Le sonnet huguenot qu’on va lire a été transcrit sur un manuscrit ayant appartenu à M. de Monmerqué. Si nous ne nous trompons, c’est un de ces sonnets qui valent presque un long poème, et il méritait de passer à la postérité.
Malheureusement, le nom du poète, qui osa tenir au Roi-Soleil ce véridique et éloquent langage, est demeuré inconnu; du moins le manuscrit de M. de Monmerqué ne l’indique point. Il porte seulement la date significative de 1691, avec le sous-titre que nous avons transcrit ci-dessus.
SONNET.
Louis, pourquoi courir de victoire en victoire,
Et pourquoi tant d’ardeur à triompher en vain?
Qu’importe que tu sois rassasié de gloire,
Si tes sujets manquent de pain?
Consulte ta bonté, respecte ta mémoire,
Crains que, parlant de nous, un fidèle écrivain
Ne dise un jour: «Louis, pour vivre dans l’histoire,
Les a tous fait mourir de faim!»
Que peux-tu désirer? Mille et mille lauriers
Te font nommer partout le guerrier des guerriers;
Ta grandeur est presque divine.
Laisse-nous donc jouir des douceurs de la paix.
Quel funeste plaisir d’obliger tes sujets
À crier victoire et famine!
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