Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !
Leçons données dans une école du Dimanche sur les prophètes Elie et Elisée

VINGT-NEUVIÈME LEÇON

2 ROIS, IV, 38-44.

38 Élisée revint à Guilgal, et il y avait une famine dans le pays. Comme les fils des prophètes étaient assis devant lui, il dit à son serviteur: Mets le grand pot, et fais cuire un potage pour les fils des prophètes.

39 L’un d’eux sortit dans les champs pour cueillir des herbes; il trouva de la vigne sauvage et il y cueillit des coloquintes sauvages, plein son vêtement. Quand il rentra, il les coupa en morceaux dans le pot où était le potage, car on ne les connaissait pas.

40 On servit à manger à ces hommes; mais dès qu’ils eurent mangé du potage, ils s’écrièrent: La mort est dans le pot, homme de Dieu! Et ils ne purent manger.

41 Élisée dit: Prenez de la farine. Il en jeta dans le pot, et dit: Sers à ces gens, et qu’ils mangent. Et il n’y avait plus rien de mauvais dans le pot.

42 Un homme arriva de Baal-Schalischa. Il apporta du pain des prémices à l’homme de Dieu, vingt pains d’orge, et des épis nouveaux dans son sac. Élisée dit: Donne à ces gens, et qu’ils mangent.

43 Son serviteur répondit: Comment pourrais-je en donner à cent personnes? Mais Élisée dit: Donne à ces gens, et qu’ils mangent; car ainsi parle l’Éternel: On mangera, et on en aura de reste.

44 Il mit alors les pains devant eux; et ils mangèrent et en eurent de reste, selon la parole de l’Éternel.


* * *

Nous avons aujourd’hui un enseignement très intéressant et qui semble fait pour les temps où nous sommes.

Il s’agit d’une famine, et vous avez pu vous faire quelque idée des scènes affreuses qu’entraîne ce fléau par les récits que nous a donnés, l’hiver dernier, la Feuille religieuse du canton de Vaud, sur les souffrances de la malheureuse Irlande. Vous vous rappelez que des enfants expiraient de faim dans les bras de leurs mères; souvent la famille entière succombait; on n’avait plus de cercueils, et pour abréger, on fermait à clé la porte de la maison et l’on y mettait un sceau particulier pour indiquer qu’elle ne contenait plus que des cadavres.

Ces tristes événements, qui se sont passés de nos jours à côté de la riche Angleterre, auraient pu se passer à Genève, mes enfants.

Remercions Dieu de ce qu’il nous épargne, et de ce que notre pays, depuis près de deux siècles, n’est plus visité par cet horrible fléau, très fréquent autrefois. Ceux de vous qui ont déjà lu l’histoire de Genève savent qu’il revenait environ tous les dix ans, et causait de si horribles souffrances que le peuple disparaissait par l’effet des privations et des maladies épidémiques qui viennent presque toujours à la suite des famines.

Vous avez pu voir aussi dans la Bible, soit dans l’Ancien, soit dans le Nouveau Testament, combien ce malheur était fréquent dans les temps anciens.

Vous vous le rappelez au temps de Joseph et des onze autres fils de Jacob.

Vous vous le rappelez au temps d’Élie et de la veuve de Sarepta.

Nous apprenons, au chapitre VIII de notre livre des Rois, que la famine, du temps d’Élisée, dura sept années; et dans le Nouveau Testament, nous voyons que sous le règne de l’empereur Claude, il y en eut une très grande, pendant laquelle l’apôtre Paul et son ami Barnabas durent porter des secours aux pauvres de Jérusalem (Actes, XI, 28-30.).

Eh bien, mes enfants, ce fléau semblait de nos jours être devenu presque impossible, grâce à la découverte de la pomme de terre. On disait: — Nous pourrons voir encore des temps de cherté ou de disette, mais de famine jamais, parce que la pomme.de terre n’est point sujette aux mêmes accidents que le blé, dont la maturité se consomme en plein air, tandis que ce précieux tubercule accomplit la sienne dans le sein de la terre, à l’abri des sécheresses, des grêles, des froids, des pluies, des insectes; mais cette année, le Seigneur a voulu donner aux nations de l’Europe, de l’Asie et même de l’Amérique, un grand avertissement: une maladie mystérieuse, inexplicable est venue détruire dans les sillons de la terre cet aliment des pauvres et des riches,

montrant aux nations qu’elles ne subsistent que par un effet de la puissance, de la providence et de la miséricorde de Dieu, et qu’il n’a qu’à dire un mot pour que toutes les horreurs de la famine reviennent humilier et tourmenter les peuples.

Celle qui visita Israël, au temps d’Élisée, fut sévère, vous ai-je dit.

Vous pourrez en juger par ces deux circonstances, qu’elle dura sept années et que la dame riche de Sunem dut quitter la contrée.

Vous avez cru peut-être que son histoire était finie; mais non: il en sera encore question au chapitre VIIIe.

Lisez-m’en, je vous prie, les premiers versets, de 1 à 6.

Après le départ de la dame Élisée quitta sa résidence du mont Carmel, probablement par des motifs de modestie et d’humble prudence; il ne voulait pas qu’on fît de lui un grand homme, qu’on exaltât sa personne à la suite de cet éclatant miracle de résurrection dont le roi lui-même avait été un admirateur; il se transporta donc à Guilgal dans son ancienne école de prophètes, fondée, vous le savez, par Élie.

Que l’un de vous me dise, en passant, quelle était la situation respective de ces deux habitations d’Élisée, le Carmel et Guilgal.

Le Carmel était au bord de la mer Méditerranée, où il s’avance en promontoire près de la ville de Saint-Jean-d’Acre;

Guilgal était à vingt ou vingt-cinq lieues de distance, près des rives du Jourdain.

Là Élisée instruisait ses disciples; il leur parlait sans doute du Messie, de la rédemption qui se trouve près de Dieu en abondance (Ps. CXXX. 7.), et de la nécessité de prêcher aux hommes la conversion par la bonne nouvelle de cette rédemption. Il vivait dans l’intimité de ses disciples, en s’associant à leurs privations; il avait un grand renom à la cour; il avait sauvé trois rois et trois armées dans la guerre de Moab; il était en crédit auprès du roi et des généraux, comme on le voit par l’offre qu’il fit à la dame de Sunem (verset 13); il aurait donc pu vivre dans l’honneur et l’abondance; mais il préférait partager, dans l’humilité et le renoncement, la rude existence des fils de prophètes, et mangeait avec eux la pauvre soupe préparée par son serviteur.

Les fils des prophètes étaient assis devant lui. Vous savez ce que signifie cette expression.

Ces jeunes gens écoutaient ses pieux enseignements, assis à terre autour de lui, selon l’usage des Orientaux. Quelques-uns de mes amis qui ont visité dernièrement des écoles en Orient, m’ont raconté avoir vu les enfants assis à terre devant leur maître, les jambes croisées, comme font ici les tailleurs.

Ce spectacle leur avait vivement rappelé de nombreuses paroles des Écritures, et entre autres:

Celles de Paul, racontant ses études «aux pieds de Gamaliel (Actes, XXII, 3.)

Le démoniaque guéri (Luc, VIII, 35.),

et Marie de Béthanie, assise aux pieds de Jésus pour l’écouter (Luc, X, 39.).

Ce grand serviteur de Dieu, qui s’était soumis à vivre avec ces pauvres fils de prophètes, connaissait leurs besoins et s'occupait d’y pourvoir; mais il le faisait selon la mesure des circonstances difficiles où Dieu avait jugé bon de les placer: il n’accomplissait pas de miracles pour leur procurer l’abondance en ce temps de famine, mais seulement pour les empêcher de mourir. Il dit donc à son serviteur: Mets la grande chaudière, et cuis du potage (il la fallait bien grande pour préparer de la soupe à une centaine d’hommes).

Cet ordre d’Élisée nous montre qu’en cherchant à porter aux hommes la parole de vie, il ne faut pas oublier leurs besoins temporels. Saint Paul, le grand prédicateur des Gentils, raconte que ses frères de Jérusalem, en lui donnant la main d’association pour ses travaux missionnaires, lui recommandèrent de prendre soin des pauvres, et il ajoute qu’il s’était toujours efforcé de le faire (Gal., II. 9. 10.). Nous le voyons, en effet, occupé d’une grande collecte pour les pauvres de la Judée; les VIIIe et IXe chapitres de sa seconde épître aux Corinthiens sont pleins des détails de cette collecte, et il fit un voyage de plusieurs centaines de lieues pour aller, accompagné de quelques frères, en porter le produit à Jérusalem; ce fût alors qu’il y fut mis en prison (Actes, XI, 30. Rom., XV, 25-26.).

Observez la simplicité, la sévérité du genre de vie auquel Élisée s’était volontairement soumis avec son serviteur; ils se nourrissaient de soupe, et de quelle soupe!

N’ayant pas de viande à y mettre, on allait dans les vignes chercher quelques feuilles et quelques plantes, au pied des ceps sauvages, tandis que dans la maison, Élisée rompait le pain de vie à ses jeunes étudiants.

Eh bien, chers enfants, je vous engage à vous rappeler ces choses quand vous seriez tentés d’être exigeants pour ce que vous mangez ou ce que vous buvez.

Que de fois n’ai-je pas vu de petits garçons ou de petites filles se plaindre, ou prendre un air boudeur et mécontent, même verser des larmes, parce que tout en leur donnant en abondance le nécessaire, on ne leur accordait pas quelque friandise dont la vue avait excité les désirs de leur gourmandise!

Il faudrait plutôt nous rappeler notre Seigneur, qui ne mangeait pas même du pain d’orge sans rendre grâce.

Il faudrait nous rappeler tant de pauvres qui sont reconnaissants et qui chantent les louanges de Dieu quand il leur donne du pain pour eux et pour leurs enfants.

Il faut nous dire souvent: Je ne suis pas digne du pain que je mange et de l’eau que je bois!

Beaucoup de nos semblables sont soumis à de telles privations. L’année où je devins pasteur à la campagne (1816), il y avait une disette terrible dans le pays, et je me rappelle une pauvre famille qui vint s’établir dans ma paroisse. Elle avait passé plusieurs mois au pied du Jura, se nourrissant, comme les fils des prophètes, d’herbes que le père allait chercher dans les champs; aussi fut-il toujours malade dès lors et sa femme, non plus, ne recouvra jamais la santé; mais elle avait encore plus faim de la Parole de Dieu que du pain pour son corps, et j’ai appris plus tard que, malgré sa grande pauvreté, elle payait quelques sous à un homme fort pauvre aussi, pour qu’il vînt lui lire la Bible; car elle ne savait pas lire elle-même.

Or, un des jeunes gens de la troupe qui entourait Élisée, plus empressé que les autres et mû d’une très bonne intention, s’en alla dans la campagne chercher quelques herbes; il trouva de la vigne sauvage, et, ayant vu une plante rampante qu’on appelle coloquinte ou concombre du Levant, et qui porte de petits fruits ronds, il crut faire merveille de relever le pan de sa robe comme une femme fait de son tablier, et de le remplir de ces fruits, puis de les rapporter et de les couper en petits morceaux pour en enrichir le pauvre potage de la maison, car il ne savait pas ce que c'était.

On en dressa à quelques-uns; mais à peine en eurent-ils mangé qu’ils s’écrièrent: Homme de Dieu, la mort est dans la chaudière! Ils avaient des douleurs, ils se sentaient empoisonnés.

Que va devenir cette troupe?

À grand-peine avait-on préparé ce potage avec un peu de farine, de l’eau et quelques herbes, et on ne peut le manger!

Que feront-ils?

Ils s’adresseront au prophète afin qu’il intercède en leur faveur, et qu’il obtienne pour eux un secours miraculeux.

Remarquez ici, chers enfants, la sagesse qui nous a donné deux besoins ou deux facultés pour notre conservation et notre sûreté: la faim et le goût.

Sans la faim, on aurait beau nous dire: Vous mourrez si vous ne mangez pas; nous nous laisserions périr.

Sans la faim, il n’y aurait en peu de temps plus d’habitants sur la terre.

Sans le goût, cette espèce de tact, dont l’organe est dans la bouche où nos aliments sont reçus et broyés avant d’aller dans l’estomac, nous mangerions souvent des choses malsaines; avertis par le goût, nous nous écrions à temps: La mort est dans la chaudière!

Eh bien, voilà ce qu’il nous faut aussi pour la vie de notre âme:

la faim de nourriture spirituelle, sans laquelle nous péririons; car, bien que l’Écriture nous dise: Si vous ne mangez pas vous périrez, nous négligeons l’aliment céleste jusqu’à ce que nous soyons affamés. C’est pourquoi Jésus-Christ a dit: «Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés (Matth., V, 6.)

Sans le tact spirituel, nous ne pourrions pas discerner ce qui est bon et mauvais, nuisible ou favorable pour la santé de notre âme. Le Seigneur et sa Parole entretiennent en nous cette faim et ce goût.

Élisée n’avait pas fait de miracle pour donner l’abondance à ses disciples, mais il va en faire pour les délivrer de la famine, de la maladie et de la mort. Il demande de la farine dont on n’avait probablement plus que quelques poignées, il en prend comme il avait pris du sel à Jéricho, il la jette dans la chaudière, puis il dit: Qu’on en dresse à ce peuple, car il n’y a plus rien de mauvais dans la chaudière.

Pensez-vous qu’il y ait dans la farine une vertu pour purifier les aliments et en ôter l’amertume ou le poison?

Non, mais cette simple poignée devait montrer que toute la vertu venait de Dieu.

Il en est ainsi de la prédication. Dieu la met dans des hommes incapables par eux-mêmes, mais il y attache une vertu bienfaisante, selon ce que disait l’apôtre Pierre, lors de la guérison du boiteux à la porte du temple: «N’ayez pas les yeux arrêtés sur nous comme si c’était par notre puissance ou par notre sainteté que nous avions fait marcher cet homme; Dieu a ressuscité le Prince de la vie, et par la foi en son nom, son nom a raffermi les pieds de cet homme (Actes, III, 12.)

La nourriture de la chaudière fut rendue agréable et bienfaisante par la vertu de Dieu, et nous devons le remercier de ce qu’il rend le pain tel pour nous, sans quoi il nous serait comme du sable.

Pourquoi la terre, qui fournit le pain, ne nous nourrit-elle pas? Le pain est composé d’eau et de charbon, et ni l’eau ni le charbon ne nous nourrissent, parce que Dieu n’a pas mis en eux cette vertu.

Sur ces entrefaites un homme pieux voulut, par amour pour Dieu, faire une offrande à l’école des prophètes dont il connaissait la détresse. Il était des montagnes d’Ephraïm, et il envoya à Élisée un don des prémices de son revenu: vingt pains d’orge, (de petits, pains ronds tels qu’on les fait en Orient, et dont on mange un par personne), et du grain encore dans l’épi.

L’excellent évêque de Jérusalem, M. Gobât, nous a raconté n’en avoir souvent eu que de tels à manger en Abyssinie et il fallait de bonnes dents; il a enduré beaucoup de privations et a dû une fois marcher neuf mois sans souliers. Dans une certaine occasion, il voyageait avec des jeunes gens qui disaient entre eux: «Cet homme nous a tant dit qu’il faut se confier en Dieu, voyons ce qu’il fera quand il n’aura plus rien;» — car, en effet, il ne mangeait depuis plusieurs jours, avec ceux qui l’açcompagnaient, que du grain sec qu’il faisait rôtir quand il le pouvait, et cette provision même était achevée, en sorte qu’il était depuis vingt-quatre heures sans nourriture. Il s’était arrêté, épuisé, auprès d’une source, lorsqu’il vit arriver un homme portant un fardeau de pain. «Pourquoi venez-vous dans ce lieu désert?» lui demanda-t-il.

Cet homme répondit: «Mon maître a été empêché de dormir la nuit dernière, par la pensée que quelque voyageur était peut-être en détresse, et il m’a envoyé ce matin pour le chercher et lui apporter du pain.» Les jeunes gens comprirent que la foi du serviteur de Dieu n’était pas vaine.

Un autre jour, où M. Gobât se trouvait dans une angoisse semblable, il vit arriver une femme qui lui dit: — As-tu une mère?Oui, et elle est veuve. — Où est-elle?Dans un pays de montagnes qu’on appelle la Suisse. — Eh bien, je veux faire quelque chose pour toi pour l’amour de ta mère. — Et elle lui apporta du lait, car il était presque défaillant.

Telle était la foi d’Élisée; aussi dit-il: Donne ces pains à ce peuple afin qu’ils mangent, et le serviteur dit: Donnerais-je ceci à cent hommes? Mais il répondit: Donne-le; car ainsi a dit l'Éternel: Ils mangeront et il y en aura de reste, selon la parole de Jésus, quand il nourrit cinq mille hommes avec cinq pains d’orge: «Amassez les morceaux qui seront de reste, afin que rien ne se perde (Jean, VI, 9-12.).»

Vous voyez, chers enfants, combien notre leçon d’aujourd’hui est applicable à l’état où se trouvent souvent des chrétiens et surtout cette année, et combien la Parole de Dieu a été admirablement préparée pour pourvoir à tous les besoins du peuple de Dieu.




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