'adultère par deux vieux juges et innocentée par Daniel. - https://mythologica.fr/biblique/suzanne.htm)

2°, Il y a d’autres occasions auxquelles on est exposé par les devoirs de son état, par les fonctions de sa charge, par la nécessité où l’on se trouve de converser habituellement avec les hommes.

Peut-on vivre dans le monde et surtout dans le «grand monde» sans y rencontrer des pierres de scandale et des occasions malheureuses d’offenser Dieu?


2e Point.

La prochaine occasion du péché que l'on recherche VOLONTAIREMENT est un péché en elle-même.

C’est un principe indubitable dans la morale Chrétienne; sur quoi vous avez deux écueils à éviter.

Le premier de vous persuader faussement que l’occasion prochaine que l’on recherche volontairement, est une occasion nécessaire et inévitable.

Le second, c’est de vous figurer que l’occasion est bien éloignée alors qu’elle est prochaine....


je  désire que vous soyez sages en ce qui concerne le bien et purs en ce qui concerne le mal. (Romains XVI. 19. V. S.)


Bien-aimé, n’imite pas le mal, mais le bien.

Celui qui fait le bien est de Dieu;

celui qui fait le mal n’a point vu Dieu.

(3 Jean 11. V. S.)


* * *


6 février

Sur deux sortes de prochaines occasions 
de pécher.


1er Point.

Celles qui sont dangereuses pour tout le monde;

Ce sont celles qui nous approchent si près du péché et nous mettent tellement à portée de le commettre que nous ne pouvons l’éviter sans une grâce de Dieu très particulière et sans un effort extraordinaire sur nous-mêmes.

C’est alors que nous sommes obligés de fuir pour échapper à la tentation.

Un jour qu’il (Joseph) était entré dans la maison pour faire son ouvrage, et qu’il n’y avait là aucun des gens de la maison, elle (la femme de Potiphar) le saisit par son vêtement, en disant: Couche avec moi!

Il lui laissa son vêtement dans la main, et S’ENFUIT AU-DEHORS. (Gen. XXXIX. 11-12. V. S.)


2e Point.

Les occasions qui ne sont dangereuses QUE pour nous, à cause de nos dispositions personnelles, de nos inclinations particulières, de notre caractère, de nos habitudes.

Cette occasion de pécher ne sera pas une occasion pour les autres; mais elle l’est pour vous. Ne dites donc pas:

Pourquoi cela me serait-il défendu alors que tant d’autres ne s'en font aucun scrupule, et passent même pour être dans les voies de la piété?

On vous répondra que vous savez PAR EXPÉRIENCE que cette occasion suffit pour vous faire perdre la grâce.

Vous y avez toujours ou souvent succombé; VOUS DEVEZ DONC L’ÉVITER.


* * *


7 février

Sur la suite et les conséquences des prochaines occasions 
du péché.


1er Point.

DANGER de ces occasions.

Elles sont tellement liées avec le péché qu’on doit LES REGARDER ET LES FUIR COMME LE PÉCHÉ MÊME.

C’est consentir, en quelque sorte, à la perte de son âme que de s’y engager.

Non seulement elles nous font commettre le péché; mais elles le font encore passer pour une habitude de comportement puisqu’elles amoindrissent en un moment les résolutions que nous avions prises, les promesses que nous avions faites à Dieu de renoncer au péché.

Vous vous êtes repenti, vous croyez être réconcilié avec Dieu; vous avez promis de ne le plus l'offenser; mais si vous recherchez l’occasion prochaine de pécher lorsque vous pouvez l’éviter, vos résolutions et vos promesses seront bientôt oubliées.


2e Point.

Avantage de la fuite.

1. Elle bannit le péché de notre coeur;

2. Elle nous maintient dans la grâce de Dieu;

3. Elle assure notre réconciliation avec lui, et la sincérité de notre engagement.

Est-il une liaison, une relation, une lecture, un agrément de société que l'on ne doive pas sacrifier à de si grands avantages?

FUYEZ LE PÉCHÉ, dit le Sage, et par conséquent l'occasion qui vous porte à le commettre tout comme ces serpents venimeux dont la morsure donne la mort. On les fuit et on les a en horreur même s’ils sont cachés sous des fleurs.


* * *


8 février

Sur l'obligation de fuir la prochaine occasion de pécher.


1er Point.

Cette obligation est indispensable.

Jésus-Christ pouvait-il nous le faire comprendre plus clairement qu’en nous disant:

Si votre oeil droit vous est un sujet de scandale, arrachez-le et jetez-le loin de vous; et si votre main droite vous est un sujet de scandale, coupez-la et jetez-la loin de vous.

Si ton oeil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi; car il est avantageux pour toi qu’un seul de tes membres périsse, et que ton corps entier ne soit pas jeté dans la géhenne.

Et si ta main droite est pour toi une occasion de chute, coupe-la et jette-la loin de toi; car il est avantageux pour toi qu’un seul de tes membres périsse, et que ton corps entier n’aille pas dans la géhenne. (Matth. V. 29-30. V. S.)

La raison qu’il en apporte est tranchante et décisive:

C'est qu'il vaut mieux pour vous être privé d'un de vos membres que d'être jeté tout entier dans l'enfer!

Il faut donc quitter cet oeil et cette main qui vous scandalise et qui, POUR VOUS, est une occasion de chute, ou alors vous résoudre à être précipité dans l’enfer.

Y a-t-il à balancer? À hésiter?


Et toutes les fois que la PEINE ÉTERNELLE est attachée à l’infraction d’un précepte,

n’est-il pas évident que l’obligation qu’il nous impose est INDISPENSABLE?


2e Point.

Cette obligation ne peut être esquivée sous aucun prétexte.

C'est ce que vous devez conclure par ces paroles de Jésus-Christ:

Si votre oeil ou votre main vous scandalise, arrachez l'un, coupez l'autre, et jetez-les loin de vous.

Ce précepte ne doit pas sans doute être pris à la lettre.

Jésus-Christ ne prétend pas nous obliger à une mutilation extérieure qui serait contraire à sa Loi.

Quel est donc le véritable sens de ces paroles?

Le voici:

Les objets qui sont pour vous une prochaine occasion de péché, ne sauraient vous être plus chers et plus précieux, ni vous paraître plus utiles et même plus nécessaires que votre oeil et que votre main; cependant VOUS DEVEZ VOUS EN SÉPARER, quoi qu’il en puisse coûter à votre amour-propre.


* * *


9 février

Sur l'illusion des prétextes dont on s'autorise pour ne pas quitter une occasion de pécher.


1er Point.

Ces prétextes sont des prétextes d'intérêt.

Quoi! Faut-il que je renonce pour toujours à un commerce qui m'est utile et avantageux, qui me paraît même absolument nécessaire pour le progrès, ou pour l’établissement de ma fortune?

Vain prétexte!


VOUS N'AVEZ RIEN QUI VOUS SOIT PLUS PRÉCIEUX

ET PLUS NÉCESSAIRE

QUE LE SALUT DE VOTRE ÂME.


Suis-je donc obligé d'attrister des personnes qui m'ont rendu des services essentiels et à qui les lois de la probité et de l'honneur, aussi sacrées que celles de la Religion, m’obligent de témoigner une éternelle reconnaissance?

Illusion manifeste.


IL N’Y A, NI NE PEUT Y AVOIR, AUCUN BIENFAIT AUCUNE RECONNAISSANCE

QUI VOUS ENGAGE AU PRÉJUDICE DE VOTRE SALUT.


2e Point.

Des prétextes de bienséance!

Ce changement, dit-on, cette rupture, cette séparation, fera jaser le monde.

Prétexte frivole.


SI LES LIAISONS ONT ÉTÉ PUBLIQUES ET SCANDALEUSES,

LE SCANDALE NE PEUT PLUS ÊTRE RÉPARÉ

QUE PAR L’ÉCLAT DE LA RÉPARATION.


Si elles ne l’étaient pas, le monde pourrait-il parler de ce qu’il ignore?

Mais j’ai promis et j’ai tiré promesse qu’il n’y aurait plus rien de répréhensible dans cette relation de société.

Prétention chimérique.


TANT QUE CE SERA LA MÊME OCCASION,

CE SERA TOUJOURS LE MÊME DÉSORDRE.


* * *


10 février

Sur le bonheur des Justes.


1er Point.

Ce bonheur des Justes ne consiste pas à être exempt des peines et des chagrins.

L’expérience nous apprend qu’ils en éprouvent quelquefois d’aussi grandes et même de plus grandes que les Pécheurs!

Nous les voyons tous les jours, enveloppés avec les pécheurs, dans les malheurs publics, tels que les maladies, la famine et la guerre, les incendies et les naufrages.

Jésus-Christ, loin de leur promettre qu’ils seront exempts de peines et d'afflictions dans ce monde, leur annonce au contraire qu’ils passeront leur vie dans les souffrances.

Vous pleurerez et vous serez affligés, dit-il à ses Disciples, mais le monde se réjouira.

En vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira: vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie. (Jean XVI. 20. V. S.)


2e Point.

En quoi consiste donc le bonheur des Justes?

II consiste en ce que Dieu leur donne une force et un courage proportionné à la grandeur des maux qu’ils souffrent;

en ce qu’ils sont soutenus par l'espérance d’un heureux avenir.

C’est pourquoi Jésus-Christ ajoute:

Mais votre tristesse sera changée en joie.

Leur bonheur présent est donc fondé sur leur consolation future, sans être exempt de peine et d'affliction.

Ils sont véritablement heureux, parce que soutenus par l’espérance Chrétienne,

ils regardent leurs maux comme le gage de la félicité qui leur est promise selon cette parole: Heureux ceux qui pleurent parce qu'ils seront consolés.

Nous oublions, ou pour mieux dire, nous désavouons en quelque sorte ces grandes vérités, toutes les fois qu'il nous arrive de nous plaindre et de murmurer dans nos peines.


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11 février

Sur ce qu'un Chrétien doit penser des richesses et des grandeurs du monde.


1er Point.

Il ne doit pas les estimer, pour ce qu'elles sont en elles-mêmes.

Ce serait en juger comme les mondains qui regardent ceux qui possèdent ces frivoles avantages comme des âmes privilégiées.

C’est ce préjugé qui fait que la plupart des grands croient être des espèces de divinités pour qui tous les autres hommes sont obligés de se sacrifier.

Idée fausse et pernicieuse qui a fait dans tous les temps le malheur du genre humain; et qui n'est pas moins contraire aux lumières de la raison qu'aux principes de la «Religion» et aux vrais sentiments de la nature.


2e Point.

Un Chrétien n'estime les richesses et les grandeurs du monde que par le bon usage qu'on en fait.

Il ne regarde pas un pauvre comme le rebut du ciel, parce qu’il est le rebut du monde.

Il ne juge pas de la différence des conditions par leur éclat apparent; mais par leur usage.

La pauvreté sanctifiée par la vertu, lui paraît infiniment préférable aux richesses dont on abuse.

Il ne croit pas un homme digne de son estime pour être né ou pour se trouver dans la grandeur et dans l'opulence S'IL NE SAIT PAS LES EMPLOYER UTILEMENT POUR LE BONHEUR DES HOMMES ET POUR SON SALUT.


* * *


12 février

Sur l'affaire du salut.


1er Point.

C’est le domaine le plus essentiel et le plus important dans ce monde sur lequel nous devons prêter la plus grande attention.

Tout le reste passe, tout le reste fini; notre vie elle-même n'est qu'un songe qui doit disparaître à la première lueur du grand jour de l'éternité.

Chaque moment qui s'écoule nous en rapproche, et nous conduit à l'entrée du Ciel ou de l'enfer.

D’un côté nous sommes attirés par les plus magnifiques promesses et les plus glorieuses espérances; et de l'autre, nous sommes effrayés par les plus terribles menaces.

Quoi de plus, digne de nos soins et de nos réflexions qu’une éternité heureuse ou malheureuse?

Que sers à l'homme, dit le Sauveur, de gagner tout le monde, s'il vient à perdre son âme? (Marc. VIII. 36)

Y pense-t-on?

Y ai-je pensé jusqu'ici autant que le mérite une affaire qui doit nécessairement avoir de si grandes suites?


2e Point.

L'affaire du salut est celle de toutes qui est la plus négligée.

On s'occupe sérieusement des affaires du monde; on travaille, on s'agite, on se donne de grands moyens pour les faire réussir; on y pense, on en parle continuellement tandis qu'on oublie, on néglige l'affaire du salut.

Ah! si l'on voulait peser dans une juste balance, les biens de la vie présente et ceux de la vie future!

On serait honteux de placer si mal ses soins et ses travaux et d'employer toutes les forces de son esprit et de son corps:


POUR ACQUÉRIR DES BIENS QUE LA MORT NOUS RAVIT POUR TOUJOURS


sans se mettre en peine pour obtenir cette meilleure portion, cet héritage céleste, qui ne saurait nous être ôté!


Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour beaucoup de choses.

UNE SEULE CHOSE EST NÉCESSAIRE.

Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera point ôtée.

(Luc X. 41-42. V. S.)


* * *


13 février

Sur les affaires du monde comparées 
à celles du salut.


1er Point.

Les plus grandes affaires du monde paraissent vaines et méprisables quand on les compare avec celle du salut.

Il y a des objets qui frappent la vue quand on les considère en eux-mêmes, et qui deviennent imperceptibles quand on les compare à d’autres qui les surpassent en grandeur.

La plus longue durée du temps, comparée avec l'éternité, ne paraît être qu’un instant.

La terre entière ne paraît qu’un atome, quand on réfléchit sur la vaste étendue du firmament qui l’environne.


AINSI TOUTES LES ENTREPRISES HUMAINES

NE SONT RIEN PAR RAPPORT À NOTRE SALUT.


Ces affaires si grandes et si considérables ne nous paraissent plus que des jeux d’enfants qui ne méritent de nous occuper pour autant que le devoir nous y attache et que le salut de notre âme y soit intéressé.


2e Point.

Il dépend moins pour nous de réussir dans les affaires du monde, que dans celle de notre salut.

De nombreuses circonstances imprévues et inévitables déconcertent nos projets; mille contrariétés qu’enfantent les passions des hommes s’opposent à l’exécution de nos desseins; les maux que nous craignons nous arrivent, les biens que nous désirons nous échappent.

La seule affaire du salut se traite UNIQUEMENT entre Dieu et l’homme:

- Dieu qui l’attire par sa grâce et qui récompense jusqu’à ses désirs;

- L’homme, qui peut toujours suivre l’attrait de cette grâce pour se donner à Dieu.


Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s’il perdait son âme?

ou,

QUE DONNERAIT UN HOMME EN ÉCHANGE DE SON ÂME?

(Matth. XVI. 26. V. S.)


* * *


14 février

Deux règles qu’un Chrétien doit toujours observer pour contribuer à son salut dans le monde.


1er Point.

Il doit préférer l'entretien de son salut à celui des affaires du monde, lorsque ces deux sortes de soins sont incompatibles.

Si l'affaire qu'on vous propose se trouve être incompatible avec l'entretien de votre salut,

si elle vous en détourne,

si vous ne pouvez l’entreprendre ou y donner votre accord sans commettre de fraudes et des injustices ou des violences, quelque avantageuse qu'elle puisse être: IL FAUT Y RENONCER!

Ce serait préférer le monde à Dieu, les avantages du siècle à ceux de l'éternité, et les intérêts de la terre au salut de votre âme, que d'y travailler, d'y participer, de l'appuyer de votre pouvoir ou de votre nom.


2e Point.

Rapporter à son salut tous les soins que l'on prend pour les affaires du monde.

Faut-il, pour travailler efficacement son salut, renoncer tout à fait au soin des affaires du monde?

Non, puisque le soin même de votre salut vous oblige de ne pas négliger celles dont vous êtes chargé par votre état.

Vous devez donc vous y appliquer; elles serviront même à la gloire de Dieu si vous y apportez votre application et si vous cherchez à lui obéir et à lui plaire au travers de vos différents travaux...

Et quoi que vous fassiez, en parole ou en oeuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, en rendant par lui des actions de grâces à Dieu le Père. (Col. III. 17. V. S.)


* * *


15 février

Sur les actes intérieurs et extérieurs propres à la charité Chrétienne.


1er Point.

Les actes intérieurs de la charité Chrétienne, sont:

1. Une joie sincère du bonheur de la prospérité de son prochain, et un chagrin réel de ces souffrances et de ses afflictions;

2. Une forte inclination à interpréter, le plus favorablement qu’il est possible, ses discours et actions, à moins qu’ils ne soient évidemment répréhensibles;

3. Une prompte disposition à supporter ses défauts et à se réconcilier avec lui quand il vous a offensé:

4. Enfin une si grande affection que l’on soit prêt, quand les circonstances l’exigent, de donner sa vie pour les frères et de se sacrifier soi-même pour procurer leur salut.


2e Point.

Les actes extérieurs de la charité Chrétienne sont:

1. Une douceur et une complaisance habituelle dans les relations de la vie, à part les cas où cette complaisance portée à l’excès, pourrait nous rendre coupables;

2. Une extrême retenue dans nos discours pour ménager, autant qu’il est possible, la réputation de nos frères;

3. Une libéralité prompte et généreuse qui n'épargne rien pour les soulager dans leurs besoins, et pour les consoler dans leurs peines.

Tel est le commandement nouveau que Jésus-Christ nous a donné dans son Évangile. Telles sont les marques auxquelles il a dit que l'on reconnaîtrait les Disciples.


* * *

16 février

Sur les péchés commis par habitude, considérés
 dans leur origine.


1er Point.

Ils commencent par des fautes légères dont on ne se fait aucun scrupule.

On a été élevé dans les sentiments de la piété; on conserve quelque temps la grâce et l'innocence; la seule ombre des péchés qui la détruisent, faisait horreur; on craignait de les commettre; on n’osait pas même y penser.

Mais qu’arrive-t-il?

On commence d’abord par se permettre les fautes légères; on ne craint plus tant de s’écarter des droits sentiers de la justice:

- on ne voudrait pas encore les quitter tout à fait, ni les perdre entièrement de vue,

- MAIS ON S’ACCOUTUME À S’EN ÉLOIGNER, pourvu que les écarts ne nous paraissent pas importants.

Voilà ce que l’on peut appeler l’enfance et l’origine des péchés d'habitude, ces vices affreux qui conduiront à l'impénitence finale, et qui nous feront perdre la grâce de Dieu sans retour.


2e Point.

Ces fautes légères nous disposent insensiblement à en commettre de plus grandes.

On n’arrive pas tout à coup au comble de l’iniquité, mais on y monte par degrés.

On se relève d’abord de ses premières chutes; mais on retombe ensuite; et elles deviennent de jour en jour plus fréquentes.

Puis, on s’enhardit peu à peu, on se familiarise avec des actions dont la seule pensée nous aurait effrayés dans les jours de notre innocence.

- Jouissez-vous encore de ce précieux trésor?

- Si oui, veillez sans cesse pour le conserver.

Avez-vous eu le malheur de le perdre par le péché?

- Travaillez au plus vite à le retrouver par la repentance;

- Bannissez à jamais ce péché de votre coeur! S’il vient à y prendre racine, combien il sera difficile de l’en arracher!


* * *


17 février

Sur les péchés commis par habitude, considérés 
dans leurs progrès.


1er Point.

Même les péchés graves deviennent bientôt une habitude.

L'habitude ne perd pas de temps à s'installer.

On s'accommode plus facilement au vice qu’à la vertu;

Celle-ci combat toutes les inclinaisons de la nature,

et l'autre flatte tous ses penchants.

Celle-ci ne trouve en nous que des résistances,

l’autre n’y rencontre que des facilités.

Faut-il s’étonner des progrès rapides que la plupart des hommes font en peu d’années dans la carrière du vice?

Hélas, dit Saint Augustin, j’étais si jeune, et cependant j’étais déjà un si grand pécheur


2e Point.

Ne pas négliger la force de cette habitude.

Elle donne au pécheur une si grande facilité à suivre ses mouvements, qu'il ne peut, sans peine, se défendre de ses impressions; et quand elle est profondément enracinée, elle devient un principe dominant qui exerce une emprise presque absolue sur toutes ses actions:


C'EST, EN QUELQUE SORTE UNE NOUVELLE NATURE!


On lui obéit sans peine et presque sans réflexion.

C’est un arbre qui a été si longtemps plié que l'on ne peut plus, sans un effort extraordinaire, Ie rétablir dans son premier état.


L'Éthiopien peut-il changer sa peau et le Léopard ses taches?

Comment donc pourriez-vous faire le bien, vous qui êtes accoutumé à mal faire!

(Jér. XIII. 23.)


* * *


18 février

Sur les péchés commis par habitude, considérés
 dans leur fin.


1er Point.

Ils conduisent à l’endurcissement.

La conscience se tait et Dieu nous abandonne.

Le remords s’évanouit; l’oubli de Dieu et l’oubli de soi-même, ont tout deux, pris la place de la raison et de la pudeur.

On en vient jusqu'à s’endurcir dans le péché, jusqu'à l’aimer et l’approuver dans les autres, jusqu'à perdre toute idée et tout sentiment de vertu.


2e Point.

Cet endurcissement conduit à l'impénitence finale.

Et comment n'y conduirait-il pas?

Puisqu’il nous fait rompre, en quelque sorte, toute relation avec Dieu;

Puisqu’il nous rend insensibles aux invitations de la grâce, (à supposer que Dieu daigne encore jeter sur nous quelque regard de miséricorde, et qu’il ne punisse pas cet affreux enchaînement de crimes et de désordres par un aveuglement qui ne peut plus être guéri sans un miracle de la grâce?)

Il fallait arrêter le mal dans son principe, et ne pas lui laisser le temps de prendre racine!

Il fallait combattre l’ennemi lorsqu’il était encore faible, et ne pas attendre qu’il fût devenu assez fort et assez puissant pour paraître invincible!


* * *


19 février

Sur l'état d'une âme qui conserve encore la grâce du pardon de ses péchés.


1er Point.

Il doit craindre de la perdre.

Il ne faut qu’une pensée, qu'un désir, qu'un regard, qu'une parole contraire à la Loi de Dieu pour nous ravir un bien précieux.

Nous le portons (ce trésor), dit Saint Paul, dans des vases d'argile.

Le péché se présente partout à notre coeur et il prend mille formes différentes pour nous séduire.


VOUS DEVEZ DONC TOUJOURS VEILLER ET TOUJOURS CRAINDRE.


2e Point.

Cette perte est difficile à réparer.

L’innocence, une fois perdue, n’est jamais parfaitement réparée sans la grâce de Dieu: on peut être repentant; la blessure est guérie, mais la cicatrice demeure.

Il est rare qu’un péché une fois commis ne soit pas bientôt suivi d'un autre.

Ce serait une illusion de croire que l’on puisse se prescrire à soi-même quelques limites dans le mal et pécher pour ainsi dire, avec poids et mesure.

Quel homme est assez maître de lui-même pour retenir ses passions, en leur disant: Vous viendrez jusque-là, mais vous n'irez pas plus loin!

Dès qu'on leur cède un seul point, on en devient plutôt l’esclave!


* * *


20 février

Sur le péché de scandale.


1er Point.

Considérez-le d'abord en lui-même:

Il n'est pas possible, dit le Sauveur, qu'il n'arrive des scandales, mais malheur à celui par qui ils arrivent.

Malheur parce que:

Il commet un péché directement opposé à la rédemption de Jésus-Christ, puisqu'il fait périr des âmes que ce Dieu Sauveur a rachetées de son sang; il devient en quelque sorte le suppôt, l’organe et le ministre du Démon, qui a été dès le commencement le meutrier l’ennemi de nos âmes.

Remarquez que pour commettre ce péché, il n’est nullement nécessaire d’avoir un dessein formel et prémédité de les pervertir, il suffit simplement qu'on s'aperçoive que nos paroles et nos actions pourraient les détourner de la voie du salut et ne rien faire pour nous arrêter.

Ainsi, vous êtes chargé devant Dieu, de toute l'horreur et de toute l’iniquité du péché de scandale.


2e Point.

Considérez-le dans ses suites.

Il vous rend responsables de tous les péchés dont il est la cause puisqu'ils n’auraient pas été commis sans le scandale que vous avez propagé le premier.

Qui pourrait en imaginer le nombre?

Qui pourrait découvrir toute l’étendue de cette funeste propagation d’iniquité qui se transmet quelquefois jusqu’aux siècles à venir jusqu’à la postérité la plus reculée... à cause de vous?


* * *


21 février

Sur le péché de scandale commis par ceux qui sont tenus d'édifier leur prochain par leurs bons exemples.


1er Point.

Ils pèchent gravement!

Ainsi un homme public, un homme considéré par son rang, exposé continuellement aux yeux du monde, PÈCHE PLUS GRAVEMENT qu’un particulier par le scandale de sa conduite, parce que L'IMPRESSION DONNÉE PAR SON EXEMPLE, en est plus forte et les effets plus étendus.

Un père, une mère qui inspirent à leurs enfants du mépris pour la «Religion» et pour ses saintes pratiques;

un Responsable qui rend ses Subordonnés témoins ou complices de ses désordres:

sont plus coupables que d’autres par le scandale de leurs discours et de leurs actions, parce qu'ils se servent, pour la destruction des âmes, d'un pouvoir que Dieu leur a donné pour l'édification.


2e Point.

Ils sont obligés de confesser leur péché et de le réparer (si possible) d'une façon plus éclatante.

Les péchés secrets peuvent être confessés dans le secret de sa chambre.

Mais quand ils ont été publics et scandaleux, ils ne peuvent plus être réparés que par une confession publique.

Il faut que ceux que vous avez pervertis par vos mauvais exemples apprennent – de vous – à se repentir de leurs péchés, comme ils ont appris à les commettre.

Hélas! tous ceux qui vous ont suivi dans vos égarements ne vous imiteront pas dans votre repentance.

On trouve plus facilement des imitateurs et des disciples dans le vice que dans la vertu, et il vous restera toujours de quoi pleurer amèrement sur des scandales dont la réparation ne sera jamais entièrement parfaite.


* * *


22 février

Sur la trop grande facilité à scandaliser son prochain.


1er Point.

On ne doit jamais s'autoriser à pratiquer l'action scandaleuse qu'on nous met sous nos yeux pour l'imiter.

Il n’y a que des âmes faibles et mal affermies, dans les sentiments de la vertu, qui cherchent à se joindre aux scandales que l'on voit dans le monde,

Un vrai Chrétien, un Chrétien fidèle se règle et se conduit uniquement par la Loi de Dieu et les enseignements de l’évangile!


TOUS CE QUI S’EN ÉCARTE LUI PARAÎT CONDAMNABLE

ET IL Y RENONCE.


S’il fait attention aux égarements des pécheurs, c'est toujours pour les plaindre et jamais pour leur ressembler.


2e Point.

On ne doit pas s'indigner aisément sur la conduite des autres pour les blâmer.

Évitez donc les excès d'une piété critique et chagrine qui se scandalise de tout.

Ne jugez point vos frères sans nécessité, et ne cherchez point à relever malignement des fautes qui échappent à leur fragilité et qui ne sont pas toujours un effet de leur malice.

Craignez surtout d’apercevoir une paille dans l'oeil de votre prochain, tandis que vous avez dans le vôtre une poutre que vous n’apercevez pas. (Matth. VII. 3.)

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23 février

Sur les scandales que donnent quelquefois les personnes consacrées à Dieu.


1er Point.

Ils ne doivent point affaiblir notre respect pour la «Religion».

Il est vrai que la concupiscence (convoitise) des yeux, la concupiscence (convoitise) de la chair et l'orgueil de la vie (1 Jean II. 16) pénètrent quelquefois jusque dans le lieu saint!

Les passions humaines, si elles ne sont pas réprimées, finissent par corrompre le sel de la terre et plonger dans les ténèbres du péché ceux qui doivent être la lumière du monde.

Les impies en triomphent, et ils en concluent que la piété n’est qu’un masque trompeur et la «Religion» une chimère.

Le vrai fidèle en juge différemment; il distingue sagement ce qui vient de Dieu et ce qui vient de l’homme.

Il sait que ce qui vient de l’homme n’est souvent que faiblesse et dérèglement et que ce qui vient de Dieu est toujours pur, toujours saint, toujours respectable.


2e Point.

Ils doivent nous inspirer une crainte salutaire, à la vue de ces déplorables effets de la fragilité humaine.

Le vrai Fidèle se dit à lui-même:

- Si des hommes spécialement consacrés à Dieu, sont sujets à tant de faiblesse,

- si Dieu aperçoit l’iniquité jusque dans ses Anges;

- que n’ai-je pas à craindre pour mon salut moi dont la vertu chancelante et mal assurée se trouve exposé au milieu du monde, face à tant de périls et de tentations différentes!


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24 février

Sur l'édification du prochain.


1er Point.

C'est un devoir!

On doit l'édification à tout le monde puisqu'un Chrétien est obligé d’édifier son prochain par de bonnes oeuvres et par une pratique constante, régulière et uniforme de toutes les vertus Chrétiennes.

- C’est par là qu’il devient la lumière du monde;

- C’est par là qu’il accomplit ce précepte de Jésus-Christ:


Que votre lumière luise devant les hommes,

afin que voyant vos bonnes œuvres,

ils glorifient votre Père qui est dans le Ciel.

(Matth. V. 16.)


2e Point.

On doit craindre de perdre le mérite de l'édification pour l'amour de la vaine gloire.

Prenez garde, dit le Sauveur, de faire vos bonnes œuvres devant les hommes pour en être regardé; car si vous vous proposiez une pareille fin vous en perdriez tout le mérite.

Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour en être vus; autrement, vous n’aurez point de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux. (Matt. VI. 1. V. S.)

Il y a même certaines œuvres particulières que la grâce peut vous inspirer et que VOUS DEVEZ CACHER À LA VUE DES HOMMES dans la crainte que votre amour-propre se trouvant trop flatté et trop satisfait de la gloire qui vous en revient, cette gloire frivole et passagère, ne soit votre unique récompense.

Il y a donc des œuvres que l'on doit montrer aux hommes par l’obligation de les édifier, et d’autres qu’il est à propos de leur cacher, par la crainte de nous perdre et de nous détruire nous-mêmes.

Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour en être vus; autrement, vous n’aurez point de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux.

Lors donc que tu fais l’aumône, ne sonne pas de la trompette devant toi, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues, afin d’être glorifiés par les hommes. Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense. (Matth. VI. 1-2. V.S.)


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25 février

Sur le renoncement au monde.


1er Point.

Il y a un monde auquel tout chrétien est obligé de renoncer.

C'est ce monde pour lequel Jésus-Christ n’a point voulu prier; c’est ce monde dont Satan est le maître et le souverain prince.

Il n'est pas difficile à connaître; il est partout où règne l'ambition, l’avarice, l’impiété, la mollesse et la volupté.


VOILÀ LE MONDE AUQUEL TOUT CHRÉTIEN EST OBLIGÉ DE RENONCER!


1. par les engagements lors de son baptême;

2. par ce précepte marqué dans l’Épître de Saint Jean: N'aimez point le monde.


2e Point.

Comment peut-on s'acquitter de cette obligation quand on vit dans le monde?

Il est certain que l'on peut renoncer au monde sans se retirer dans la solitude.

L'Apôtre Saint Jean ne nous ordonne PAS DE QUITTER LE MONDE, mais IL NOUS DÉFEND DE L'AIMER.

On s’acquitte donc de cette obligation en menant UNE VIE DIFFÉRENTE DE CELLE DES MONDAINS, en détestant du fond de son coeur leurs vices, leurs fausses maximes, leurs erreurs et leurs préjugés.

Joseph s’en acquittait dans la Cour de Pharaon en servant fidèlement le Dieu de Jacob au milieu d’un peuple idolâtre.

Esther s’en acquittait dans la Cour d’Assuérus.


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26 février

Sur le détachement des biens de ce monde.


1er Point.

Il est nécessaire pour notre salut de ne pas servir deux Maîtres à la fois.

Si l’on s’attache aux biens de ce monde, en conséquence, on n’est plus attaché à Dieu; car il ne s’agit pas ici d’un service extérieur, mais d’un service intérieur d’attache et d’affection.

- Le Juste, en paraissant agir et travailler pour les biens de ce monde, ne sert proprement que Dieu; il n’agit et ne travaille que pour lui plaire.

- Le Pécheur, ou le chrétien rétrograde, au contraire qui s’attache uniquement aux biens de ce monde n’agit et ne travaille que pour les obtenir. Il n’est donc pas ou plus attaché à Dieu, dès lors il se perd, il s’égare, il renonce à son salut.


2e Point.

Ce détachement est nécessaire pour notre tranquillité.

Qu’est-ce qui apporte le trouble et la désolation dans le coeur des mondains?

La perte et la privation des biens de ce monde!

Ils ne sont jamais contents, jamais rassasiés, parce qu’ils n’en ont jamais assez au gré de leurs désirs; et lorsqu’ils vous parlent avec confiance, ils ne vous entretiennent que de leurs malheurs, de leurs inquiétudes et de leurs chagrins.

Heureuse au contraire est une âme entièrement détachée des faux biens de ce monde. Elle souffre peut-être la privation, mais sans douleur et sans regret parce que Dieu lui reste, le centre de tous ses désirs et l’unique objet de son attachement.


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27 février

Sur les faux désirs du Salut.


1er Point.

Les uns sont des désirs vagues et indéterminés qui demeurent sans effet.

On veut son salut en général, sans vouloir prendre les moyens nécessaires et particuliers qui nous y conduiront.

On dira bien: Je veux «faire» mon salut, il est temps d’y penser; je veux m'en occuper sérieusement!

Mais on ne dira pas:

Il faut donc que je mette dès aujourd’hui plus d’ordre et plus de règles dans mes occupations; que je fixe un temps pour la prière, un temps pour le travail et pour tous les autres devoirs de mon état.

Il faut donc que je profite de telle ou telle occasion pour sanctifier ma vie par de bonnes oeuvres; que je renonce pour toujours à ce péché; que je m’applique à déraciner cette habitude vicieuse.


Il faut, il faut..., mais on ne fait rien!


2e Point.

Les autres sont des désirs bornés dans le choix des moyens que I'on doit prendre pour «faire» son Salut.

Ces moyens sont fort étendus, puisqu'ils consistent,

- dans la pratique de tous les devoirs liés à la recherche de Dieu:

- dans la recherche de toutes les vertus chrétiennes:

- dans l’éloignement de tous les péchés et de tous les vices.

Or, que font la plupart des hommes?

Ils ne s’attachent, pour «faire» leur salut, qu’aux devoirs qui les gênent le moins, qui sont les plus conformes à leur caractère et à leur humeur; et ils se dispensent des autres.

Ils ne comprennent pas ou ne réfléchissent pas que:


L'OBÉISSANCE IMPARFAITE AUX COMMANDEMENTS DE DIEU

LES REND INDIGNES DU CIEL.


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28 février

Sur l'amour-propre.

(l’orgueil)


1er Point.

Il nous rend attentifs et clairvoyants sur les défauts des autres.

On ne s’arrête presque pas aux qualités louables que peuvent avoir ceux que nous côtoyons.

On ne s'occupe qu’à remarquer leurs défauts, on ne s'épargne ni soins, ni recherches pour les connaître.

On veut savoir tout ce qu’il y a de répréhensible dans leur conduite:


ON S'IMAGINE QUE CE QUI PEUT NOIRCIR LEUR RÉPUTATION

EST COMME UNE OMBRE QUI SERT

À AUGMENTER L’ÉCLAT DE LA NÔTRE.


On ne manque jamais de finesse, d'astuce et de subtilité quand il s’agit de connaître les défauts d’autrui.

Notre amour-propre est un habile maître qui ne nous laisse rien ignorer de ce qu’il croit pouvoir tourner à son avantage.

Mais cette attention, cette application maligne aux défauts du prochain, est un péché contre la charité. Il fournit un aliment continuel à nos médisances et nous porte sans cesse à provoquer et à autoriser les médisances des autres.


2e Point.

L'amour-propre nous rend aveugles sur nos propres défauts.

Et cet aveuglement va au point de nous faire blâmer chez les autres des fautes et des excès que nous commettons tous les jours.

On entend un avare crier contre l’avarice; un gaspilleur crier contre les folles dépenses:

Pensez à vous, songez à vous-même:

Priez le Seigneur de vous rendre aussi attentif et aussi éclairé SUR VOS PROPRES DÉFAUTS que la malignité de l’amour-propre a coutume de l’être sur ceux des autres.


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29 février

Sur la sévérité de nos jugements
 à l'égard du prochain.


1er Point.

Nous le jugeons souvent avec trop de sévérité, trop de dureté.

Nous avons presque toujours deux poids et deux mesures:

- l’une pour le prochain,

- l’autre pour nous-mêmes.

S’agit-il de le condamner?

Nous sommes inexorables sur ses moindres défauts. Notre malignité naturelle les grossit à nos yeux, et nous ne réfléchissons pas qu’en jugeant nos frères avec tant de rigueur, NOUS PRÉPARONS CONTRE NOUS-MÊMES UN JUGEMENT RIGOUREUX qui sera bien plus terrible pour nous, que le nôtre ne l’est pour eux, puisque Jésus-Christ a dit:


Vous serez jugé comme vous aurez jugé les autres.


2e Point.

Nous nous jugeons nous-mêmes avec trop d'indulgence.

1. Parce que nous ignorons nos défauts, et qu’au lieu d’écouter la voix de notre conscience qui nous les reproche, nous n’écoutons que celle de notre amour-propre qui nous les déguise, les amoindrit;

2. Parce que si nous pouvons les entrevoir, nous ne manquons jamais de vains prétextes pour les élever en vertus.

L’avare se persuade qu’il ne dépasse pas les bornes d’une sage économie;

le dépensier, le dissipateur croit mériter la gloire d’une âme noble et généreuse.

Soyons toujours en garde contre des illusions si communes et si dangereuses pour nos âmes,

Prions le Seigneur qu'il nous les révèler par la lumière de sa grâce afin qu'on les abandonne.


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