Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !
Leçons données dans une école du Dimanche sur les prophètes Elie et Elisée

SIXIÈME LEÇON

I ROIS, XIX, 4-10.

4 Pour lui, il alla dans le désert où, après une journée de marche, il s’assit sous un genêt, et demanda la mort, en disant: C’est assez! Maintenant, Éternel, prends mon âme, car je ne suis pas meilleur que mes pères.

5 Il se coucha et s’endormit sous un genêt. Et voici, un ange le toucha, et lui dit: Lève-toi, mange.

6 Il regarda, et il y avait à son chevet un gâteau cuit sur des pierres chauffées et une cruche d’eau. Il mangea et but, puis se recoucha.

7 L’ange de l’Éternel vint une seconde fois, le toucha, et dit: Lève-toi, mange, car le chemin est trop long pour toi.

8 Il se leva, mangea et but; et avec la force que lui donna cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne de Dieu, à Horeb.

9 Et là, il entra dans la caverne, et il y passa la nuit. Et voici, la parole de l’Éternel lui fut adressée, en ces mots: Que fais-tu ici, Élie?

10 Il répondit: J’ai déployé mon zèle pour l’Éternel, le Dieu des armées; car les enfants d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont renversé tes autels, et ils ont tué par l’épée tes prophètes; je suis resté, moi seul, et ils cherchent à m’ôter la vie.

* * *

Ces versets, chers enfants, nous présentent un triste spectacle et une sérieuse leçon.

Nous y voyons y après une journée de miracles, de gloire, de succès inouïs, la chute soudaine de toutes les espérances d’Élie et aussi la chute de son courage et de sa foi.

Cet homme de Dieu venait d’accomplir de grandes choses devant tout le peuple d’Israël par la puissance de la prière.

Il avait combattu pour son Dieu sur le Carmel, en présence de toute la nation;

il avait vaincu; le ciel s’était déclaré pour lui par d’éclatants miracles; le feu de l’Éternel était descendu à sa voix sur son sacrifice;

les prêtres de mensonge avaient été confondus;

la terre, depuis trois ans et demi sans pluie ni rosée, avait reçu des torrents d’eau sur ses champs désolés; le peuple tout entier, à cette vue, s’était prosterné en s’écriant: C’est l’Éternel qui est Dieu!

Le roi lui-même, devenu docile, paraissait convaincu;

les quatre cent cinquante prophètes de Baal avaient été mis à mort sous ses yeux par les Israélites désabusés, qui semblaient ne vouloir plus obéir désormais qu’à la voix de l’Éternel.

C’était au milieu de ces scènes émouvantes que le roi était parti sur son char rapide pour porter dans sa capitale, à sa cour et à sa reine les nouvelles des grandes choses qui venaient de s’accomplir.

Élie, revêtu d’une force miraculeuse et tout plein d’une sainte joie et d’un pieux enthousiasme, avait couru, sans se lasser, devant la voiture royale jusqu’à la ville de Jizréel.

Quelle arrivée! que d’espérances ravissantes dans le cœur israélite du prophète! Il était tard dans la nuit ou déjà près du matin; car c’est un voyage de plusieurs heures que celui du Carmel à Jizréel; la pluie tombait en abondance; tout le peuple était dans l’allégresse: ses maux allaient finir!

Achab racontait sans doute à Jésabel tous les prodiges de la journée. Une réformation va commencer en Israël, se disait Élie; ce peuple si longtemps égaré va retrouver son Dieu; tous ceux qui n’ont pas été rassemblés au Carmel vont s’écrier à leur tour: «C’est l’Éternel qui est Dieu!» et partout on va revenir avec enthousiasme à la religion des pères, et relever les autels du vrai Dieu!

C’était ainsi qu’Élie, le cœur bondissant d’espérance, arrivait à Jizréel; mais, hélas! qu’allons-nous voir?

Le roi vient raconter à sa belle et orgueilleuse compagne pourquoi ces torrents de pluie descendent du ciel avec cette magnifique abondance: «De grands miracles,» lui dit-il, «se sont accomplis. Élie a convaincu la nation que l’Éternel est Dieu. Il a vaincu sur le Carmel, et il a fait mettre à mort comme des imposteurs et des sacrilèges les quatre cent cinquante prophètes de Baal.»

À cette parole, cette femme méchante entre en fureur, et bientôt elle fait partager au faible et malheureux Achab toute sa haine et ses projets homicides contre le prophète du Dieu vivant.

Ce prince, subjugué d’abord par l’ascendant d’Élie et par l’exemple du peuple enthousiasmé, avait semblé sous de bonnes impressions; il avait même laissé condamner les prophètes de mensonge, et comme approuvé leur châtiment, tel qu’il était ordonné dans la loi du Deutéronome; mais maintenant qu’il est auprès de sa méchante femme, son mauvais cœur reprend tout son endurcissement, toute son impiété.

Il oublie les miracles qu’il a vus;

il ne tient plus compte de cette pluie miraculeuse qui sauve son royaume et lui-même d’une ruine entière,

et il se livre à la funeste influence de cette femme idolâtre à laquelle il avait uni son existence pour le malheur de sa vie et pour sa ruine.

Hélas! mes enfants, tel est le cœur de l’homme; LES MIRACLES N’ARRÊTENT PAS LES PERSÉCUTEURS (vous vous rappelez Pharaon); touchés un moment, ils retournent bientôt à leur inimitié.

Jésabel envoie un messager vers Élie. Pourquoi?

Non pas pour le saluer, comme il s’y attendait probablement; non pas pour le remercier de la pluie, pour lui offrir de la nourriture, peut-être une place dans le palais.

Non! mais pour lui dire: Ainsi fassent les dieux et ainsi ils y ajoutent, si demain, à cette même heure, je ne te mets pas au même état que l’un d’eux.

Quel coup pour lui, qui croyait sans doute que le roi, la reine et le peuple allaient retourner au vrai Dieu!

Mais comprenez-vous pourquoi, au lieu de le faire mourir à l’heure même, elle lui envoie cet avertissement! Au lieu des gendarmes et du bourreau, c’est un messager?

On a pensé qu’elle craignit le peuple, qui était alors dans l’enthousiasme. On peut supposer qu’à cette heure de la nuit, par la pluie, elle n’était pas en mesure de le faire mourir immédiatement, ou bien qu’elle voulait, dans sa haine, lui faire savourer la mort, rendre son supplice plus solennel, plus public, plus éclatant.

Mais comme il arrive souvent, sa passion l’aveugle;, car elle donne ainsi à Élie le temps d’échapper. Elle jure par ses dieux; elle appelle leur malédiction si demain à cette heure le prophète n’est pas mort.

Pauvre femme! Et toi, sais-tu si tu vivras demain?

Vous vous rappelez, l’histoire d’Hérode?

Il avait fait mourir l’apôtre Jacques; il voulait aussi condamner Pierre, et ce fut lui qui fut frappé sur son trône! Il fut saisi de vives douleurs; une vermine impure sortit de son corps; une odeur infecte faisait fuir tous ceux qui l’entouraient: il fût décomposé avant d’être mort, lui dans sa force, dans sa gloire, beau de taille et de visage, au comble de toutes les prospérités (Actes, XII, 20-23.).

Et Élie voyant cela (verset 3). Quoi, cela?

C’est-à-dire que toutes ses espérances de réformation s’en allaient en fumée; que tous ses miracles de la veille: le feu, la pluie, la course; que toutes ses exhortations au roi, que toutes ses humbles soumissions demeuraient sans effet pour changer les dispositions homicides de cette méchante femme, et que le roi la laissait faire; il se leva.

Malheureux Élie! peut-être, sans avoir même pris de nourriture, au moins sans repos après tant de fatigues, et il s’en alla comme son cœur lui disait, c’est-à-dire peut-être sans bien savoir où.

Mais je pense qu’il y a dans ces mots un sens plus profond, et qu’ils nous montrent en quoi consista le péché d’Élie: il suivit son faible cœur au lieu de consulter Dieu et de s’appuyer sur lui. «Jeune homme, marche comme ton cœur te mène,» dit l’Ecclésiaste (Ecclés., XII, 1.); «mais sache que Dieu t’amènera en jugement.»

Ces expressions: «Marcher selon le regard de ses yeux,» «marcher selon l’homme,» marquent presque toujours un blâme dans l’Écriture, parce que le cœur de l’homme est déchu, «trompeur et désespérément malin (Jér., XVII, 9.)

Sans doute, il ne faut pas trop se hâter de juger un homme de Dieu, un prophète. Mais voyez que de faiblesse après tant de courage! voyez quelle fuite, quel abandon de son œuvre, quel oubli de sa grande mission!

Quel contraste entre ces deux hommes!

Élie sur le Carmel!

Élie à Jizréel!

Élie qui fait trembler le roi par son regard!

Élie qui fuit devant une femme!

Et c’est là, mes chers enfants, la grande leçon dont je vous parlais en commençant.

Nous voyons ce que deviennent les hommes les plus saints, les plus forts, les plus pieux, les plus bénis, les plus courageux, les plus ardents, les plus soumis,

Si Dieu les laisse un moment à eux-mêmes;

ils sont faibles, ils tombent.

Et pour nous rendre cette vérité plus sensible, Dieu a permis, et il nous a montré dans la Bible, que les plus beaux caractères, les plus grands hommes péchassent justement par la qualité la plus éminente qui les distingue.

David, au cœur loyal, généreux, héroïque, se montre vil dans l’histoire d’Urie, non seulement coupable des plus mauvaises passions, mais perfide (2 Sam., XI).

Abraham, le père des croyants, manque de foi (Gen., XII, XVI, XX.);

Moïse, ce serviteur si fidèle, défaille devant la révolte du peuple (Nom., XX, 10-12.);

Jean, que Jésus aimait, qu’on a appelé l’apôtre de la charité, demande un jour que le feu descende du ciel sur un village où il a été mal reçu (Luc, IX, 54.);

Pierre, si courageux, agit en lâche, et dans une autre occasion, lui si sincère et si ouvert, doit être repris en face pour un manque de droiture (Marc, XIV, 66-72. Gal., Il, 14.).

Ah! mes enfants!

Il faut que «celui qui est debout prenne garde de tomber (1 Cor., X, 12.);»

Il faut «prier sans cesse (1 Thes., V, 17.)

Il faut se tenir collé à Jésus-Christ; car si les chênes de la forêt tombent, que deviennent les arbrisseaux?

C’est au jour de nos plus grands succès qu’il faut dire avec Saint Paul: «Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort (2 Cor., XII, 10.)

Voyez cet Élie qui avait dit: L'Éternel des armées, devant qui je me tiens, est vivant qu’aujourd’hui même je me montrerai à Achab; au lieu de dire la même parole à l’égard de Jésabel, il s’enfuit! lui qui avait fait mourir les quatre cent cinquante prophètes, il craint la mort pour lui-même; lui qui avait vu tout le peuple à genoux, il veut mourir, non pour voir Dieu, mais pour ne plus combattre dans sa sainte et belle mission.

Voilà ce que ce grand réformateur est devenu!

Dieu permet ces choses, mes enfants. Pourquoi?

Pour montrer la faiblesse et le néant de l’homme; pour qu’on ne s’appuie pas sur l’homme; pour qu’on ne l’exalte pas; et aussi pour le bien de ses serviteurs eux-mêmes, afin qu’ils ne s’enflent pas d’orgueil; car si c’est un péché de manquer de fidélité, c’en est un plus grand de s’enfler devant Dieu; rien ne lui déplaît autant que l’orgueil.

Remarquez qu’Élie fit un grand mal par sa fuite.

La réformation était commencée; elle se serait faite humainement parlant; le peuple de Jizréel, comme celui du Carmel, se serait déclaré pour le vrai Dieu, tandis qu’en s’éloignant il jeta le découragement chez tous les fidèles; il détruisit l’effet de ses premiers travaux, les fruits de son premier courage; le pauvre peuple réveillé fut abandonné, et ceux que les premiers actes du prophète avaient rendus sérieux et attentifs purent se dire: «Il a craint la mort, nous la craindrons aussi

On a dit que si l’évêque Briçonnet, qui avait amené par ses prédications beaucoup d’âmes à Jésus-Christ au temps de la Réformation, avait eu le courage de braver la mort, humainement parlant l’œuvre se serait accomplie en France.

Élie s’enfuit à Beerséba, tout au midi de la Palestine, à quarante ou cinquante lieues de Jizréel. Là il laissa son serviteur, peut-être pour lui épargner des privations et des fatigues trop grandes pour son âge, s’il était, comme on l’a pensé, le fils de la veuve de Sarepta; peut-être à cause de la mélancolie et du découragement, qui lui faisaient désirer la solitude aussi bien que la mort.

Pour se rendre à Beerséba, il devait traverser le pays de Juda, où régnait alors le pieux roi Josaphat; pourquoi ne s’arrêta-t-il pas là où il aurait été si bien accueilli?

Soit parce que Dieu ne le lui permit pas, soit parce que, dans l’excès de son effroi, il ne se sentait en sûreté nulle part, soit parce que, honteux de sa fuite, il n’osait se montrer à ses frères.

Voyez son abattement: il s’assied sous un genêt, espèce d’arbre ou d’arbrisseau, sans doute pour se mettre à l’abri du soleil, et là il demande la mort.

Ah! chers enfants, il y a sûrement bien des personnes dans cette assemblée, et des jeunes gens même, qui, dans certains moments de leur vie, ont fait la même prière.

On raconte du grand roi Xerxès qu’étant un jour sur une colline il regardait autour de lui toute son armée et sa cour magnifique; on le croyait enivré de sa gloire, et tout à coup on s’aperçut qu’il pleurait: «C’est qu’il m’est venu dans la pensée,» dit le jeune roi, «que de toute cette multitude, il ne restera plus personne au bout de quelques années; et surtout que dans cette foule d’hommes il n’y en a peut-être pas un seul qui n’ait, au moins une fois, désiré de mourir.»

Voilà, chers enfants, la pensée d’un païen. Mais un chrétien doit-il désirer la mort?

Oui, si c’est pour voir Dieu, pour être avec Christ, pour ne plus pécher.

Mais non, si c’est seulement pour ne plus souffrir.

Un soldat ne doit pas se cacher ou s’enfuir la veille d’une bataille; et un chrétien est un soldat; il faut que son maître, quand il arrivera, le trouve à son poste.

Calvin avait trois ou quatre maladies à la fois; il souffrait beaucoup, et quand on lui disait de se soigner et de se reposer, il répondait: «Voulez-vous que quand Jésus-Christ viendra il ne me trouve pas à l’œuvre?»

Lisez-moi 2 Cor., VII, 10; et quand vous aurez du chagrin, rappelez-vous ce passage. Il y a deux tristesses:

l’une, c’est d’avoir péché, c’est de ne pas ressembler à Jésus-Christ;

l’autre, c’est d’avoir à souffrir, c’est de ne pas posséder le bonheur qu’on désire. Celle-ci est mauvaise, on doit la combattre; «elle produit la mort,» dit Saint Paul.

Élie avait un peu de cette tristesse, mais il avait aussi de l’autre; il s’affligeait surtout d’avoir manqué de courage, d’avoir abandonné son oeuvre, d’avoir trompé les espérances du peuple de Dieu; au moins tel me semble être le sens de sa plainte et de la raison qu’il donne pour demander la mort: Je ne suis pas meilleur que mes pères.

Peut-être s’était-il cru meilleur qu’eux à cause des grandes choses que Dieu lui avait donné de faire. Il se coucha, et, de fatigue et de «tristesse,» comme les apôtres en Gethsemané (Luc, XXII, 46.), il s’endormit.

Mais Dieu ne le laissait pas; car malgré ses faiblesses coupables, il était son enfant. Dieu le châtiait comme un père; Dieu voulait lui apprendre l’humilité et en même temps relever son courage. Aussi lui envoya-t-il son ange avec un gâteau et de l’eau, comme il lui avait envoyé, dans de plus beaux jours, des corbeaux; toutes les créatures, les plus hautes comme les plus basses, sont à son service et au service de ses fidèles. Il lui montra par là qu’il aurait pu le garder de Jésabel; et lui dit, comme Jésus à Pierre: «Homme de petite foi, pourquoi as-tu douté?»

Il le traite comme un père traite son enfant, qui a eu des torts, mais qu’il chérit et chérira toujours. Aussi, lorsque Élie se rendort par l’excès de sa fatigue, l’ange le touche une seconde fois et lui dit: Lève-toi et mange, car le chemin est trop long pour toi.

Quelle bonté et quels soins paternels de son Dieu!

Élie mange et boit, et avec la force miraculeuse que lui donne ce repas céleste, il marche quarante jours et quarante nuits jusqu’en Horeb.

On peut aller de Béerséba en Horeb en bien moins de quarante jours; mais il fallait qu’Élie errât dans le désert où Dieu voulait l’instruire comme Moïse, et faire de lui un type du Sauveur, ainsi que je vous le dirai plus tard.

Élie entra dans une caverne, et y resta en méditation et en prière, dans l’abattement et la douleur, comme Jonas devant Ninive, et plus justement que lui; car il pensait avoir fait une grande chute et avoir compromis la cause de Dieu.

Il devait sentir qu’il y a «un temps pour tout (Ecclés., III, 1),» et qu’il eût mieux fait d’être à Jizréel que de méditer dans une caverne.

Nous sommes bénis dans la retraite quand nous nous y trouvons avec la permission de Dieu, par exemple par la maladie, mais non lorsque c’est en fuyant un devoir plus actif et plus difficile. Aussi y a-t-il un mélange de tendresse et de reproche dans la parole de l’Éternel: Quelle affaire as-tu ici, Élie?

Élie veut s’excuser, s’approuver. Il a eu la gloire de Dieu fort à cœur; il a été jaloux de ce que les enfants d’Israël l’avaient abandonné.

Vous savez, mes enfants, ce que c’est que la jalousie: c’est le déplaisir que d’autres aient des avantages que nous possédons déjà, mais que nous voudrions qu’ils n’eussent pas.

L’envie, c’est le déplaisir que d’autres possèdent ce que nous n’avons pas: c’est un sentiment mauvais.

Ainsi, un pauvre a de l’envie à l’égard d’un riche, et un riche a de la jalousie à l’égard d’un autre riche.

On dira d’un père qu’il est jaloux si son enfant donne son affection à d’autres. On le dira aussi d’un mari à l’égard de sa femme et d’une femme à l’égard de son mari. Mais Dieu seul a toujours le droit d’être jaloux, parce qu’il est le seul auquel nous devions tout rapporter, et ses serviteurs ont le droit de l’être POUR LUI, quand ils voient donner à des créatures ce qui n’appartient qu’à lui.

C’est dans ce sentiment que David disait: «Mes yeux se sont fondus en ruisseaux d’eau, parce qu’on n’observe pas ta loi (Ps. CXIX, 136.)

Élie éprouvait cette jalousie; mais il s’exagérait le mal.

Il oubliait Abdias et les hommes tels que lui, et les cent prophètes.

Il oubliait aussi ses propres torts.

Ils ont démoli tes autels, dit-il à l’Éternel. Ces autels étaient-ils permis, puisque les sacrifices ne devaient être célébrés qu’à Jérusalem?

Non; mais ce culte valait mieux que rien; de même, quoiqu’il y ait à redire à celui de beaucoup de temples dans les pays chrétiens, c’est cependant un malheur lorsqu’il est négligé et abandonné.

Élie, aigri dans le sentiment de sa douleur et de ses torts, s’en prenait aux autres. «Il fit même intercession contre Israël,» nous dit Saint Paul (Rom., XI, 2.). C’est ainsi que lorsque nous nous sommes enflés ou trop livrés à l’espérance, les mécomptes nous exposent à nous décourager outre mesure, à blâmer les autres, à être sévères dans nos jugements.

Les hommes les plus zélés sont alors quelquefois portés à penser qu’ils ont travaillé en vain, et quand ils voient beaucoup de mal dans l’Église, ils croient qu’il n’y a plus d’espoir, plus de succès possible, plus rien de bon.




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