Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

SERMON

SUR L’IMPÉNITENCE DES CHRÉTIENS DE NOS JOURS.

(Sur celui qui ne se repent pas de ses péchés)

LOUIS FAIGAUX

1711

***

Impénitent: Qui ne se repent pas de ses péchés et qui, n'ayant aucun regret d'avoir offensé Dieu, se complaît au contraire dans son état et s'installe dans ses fautes. (https://www.cnrtl.fr/definition/impénitents)


* * *

(Note de la bibliothèque «Regard»: nous avons modifié certaines constructions de phrase et changé certains mots afin de rendre le texte plus facile à comprendre; le texte original fut publié en 1711).

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Alors il se prit, à reprocher aux villes où avaient été faites plusieurs de ses Vertus, qu'elles ne s'étaient point amendées. (Matth XI, 20.)

Alors il se mit à faire des reproches aux villes dans lesquelles avaient eu lieu la plupart de ses miracles, parce qu’elles ne s’étaient pas repenties. (V. S.)


1 – On ne saurait former de pensée plus impie ni plus injurieuse à la Divinité, que celle des pécheurs qui s’imaginent que Dieu soit l’auteur ou la cause de leur perdition.

Un sentiment si monstrueux et si blasphématoire ne peut venir que du Diable même, l’ennemi juré de Dieu et du genre humain; et sans doute c’est un des artifices qu’il met en usage pour empêcher les hommes de se convertir, en les persuadant que s’ils doivent périr, c’est à cause d’un arrêt irrévocable de Dieu; de sorte que vainement ils entreprendraient d’éviter le sort qu’il leur a destiné, et de résister à sa volonté. (Rom. IX, 16.)


2 – Il suffit, pour concevoir toute l’horreur d’une telle opinion, de comprendre qu’elle renverse l’idée que nous avons de l’Être suprême, qu’elle anéantit sa miséricorde, cette perfection glorieuse par laquelle surtout il a pris plaisir à se faire connaître, et qu’elle nous représente ce Dieu très bon, qui est la charité même, comme un Être véritablement cruel.

Aussi les saintes Écritures sont-elles toutes remplies de déclarations expresses et très fortes où Dieu proteste, où Dieu se défend de vouloir la mort du pécheur, mais sa conversion et sa vie; qu’il ne veut pas qu’aucun périsse, mais que tous viennent à la repentance; et qu’en un mot:


LA PERDITION DES MÉCHANTS NE VIENT QUE D'EUX-MÊMES.


Ce que je désire, est-ce que le méchant meure? dit le Seigneur, l’Éternel. N’est-ce pas qu’il change de conduite et qu’il vive? (Ez. XVIII, 23.)

Mais si tu avertis le méchant pour le détourner de sa voie, et qu’il ne s’en détourne pas, il mourra dans son iniquité, et toi tu sauveras ton âme (Ez. XXXIII, 9.) 

Ce qui cause ta ruine, Israël, C’est que tu as été contre moi, contre celui qui pouvait te secourir. (Osée XIII, 9.)

C’est ce que l’on peut recueillir évidemment des reproches qui sont faits aux impénitents, soit dans le Vieux, soit dans le NouveauTestament, de S’ÊTRE PERDUS PAR LEUR PROPRE FAUTE, et par le refus constant qu’ils avaient fait de se convertir.

Tel est, par exemple, ce reproche que Dieu faisait autrefois aux Juifs par la bouche du Psalmiste: Ô si mon peuple m’eût écouté! si Israël eût marché dans mes voies! Mais mon peuple ne m’a point écouté, Israël ne m’a point eu à gré. (Ps. LXXXI, 11-14.)

C’est la même plainte que Jésus-Christ faisait aux Juifs de son temps.

Après avoir employé pour leur conversion, ses enseignements, ses exhortations, ses miracles, il leur reproche d’y avoir été insensibles. Alors, dit notre Texte, il se prit à reprocher aux villes où avaient été faites plusieurs de ses Vertus, qu’elles ne s’étaient point amendées.


3 – Que ce reproche était sanglant! Mais qu’il était légitime!

Ces Villes dont Jésus-Christ déplorait l'endurcissement, Chorazin, Bethsaïda, Capernaüm, avaient souvent:

jouï de la présence adorable de ce divin Sauveur,

entendu ses instructions ravissantes,

et contemplé les merveilles, les prodiges de sa Toute-Puissance.

Malgré cela, POINT D’AMENDEMENT, POINT DE CHANGEMENT DE VIE.

Quel déplorable, quel funeste aveuglement!

Aussi le Sauveur en fut affligé, et il se prit à reprocher à ces Villes, qu’elles ne s’étaient point amendées.


4 – Mes Frères, vous prévoyez déjà ce que nous allons dire.

Nous avons mérité ce reproche, pour le moins aussi justement que ceux à qui le faisait Jésus-Christ.

En effet, c’est une vérité dont la conscience de chacun de nous rendra témoignage, si nous voulons l’écouter; et c’est aussi ce que nos Autorités déplorent dans l’ordonnance de cette solennité, quand ils disent que, malgré tout ce que Dieu a fait jusqu'ici pour nous et pour nos Provinces, LA CORRUPTION ET LES DÉRÈGLEMENTS N’ONT FAIT QU’ALLER EN AUGMENTANT.

Cette triste vérité va faire le sujet de ce Discours; et pour la mettre dans tout son jour, nous ferons deux choses.

Premièrement, nous établirons les fondements de ce reproche que Dieu nous fait aujourd’hui; que notre patrie, que nos villes, que cette Église, et les personnes qui la composent, ne se sont point amendées.

En second lieu, nous examinerons quelles sont les excuses que nous pouvons alléguer pour notre défense.

L’un et l’autre de ces articles serviront également à nous convaincre, que c'est à Dieu qu’appartient la Justice, et à nous la confusion de face. (Dan. IX, 7.)


Accordez-nous, mes Frères, une attention religieuse et soutenue.

Si les Réflexions que nous avons à vous proposer sont communes, souvenez-vous qu’elles n’en sont pas moins importantes, ni moins dignes de notre méditation.

Puissions-nous bien les goûter, bien les retenir, et en faire un bon usage!

Que les paroles de ma bouche et la méditation de mon cœur te soient agréables, ô Éternel, mon Rocher et mon Rédempteur! (Ps. XIX, 15.) Amen.


* * *


La Première Réflexion qui justifie à notre égard la plainte que Jésus-Christ fait dans notre texte, c’est que DIEU NOUS A FAIT LA GRÂCE DE NOUS DONNER SA RÉVÉLATION, et de nous faire prêcher son Évangile depuis plusieurs siècles, dans le temps qu’il a abandonné un grand nombre d’autres peuples aux ténèbres de l’erreur et de l’Idolâtrie.

L’Éternel a donné ses statuts à Jacob , et ses ordonnances à Israël, il n’en a pas fait de même aux autres Nations. (Ps. CXLVII, 19-20.)


Voilà, Chrétiens, la première Vertu que Dieu a faite au milieu de nous. Qu’elle est excellente! Qu’elle est précieuse!

Et quel avantage n’est-ce pas de pouvoir apprendre, par la prédication de la parole de Dieu, le chemin qui conduit au Royaume des Cieux!

Celui qui l’ignore ne peut que périr éternellement, car l'ignorant, le méchant, périra dans son ignorance. (Prov. V, 23.)

Ainsi, quel empressement ne devrions-nous pas avoir pour profiter de la lumière de l'Évangile?

Cependant, malgré cette faveur, nous ne nous sommes point amendés, et nous avons fort peu considéré ce privilège inestimable.

Plusieurs négligent les saintes Assemblées de la manière la plus honteuse.

Un grand nombre ne pensent guère, et peut-être jamais, à lire et à méditer la sainte Bible, qui est le trésor précieux où la bonté et les richesses de notre Père céleste sont renfermées;

et la plupart ne se soucient point du tout des Livres de dévotion.


Que dis-je, mes Frères?

Combien y en a-t-il qui, si on les interrogeait, ne sauraient rien dire ni de la Vocation céleste, ni de la Foi qui nous unit à Jésus-Christ, ni de la Communion avec Dieu?

Au contraire, on méprise ces connaissances, et les prétendus Chrétiens parmi nous sont si loin de vouloir suivre cet Évangile qu’ils protestent quand on leur en parle!

Il leur semble qu’on leur annonce une doctrine nouvelle, ou que, pour le moins, on leur débite des choses qui sont leurs ennemies parce qu’en effet elles vont à la destruction de la chair. Ils diraient volontiers:

Faites cesser de devant nous le Saint d’Israël, et ne nous dites pas des choses fâcheuses, mais dites-nous des choses agréables.


Ne nous prophétisez pas des vérités, Dites-nous des choses flatteuses, Prophétisez des chimères!

Détournez-vous du chemin, Ecartez-vous du sentier, Eloignez de notre présence le Saint d’Israël!

(Ésa. XXX, 10-11.)


Qu’on examine les lumières, la vie et la conduite des Chrétiens de nos jours; qu’on les compare avec celles des Hérétiques, et des Païens, et qu’on nous dise si parmi nous on n’est pas jureur, AVARE, MENTEUR, IMPUDIQUE, IVROGNE, comme eux; et après cela, que l’on déclare si l’on a parmi nous quelques véritables fruits de l’Évangile?

Jésus-Christ a donc bien sujet de nous reprocher, comme aux Villes de Judée, que malgré les vertus qu’il a faites en notre faveur, nous ne nous sommes point amendés.


Une deuxième Réflexion qui nous montre combien ce reproche est fondé, est prise en considérant tant de bienfaits et de grâces que Dieu n’a cessé de répandre sur nous par rapport à la vie présente.

Il ne s'est jamais laissé sans témoignage en nous faisant du bien, nous envoyant les pluies du ciel et les saisons fertiles, en remplissant nos cœurs de viande et de joie; afin que par ces marques de sa bonté nous fussions portés à l’aimer, à l’honorer, à lui obéir.

... il n’a cessé de rendre témoignage de ce qu’il est, en faisant du bien, en vous dispensant du ciel les pluies et les saisons fertiles, en vous donnant la nourriture avec abondance et en remplissant vos coeurs de joie. (Act. XIV, 17. V. S.)

Dans le temps ou de vastes Provinces, et des Royaumes entiers, languissaient dans la misère et dans la désolation, il nous a procuré une abondance et une paix si longue, qu’elle dépasse de beaucoup ce que nous aurions osé espérer.

Bien loin de nous laisser dans le besoin, ce bon Père nous fournit libéralement tout ce qui nous est nécessaire pour nous soutenir la vie, et souvent bien au-delà.


D’OÙ NOUS VIENT TOUTE CETTE PROSPÉRITÉ,

SI CE N’EST DE LA BÉNÉDICTION DE DIEU?


Et pourquoi nous comble-t-il ainsi de ses biens, si ce n’est afin que nous l’aimions de tout notre cœur, et que renonçant au péché nous vivions dans la Justice et dans la Sainteté?

Cependant, quel usage avons-nous fait de tous ces biens et de toutes ces grâces?

À quoi employons-nous cette paix et cette abondance dont le Seigneur daigne nous favoriser?

Les uns font de leurs richesses leur Dieu, et les aiment éperdument.

Les autres prennent l'occasion pour s’enorgueillir, et s’élever au-dessus des pauvres.

Et les autres enfin s’en servent pour se procurer les infâmes plaisirs de la débauche, de la gourmandise et de l’ivrognerie.

Au lieu de remercier Dieu par des louanges et par des cantiques, on le bafoue, et on l’injurie par des chansons profanes et par des jurements.

Au lieu d’employer le loisir et le temps que Dieu nous donne à nous instruire de ses voies et de sa parole, nous le perdons à parler des affaires de la vie présente, et de nos inclinations, et si quelquefois on fait mine de louer Dieu, dans le fond, on y pense fort peu.

On reçoit la pluie du ciel comme une terre ingrate qui ne porte point de fruit pour celui qui la cultive.

Enfin, on dirait que les grâces que Dieu nous a faites, et les biens qu’il nous envoie, ne servent qu’à nous endurcir, et que nous ne les recevons que pour devenir plus méchants.


En conscience, mes Frères, cela n’est-il pas vrai? Ne ressemblons-nous pas parfaitement à ceux dont parle Dieu par la bouche de Jérémie? Ce peuple a un cœur rétif, ils se sont reculés en arrière et s'en sont allés. Et ils n'ont pas dit en leur cœur, Craignons l’Éternel qui nous donne les pluies de la première et de la dernière saison, et qui vous garde les semaines ordonnées pour la moisson.

Ce peuple a un coeur indocile et rebelle; Ils se révoltent, et s’en vont.

Ils ne disent pas dans leur coeur: Craignons l’Éternel, notre Dieu, Qui donne la pluie en son temps, La pluie de la première et de l’arrière saison, Et qui nous réserve les semaines destinées à la moisson.
Car il se trouve parmi mon peuple des méchants; Ils épient comme l’oiseleur qui dresse des pièges, Ils tendent des filets, et prennent des hommes.
Comme une cage est remplie d’oiseaux, Leurs maisons sont remplies de fraude; C’est ainsi qu’ils deviennent puissants et riches.
Ils s’engraissent, ils sont brillants d’embonpoint; Ils dépassent toute mesure dans le mal, Ils ne défendent pas la cause, la cause de l’orphelin, et ils prospèrent; Ils ne font pas droit aux indigents. (Jérémie V, 23-24; 26-27; 29. V. S.)


Or, mes Frères, imaginons-nous un Prince qui eût tiré de la boue, pour ne pas dire du néant, certaines personnes et les eût établies avantageusement dans ses États, en sorte qu’il avait droit d’attendre d’eux des services réels; s’il arrivait que ces sujets, au lieu de s’affectionner au service de leur Prince, fissent toute autre chose que sa volonté, et que, malgré cette ingratitude, le Prince les comblât de ses bienfaits, une telle bonté ne devrait-elle pas les toucher?

Ne devrait-elle pas les faire rentrer en eux-mêmes, et les pénétrer de regret d’avoir offensé un si bon Maître?

Mais si, au lieu de cela ces sujets indignes continuaient à offenser leur Souverain, ne pourrait-il pas avec justice déplorer leur endurcissement et s’en plaindre?

La chose parle d’elle-même.

Dieu est le Prince, et nous sommes ses créatures; nous nous sommes rebellés contre lui, SES GRÂCES N’ONT SERVI QU’À NOUS RENDRE PLUS COUPABLES.

Il a donc bien sujet de se plaindre et de nous reprocher que nous ne nous sommes point amendés.


Une troisième Réflexion qui sert de fondement à ce reproche, c’est que pour nous corriger, Dieu nous a mis devant les yeux mille et mille exemples frappants de la vérité de sa Justice; des exemples capables de nous faire rentrer en nous-mêmes et de nous remettre dans notre devoir, pour peu qu’il nous fût resté un peu de conscience.

Sans parler de toutes les Nations anciennes qu’on a vu périr sous la main vengeresse de Dieu, pour avoir négligé de le servir comme Dieu;

Sans parler de l’Église Juive, et de tant d’Églises Chrétiennes autrefois très florissantes dans l’Afrique et dans l'Asie, où l’on ne voit maintenant presque plus aucune trace de la vraie Religion;

Sans parler enfin de tant d’autres peuples qui sont depuis plusieurs siècles sous les fers de l’Antéchrist:

Combien de Provinces ne sont pas aujourd’hui ravagées?

Combien d’Églises persécutées?

Combien de familles désolées?

Combien de personnes qui gémissent au milieu des horreurs de la guerre, de la peste et de la famine?


Et pourquoi croyons-nous que Dieu ait désolé à nos yeux tant de Nations À CAUSE DE LEURS PÉCHÉS, et qu'il nous ait, jusqu’ici épargnés?

N’est-ce pas afin que prenant garde à la colère de Dieu sur ces gens-là, nous apprenions à le craindre et à l’aimer, écoutant la verge et celui qui l'a assignée? (Michée VI, 9.)

Cependant il est certain que nous n’avons presque fait aucune réflexion là dessus.

QUAND ON PARLE DES GUERRES, ET DES MALHEURS QUI ARRIVENT À NOS VOISINS, est-ce pour nous corriger et pour nous convertir?

Est-ce pour en devenir meilleurs?

Point du tout.

C’est plutôt pour savoir si on en pourra tirer quelque avantage temporel.

C'est pour savoir s’il se fera quelque promotion dans les troupes, et si au milieu des grands maux qui affligent ceux qui nous entourent, on ne pourra pas satisfaire son ambition ou son avarice.

Semblables à peu près à ceux qui profitent des désordres d’un incendie, ou de la condamnation d’un criminel, en se jetant sur la presse pour pêcher en eau trouble.

D’autres ne font attention aux malheurs publics que par simple curiosité; et d’autres enfin n’y pensent point du tout.


Voilà, mes Frères, de quelle manière on fait usage des marques de la colère divine, pourtant destinée à nous amener à la repentance!

Après cela, Dieu n’a-t-il pas bien sujet de nous reprocher que nous ne nous sommes point amendés?

N’avons-nous pas bien mérité le reproche qu’il faisait autrefois à son peuple par la bouche de son Prophète Sophonie?

J'ai exterminé les Nations et leurs principaux lieux ont été mis en désolation. J’ai rendu leurs places désertes, sans qu’aucun y passe plus. Leurs Villes ont été détruites, tellement qu'il n'y a plus personne qui y habite. Je disais, au moins me craindras-tu, tu recevras instruction. Mais ils se sont levés dès le matin, et ils ont corrompu tous leurs actes, c’est pourquoi attendez-moi, dit l’Éternel. (Soph. III, 6-8.)

J’ai exterminé des nations; leurs tours sont détruites; J’ai dévasté leurs rues, plus de passants! Leurs villes sont ravagées, plus d’hommes, plus d’habitants!

Je disais: Si du moins tu voulais me craindre, Avoir égard à la correction, Ta demeure ne serait pas détruite, Tous les châtiments dont je t’ai menacée n’arriveraient pas; Mais ils se sont hâtés de pervertir toutes leurs actions.

Attendez-moi donc, dit l’Éternel, Au jour où je me lèverai pour le butin, Car j’ai résolu de rassembler les nations, De rassembler les royaumes, Pour répandre sur eux ma fureur, Toute l’ardeur de ma colère; Car par le feu de ma jalousie tout le pays sera consumé. (V. S.)


Ajoutons à tout cela, que pour nous amener à la repentance Dieu nous avait mis devant les yeux la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction, le Paradis et l’Enfer.

Combien de fois n’en avons-nous pas entendu parler?

Si quelque Grand du monde nous avait promis sa faveur, ou nous avait menacés de son indignation, que n’aurions-nous pas fait pour l’amour de lui?

Si nous avions eu une Couronne mondaine à espérer, ou un supplice cruel à attendre certainement que nous aurions tout fait pour obtenir l’une, et pour éviter l’autre?

Cependant nous n’avons presque point fait cas, ni des promesses de Dieu, ni de ses menaces; et nous avons vécu sans presque regarder ni au Paradis ni à l'Enfer.


Mes Frères, nous ne saurions disconvenir, (et plût à Dieu que la chose fût moins véritable)! que quand nous avons entrepris, dit, ou fait quelque chose, nous n’avons presque jamais pensé à l’éternité, mais seulement aux choses et aux intérêts de la vie présente. Jugeons donc nous-mêmes, et disons de bonne foi, s’il n’est pas vrai que Dieu a tout sujet de nous reprocher que nous nous sommes point amendés?

VOILÀ LES FONDEMENTS DU REPROCHE!


À présent, mes Frères, avez-vous quelque chose à dire, quelque excuse à produire pour votre justification? Nous sommes prêts à vous écouter.


* * *


I. Vous nous direz d’abord que vous ne vous trouvez pas si coupables.

Qu’à la vérité tout homme est pécheur, mais que dans le fond vous n’êtes, ni meurtriers, ni voleurs, ni ravisseurs, ni entachés d’aucun grand crime; et qu’ainsi vous ne voyez pas pourquoi on exige que vous vous repentiez: que cette exhortation serait bonne à faire à des personnes corrompues et vicieuses; mais qu’à d’honnêtes gens comme vous, elle ne convient nullement.


Ah! mes Frères, c’est un très mauvais signe quand on ne se croit pas très grand pécheur..., et plus grand pécheur que les autres!

David, Manassé, saint Paul, le Péager de l’Évangile, étaient bien dans d’autres dispositions; et ce Pharisien qui rendait grâces à Dieu dans le Temple de ce qu’il était meilleur que le reste des hommes, NE DESCENDÎT POINT JUSTIFIÉ DANS SA MAISON.

Quand bien même on croit n’être pas coupables de grands et d’énormes péchés sous prétexte qu’on ne les a pas commis au-dehors, devant Dieu, on a quand même le cœur méchant.

Ainsi celui qui haït son frère est un meurtrier (1 Jean III, 15.); celui qui refuse l’aumône, un voleur, et ainsi de suite.

D’ailleurs, ce n’est pas suffisant de ne point commettre de crimes, et de ne pas vivre dans la dissolution; il faut, en plus de cela, pour être Chrétiens, AVOIR ÉTOUFFÉ AU DEDANS DE SOI LE RÈGNE DU PÉCHÉ.

Écoutez un peu ce que dit là dessus l’Écriture;

Elle dit, que celui qui est en Jésus-Christ a crucifié la chair avec ses convoitises; qu'il marche comme Jésus-Christ a marché; qu'il ne marche plus selon la chair, mais selon l'esprit. (Gal. V, 24; 1 Jean II, 6; Rom. VIII, 1; 1 Jean III, 3.)

Donc, si nous ne nous purifions pas comme Jésus-Christ est pur, si c'est l’amour du monde qui règne en nous, alors même que nous serions exempts de tous ces grands péchés, nous serions hors de Christ et en état de condamnation.


* * *


II. Vous direz là-dessus, peut-être; cependant ne sommes-nous pas Chrétiens?

Ne faisons-nous pas profession de la véritable Religion?

Ne fréquentons-nous pas les saintes Assemblées?

Dieu n’aurait-il point d’égard à tout cela? Et serait-il possible que dans cet état nous soyons hors de la grâce de Dieu?

Mais quel aveuglement, de se fonder sur la profession qu’on fait du Christianisme, pour se dispenser de s’amender!

Il est vrai, mes Frères, vous professez la véritable Religion; mais que vous en coûte-t-il de la professer?

N’y en a-t-il pas qui la renierait, si on voulait les priver de leurs biens ou de leurs vies?


À QUOI SERT-IL DE PROFESSER UNE RELIGION

QUE L’ON DÉSHONORE PAR SES ŒUVRES?


Tous ceux, dit le Sauveur du monde, qui me disent, Seigneur, Seigneur, n’entreront pas au Royaume des cieux; mais celui-là SEULEMENT qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux

Plusieurs me diront en ce jour-là. Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en ton nom? N’avons-nous pas jeté dehors les Diables en ton nom? (n’avons-nous pas chassé des démons par ton nom) N’avons-nous pas fait plusieurs vertus (miracles) en ton nom? (Matth. VII, 21-22.)


Remarquez bien tout cela, mes Frères, c'est bien autre chose que de faire simplement profession de l’Évangile!

CEPENDANT ÉCOUTEZ CE QU’AJOUTE JÉSUS-CHRIST.

Et alors je leur déclarerai tout ouvertement, Je ne vous connus JAMAIS: Retirez-vous de moi, vous qui faites le métier d’iniquité.

Qui ne tremblerait à ces paroles, et à celles de Dieu par la bouche d'Ésaïe?

Écoutez la parole de l'Éternel, Conducteurs de Sodome, prêtez l’oreille à la voix de notre Dieu, Peuple de Gomorrhe! Qu’ai-je à faire, dit l'Éternel, de la multitude de vos Sacrifices, quand vous entrez pour vous présenter devant ma face?

Qui a requis cela de vos mains, que vous fouliez aux pieds mes parvis? Mon âme haït vos Nouvelles lunes et vos Fêtes solennelles, elles me sont fâcheuses, je suis las de les porter.

Lavez-vous, nettoyez-vous, ôtez de devant mes yeux la malice de vos actions, cessez de mal faire, apprenez à bien faire. (Ésaïe I, 10-14.)


Après des déclarations si formelles et si terribles, ne faut-il pas avoir bû dans la coupe d’étourdissement pour se croire dispenser de se repentir, sous prétexte qu’on fait profession de l’Évangile?

Non, non, Chrétiens, ne vous abusez pas.

C'est en vain que l'on honore Dieu de ses lèvres, tandis qu’on a le cœur éloigné de lui. (Matth. XV, 9.)

De bonne foi, votre conduite répond-elle au nom de Chrétiens que vous portez, et à la profession que vous faites de l’Évangile?

Répondez-nous, mais en votre conscience!

Rappelez-vous, pour bien en juger, rappelez-vous:

tant de péchés secrets qui ne sont connus que de Dieu et de vous-mêmes,

tant d’autres dont vous ne vous cachez point avec vos semblables,

tant d’autres enfin que vous commettez à tête levée, sans craindre ni Dieu ni les hommes!


Voyez si c’est ainsi que doivent se conduire des Disciples de Jésus-Christ?

Pour nous, nous n’entrerons pas dans les secrets de vos consciences, ni dans le détail de votre vie, que nous abandonnons au jugement de ces consciences elles-mêmes, et à la connaissance de celui qui sonde les cœurs et les reins, devant qui toutes choses sont entièrement nues et découvertes, (Jér. XVII, 10; Hébr. IV, 13.) et qui tient de toutes nos actions dans un registre également terrible et redoutable.

Tôt ou tard ces consciences, si elles sont maintenant endormies, se réveilleront et parleront avec force.

Un jour ce grand Dieu se fera entendre, et nous montrera le tout par ordre en notre présence.

Pourrons-nous cacher ces vices qui se commettent publiquement, sans honte, sans retenue, et dont il semble même que l’on fasse gloire parmi nous, jusqu’à mépriser ceux qui témoignent en avoir de l'horreur?

NON, nous ne nous tairons pas de ces jurements affreux qui vous sont si familiers, et par lesquels vous profanez si souvent le saint Nom de Dieu, et remplissez votre bouche de l’horrible nom du Diable.

NON, nous ne nous tairons pas de ces blasphèmes, de ces exécrations, de ces reniements qui devraient être inconnus parmi des gens que Dieu a honorés de sa connaissance, et qui feraient horreur à des Païens mêmes.


Ne comprendra-t-on jamais que le jurement est un crime défendu par la loi, aussi-bien que le meurtre, la paillardise, le larcin, le faux témoignage?

Que Dieu l’a souverainement en abomination, et qu’il a déclaré qu’il ne tiendra point pour innocent celui qui aura pris son Nom en vain? (Ex. XX, 7.)

Frémissez, Jureurs, frémissez à l’ouïe d'une telle menace, et de ce que Dieu disait autrefois aux Juifs.

COMMENT TE PARDONNERAIS-JE CECI? Tes fils m’ont abandonné, ils jurent par ceux qui de nature ne sont point dieux. (Jér. V, 7.)

Sachez qu’un tel crime est capable d’attirer la malédiction divine sur les armées et les troupes de notre Pays. Et ne pensez pas que pour être impuni, il en soit moins énorme et moins odieux.

Par les anciens Canons de l’Eglise les Jureurs d’habitude étaient condamnés à demeurer à la porte du Temple pendant sept Dimanches consécutifs, et au bout de ce temps-là, ils devaient se présenter à la face de l’Église, pieds nus et la corde au cou, pour y faire une réparation solennelle de leur péché.

Et que dis-je?

Ignorez-vous que les lois militaires, émanées de nos Souverains mêmes, condamnent les Jureurs qui ne se corrigeront pas après avoir été repris, à avoir la langue percée d’un fer rouge?


Nous ne nous tairons pas non plus touchant l'ivrognerie, ce vice honteux qui rend l’homme semblable aux bêtes brutes, et qui tout à la fois ruine les biens, détruit la santé, et donne la mort à l’âme de celui qui s’en rend coupable.

Pourrait-on nier que ce vice, tout énorme qu’il est, ne soit pas très commun parmi nous?

N’y en a-t-il pas qui s’y abandonnent avec la dernière licence, passant les nuits entières à jouer et à boire; et ne s’en trouve-t-il pas même qui s’en font un honneur?

Est-ce-là suivre les préceptes de ce Maître de qui on se réclame, et qui nous a dit: Prenez garde que vos coeurs ne soient appesantis de gourmandise, d'ivrognerie et des soucis de cette vie, et que le jour du Seigneur ne vous surprenne subitement? (Luc XXI, 34.)

Prenez garde à vous-mêmes, de crainte que vos coeurs ne s’appesantissent par les excès du manger et du boire, et par les soucis de la vie, et que ce jour ne vienne sur vous à l’improviste... (V. S.)


Encore une chose que nous ne pouvons passer sous silence.

C'est que parmi nous on ne se fait point de scrupule de se trouver aux BALS et aux DANSES, qui se font par les Idolâtres dans le temps du Carnaval.

Si un Chrétien des premiers Siècles s’était rencontré aux Bacchanales des anciens Païens, et qu’il eût pris part à leurs divertissements, pareillement à ceux de l’Église Romaine qui sont la véritable imitation, on aurait regardé un tel homme avec exécration, et IL AURAIT ÉTÉ RETRANCHÉ DE LA SOCIÉTÉ DES FIDÈLES.

Quel scandale n’est-ce donc pas de voir les Chrétiens de nos jours, et des Chrétiens Réformés, communiquer aux œuvres infructueuses des ténèbres en passant des nuits entières à danser comme des insensés? (Eph. V, 11.)


NE PRENEZ POINT PART AUX OEUVRES INFRUCTUEUSES DES TÉNÈBRES,

MAIS PLUTÔT CONDAMNEZ-LES. (V. S.)


D’ailleurs le Bal, ou la Danse, est un divertissement très «criminel» en lui même!

C’est une source de lubricité (Penchant effréné pour les plaisirs sexuels), une amorce de convoitise et une occasion de désordres infâmes.

On a beau dire que c’est une chose en usage partout et que les Grands eux-mêmes la pratiquent et que même on prétend qu'il y a des Théologiens ou des Ministres qui ne la condamnent pas:


Un crime en est-il moins véritablement tel, pour être universellement répandu?


L’exemple des Grands du monde, fût-ce celui des Rois et des Princes, doit-il nous servir de règle plutôt que la morale de l’Évangile?

Nous ne croirons jamais non plus, qu’il y ait de Ministre assez relâché pour approuver des plaisirs aussi détestables que ceux de la danse; qui bien loin de là, ces plaisirs ont été toujours censurés par les Pasteurs.

Et qui nous empêchera de rapporter ici les propres paroles de l’un d’eux qui a été une des plus illustres Colonnes de l’Église (Basile)?

Vous dansez, disait-il, insencés et mal avisés que vous êtes, au lieu que vous devriez ployer les genoux en prières devant Dieu. Les filles s'en retournent ayant perdu leur virginité, et les femmes mariées sans avoir gardé leur pudicité à leurs maris. Et si quelques-unes, d’aventure, ont évité le péché quant au fait, la pensée toutefois en a été atteinte.

Écoutez, dit un autre Père de l'Église (Chrysostôme): Vous filles et vous femmes mariées, qui n'avez point honte de danser: Là où est la Danse lascive (sensuelle), là certainement est le Diable qui en est l’auteur.


Voilà, mes Frères, ce que de saints hommes de Dieu ont dit du Bal et de la Danse; et ce que nous n’avons pas honte de dire après eux, en déplorant cette dureté qui vous a rendus insensibles aux exemples que Dieu vous avait déjà mis devant les yeux l’année dernière, et aux exhortations qui vous furent alors adressées.

Il y en avait assez pour vous faire rentrer en vous-mêmes, si vous ne vous piquiez pas d'être incorrigibles, et de fouler aux pieds toutes nos remontrances.

Mais si vous ne vous lassez point d’offenser Dieu, nous lasserons-nous de vous reprendre? A Dieu ne plaise!...

Une fois encore, cela ne justifie-t-il pas le reproche de Jésus-Christ dans notre Texte, que nous ne nous sommes point amendés?


Ah! mes Frères, quand on pense que des Païens mêmes, sans autres lumières que celles de la nature, ont condamné les désordres dont nous parlons; peut-on s’empêcher de dire qu’un jour ils s’élèveront en jugement contre les Chrétiens?

Et le serviteur qui a connu la volonté du maître, mais qui ne l’a point faite, ne sera-t-il pas battu de plus de coups que celui qui ne l’a point connue. (Luc XII, 47.)


* * *

III. Mais, mes Frères, il nous semble que nous lisons dans votre cœur, et que plusieurs disent en eux-mêmes: Dieu n’est-il pas tout bon et miséricordieux?

Là où le péché abonde, la grâce abonde encore par-dessus (Rom. V, 20.), et la miséricorde divine se glorifie par-dessus la condamnation (La miséricorde triomphe du jugement.). (Jacques II, 13.)

NOUS ESPÉRONS DONC QUE DIEU NOUS FERA GRÂCE, SANS QU’IL SOIT NÉCESSAIRE DE RÉFORMER TOUT LE TRAIN DE NOTRE VIE, ni de revêtir ces lugubres mouvements de repentance qu’on voudrait nous inspirer.

Mais souffrez, Pécheurs, qu’on vous redise ici ce qui vous a déjà été dit tant de fois, et qu’on ne saurait vous inculquer trop fortement. C’est que:


si le Seigneur est infiniment bon,

il n’est tel que pour ceux qui se convertissent

et qui s’amendent de tout leur cœur.


Parcourez les saintes Écritures, et voyez si jamais Dieu a pardonné sans la repentance. David, Manassé, saint Pierre, la Pécheresse!

Ils ont tous bien trouvé grâce, mais c’est après avoir noyé leurs «crimes» dans les larmes d’une vive douleur, d’une sincère repentance.

Où sont les impénitents que Dieu n'a jamais épargnés?

Ignorez-vous combien il a été sévère envers les anciens Juifs?

Le sera-t-il moins à notre égard, nous qui avons reçu plus de lumières et de grâces qu’eux?

Écoutez de quelle manière saint Paul parle de cette question.

Si toute désobéissance a reçu une juste punition sous l’ancienne économie, COMMENT ÉCHAPERONS-NOUS, SI NOUS NÉGLIGEONS UN SI GRAND SALUT?

Si quelqu’un avait violé la Loi de Moïse, il mourait sans miséricorde, sur la déposition de deux ou de trois témoins. Combien pires tourments pensez-vous que méritera celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu? qui aura tenu pour profane le sang de l’Alliance?  (Hébr. II, 2-3; X, 18, 29.)

Ne dites donc plus, mes Frères, que parce que Dieu est bon, il n’est pas nécessaire de se convertir, ou de se repentir.

Hé! c’est cette bonté même qui nous pousse à la repentance.

Disons donc plutôt, que s’il y a pardon par-devers Dieu, c’est afin qu’il soit craint. Notre œil, ou plutôt notre cœur, voudrait-il être mauvais parce que Dieu est bon! DEMEURERONS-NOUS DANS LE PÉCHÉ AFIN QUE LA GRÂCE ABONDE? (Rom. VI, 1.)

Ah! Chrétiens, pensez-vous bien à ce que vous dites, en concluant de ce que Dieu est bon, qu’il n’est pas nécessaire de se repentir?

Quel monstre serait un enfant qui dirait:

J’ai le meilleur père qui se puisse, il me pardonne tout;

je l’ai déjà bien offensé;

j’ai fait tout le contraire de sa volonté;

j’ai parlé mal de lui,

j’ai attenté sur sa vie;

il serait bien juste que je m'humilie devant lui, que je répare tant de «crimes» par un torrent de larmes amères, et que je change de conduite: MAIS MON PÈRE EST SI BON, QUE JE NE ME SOUCIE PAS DE LE FAIRE.

Ô infernale ingratitude! Si ce Père vient jamais à se réveiller, quelle vengeance ne doit-il pas prendre de cet enfant?


Pécheurs impénitents, voilà votre portrait.

Vous méprisez les richesses de la bonté de Dieu, sa patience et de sa longue attente, par lesquelles il vous convie à la repentance.

Mais par votre dureté, et par votre cœur qui est sans repentance, vous vous amassez un trésor de colère pour le jour de la colère et de la déclaration du juste Jugement de Dieu. (Rom. II, 4-5.)


* * *


IV. Quelques-uns, qui penseront sans doute en savoir beaucoup, diront que:

Jésus-Christ est mort pour les péchés des hommes, qu’ils se confient en lui, qu’ils se reposent sur son Sacrifice, et qu’ainsi ils ne se croient pas obligez de changer de vie.

Il est vrai: Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs.

MAIS COMMENT LES SAUVER?

En les retirant du péché, en détruisant en eux les œuvres du Diable, aussi bien qu’en faisant par sa mort l’expiation de leurs crimes.

C’est ainsi, que saint Paul disait que miséricorde lui avait été faite, à lui qui se considérait comme le plus grand des pécheurs.

Mais quelle miséricorde?

Celle d'avoir été converti, régénéré, sanctifié!


JÉSUS-CHRIST N’EST PAS MORT POUR TOUS,

mais

seulement pour ceux qui croient en lui par une vraie foi,

par une foi qui purifie et qui change le cœur.


Il n'y a plus, dit saint Paul, de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, savoir pour CEUX QUI NE MARCHENT PLUS SELON LA CHAIR, mais selon l'esprit. (Rom. VIII, 1 jusqu'à 8.)

Par conséquent, tandis qu’on croupit dans le vice, on n’a point de part au sang de Jésus-Christ, lequel a porté nos péchés en son corps sur le bois, afin que mourant au péché nous vivions à la Justice. (1 Pierre II, 24.)

Dire que Jésus-Christ est mort, et qu’ainsi nous n’avons pas besoin de faire une vive et douloureuse repentance:

C’est faire de ce bienheureux Sauveur l’ami et le protecteur du péché.

C’est le déshonorer parfaitement.

C’est vouloir qu’il soit venu donner sa vie pour empêcher la Justice divine de punir des rebelles, sans qu’ils se repentissent ni qu’ils s'amendent.

En un mot, c’est prétendre, ô horreur, ô blasphème! que Jésus-Christ soit le Patron de tous les pécheurs et de tous les ennemis de son Père.

Seigneur Jésus, charité et pureté infinie, qui est venu dans le monde pour nous sauver en mourant et en nous convertissant, comment est-il possible que nous foulions aux pieds de cette manière le sang de ton Alliance?

Et sera-ce à jamais, qu’au lieu de t’embrasser pour être délivré du péché et de la souillure, ON NE TE RÉCLAMERA QUE POUR POUVOIR PÉCHER AVEC PLUS DE SÉCURITÉ?


* * *


V. Si cela est ainsi, dira-t-on, il n’y aura donc personne de sauvé? Car où sont ceux qui se régénèrent, qui se sanctifient, qui ne marchent plus selon la chair, mais selon l’esprit?

Il faut l’avouer, mes Frères, il y a peu de personnes qui véritablement se repentent, et que par conséquent il y a peu de gens qui soient sauvés.

C’est ce que Jésus-Christ lui-même nous apprend quand il dit, qu’il y a beaucoup d’appelés, mais PEU d’élu; (Matth. XXII, 14.) c’est-à-dire qu’il y a de gens à qui l’Évangile est annoncé, mais très peu qui en profitent.

Étroite est la porte, resserré le chemin qui mènent à la vie, et il y en a PEU qui les trouvent. (Matth. VII, 14.)


Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait personne de sauvé.

Il y a toujours dans le monde des âmes généreuses, qui, reconnaissant leur misère et leurs péchés, qui s’humilient à bon escient devant Dieu, et RENONCENT À ELLES-MÊMES pour se consacrer à lui quoique le monde ne les connaisse pas et ne puisse pas même les connaître.

C’est à ces âmes, que le monde ne connaît point, et que les pécheurs mépriseraient et calomnieraient s’ils les connaissaient, que saint Paul dit admirablement bien:

Vous êtes morts, et votre vie est cachée AVEC Christ EN Dieu; mais quand Christ, qui est votre vie, apparaîtra, vous apparaîtrez aussi AVEC LUI en gloire. (Col III, 4.)


Ainsi, pécheurs, quoique les rigueurs de la repentance vous semblent impraticables et que vous ne pensiez pas que personne s’y soumette, il est quand même vrai que plusieurs y ont passé et que plusieurs les éprouvent encore.

Des ignorants qui n’auraient jamais rien vu, ni entendu, s’effraieraient quand on leur dirait que pour prendre une ville il faut s’exposer aux coups de canon, au fer, au feu, essuyer les plus rudes fatigues et mettre sa vie continuellement en danger.

Ils s’écrieraient là-dessus: Et qui est-ce qui peut donc entreprendre un tel siège?

En serait-il moins vrai qu’il y a de braves soldats qui soutiennent toutes les rigueurs de la guerre pour la gloire de leur Souverain?

Jésus a de même ses généreux soldats qui, sous ses étendards, combattent courageusement et jusqu'au sang (Hébr. XII, 4.) contre le monde, contre la chair, et contre le Diable.

Ce sont ceux-là à qui il prépare une place sur son trône, et une couronne incorruptible de gloire; mais c’est à CEUX-LÀ SEULEMENT!

Aimez-vous mieux périr avec le grand nombre ou être sauvés avec le petit nombre?

Déplorez donc cette insensibilité presque universelle qui fait que si peu de gens se convertissent, mais ne tirez pas de là cette monstrueuse conséquence que vous ne devez pas vous convertir.


* * *


VI. Avez-vous encore quelque excuse, mes Frères?

Et dites-nous enfin quelle pensée il vous reste pour vous dispenser de vous convertir, ou pour vous justifier de ne pas l’avoir encore fait.

Est-ce peut-être que vous craignez la raillerie des mondains, la haine des méchants, les chagrins que vous auriez à essuyer de leur part à cause de votre changement de vie?

Mais lequel vaut-il mieux craindre?

Ou le ressentiment de ceux qui ne peuvent tuer que le corps et qui après cela ne sauraient rien faire; ou la colère de celui qui, après avoir tué le corps, peut encore envoyer l’âme dans la géhenne? (Luc XII, 4.)

Aimez-vous mieux être exempts de ces petites afflictions du temps présent, que d’être à couvert des rigueurs de l’enfer pour l’éternité?


Si quelqu'un, dit Jésus-Christ, aime quelque chose plus que moi, il N’EST PAS DIGNE DE MOI.

Celui qui voudra sauver sa vie dans ce monde, la perdra; mais celui qui voudra bien la perdre POUR L'AMOUR DE MOI, la trouvera dans l’éternité.

Si nous souffrons avec Jésus-Christ, nous régnerons avec lui; si nous le renions, il nous reniera aussi.

Car, dit ce bienheureux Sauveur, si quelqu'un a honte de moi et de mes paroles au milieu de cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l'homme aura honte de lui quand il sera venu en la gloire de son Pére avec ses saints Anges. (Matth. X, 37, 39; 2 Tim. II, 12; Rom. VIII, 13; Marc VIII, 38.)


Ainsi, mes Frères, rien ne peut nous justifier sur ce reproche que Dieu nous fait aujourd’hui, que nous ne nous sommes point amendés.

C’est à nous de mettre le doigt sur la bouche, et de dire avec une sainte confusion:

Éternel, tu es juste, et nous sommes méchants!

Nous avons péché, nous avons commis iniquité, nous avons fait méchamment:

Seigneur, à nous est confusion de face; à nos rois, aux principaux d’entre nous, et à nos Pères, d'autant que nous avons péché contre toi; et n'avons point écouté la voix de l’Éternel notre Dieu pour marcher dans ses Lois qu’il nous a mises au-devant par le moyen de ses serviteurs Prophètes. (Dan. IX, 5, 8, 10.)

Que cet aveu est humiliant!

Mais qu’il est juste! qu’il est bien fondé! Et qu’il faudrait être insensé pour refuser de le faire dans un jour comme celui-ci!


* * *


APPLICATION


Mais, mes Frères, si nous sommes convaincus d’une si triste vérité, quelles conséquences, quels usages devons-nous en tirer?


I. D’abord nous devons reconnaître et admirer jusqu’où va la tolérance et la patience divine, qui n’a pas encore déployé sur nous les justes jugements que nous avons mérités.

En effet, pour tant d’ingratitudes, d’impiétés et de dérèglements dont nous nous sommes rendus coupables, Dieu ne pouvait-il pas justement nous rejeter et nous détruire?

Et lui, qui dispose à son gré de toutes les créatures, aurait-il manqué de verges pour nous frapper de fléaux pour nous accabler de foudres pour nous écraser et pour nous détruire?

Cependant, ô abîme de grâces et de bontés!

Cependant jusqu'ici il nous a épargnés; et loin de nous détruire, il nous a présentés, et il nous présente encore, à tous en général, et à chacun de nous en particulier, LES MOYENS DE FAIRE NOTRE PAIX AVEC LUI, ET DE PARVENIR AU SALUT; nous sollicitant par sa parole, par la voix de ses serviteurs, par ses bienfaits, et par les mouvements de son saint Esprit.

Quel est le Monarque qui voulut si longtemps et si constamment supporter la rébellion de ses sujets?

Ô Éternel! ce sont tes gratuités que nous n’avons pas été consumés! (Les bontés de l’Éternel ne sont pas épuisées, Ses compassions ne sont pas à leur terme. Lam. III, 22.)


TU ES ENCORE DISPOSÉ À NOUS BÉNIR.


II. Mais, mes Frères, jusqu’à quand Dieu voudra-t-il nous attendre et nous épargner?

Persévérants dans notre impénitence, n’avons-nous pas bien lieu de craindre, que bientôt le Maître du monde ne nous fasse sentir qu'il ne tient point le coupable pour innocent, qu’il ne veut point être moqué, et que c’est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant. (Ex. XXXIV, 7; Gal. VI, 7.) PRENONS-Y GARDE!

L’orage est sur nos têtes; et qui sait le moment auquel il doit fondre sur nous?

Quand ils crieront, Paix et sureté, il leur surviendra une soudaine destruction. (1 Thess. V, 3.)

Ô menace terrible, qui ne s’accomplira peut-être que trop tôt!

Vous subsistez encore, et cela sur les bords d’un élément dont la fureur est redoutable! Vous êtes encore aujourd’hui le théâtre des faveurs du Tout-puissant; mais peut-être dans peu de temps serez-vous celui de sa vengeance.

Ses Jugements, ses redoutables fléaux, se promènent sur la terre; la PESTE, la GUERRE, la FAMINE ravagent l’Europe: et qui sait si ces fléaux ne parviendront point jusqu'à nous?

Écoutez la verge et celui qui l'a assignée (qui l'envoie). (Michée VI, 9.)

Allez, transportez-vous par la pensée chez ces peuples infortunés que la main de Dieu désole; contemplez son bras vengeur, frappant, puissant, sans dire pourquoi:

Apprenez que la cognée est déjà mise à la racine des arbres, et que tout arbre qui ne fait pas de bons fruits, s’en va être coupé et jeté au feu. (Matth. III, 10.)

Pensez-vous que ceux-là soient plus coupables que ne le sont ceux-ci? Non, vous dis-je, mais si vous ne vous amendez, vous périrez semblablement. (Luc XIII, 4-5.)


Ne pensons pas ici nous rassurer par de misérables raisonnements de politique. L’Éternel peut, quand il lui plaît, renverser les plus solides fondements de la prospérité d’un État.


DEVANT LUI, TOUTE LA SAGESSE HUMAINE N’EST QUE VANITÉ PURE.


Il confond les précautions les plus prudentes, il se rit des projets les mieux liés, il souffle dessus et les réduit en fumée.

Devant lui, notre vie ne tient qu’à un fil, et quand il lui plaira de le rompre, pauvres vermisseaux de terre que nous sommes! Qu'est-ce qui pourra nous protéger?


Nous le savons, mes Frères, vous êtes ingénieux à vous rassurer contre les plus justes frayeurs, et vous ne manquez pas d’illusions à l’égard de celles que nous voudrions vous inspirer pour vous conduire à la foi.

Semblables à ces anciens Juifs qui disaient:

NON, LE MAL NE VIENDRA POINT SUR NOUS ET NOUS NE VERRONS POINT L’ÉPÉE NI LA FAMINE. (Jér. V, 12.)

Parce que vous avez dit cela, Voici, je veux que ma parole dans ta bouche soit du feu, Et ce peuple du bois, et que ce feu les consume. (Jér. V, 14.)

Hé bien, rassurez-vous, si vous voulez et si vous pouvez, contre les dangers les plus évidents. Mais du moins souvenez-vous que même si Dieu n’exerçait pas sur vous ses Jugements pendant cette vie, il y a un jour ordonné auquel il jugera le monde en Justice, et qu’alors il rendra à chacun selon ses œuvres. (Actes XVII, 31; Matth. XVI, 27.)


Pour ce jour-là, pour ce jour terrible, nous vous supplions de l’éviter!

Impénitents, tremblez à la pensée de ce moment redoutable auquel VOUS SEREZ FORCÉS DE COMPARAÎTRE DEVANT CELUI QUE VOUS FUYEZ AUJOURD’HUI; Ce jour auquel ceux de Ninive, et même ceux de Tyr, de Sidon, de Chorazin, de Bethsaïda, de Capernaüm, s’élèveront en jugement contre vous pour vous reprocher que vous aviez reçu de Dieu des grâces plus abondantes qu’eux.

Votre propre conscience vous accusera et sollicitera hautement votre perte; auquel toute la nature conspirera à votre supplice; auquel vous direz dans les mouvements d’un affreux désespoir:

Montagnes, tombez sur nous; côteaux, couvrez-nous y cachez-nous de devant la face de celui qui est assis sur le trône, et de devant la colère de l'Agneau. Car la journée de sa colère est venue, ET QUI EST-CE QUI POURRA SUBSISTER? (Luc XXIII, 30; Apoc. VI, 16.)


III. Ah! mes Frères, prévenons un sort si lamentable!

Hâtons-nous, si nous sommes sages, de faire des fruits convenables à la repentance (Luc III, 8.).

Imitons cet Enfant prodigue dont parle Jésus-Christ dans l’Évangile, qui après s’être soustrait à l’autorité de son père, et l’avoir abandonné, rentra finalement en lui-même:

Je me lèverai, dit-il, et je m'en irai vers mon père, et je lui dirai, Mon père, j'ai péché contre le ciel et devant toi, et je ne suis pas digne d’être appelé ton enfant. (Luc XV, 18-20.) Quand son père le vit paraître à ses yeux, il courut au-devant, l’embrassa et le baisa.


Mes Frères, faisons de même; Dieu, nous y encourage: Enfants rebelles, convertissez-vous et je remédierai à vos rébellions.


REVENEZ, ENFANTS REBELLES, JE PARDONNERAI VOS INFIDÉLITÉS.

(Jér. III, 22. V. S.)


Répondons tous ensemble de la bouche et du coeur:

Voici nous, revenons à toi, car tu es l'Éternel notre Dieu.

Oui, Seigneur, nous reconnaissons aujourd’hui nos erreurs et nos égarements.

Nous avouons, ici aux pieds de ton trône, que nous ne sommes rien que de misérables créatures pécheresses, indignes d’un seul regard favorable de ta part; que naissant dans la souillure, et vivant dans le crime, nous mériterions que tu déploies sur nous tes plus sévères Jugements.

Mais ta charité nous rassure, et NOUS SAVONS, Ô DIEU, que tu ne veux point la mort du pécheur, mais sa conversion et sa vie.

Trop longtemps, il est vrai, nous avons attendu de nous reconnaître coupables et de revenir à toi; mais aujourd’hui nous prenons le sac et la cendre, et nous recourons humblement à la grandeur de ta miséricorde.

Aujourd’hui nous jurons, et nous vouIons le tenir, d'observer les ordonnances de ta Justice. (Ps CXIX, 106.)


AIE PITIÉ DE NOUS! PÈRE MISÉRICORDIEUX, AIE PITIÉ DE NOUS!


Mes Frères, mes très chers Frères, tous tant que vous êtes qui composez cette Assemblée, ce que nous venons de dire à Dieu, sont-ce bien là les mouvements et les sentiments de votre Cœur?

Voulez-vous donc aujourd’hui sérieusement faire votre paix avec le Seigneur?

Si cela est, LA PORTE DE LA GRÂCE EST ENCORE OUVERTE; Dieu va se montrer encore propice.

Plus heureux que les Juifs à qui Jésus-Christ reprochait leur endurcissement, les jours qui appartiennent à notre paix ne sont point encore écoulés, et les reproches qu’il nous fait aujourd’hui ont encore pour but notre conversion et notre vie.

Ainsi cette journée de larmes et de repentance peut devenir, en même temps, une journée de joie et de consolation.

Après avoir été si longtemps les malheureux esclaves de nos passions, après avoir si longtemps croupi dans le bourbier de la corruption, prenons enfin la résolution généreuse de secouer les chaînes et le joug du péché, pour nous mettre dans la glorieuse liberté des enfants de Dieu.

Si, de nous-mêmes, nous ne pouvons pas venir à bout de cette sainte entreprise, ne perdons pas pour cela courage. La grâce divine, le secours du saint Esprit nous soutiendra, et sa vertu s'accomplira dans notre infirmité. (2 Corinth. XII, 9.)


Si l’ouvrage est difficile, désagréable, pénible, pensons:

d’un côté, au sort malheureux qui sera pour toujours le partage de l’impénitence;

et de l'autre, à la récompense glorieuse que Dieu prépare à ceux qui auront combattu le bon combat. (2 Tim. IV, 7.)

N'écoutons plus ni la Chair ni le sang; écoutons ce Dieu si bon qui nous appelle, qui nous tend les bras, et qui ne cherche qu’à nous rendre infiniment heureux.

Faisons le compte de nos voies et rebroussons vers ses témoignages (Je réfléchis à mes voies, Et je dirige mes pieds vers tes préceptes). (Ps. CXIX, 59.)

Plus de délais, plus de renvois; allons dès à présent, alIons tous ensemble assiéger le trône de la grâce:


NE LAISSONS POINT ALLER LE SEIGNEUR QU’IL NE NOUS AIT BÉNIS.

(Ge. XXXII, 26.)


Amen.


 

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