Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

MÉDITATIONS SUR LA PASSION DE N. S. JÉSUS-CHRIST.


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DE N. S. JÉSUS-CHRIST.



Jésus se disposant à mourir

Depuis longtemps Jésus avait prédit à ses Apôtres qu’il serait livré aux Gentils par les Principaux Sacrificateurs et les Docteurs de la loi, pour souffrir la mort la plus honteuse et la plus cruelle. Ce moment n’est plus éloigné. Il ne songe point à s’y soustraire par la fuite, il va au-devant des tourments qui l’attendent; son unique besoin est d’accomplir les volontés de son Père céleste. Quel courage! quelle obéissance!

Fais, Seigneur, que je sois pénétré des mêmes sentiments; que je ne recule jamais quand il s’agira d’obéir à tes ordres, quoiqu’il m’en coûte, quoiqu’il faille souffrir, fallut-il mourir avec toi.


Jésus priant dans le jardin des Oliviers

Voilà notre divin Maître dans ce jardin de douleurs, où il va expier, par la tristesse la plus amère, le péché que notre premier père commit dans un jardin de délices. Il se retire à l’écart, ne prenant avec lui que Pierre, Jaques et Jean. Il se prépare au douloureux combat qu’il va soutenir par la prière; et par là:

Il m’apprend que la prière doit être mon refuge, ma ressource, ma force dans toutes les agitations, dans toutes les peines que j’ai à souffrir.

Il m’enseigne de plus, par son exemple, comment je dois prier.

Sa prière est humble, il se prosterne contre terre; elle est pleine de confiance, il appelle Dieu son Père; elle est sainte et respectueuse, puisqu’il se soumet en tout à sa volonté; elle est fervente et persévérante, puisqu’il demande la même chose jusqu’à trois fois.


Jésus accablé de tristesse

Ce Divin Sauveur va se trouver chargé de tous les péchés du monde, il va payer la rançon cruelle qui doit les effacer; et il envisage à la fois, il ressent comme dans un même moment les douleurs de toute espèce, les inexprimables douleurs qui vont s’appesantir sur lui: aussi son âme se sent-elle abîmée dans une tristesse mortelle.

Oh! que la situation où il se trouve me fait comprendre le sens de cette parole de l’Apôtre: c'est une chose terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant!

Que ne dois-je pas craindre de la justice du Très-Haut lorsque je considère ma vie passée et toutes les fautes qui l’ont souillée!

Mais cette considération m’est-elle un supplice comme à Jésus?


Hélas! mon Sauveur se trouble à la vue de MES transgressions; et j’ai pu jusqu’ici demeurer tranquille! Il s’en afflige; et je m’en consolais! Seigneur; amollis mon âme, donne-moi une douleur sincère..., sincère qui brise mon cœur et qui le change, qui me porte à avoir en horreur le péché et toutes les occasions du péché.


Jésus trahi par Judas

Vit-on jamais une plus noire ingratitude? Judas, honoré de l’apostolat, témoin des miracles de son divin Maître, élevé depuis trois ans dans sa famille, nourri de sa parole, édifié par ses exemples, distingué par la charge d’économe de sa maison, Judas le vend à ses ennemis pour trente pièces d’argent. À quel degré d’égarement une passion criminelle ne peut-elle pas nous conduire!

De quoi m’étonnerai-je davantage, de l’obstination de Judas ou de la céleste douceur de Jésus?

Ce dernier daigne ménager son Apôtre, il le reprend avec bonté, il lui parle avec tendresse: Mon ami, pour quel sujet es-tu ici? Judas, trahis-tu donc le Fils de l’homme par un baiser? Mais rien ne peut vaincre l’endurcissement de cet homme. Nous le voyons bientôt après mourir dans le désespoir et dans l’impénitence.

Qu’il tremble, celui qui s’engage dans la route du vice, et qui croit pouvoir, à son gré s’y arrêter ou en sortir!


Jésus pris et lié par les soldats

Quel spectacle se présente ici à mes yeux! Je vois Jésus environné d’une troupe de soldats armés d’épées et de bâtons pour le saisir comme un voleur. Il renverse cette troupe de furieux par une seule de ses paroles. Mais insensibles à ce miracle, ils se jettent sur lui, et l’emmènent après l’avoir lié.

Les chaînes dont je vois mon Sauveur accablé, me rappellent celles dont je me suis chargé moi-même, en me laissant asservir par mes habitudes irrégulières.

Divin Jésus, brise ces indignes liens qui tiennent mon âme captive et qui l’empêchent de te suivre; romps les attaches qui m’entraînent vers le monde et ses vanités: ET QU’ENFIN JE T’APPARTIENNE, MAIS VÉRITABLEMENT ET SANS PARTAGE.


Jésus abandonné de ses disciples

Eut-on pu croire que des disciples qui venaient de suivre pendant trois ans leur divin Maître, toujours témoins de ses vertus, toujours comblés de ses faveurs, fussent capables de l’abandonner lorsque le moment était venu de lui prouver leur dévouement?

Hélas! combien d’amis changent de même avec la fortune!

Aussi, Seigneur, c’est toi qui seras ma Seule espérance assurée, mon refuge et ma consolation au milieu des traverses qui pourront m’atteindre.

Malheur à moi, si je me confiais jamais en moi-même ou sur des appuis purement humains: tout cela n’est qu’un bras de chair, incapable de me soutenir. J’ESPÉRERAI EN TOI, Ô MON DIEU, ET JE NE SERAI POINT CONFONDU.

Je condamne les Apôtres qui abandonnèrent Jésus dans le fort de l'affliction; et je ne me condamne pas moi-même, qui ai été plus infidèle encore.

En combien d’occasions n’ai-je pas délaissé les intérêts de mon Maître, non par la crainte de la mort comme les Apôtres, mais par la crainte de quelques frivoles propos?

Combien de fois, par respect humain, me suis-je tu lorsque je devais parler; combien de fois ai-je paru approuver par mon silence ce que je devais condamner?

OUBLIE CES INFIDÉLITÉS, SEIGNEUR: c’est avec confusion que je me les retrace, et je m’efforcerai de n’y plus retomber. Mais toi qui connais ma faiblesse, NE M’ABANDONNE PAS; SOUTIENS-MOI, je t’en conjure, par ta grâce toute-puissante, et que désormais rien au monde, ni louanges, ni mépris, ni caresses, ni outrages, ni promesses, ni menaces, ni la mort, ni la vie, ne soient capables de me séparer de toi, en qui seul je puis trouver ma félicité véritable!


Jésus traversant les rues de Jérusalem

Dans le jardin des Oliviers, Jésus avait, expié la folle joie des pécheurs par la douleur la plus vive; maintenant il va expier l’orgueil des pécheurs dans Jérusalem par les Humiliations les plus cruelles.

Je le vois entrer dans cette ville, non plus en triomphe, ainsi qu’il y parut il y a six jours, mais comme un criminel, lié et garroté, accompagné d’une troupe de soldats qui le traitent avec la dernière ignominie.

Quel cortège pour le Roi de gloire!

C’est ici qu’il confond mon orgueil, l’envie que j’ai de paraître, de briller dans le monde, mon empressement pour les louanges, pour l’estime des hommes.


Jésus accusé par les faux témoins

On conduit Jésus, d’abord chez Anne, ensuite chez Caïphe, Souverain Sacrificateur. On l’interroge sur sa doctrine et ses disciples. J'ai parlé en public, répond-il avec une modestie qui aurait désarmé des esprits moins prévenus, je n'ai rien dit en secret interrogez ceux qui m'ont entendu.

Cette noble réponse lui attire un soufflet de l’un des serviteurs du Grand-Prêtre, et il souffre un si sanglant outrage sans témoigner la moindre aigreur. Oh! qu’il condamne bien ici mes impatiences!

À sa place, qu’eussé-je ressenti?

Hélas! pour les moindres offenses, que n’éprouvé-je pas chaque jour? Que désormais ce ne soit pas en vain que je porte le nom glorieux de son disciple.

Des faux témoins se présentent en foule. Il n’est point de calomnies dont on ne charge le Saint et le Juste. Tout le monde l’accuse sans que personne prenne sa défense. Il aurait pu récuser les juges et les témoins, faire connaître leur malignité et leurs artifices; mais il se tait.

Que j’apprenne de toi, ô, mon Sauveur, à souffrir avec patience; que je conserve comme toi un fonds inépuisable de charité pour ceux qui m’imputeraient des torts dont je suis innocent.


Comme les témoignages qu’on portait contre lui ne s’accordaient pas, et qu’il ne disait rien pour sa défense: Je te somme, lui dit le Souverain Sacrificateur, déclarer si tu es le Christ, le Fils du Dieu.

Jésus ne peut plus se taire; IL S’AGIT DU RESPECT QUI EST DÛ À DIEU, ET DE TENDRE TÉMOIGNAGE À LA VÉRITÉ.

Oui, répond-il, Je le suis.

C’en est assez, nous n’avons plus besoin de témoins, s’écrie le Grand-Prêtre; il a blasphémé, il mérite la mort.

Jésus a dit la vérité; et il mérite la mort! Ainsi parle la passion, c’est ainsi qu’elle Juge!


Jésus insulté et frappé pendant la nuit

Comme il se faisait tard, les Principaux Sacrificateurs, les Scribes et les Pharisiens se retirent pour prendre leur repos, et ils abandonnent Jésus à la brutalité des Soldats. Toutes les moqueries, tous les outrages lui sont prodigués.

On lui crache au visage, on lui donne des soufflets, on lui met un voile sur la figure et on le frappe ensuite, en lui disant avec dérision: Christ, prophétise-nous qui est celui qui t'a frappé.

Jésus ne laisse échapper aucune plainte.

C’est Celui qui m'a laissé un pareil exemple, qui me jugera un jour sur la manière dont je supporte les injures légères que je puis recevoir.


Jésus renié par St. Pierre

Il ne manquait plus à Jésus que ce surcroît de douleur. Pierre, le témoin de sa gloire sur le Thabor et de son agonie dans le jardin des Oliviers, Pierre qui venait de lui jurer une fidélité inviolable, le renie devant tout le monde. Il n’est pas intimidé par le Souverain Sacrificateur, ni épouvanté par les bourreaux, il est seulement interrogé par une servante; et il renie son maître jusqu’à trois fois, même avec serment.

Quelle chute!

Qui ne tremblera pas, en voyant les colonnes de l’église renversées?

Qui présumera encore de soi-même?

Qui: osera s’exposer dans les tentations du péché?

Hélas! Seigneur, combien de fois, moi aussi, après toutes mes protestations de t'être fidèle, ne t’ai-je pas renoncé, sinon par mes paroles, du moins par mes actions, pour m’être exposé témérairement?

Chaque fois que j’ai violé ta loi sainte, que j’ai manqué à mes devoirs, que j’ai participé aux péchés d’autrui par la crainte de déplaire ou par le désir de plaire, j’ai dit PAR MA CONDUITE que je ne te connaissais pas. Heureux si, comme Pierre, je faisais pénitence.

Mais quelle différence entre lui et moi! Il pleure sa faute et se convertit, aussitôt que son Maître daigne jeter sur lui un regard de compassion; et moi..., je diffère toujours! Son péché n’a été que passager et sa pénitence a duré autant que sa vie; mes regrets ne durent qu’un moment. Sa douleur a été amère; la mienne est superficielle. Il n’est plus retombé; et je retombe continuellement.

Ah! Seigneur, regarde-moi d’un de ces regards qui convertit St. Pierre; regarde-moi par ta grâce divine, afin que je triomphe enfin de mes habitudes coupables, et que je ne vive désormais que pour toi!


Jésus conduit devant Pilate

À peine le jour est-il venu que les Principaux Sacrificateurs, avec les Anciens et les Scribes s’assemblent pour délibérer sur les moyens de faire mourir Jésus; et comme il ne leur est pas permis de condamner personne à la mort, ils le conduisent chez Pilate.

Par une fausse délicatesse de conscience, par un scrupule pharisaïque, ils ne veulent point entrer dans le prétoire, crainte de se souiller et d’être hors d’état de participer aux victimes pascales. Quel aveuglement!

Ils ne font pas difficulté de demander la mort du Saint et du Juste, et ils appréhendent d’entrer dans la maison d’un païen!

N’est-ce pas ainsi qu’une foule de chrétiens se font une obligation de quelques pratiques extérieures de piété, tandis qu’ils violent les premiers commandements de la loi et les devoirs les plus essentiels de leur état?

Cependant, les Juifs accusent Jésus devant Pilate d’être un malfaiteur, d’avoir voulu se faire roi des Juifs, d’avoir excité des séditions parmi le peuple, d’avoir défendu de payer le tribut à César.

Que de calomnies entassées les unes sur les autres! Jésus ne répond rien. Sa patience demeure inébranlable; elle est à toute épreuve. QUEL EXEMPLE POUR MOI!


Jésus méprisé par Hérode

Convaincu de l’innocence de Jésus, et ne pouvant calmer la fureur des Juifs à son égard, Pilate l’envoie vers Hérode. Il n’est pas assez généreux pour prendre sa défense, et il n’est pas encore assez injuste pour le condamner.

Hérode est ravi de voir Celui dont il a ouï raconter de si grandes merveilles, il se flatte qu’il fera quelque miracle en sa faveur; mais ce Prince impudique n’est pas digne d’entendre une seule de ses paroles: aussi Jésus se tait. Ce religieux silence que j’adore, me fait entendre que si je dois parler quand il s’agit de défendre les intérêts sacrés de la religion et de la vertu; avec quelque espoir de succès...

Je dois savoir me taire quand je ne ferais qu’exposer les choses saintes à la dérision des profanes.

Hérode regarde ce silence comme une folie, et traite Jésus comme un insensé... et le renvoie à Pilate.


Le peuple préfère Barrabas à Jésus

Pilate convaincu de plus en plus de l’innocence du Sauveur, désire de le délivrer. Il croit avoir trouvé un expédient pour cela; mais il se trompe. Vous avez dit-il aux Juifs, la coutume d'élargir un prisonnier à la fête de Pâques: à qui voulez-vous que j'accorde cette grâce, à Barrabas ou à Jésus-Christ?

Eh quoi!

Jésus comparé à l’infâme Barrabas!

Le Roi de paix à un séditieux!

L’Auteur de la vie à un meurtrier!

Par surcroît d’humiliation, le peuple léger et ingrat qui avait été témoin de la sainteté du Seigneur, de ses miracles éclatants, qui avait été comblé de ses bienfaits, donne la préférence à Barrabas.

Comment, après cela oserais-je me plaindre des préférences que l'on pourrait accorder à d’autres sur moi, quelque injustes qu’elles me parussent, ou qu’elles fussent en effet?

Pilate s’oppose à la demande des Juifs jusqu’à trois fois, mais toujours inutilement. Ce peuple dénaturé ne cesse de solliciter la mort du Juste.

Quelle inconstance! Il n’y a que six jours qu’il reçut le Sauveur en triomphe; aujourd’hui il ne cesse de répéter: qu'on le crucifie! Alors ce n’étaient qu’acclamations, que cris de joie; aujourd’hui ce ne sont que clameurs confuses qu’on le fasse mourir.

Je reconnais dans les vains efforts que fait Pilate pour le délivrer, L’IMAGE DE CES DÉSIRS FAIBLES ET LANGUISSANTS QUE J’AI QUELQUEFOIS DE SERVIR LE SEIGNEUR, MAIS QUI NE PASSENT PAS À L’EXÉCUTION.

Mon Dieu, aie pitié de moi, fortifie-moi, donne-moi une volonté pleine, parfaite et constante de t’appartenir!


Jésus flagellé

Pilate voyant que son premier expédient ne lui avait pas réussi, en invente un second plus cruel, il ordonne que Jésus soit flagellé. Il espérait par là calmer ses ennemis, il ne fait qu’exciter leur fureur.

Voilà le Sauveur du monde environné d’une troupe de bourreaux, qui le dépouillent de ses vêtements jusqu’à la ceinture, qui l’attachent à une colonne, qui le frappent impitoyablement. Son corps est déchiré; son sang ruisselle de toutes parts.

Ah! que ces plaies sacrées, mon divin Maître, guérissent celles de mon âme!

Que le sang que tu répands, coule sur moi pour me sanctifier!

Que ta douceur, ton inaltérable patience, me rendent doux, patient comme toi!

En voyant ton corps innocent traité d’une manière si indigne, oserais-je encore traiter le mien, qui est chargé de souillures, avec délicatesse, avec mollesse?

Non, mon Dieu: je rougis ici devant toi de toutes les satisfactions criminelles que j’ai pu lui accorder.

Je veux désormais le réduire en servitude; je veux le crucifier avec ses désirs déréglés. Je renonce dès aujourd’hui à tous les plaisirs coupables; et je n’userai de ceux qui sont permis qu’avec la modération qui sied à un pécheur.


Jésus revêtu de pourpre et couronné d'épines

La Barbarie des ennemis de Jésus n’est pas satisfaite. Des soldats insolents le revêtent d’un manteau de pourpre, ils enfoncent dans sa tête une couronne d’épines, ils lui mettent un roseau à la main en forme de sceptre, puis, ils fléchissent les genoux devant lui et lui disent par dérision: je te salue , Roi des Juifs. Ainsi est traité le Dominateur des cieux et de la terre!

Quelle n’est pas la malignité du péché, (ne le comprendrai-je jamais?) puisqu’il en coûte si cher à Jésus pour l’expier!

Le laisserai-je encore régner dans mon âme?

Ne le regarderai-pas désormais comme le plus grand des maux, comme le seul mal véritable?

Quelle insolence dans les soldats! Mais quelle patience dans Jésus! Il pouvait écraser les misérables qui l’insultent, et il ne dit pas un mot pour se défendre.

J’apprends ici à céder quand il le faut à la violence, et à ne jamais répondre aux injures par des injures, aux outrages par des outrages.


Jésus présenté au peuple

Pilate présente Jésus au peuple, espérant que le triste état où les bourreaux l’ont réduit attendrira ses ennemis: Voilà, leur dit-il. Mais aucune compassion ne peut avoir accès dans leur cœur; leur fureur ne sera point satisfaite qu’ils ne voient le Sauveur expirer sur la croix; ils ne cessent pas de crier: Crucifie-le, crucifie-le!

Voilà l'homme!

En te contemplant dans l’état lamentable où te trouves, ô mon Divin Maître, JE VOIS QUEL A ÉTÉ L’EXCÈS DE TON AMOUR À MON ÉGARD: mon coeur, de son côté, ne se sentira-t-il pas embrasé d’amour pour toi?

Je vois ce que c’est que le péché, quel est le châtiment qu’il mérite: POURRAI-JE ME DÉTERMINER À EN COMMETTRE UN SEUL?

Je vois quelle est l’horreur que ton Père lui porte, quelle est la rigueur de sa justice: APPRENDS-MOI À LA REDOUTER.


Jésus condamné à mort par Pilate

Pilate ne pouvant rien gagner sur le cœur obstiné des Juifs, rentre dans le Prétoire avec Jésus; il l’interroge de nouveau, comme si, à force de l’interroger, il pouvait le rendre coupable: mais Jésus garde un profond silence. Pilate le menace et lui dit: Ignores-tu que j'ai le pouvoir de te faire crucifier ou de te renvoyer absous? — Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi, s'il ne t’avait été donné d’en haut: telle est sa réponse.

Frappé de ces paroles, Pilate veut de nouveau le sauver: mais pressé par les clameurs des Juifs et par les menaces qu’ils lui font qu’il encourra la disgrâce de César, une criminelle lâcheté l'emporte sur lui; il se lave les mains, et prononce à la fin un arrêt de mort.

Grand Dieu! quelle injustice! en fût-il jamais de semblable?

Malheureux respect humain, que de maux ne fais-tu pas commettre?

QUAND ON CRAINT DE DÉPLAIRE AUX PERSONNES QUI PENSENT MAL, DE QUOI NE DEVIENT-ON PAS CAPABLE

Mon cœur se soulève ici contre la lâcheté de Pilate et la malice des Juifs: mais hélas!

N’ai-je donc pas prononcé contre mon Sauveur la sentence de mort avec Pilate, n’ai-je pas demandé sa mort avec les Juifs, toutes les fois que j’ai consenti au péché, puisqu’il n’est condamné que pour l’expier?


Jésus chargé de sa croix et conduit au Calvaire

Que les médians sont prompts à faire le mal! À peine Pilate a-t-il prononcé contre Jésus le jugement qui le condamne, qu’il est livré entre les mains des bourreaux: la croix se trouve prête; on la charge sur ses épaules.

Je te reconnais, divin Jésus, sous ce bois infâme que tu portes pour l’amour de moi, comme mon Souverain Seigneur et mon unique espérance.

Je te considère comme le Pontife Eternel de la loi nouvelle: tu vas offrir le grand sacrifice, figuré par tous les sacrifices anciens, qui doit procurer, mon salut.

Souffre que je te suive, que je sois témoin du plus auguste, du plus solennel de tous les spectacles.

Fais que je pratique les vertus dont tu vas me donner l’exemple, et que je recueille avec fruit les dernières paroles qui vont sortir de ta bouche mourante.


Jésus attaché à la croix

Jésus, après avoir été déchargé de sa croix que l’on contraint Simon le Cyrénéen de porter, arrive sur le Calvaire, accablé de l'extrême faiblesse où l’ont réduit et la nuit cruelle qu’il vient de passer et la sanglante flagellation qu’il a subie.

On le dépouille de ses vêtements; on l’étend sur la croix où IL VA OFFRIR CE GRAND SACRIFICE QUI APAISERA LA COLÈRE DU TRÈS-HAUT ET ATTIRERA SUR LES HOMMES LES BÉNÉDICTIONS DU CIEL.

Mais quel affreux supplice!

On perce avec des clous, assez gros pour soutenir la pesanteur de son corps, ces mains sacrées qui ne se sont jamais ouvertes que pour faire du bien, ces pieds qui ne se sont pas lassés de chercher les brebis errantes de la maison d’Israël.

Peut-on se représenter les tourments que le Sauveur endure?

Cependant il ne fait entendre aucune plainte:

et moi, je me désole pour la plus, légère souffrance!


Jésus élevé en croix

Que les Juifs regardent cette croix comme un sujet d’ignominie: pour moi, je la considère comme un trône auguste, d’où Jésus commande à toutes les nations; comme un tribunal redoutable, d’où il juge les hommes; comme une chaire éclatante...,

où il m’enseigne la doctrine du salut,

où il m'apprend que la croix est le partage des élus et que CE N’EST QUE PAR LA CROIX qu'on peut aspirer à la gloire.


Jésus priant pour ses ennemis

Pendant que le grand sacrifice se consomme, je vois autour de cet autel nouveau, les Juifs et les Gentils qui profèrent mille blasphèmes, mille insultes contre le Sauveur du monde.

Et ce sauveur adorable, loin concevoir des sentiments d'indignation contre ces impies, s’attendrit sur, leur sort. Il adresse la parole à son Père; et que lui dit-il?

(Que lui auriez-vous dit à sa place, hommes vindicatifs vous qui conservez le plus amer ressentiment des plus légères offenses?)

Écoutons; prêtons une oreille, attentive à cette voix adorable qui, du sein des plus affreux tourments, aggravés par les plus sanglants outrages, va s’élever au Ciel: Pardonne s’écrie la Victime sainte, mon Père, pardonne leur, car ils ne savent ce qu'ils font.

Tout m’est révélé par ces paroles ineffables:

La nature de Jésus; UN SIMPLE MORTEL, dans un pareil moment EN AURAIT-IL PROFÈRE DE SEMBLABLES?

LA CHARITÉ SANS BORNES qui l’anime, qu’il lègue à ses disciples comme leur plus précieux héritage, et qui doit créer un monde nouveau, d’amour et de paix;

enfin, l’obligation qu’il m'impose de me garder de toute impression quelconque de vengeance.

Oui, que je sois l’objet de torts plus ou moins graves; je me rappellerai ces divines paroles;

et malheur à moi, si après les avoir retracées, à mon souvenir je pouvais songer autre chose qu’à pardonner moi-même!


Jésus promet le Paradis au bon larron

Des deux larrons, compagnons du supplice de Jésus,

l'un est sauvé par miséricorde,

l’autre, abandonné à sa malice par justice;

l'un fait pénitence, confesse hautement Jésus-Christ, pendant que tout le monde l’abandonne; (quel courage! effet merveilleux de la grâce qui peut convertir les plus grands pécheurs!)

l'autre s’endurcit de plus en plus, blasphème contre Jésus-Christ, et meurt dans son péché; (quelle obstination! effet terrible du péché dans lequel on a vieilli!)

La fin heureuse de celui-là me fait voir que JE NE DOIS JAMAIS DÉSESPÉRER DE LA MISÉRICORDE DE DIEU;

La mort funeste de celui-ci me montre ce que JE DOIS REDOUTER DE SA JUSTICE, SI JE NE M’ATTACHE PAS À LUI SANS DÉLAI ET SANS RÉSERVE.

Je vois ici le différent usage que font des afflictions les fidèles et les mondains.

Tous les hommes ont été condamnés à souffrir en Adam, tous sont crucifiés avec Christ;

mais LES FIDÈLES, comme le bon larron, souffrent avec humilité, avec soumission, avec patience; LES MONDAINS souffrent avec murmure, se plaignant, quelquefois même blasphémant.

LES FIDÈLES, expiant en quelque manière leurs péchés par l’affliction, s’y purifiant comme l’or dans la fournaise, sont comblés de consolations, souffrent moins, et obtiennent le ciel;

LES MONDAINS accumulent leurs péchés au sein de leurs épreuves, souffrent infiniment plus, sans consolation ni soulagement, et commencent leur enfer en ce monde.

Ah! donne-moi, divin Jésus, de souffrir comme tes élus!


Jésus recommandant sa mère à St. Jean-Baptiste

Compagnons inséparables des souffrances de Celui qu’ils chérissent par dessus tout, Marie sa mère, et St. Jean son disciple bien-aimé sont au pied de la croix. À la vue de sa mère, Jésus lui dit, en regardant St. Jean: Femme, voilà ton fils; puis il dit au disciple: voilà ta mère.

Il apprend ici à tous les enfants la vive sollicitude qu’ils doivent éprouver pour les auteurs de leurs jours, quelques soient leurs propres peines, à quelque extrémité qu’ils puissent se trouver réduits.

Mais quoiqu’il aimât sa mère d’un amour plein de tendresse, cependant il ne la désigne point sous ce nom si doux à prononcer, pour nous montrer que:

nous devons aimer nos parents, non d’un amour purement humain et charnel, mais d’un amour chrétien, sanctifié par les hautes pensées de la religion.


Jésus s'adressant à son père

Après avoir parlé à sa mère pour la dernière fois, Jésus adresse la parole à son Père: Mon Dieu, mon Dieu, s’écrie-t-il pourquoi m'as-tu abandonné?

Il ne l’appelle pas son Père, mais son Dieu, PARCE QUE CHARGÉ COMME IL L’EST DES PÉCHÉS DE TOUS LES HOMMES QU’IL DAIGNE EXPIER, il ne l'envisage plus en ce moment que comme Son Juge.

QUELLES INSTRUCTIONS SONT RENFERMÉES POUR MOI DANS CES PAROLES!

1. Jésus me révèle par elles qu'elle la grandeur et le poids inouï des souffrances qu'il endure;

2. il me dévoile toute l'énormité du péché,

3. les terribles châtiments qu'il mérite

4. et les rigueurs de la Justice divine SUR LE PÉCHEUR.


J'ai soif

Après cela, Jésus voyant que tout était accompli, afin qu'une parole de l'Écriture fût encore accomplie, il dit: j'ai soif. Il prononce ces paroles, non pour recevoir quelque soulagement, mais pour accomplir tout ce qui avait été prédit de lui par les Prophètes.

Quelle exactitude!

Et comme elle condamne dans moi, et dans tant de personnes qui font profession de lui appartenir la négligence à remplir des devoirs qu’on regarde comme peu importants;

négligence qui conduit bientôt à la violation des obligations les plus saintes.

Jésus profère encore cette parole: J'ai soif, POUR ME RENDRE PLUS ATTENTIF À LA GRAVITÉ DE SES DOULEURS.

Mais quel est le soulagement qu'on lui offre?

On ne rougit pas de lui présenter du fiel et du vinaigre.

Me conviendrait-il après cela, à moi, pauvre pécheur, de me plaindre au milieu de mes souffrances de l’ingratitude de ceux à qui j’ai pu faire du bien, du peu de consolation que je reçois de mes amis?

Je vois bien, divin Jésus, que tu as voulu passer dans toutes les épreuves, afin que je n’en fusse pas surpris quand elles m’arriveraient, et que je t’eusse pour modèle: Fais-moi la grâce de t'imiter.


Tout est consommé

Enfin Jésus s’écrie: TOUT EST CONSOMMÉ.

L'iniquité des hommes est en effet consommée.

Les figures et les prophéties de l’ancienne loi sont consommées.

Les humiliations; et les souffrances de Jésus sont consommées.

La mission qu’il a reçue de son Père est consommée.

Sa charité pour nous est consommée.

L’œuvre admirable de la rédemption est consommée.


1. Je me jette en pensée au pied de ta croix, Sauveur adorable.

2. Je te rends grâces d’avoir voulu souffrir POUR L’AMOUR DE MOI des tourments si cruels.

3. Je veux te chérir jusqu’au dernier moment de mon existence.

4. Je veux, faire la guerre au péché qui est l’auteur de ta mort.

5. Je veux le faire mourir en moi avec l’assistance de ta grâce que je ne cesserai d’implorer du fond de mon âme.

Tout est consommé! Ah! bienheureux le fidèle, qui, à sa dernière heure, peut répéter à l’exemple de son divih Maître, (quoique d’une manière bien différente) ces saintes paroles!

Heureux qui peut se dire:

J’ai été exposé à une foule de tentations,

le monde et la chair m’ont livré de violents combats,

j’ai passé par de dures épreuves;

mais grâce à la miséricorde de mon Dieu et aux secours de son Saint-Esprit, j’ai triomphé de ces divers périls; maintenant tout est consommé!

Le ciel va s’ouvrir pour moi. Non pas assurément par mes propres mérites, puisque mes meilleures actions ont été souillées par des imperfections nombreuses, puisque je n’ai cessé de payer par de fréquentes erreurs un triste tribut à la fragilité humaine; mais tout est consommé:

par le désir ardent que j’ai eu d’appartenir à mon Dieu,

par les efforts assidus que j’ai faits pour lui plaire,

par la vive foi qui m’a uni à mon divin Sauveur,

par le recours pressant que je n’ai cessé d’avoir en ses miséricordes,

ET PAR LES FRUITS INEFFABLES DE SA MORT, DE SON SACRIFICE, DE SES MÉRITES, qu’il daigne imputer à ceux qui placent en lui, mais en lui seul, toute leur confiance.

Tout est donc consommé!

Heureux, je le répète encore, ah! mille fois heureux ceux qui, sans illusion, peuvent répéter ce consolant langage!


Jésus est mort

Jésus est mort! Et pour qui est-il mort?

pour MOI et pour tous les hommes.

Qui l’a fait mourir?

Nos péchés (MES péchés), la justice de son Père, son amour pour nous.

Oh! que le péché est dont quelque chose d’affreux! que la justice de Dieu est rigoureuse! que l’amour de Jésus est grand et généreux! Mais si le Saint des saints, le bien-aimé du Père, l’objet de ses complaisances, meurt d’une mort cruelle et ignominieuse, PARCE QU’IL A LA RESSEMBLANCE DU PÉCHÉ,


QUE NE DOIS-JE PAS CRAINDRE,

MOI QUI SUIS PÉCHEUR EN EFFET,

SI JE NE RENONCE PAS DÈS CE MOMENT ET SANS RETOUR

À TOUT CE QUI EST MAL?


Jésus est mort! Cependant tout mort qu’il est, il ne cesse pas de m’instruire. Ne pleure pas sur moi, semble-t-il me dire, pleure plutôt sur toi-même.

Je saurai triompher du trépas;

mais toi, triompheras-tu de toutes les habitudes funestes, qui t’éloignent encore de mon service?

Je saurai sortir du tombeau, et en sortir pour ne plus mourir,

mais toi, te contenteras-tu toujours de ces frivoles projets d’amendement, de ces chimériques résolutions, de ces vaines promesses que tu violes un moment après les avoir faites?


Non, mon divin Sauveur! oh! Non! Il me semble du moins, à cette heure qu’une vie nouvelle vient de passer en mon âme.

Ta croix et les douleurs inouïes que tu y as endurées;

Ta croix et l’amour immense que tu m’y as témoigné;

Ta croix et les exemples admirables que tu m’y as donnés, ont éveillé en moi des pensées, des sentiments, des désirs dont j’ose espérer des fruits salutaires.


MAINTENANT JE CONNAIS QU’IL N’Y A QU’UN SEUL MAL

VRAIMENT REDOUTABLE SAVOIR,

LE PÉCHÉ QUI SOUILLE NOTRE ÂME.


Je sais par qui seul je puis être relevé de l’esclavage avilissant où il nous réduit, par qui seul je puis être délivré de ses suites à jamais déplorables. Et je gémis d’avoir pu différer si longtemps de m’attacher à toi sans réserve.

Viens enfin, Seigneur, ah! viens prendre possession d’un cœur qui brûle de t’appartenir!

QUE TA GRÂCE SANS LAQUELLE JE NE SUIS RIEN, JE NE PUIS RIEN, se déploie abondamment dans mon infirmité, afin que désormais ce ne soit plus moi qui vive, mais que ce soit toi qui vives en moi.

C’est la tâche que je ne cesserai de me proposer, c’est la faveur que je ne cesserai d’implorer tous les jours de ma vie.



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