Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LES LEÇONS DE LA PAROLE DE DIEU

SUR L’ÉTAT DE L’HOMME DANS L’ÉTERNITÉ


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LA SOCIÉTÉ DES BIENHEUREUX


Dieu étant infini et ayant tout en soi et par soi, n’a besoin que de lui-même pour être parfait et heureux: il n’en est pas ainsi des créatures. C’est pourquoi elles sont toutes dans sa dépendance immédiate et dans la dépendance les unes des autres. Cet enchaînement des êtres créés dont se compose l’univers mérite de fixer l’attention du philosophe chrétien.

1.° Tout être dans ses rapports avec les autres est comme un centre qui manifeste ses propriétés par une sphère d'activité et d’influence autour de lui; ce qui est une représentation de l’action du centre premier et universel, du Dieu qui s’est manifesté par le double acte de la CRÉATION et de la CONSERVATION DE L’UNIVERS.

2.° Il y a aussi action réciproque des êtres entre eux, et par conséquent réaction, alternative d’influence reçue et d’influence communiquée; ce qui est une représentation du rapport particulier que le Créateur daigne soutenir avec les Intelligences, agissant sur elles, les attirant à lui, et leur faisant sentir le besoin de tendre vers lui et de l’attirer à elles pour nourrir leurs facultés. De là l’attraction et la gravitation morales qui se répètent au physique.

3.° Cette action réciproque des êtres est SOUMISE À DES LOIS qui combinent et mesurent les mouvements, les influences et leurs effets, pour le maintien de l’Ordre et l’équilibre des facultés, des propriétés et des jouissances de chaque être; ce qui est une représentation de la mesure selon laquelle le Créateur agit sur les Intelligences et les Intelligences peuvent s'approcher de lui; et de plus, une représentation de l'harmonie qui a lieu entre les attributs du Créateur et dans les mouvements de sa vie au dedans de lui-même.

De là, l’Ordre universel qui se fait sentir dans le monde spirituel, dans le monde physique supérieur, et jusque dans le monde physique matériel; malgré le mélange du mal qui s’y trouve.....


Considérant l’homme sous le rapport moral, nous verrons que, SI par ses dispositions, ses actions et ses goûts, IL S’OCCUPE PLUS DE SES RAPPORTS AVEC DIEU, qui est son Principe et qui DOIT être le Centre de ses affections, il s'en occupe PLUS que de ses rapports avec les créatures:

C’est alors que l’homme intérieur, dans toute la plénitude du sens moral de ce mot, vit plus de ces sentiments intimes qui procèdent de Dieu et qui l’unissent à lui, que de ceux qui résultent du commerce avec les créatures.

Si au contraire l’homme s’occupe plus de ses rapports avec les créatures que de ceux qu’il soutient avec Dieu, s'il cherche sa principale et sa plus fréquente jouissance au-dehors, c’est l'homme extérieur dans le sens que l'Écriture Sainte désigne sous les noms d'homme animal et de vieil homme.

Nous recherchons la société de ceux qui nous ressemblent!

Le savant recherche le savant;

L'artiste, d’autres artistes;

Le militaire, d'autres militaires.

Celui qui se plaît dans un genre d'occupation ou d'amusement, se plaît aussi avec ceux qui y trouvent leur bonheur; il nourrit et augmente le sien par cette communication.

En vertu de cette disposition naturelle, celui qui met son plus grand plaisir dans les entretiens religieux, dans la société des gens de bien, est d'autant plus heureux qu'il s'attache aux véritables jouissances; et c'est pour les lui procurer que Dieu lui destine dans le ciel une société parfaite.

C’est là que s’accomplira de la manière la plus heureuse la loi de l'attraction sociale, qui est en rapport avec le besoin d'aimer que son cœur ne cesse de sentir.

Puisque nous sommes destinés à vivre éternellement en société, HÂTONS-NOUS DE LIRE LES PAGES DE L'ÉCRITURE SAINTE qui nous éclaireront sur cet intéressant sujet.

On peut déjà comprendre qu'il ne s’agit pas ici d'une société semblable en tout à celles d’ici-bas, où les sens grossiers de l'homme ont malheureusement une si grande part; aussi J. C. déclare-t-il qu’il n'y aura pas de mariage; mais on ne sera pas moins dans un état social, puisqu'on sera comme les Anges qui ne forment qu'une seule famille sous les yeux du Père de tous (Matt. XXII, 30; Marc XII, 25).

Cette société est fréquemment désignée sous le nom de ROYAUME DES CIEUX, royaume que l'œil de l’homme mortel n'a point vu, qui n'est jamais monté dans sa pensée, et QUE DIEU RÉSERVE pour ceux qui l'aiment.

Ce sont des choses ineffables qu'il n'est pas permis à un homme de rapporter, lors même que la connaissance lui en aurait été donnée, comme elle l’avait été à St Paul (1 Cor. II, 9; 2 Cor. XII, 4).


Parlons de cette image d’un royaume pour coordonner tout ce que nous avons à dire sur l’état de l’homme glorifié, considéré en particulier dans les relations sociales.

Supposons un royaume aussi parfait qu’il est possible d’en supposer un sur la terre, nous verrons que le bonheur des citoyens dépend, non seulement de ce qu’ils sont en eux-mêmes, mais aussi de leurs rapports avec le Chef Suprême, avec leurs concitoyens, et avec le pays même considéré, dans sa situation et ses richesses, tellement que chaque individu a ses droits et ses jouissances, tandis que par l’acquit de certains devoirs il verse dans le trésor commun le produit de ses propres œuvres.

Si l’on pouvait supposer en même temps l’absence de toute erreur et de tout vice soit dans les administrateurs soit dans les citoyens, une parfaite unité de vues, un accord sincère de sentiments et de volontés, un concours universel et soutenu pour le bien public, on aurait l’idée du bonheur le plus parfait sur la terre.

Mais ce qui ne peut être que supposé à l’égard des choses de ce bas monde, est RÉEL ET CERTAIN QUANT À CELLES DES CIEUX.

Là il n’y a ni passions orageuses, ni chocs d’intérêts, ni sentiments haineux, ni guerres désolantes, ni erreurs qui égarent, ni défaut d’équilibre et de proportion dans les biens et les jouissances (des cieux), ni distances qui séparent ceux qui s’aiment, ni peines qu’ils aient à partager, ni mort qui les couvre de deuil.

Là est la perfection à tous égards:

La perfection dans le Chef,

La perfection dans les citoyens,

La perfection dans leurs rapports mutuels,

La perfection dans la région qu’ils habitent et dans la demeure particulière à chacun.

Mais pourquoi en est-il ainsi?

Parce que le royaume de Dieu porte les caractères de son adorable et souverain Chef, qui en est en même temps le Créateur et le Père.


C’est donc un Royaume de BONTÉ, où la charité de Dieu préside à toutes ses œuvres sans être arrêtée par aucun obstacle, et où les biens dont on jouit sont les fruits de l’épanouissement continuel de son cœur, qui est tout amour (Ps. CXLV, 9).

Royaume aussi de SAINTETÉ et de JUSTICE, où, l’Ordre divin étant respecté, chacun reçoit selon le bien qu’il fait et le degré de charité qui le possède, où par la pureté des sentiments et des œuvres on glorifie le Dieu de sainteté, et où le péché n’ayant aucun accès ne peut introduire le malheur (Héb. I, 8; Es. VI, 3).

Royaume de SAGESSE, où chaque être, chaque chose a sa place pour des fins morales et glorieuses, et où cette sagesse qui gouverne tout éclate aux yeux des bienheureux pour les remplir d’admiration et de joie, quand ils sont invités à sonder et à contempler les profondeurs des trésors de la sagesse et de la science de Dieu (Ps. CIV, 24; Rom. XI, 33).

Royaume de LUMIÈRE, où la vérité est sans mélange d’erreur, parce qu’on voit à découvert tout ce qu’on est destiné à connaître: on est là avec le Père des lumières; il est lui-même le Soleil de ses enfants, et l'Agneau est leur flambeau (Jaq. 1, 17; Ap. XXI, 23; XXII, 5).

Royaume de PUISSANCE, où rien ne résiste à la volonté de Dieu ni à l’action de ses serviteurs, et d’où aucun ennemi ne peut approcher, parce qu’ils sont tous sous les pieds du Chef, ou comme convertis ou comme comprimés, ou sous son sceptre d’or ou sous son sceptre de fer. Là se déploie avec éclat la puissance de Dieu, son bras étendu auquel rien n’est difficile (Jér. XXXII, 17).

Royaume ÉTERNEL sous un Roi éternel, dont rien ne peut entamer l'être: point de fin à sa durée; il ne sera jamais détruit; la domination du Seigneur subsistera à jamais (Luc I, 33; Dan. VI, 26)


Comment donc un tel royaume ne serait-il pas celui du bonheur, puisque c’est celui du Dieu bienheureux, qui verse sans interruption et dans tous les sens les biens dont il est l’intarissable source, et dont il jouit par lui-même (1 Tim. VI, 15).

LE MONDE DE LA GLOIRE N’A QU’UN CENTRE QUI EST DIEU MÊME; c’est pourquoi, tandis qu’ici-bas l’ennemi de Dieu a aussi son trône, la paix règne dans le ciel avec l’unité.

Ainsi donc les êtres intelligents et moraux qui sont émanés de Dieu et qui vivent dans une entière union avec lui, participent à ses perfections; chacun d’eux, selon la place qu’il occupe, les fonctions qu’il doit remplir, et la mesure de bonheur dont il est rendu capable, porte le caractère de la bonté de Dieu, de sa sainteté, de sa justice, de sa sagesse, de sa lumière, de sa puissance, de son éternité et de sa béatitude.

C’est là le seul état que nous devions connaître, puisqu’il s’agit du royaume qui nous avait été préparé dès la fondation du monde, du royaume que le péché nous a fait perdre en nous privant tous de la gloire de Dieu, du royaume qui nous est rendu par un pur effet de sa grâce en J. C.

Aussi notre entrée dans le ciel sera-t-elle pour nous une restauration, un rétablissement, un renouvellement (Matt. XXV, 34; XIX, 28; Rom. III, 23-24; Act. III, 19-21; 2 Pier. III, 13; Ap. XXI, 1, 5, etc.).

Cet heureux état est désigné sous les noms d'héritage, de paradis, de vie éternelle:

C’est un héritage; nous posséderons les biens de notre Père, mais de son vivant et en participation avec lui, parce qu’il est immortel.

C’est un paradis, c’est-à-dire, un lieu de délices; nous y aurons sans mélange de mal toutes les jouissances analogues à chacune de nos facultés (Luc XXIII, 43; Ap. II, 7).

C’est la vie éternelle; nous la puiserons dans l’union avec ce Jésus qui est appelé la vie, et la vie éternelle (Jean XIV, 6; XVII, 2; 1 Jean I, 2; V, 20).

De là vient que le royaume des cieux est aussi appelé le royaume de J. C., et que lui-même est désigné sous les noms de Roi, de Seigneur, de Roi des rois, de Seigneur des seigneurs (Eph. V, 5; Col. II, 10; Ap. XVII, 14. XIX, 16).

Or, ce royaume est LA VÉRITABLE PATRIE DE L'HOMME ENFANT DE DIEU. C’est pourquoi les Patriarches faisaient profession d'être étrangers et voyageurs sur la terre, comme désirant une meilleure patrie qui est celle du ciel, une cité que Dieu leur avait préparée (Héb. XI, 14-16).

Pouvait-il en être autrement, éclairés qu'ils étaient d'une révélation divine, au point qu'Abraham avait vu le jour de J. C., c’est-à-dire, qu’il avait été initié dans le mystère de la rédemption (Jean VIII, 56).

À l'imitation des Patriarches, l'Apôtre qui a fait l'éloge de leur foi désire aussi d'entrer dans les cieux, parce que nous n'avons point ici de cité permanente, et que nous devons chercher celle qui est à venir, oui, à venir pour nous, mais qui existe déjà pour une multitude innombrable de bienheureux (Héb. XIII, 14).

Là se trouve avec les Anges l'assemblée des premiers-nés, des premiers qui y ont été admis après avoir quitté la terre et dont les noms y sont écrits, enregistrés, comme noms de citoyens reconnus: là se rencontrent les esprits des justes qui sont parvenus à la perfection (Héb. XII, 22-23).

Heureuse société qui croîtra en nombre et en richesses, lorsque Ie Seigneur enverra ses Anges pour rassembler ses élus des quatre coins du monde depuis un bout du ciel jusqu'à l'autre (Matt. XXIV, 31; Marc XIII, 27).


* * *


Arrêtons-nous maintenant à ce qui concerne en particulier les communications sociales de l'ordre céleste. Et disons d’abord qu’on ne peut être que très heureux, là où le sentiment de la charité fait taire celui de l’intérêt personnel, et chercher le bonheur dans celui du prochain.

Si l’on se représente une société d’hommes dont chacun reçoive ce qui lui est nécessaire et s’en contente, sans qu’il n'y ait jamais, pour personne, ni privation, ni souffrance, il est clair que le sentiment légitime du moi étant satisfait, on verra l’Ordre produire la paix, et chacun jouir en liberté de ce qu’il reçoit immédiatement du Dispensateur du trésor commun.

Si de plus on suppose que chacun des membres de cette société est fidèle et exact à faire part aux autres de ce qu’il doit leur communiquer de ses avantages, qu’il augmente leur bonheur par cette communication, tandis que les autres augmentent le sien par la réciprocité des bienfaits, et que tous sentent beaucoup plus le besoin de donner que celui de recevoir, que tous contribuent par cet accroissement mutuel de richesses, de bonheur et d’union à rendre l’accès du mal impossible, on comprendra qu’alors le bonheur de tous résulte nécessairement de celui de chacun, et le bonheur de chacun de celui de tous.

Là où est l’Ordre, là aussi la faculté expansive de chaque être se développe autant qu’elle doit le faire, et le bonheur de l’un se communique aux autres comme l’étincelle électrique qui traverse librement toute la chaîne exposée à son action, anime tout sans rien foudroyer.

TEL EST L’ÉTAT DU CIEL: chacun y jouit en paix de ce qu’il reçoit immédiatement de Dieu, de ce qu’il reçoit de ses semblables, et du plaisir qu’il éprouve à contribuer lui-même à leur félicité.

Point de cette funeste recherche de soi-même qui glace le cœur, trompe l’esprit, égare la raison, rompt les liens les plus sacrés, trouble l’ordre social, et immole tout à l’égoïsme: ce sentiment digne de l’enfer est inconnu dans les cieux.

ON NE VOIT PLUS RIEN QU’EN DIEU; on ne s’aime qu’en lui, on n’aime les autres qu’en vue de lui. Chacun laissant à ce bon Père le soin de le rendre heureux, ne pense qu’à procurer, qu’à avancer le bien des autres.

Plus qu’un Maître, Dieu seul; plus qu’une loi, la charité; plus qu’une volonté, celle que la charité inspire. Comme Christ est dans ses disciples glorifiés, leur union est parfaite (Jean XVII, 23).

C'est de lui que tout le corps, étant bien proportionné et bien joint par la liaison de ses parties qui communiquent les unes aux autres, tire son accroissement à proportion de la force qu'il distribue dans chaque membre, afin qu'il soit édifié par la charité (Eph. IV, 16).

Comme c'est un même Dieu qui opère tout en tous, les diverses opérations de chacun, les dons qui les enrichissent, les sentiments qui les animent, concourent à l'utilité commune (1 Cor. XII, 4-27).

Peut-on douter après cela du bonheur de ceux qui sont assis à table avec Abraham, Isaac et Jacob? Et n’est-il pas remarquable que J. C. ait parlé de Lazare comme étant dans le sein d'Abraham?

Ce que ce Patriarche n'avait pu obtenir dans la Canaan terrestre, il a donc obtenu dans le ciel; il s’y trouve à la tête de la nombreuse famille dont il est le Père; il y reçoit ceux qui ont été sur la terre ses véritables enfants; il y est pour eux le ministre des bénédictions divines (Matt. VIII, 11; Luc. XIII, 28-29; XVI, 22): bel exemple par lequel J. C. faisait sentir aux Juifs, que ce qui ne s’accomplit pas sur la terre se réalise au delà du tombeau.


On demande souvent si les hommes se reconnaîtront dans une autre vie, et si ceux qui se seront aimés mutuellement sur la terre se trouveront réunis dans le ciel?

St Paul parlant de sa propre résurrection et de celle des autres Apôtres, dit aux Corinthiens qu'ils paraîtront avec eux, c'est-à-dire, avec ces chers objets de leurs travaux.

Nous serons, dit-il aussi aux Thessaloniciens, nous serons élevés tous ensemble dans les nues au-devant du Seigneur (2 Cor. IV, 14; 1 Th. IV, 17).

Voilà les relations spirituelles formées sur la terre qui se continuent dans une meilleure région: ce qui a été lié sur la terre en vue du Seigneur est lié dans le ciel (Matt. XVIII, 18). C’est là la vraie parenté, non par la chair, mais par I'esprit:

la parenté avec le Père de la famille des Intelligences,

la parenté avec J. C. qui s’est fait notre Frère,

la parenté avec les esprits qui procèdent du même Dieu,

la parenté avec les rachetés de J. C. et ses cohéritiers,

la parenté avec les amis de la lumière, de la sagesse et de la paix.

Heureuse parenté qui ne peut connaître ni la division, ni la misère, ni la mort, auxquelles n’échappe aucune des relations de ce bas monde, quelque nécessaires quelles soient pour un temps, et quelle que soit la sagesse qui y préside.

J. C. parlant de l'abus des richesses dont on se fait ici-bas des amis pour seconder l’avarice ou l'ambition, dit: faites-vous des amis qui vous reçoivent dans les demeures éternelles (Luc XVI, 9). Voilà les relations de la charité.

Ceux qui auront fait le bien en vue du bien même, et ceux qui l’auront reçu avec reconnaissance et en glorifiant le Seigneur, pourront être unis par le doux lien que la charité bienfaisante et la charité reconnaissante auront formé sur la terre; ils pourront se retrouver dans le ciel, là où le commerce éternel des biens divins résultera en partie des rapports qui auront été établis ici-bas par la pratique des diverses branches de la charité.

Combien cela n’est-il pas vrai surtout à l’égard des biens spirituels, de tout ce qu'on aura fait pour l’édification du prochain! Et c’est là ce que St Paul avait particulièrement en vue dans ce qu’il écrivait aux fidèles de Corinthe et de Thessalonique.

S'il y a de la joie dans le ciel pour la conversion d'un pécheur qui est sur la terre, que sera-ce à la vue de l’entrée de ce pécheur dans le ciel, et de l’entrée de tous ceux à la conversion desquels on aura contribué (Luc XV, 7-10)?

Puisqu’on doit moissonner ce qu’on aura semé, pourrait-on ne pas reconnaître ceux qu’on aura aidés à tendre vers Dieu, et ne pas jouir des glorieux fruits de leur conversion?

Qui pourrait concevoir sur la terre une idée assez grande de ce qu’est la charité des bienheureux qui savent mieux que nous ce que vaut le salut, et de la joie que leur inspire celui des pécheurs?

Aussi lisons-nous que, sur le Thabor Moïse et Élie glorifiés et réunis, s’entretenaient avec le Sauveur de la mort qu’il devait souffrir pour le genre humain; et St Jean dans ses révélations a vu plusieurs fois les Saints dans le ciel célébrer ensemble le mystère de la rédemption. Tels que des malheureux qui, après avoir échappé à un affreux naufrage, multiplient leur joie en la goûtant ensemble, tels les rachetés réunis dans les cieux accroissent leur bonheur de la part qu'ils ont eue à l'édification de leurs frères.


QU’EST-CE QUE CELA VOUS DIT ET VOUS PROMET,

à vous, Pasteurs de tous les temps qui avez travaillé à cette oeuvre avec ardeur;

à vous, chefs de famille qui avez fait régner dans vos demeures la foi, la piété et les vertus;

à vous, missionnaires courageux qui avez porté l’Évangile aux nations plongées dans les ténèbres de la mort,

et à quelques-uns desquels nous devons nous-mêmes de pouvoir marcher à la clarté de ce divin flambeau;

et à vous, Chrétiens de toute condition, qui contribuez de toutes vos forces à l’édification de l’Église?

Mais les consolantes espérances de la charité édifiante regardent-elles ces gens qui se seront mutuellement AIMÉS SUR LA TERRE POUR LA TERRE même, ces gens qui auront surtout cherché dans leurs relations les futilités, les plaisirs et les intérêts de la vie présente, et qui, au lieu de sanctifier leur union par l’esprit d’édification et de piété, se seront détournés mutuellement de la voie du ciel et placés sur le chemin de la perdition?

VOUS VOULEZ des amis d’éclat, vous les aurez peut-être sur cette terre; mais cet éclat n’est que celui d’une étoile tombante:

VOUS VOULEZ qu’on s’empresse à vous procurer les jouissances des sens, à les multiplier, à les raffiner; vous aurez peut-être tout cela; mais tout cela doit finir avec cette vie, et souvent finir par d’affreuses douleurs:

VOUS VOULEZ des appuis terrestres; vous les trouverez peut-être; mais la mort viendra les abattre sous vos yeux.

Ni vanités, ni hochets (futilités), ni idoles animées ou inanimées, en forme de métal ou sous forme humaine, rien de tout cela ne fait partie des éléments du ciel.


Les plantes mortes dans la pépinière seraient-elles transplantées en Éden?

Grand Dieu, quelle fâcheuse illusion on se fait tous les jours à cet égard!


Pour s’en convaincre, il faut s’adresser à soi-même cette question:

Telle personne que j’aimais m’a été enlevée par la mort: je la crois reçue dans les demeures de la paix. Est-ce pour y être AVEC ELLE PLUTÔT QU’AVEC DIEU que je désire y aller?

Est-ce elle ou Dieu que j’y chercherais premièrement, si j’étais libre d’y pénétrer?

Voilà la pierre de touche!

Sans doute, le Seigneur ne nous défend pas d’espérer la réunion avec ceux que nous aurons aimés sur la terre: mais son amour doit aller avant tout pou LUI, autrement notre cœur ne serait pas pur puisque Dieu n’en occuperait pas la première place.

Aussi, lorsque les trois Apôtres qui furent témoins de la transfiguration de leur Maître, éblouis par le spectacle de sa gloire et transportés de joie à la vue de Moïse et d’Élie, trouvèrent qu'il serait bon de rester là et d’y dresser des tentes, Moïse et Élie disparurent, et LES APÔTRES NE VIRENT PLUS QUE JÉSUS SEUL (Luc IX, 36).

Dans le ciel, il faut que tous les sentiments soient purs, tous les motifs nobles, tous les rapports parfaits; mais rien de tout cela ne peut avoir lieu, qu’autant que Dieu est tout et qu'il règne pleinement dans les cœurs.

Une admirable hiérarchie, autre source de bonheur, anime le royaume des cieux, et y détermine les rapports, les devoirs et les jouissances; il faut, AVANT D’Y ÊTRE ADMIS, s'y préparer sur la terre par l'amour de Dieu et par l'entière SOUMISSION À SA VOLONTÉ.

Là sont des trônes, des dominations, des principautés, des puissances, des archanges et de simples anges, soit en vertu de l’inégalité des récompenses soit à cause de la variété des dons; cependant il y règne un seul et même Esprit.

Soit que l'on commande ou qu'on obéisse, tout se fait en vue de Dieu et par sa direction.

Des divers actes de chacun résulte le bien de tous; et tel qui, à certain égard commande, est à quelque autre égard sous la dépendance. C’est la théocratie telle quelle devait être sur la terre, la théocratie dans sa perfection; et c'est en vertu d'elle et pour participer aux avantages qui se trouvent sur les divers degrés du trône de Dieu, que les Saints seront sacrificateurs et rois: vérité que nous aurons sujet de développer dans la suite.

Quelle ne sera pas la gloire qui les environnera aussi, quand les vertus qu'ils auront pratiquées en secret et en vue de Dieu seul seront récompensées publiquement.

Les aumônes ignorées sur la terre vaudront des trésors, parce que ceux qui en auront été les objets venant à connaître leurs bienfaiteurs, seront alors en état de leur rendre en or des cieux ce qu’ils avaient reçu de leur bienveillance, et proclameront leurs noms à la face de l'Église céleste.

Les prières qui n’auront été entendues que du Seigneur seront publiquement exaucées par ce Dieu qui peut faire pour nous infiniment plus que nous ne pensons et demandons.

Le jeûne, les sacrifices quelconques, les privations souffertes devant lui seul aboutiront à un rassasiement de joie, dont la cause sera connue des bienheureux.

Les persécutions endurées par les fidèles pour avoir donné gloire à la vérité, confessé J. C., rempli tel ou tel devoir en dépit des mondains, seront suivies pour eux de la gloire d’être publiquement reconnus par J. C., approuvés, dédommagés par lui (Matt. Vl, 4-6; 16-18; Eph. III, 20; Luc XII, 8-9).

Quel bonheur encore pour les Saints de prier tous ensemble, de réunir leurs sentiments et leurs voix, non plus pour gémir sur leurs péchés et pour en implorer le pardon, non plus pour demander la délivrance des douleurs et des inquiétudes, mais pour célébrer avec la plus vive allégresse, et avec les sentiments les plus délicieux de la reconnaissance et de l'amour, les miséricordes du Seigneur qui les aura délivrés, rachetés, glorifiés, consolés, et les richesses incompréhensibles de J. C., et les innombrables merveilles du monde divin, et les beautés éternellement nouvelles du Dieu qui fera leur ravissement et leur joie!

Quel encens que leurs prières! Quelle harpe que celle qui accompagnera leurs cantiques! Quels accents de louange et de bonheur que ceux qui se répéteront et se propageront dans toute l'étendue des cieux (Ap. V, 9-14; VII, 10-12. VIII, 3-4).

Là donc, dans cet heureux séjour où chaque chose est à sa place, où le ton de l’harmonie est celui de la charité, où la couleur dominante est celle de la charité, où la force qui protège le bonheur se trouve dans la charité, comment tous ceux qui y sont admis ne seraient-ils pas parfaitement heureux?

Tandis que sur la terre nos relations sociales ont lieu avec des êtres mortels, faibles, ignorants, pécheurs, souvent inutiles à notre bien, souvent aussi nuisibles à notre repos ou à nos vertus, les relations célestes ont lieu avec des êtres immortels, puissants, riches en lumière et en sagesse, et toujours utiles à notre vrai bien.

Tandis que les relations terrestres ne sont que préparatoires et dès lors passagères, celles du ciel sont définitives et éternelles. Aussi quel ne doit pas être notre zèle à sanctifier ces relations terrestres, afin qu’elles puissent se changer en des liens purs, célestes et glorieux?

Voyez cette riche prairie où des plantes diverses et innombrables croissent ensemble; elles entrelacent leurs racines, elles s’unissent comme en faisceaux, elles montent parallèlement en s’appuyant les unes les autres, elles se nourrissent des mêmes sucs, elles profitent des mêmes influences de l’atmosphère et des cieux, elles se communiquent mutuellement les vapeurs qu’elles pompent, et les rayons bienfaisants du soleil qu’elles réfléchissent, et les divers parfums qu’elles produisent, elles enrichissent le sol qui les porte, elles font la gloire du règne auquel elles appartiennent et le trésor d'un règne supérieur au leur.

Si ces plantes étaient animées, si elles pouvaient se connaître les unes les autres, et savoir ce qu’elles doivent chacune à toutes les autres, quelle vie! quelle jouissance! Mais telles sont les propriétés et les prérogatives des plantes d’Éden, des âmes qui sont transportées dans les cieux, et dont les glorieuses facultés y sont cultivées par le Seigneur.

Ô vous qui désirer d’entrer dans cet heureux séjour, souvenez-vous qu’il n’entre rien que de pur et de charitable dans la patrie des Saints, dans le royaume, de Dieu:

Laissez donc en deçà des frontières cet orgueil qui vous rend si souvent injustes;

Laissez-y vos préventions, votre faux point d’honneur, et vos affections désordonnées pour les créatures.

Revêtez-vous en toutes choses de l’esprit de l'Ordre divin.

Pratiquez de plus en plus la charité dans toutes ses branches et jusque dans ses moindres ramifications, et toujours en vue de votre Dieu et de votre Sauveur.

En un mot:

Conduisez-vous dès ici-bas comme citoyens des cieux

(Phil. III, 20).



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