Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE SALUT DU RICHE

SAMUEL PILET-JOLY

1838

***

SERMON

SUR CES PAROLES:

«Alors Jésus dit à ses disciples: Je vous dis en vérité qu'un riche entrera difficilement dans le royaume des Cieux, et je vous dis encore: Il est plus aisé qu'un chameau passe par le trou d’une aiguille, qu’il ne l’est qu’un riche entre dans le royaume de Dieu.

Ses disciples ayant entendu cela, furent fort étonnés, et ils disaient: QUI PEUT DONC ÊTRE SAUVÉ?

Et Jésus les regardant leur dit: Quant aux hommes, cela est impossible; mais quant À DIEU, TOUTES CHOSES SONT POSSIBLES  (Math, XIX, 23-26)


* * *


Qu’attendez-vous, M. B. A. F., comme développement de ces paroles?

Un plaidoyer contre ceux qui possèdent quelque chose?

Voudrions-nous faire au riche un crime de ses richesses?

NON, M. F. «Le riche et le pauvre se rencontrent» (Prov. XXII, 2.) dans la carrière de la vie; «celui qui les a faits l'un et l'autre, c’est l’Éternel».


La richesse n’est-elle pas un don, un bienfait, qui vient de lui tout comme la santé, la beauté, l’intelligence, un don qui échoit à l’homme afin qu'il en fasse un bon usage?...

Nous n’avons pas même l’intention de parler aujourd’hui de ceux qui, par des infidélités, grandes ou petites comme on les appelle, parviennent ou sont parvenus à la richesse. CE SONT LÀ DES INIQUITÉS TOUTES JUGÉES.

C’est contre ces riches-là qu’est dirigée cette menace de St. Jacques: «Le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs et dont vous les avez frustrés crie contre vous» (Jacques V, 4.), ou celle de Jérémie: «Celui qui acquiert des richesses et non point avec droit, est comme la perdrix qui couve ce qu’elle n’a point pondu; il les laissera au milieu de ses jours, et à la fin, il se trouvera que c’est un insensé» (Jér. XVII, 11.).

Non, ce n’est pas aux riches injustes que nous voulons nous adresser.

Nous ne voulons accuser personne, mais nous voulons exposer le danger que révèlent les paroles de notre texte.

Pour cet effet, nous les développerons d’abord dans leur application directe, c’est-à-dire par rapport aux riches proprement dits, et ensuite par rapport à ceux qui peuvent être rangés dans la même classe.

Nous vous prions de croire, M. B. A. F., que ce n'est point pour crier avec une époque où l’on tend à rabaisser tout ce qui est élevé et à ternir tout ce qui brille, mais par un sincère amour pour vos âmes immortelles, que nous vous présentons ce sujet de méditation.


Lorsque la parole de Dieu se fait entendre, «que le riche s’humilie dans sa bassesse» (Jacques I, 9-10.) – , que le pauvre «se glorifie dans son élévation»; que tous nous devenions comme des enfants, simples, dociles, avides d’instruction.

Dieu nous accorde cette grâce par J. C.

Amen!

* * *


C’est après qu’un jeune riche, appelé à renoncer à tout pour suivre J. C., eût avec tristesse tourné le dos au Sauveur du monde, que ces paroles furent prononcées:

«Je vous dis en vérité qu’un riche entrera difficilement dans le royaume des Cieux».

Ses disciples s’en étant étonnés, comme nous le voyons dans le récit de St.-Marc:

«Jésus reprenant la parole leur dit: Mes enfants, qu’il est difficile à ceux qui se confient aux richesses d’entrer dans le royaume des Cieux».

Et comme si ces expressions étaient trop faibles, comme si elles n’étaient pas suffisantes pour donner l’alarme, il ajouta:

«Je vous dis encore; il est plus aisé qu’un chameau passe par le trou d’une aiguille, qu’il ne l’est qu’un riche entre au royaume des Cieux(Marc X, 24.)


Il n’est pas nécessaire pour le moment de s'étendre sur l’explication de ces mots. Le royaume des Cieux, c’est, relativement à la circonstance que nous avons sous les yeux, l’Église chrétienne soit visible, soit invisible. Le terme de riche n'est pas pris ici dans un autre sens que celui qu’il a ordinairement.

Les uns traduisent «cable» au lieu de «chameau»; peu importe, le problème de faire passer l'un ou l’autre par le trou d’une aiguille, reste le même pour le fond.


Il est plus aisé qu'un chameau passe par le trou d’une aiguille, qu’il ne l’est qu’un riche entre dans le royaume de Dieu, signifie donc:

Il est difficile qu'un riche devienne un véritable chrétien, qu’il parvienne au bonheur éternel.

IL Y A BIEN UNE PORTE QUI CONDUIT AU ROYAUME DES CIEUX; mais autant il serait difficile à un chameau de trouver, d’apercevoir le trou d’une aiguille et d'y passer, autant il est difficile au riche de trouver, d’apercevoir cette porte du royaume des Cieux; autant il lui est difficile d’y entrer.


Une telle difficulté, M. F., s'appelle impossibilité!

En sorte qu’en dernier lieu la déclaration du Seigneur revient à cette triste sentence: Il est impossible – SANS MIRACLE – qu'un riche parvienne au salut!

Et c'est bien ainsi que les Apôtres saisirent la pensée du Seigneur; car ils lui demandèrent d’abord après:

«MAIS QUI PEUT DONC ÊTRE SAUVÉ?»

Y chercherez-vous un adoucissement, faisant observer que Jésus parle ici de ceux qui mettent leur «confiance (espérance) en leurs richesses?» (1 Tim. VI, 17.)


Mais remarquez bien, M. C. F., que c’est après l’avoir dit, que Jésus déclare l’impossibilité du salut pour le riche, d’où il faut conclure qu’il est naturellement impossible que le riche ne mette pas sa confiance dans ses richesses.

Ce qui adoucit la triste impression de ces paroles, c’est ce que N. S. ajoute: «Quant aux hommes, cela est impossible, quant à Dieu, toutes choses sont possibles»; cependant ce que nous avons à prouver d'abord, ce dont il faut d’abord nous convaincre, c’est que le salut d’un riche est, humainement parlant, impossible.


Que faut-il en effet pour entrer au royaume des Cieux?

Il faut en être bourgeois.

Quelles sont les affections du bourgeois des Cieux?

Il regarde le royaume des Cieux, il l’aime comme sa patrie, il se détache de ce monde et désire le monde à venir, il l’appelle de ses vœux; il est uni et dévoué au Roi céleste.


Que faut-il pour aimer ainsi ce royaume?

Il faut le connaître.

Et puisque c'est le royaume des Cieux, et que nous sommes encore sur la terre, il faut y croire, il faut y vivre déjà par la foi et l’espérance.


Mais que faut-il pour le connaître et pour y croire?

Il faut se connaître soi-même, s’humilier et se repentir. Voici donc le chemin du royaume des Cieux:

Connaissance de soi-même,

humilité, repentance,

connaissance de ce royaume selon l’Évangile,

foi au Rédempteur,

espérance parfaite,

détachement de ce monde,

amour de Dieu, efforts pour lui plaire,

dévouement, désir ardent du monde à venir.


Or, M. F., entrer par la porte qui est Christ, croire réellement en lui et vivre dans cette foi en suivant le chemin que nous venons de tracer, est déjà une chose difficile pour tout homme.

Oui, pour le fils d’Adam c'est une chose difficile que d’entrer au royaume des Cieux. «Mort dans ses fautes et ses péchés», privé «de la vie de Dieu», assujetti à la «loi de la chair», à la «puissance des ténèbres» et avec cela plein de présomption comme s’il était vivant, libre, pur:

L’HOMME A BESOIN DE NAÎTRE DE NOUVEAU, d’être renouvelé et vivifié du tout au tout, pour atteindre ce but.


Toutes les dispositions qu’il devrait avoir sont celles qui lui manquent!

Combien il lui en coûte de baisser la tête devant son Dieu, non seulement comme une créature fautive, mais comme une créature plongée dans le mal et naturellement perdue!

Combien il lui est difficile, soit de venir à Christ, «travaillé et chargé», soit, après l’avoir invoqué:

de croire à LA GRÂCE INCOMPRÉHENSIBLE, NON MÉRITÉE d’un Seigneur qu’il a tant et si souvent offensé;

de croire à un amour prévenant, éternel, dont il est lui-même incapable!

de croire à une économie de miracles destinée à le sauver, à un sacrifice ineffable et mystérieux comme à L'UNIQUE MOYEN de pouvoir soutenir un jour les regards de son juge!


Comment l’homme peut-il espérer?

Que peut-il espérer soit qu’il se connaisse ou s’ignore lui-même?

Comment l’homme peut-il renoncer à lui-même, mettre de côté son égoïsme inné pour aimer «Dieu de tout son coeur, de toute son âme, de toutes ses forces, de toute sa pensée et son prochain comme lui-même

Comment l'homme peut-il se défaire de tous les liens qui l’enchaînent à ce monde, afin de ne vivre QUE pour celui qui veut et qui doit être le centre de toutes choses, de tous les vœux, de tous les désirs, de tous les efforts?


Celui qui a fait quelque expérience de la vie humaine, qui connaît la puissance des choses visibles sur notre âme, l’assaut des passions, les ruses de la malice en soi et dans les autres, cet égoïsme qui est en nous et qui se replie toujours sur lui-même; cet homme rendra témoignage avec l’Écriture que la conversion d’une âme à Dieu n’est point l'œuvre de l’homme, que si «un homme ne naît d’eau et d’esprit, il ne peut voir le royaume de Dieu».


Il est naturellement impossible à l'homme de le voir.

C'est ce que sentaient les Apôtres en faisant la question: «Qui peut donc être sauvé

LE RICHE NE SAURAIT Y ENTRER PAR UNE AUTRE PORTE QUE SES SEMBLABLES: en sorte que déjà en qualité d'homme, sans autre raison, sans parler ni de séductions, ni d’illusions, ni de tentations particulières, tout riche est exposé au danger de ne jamais parvenir au royaume des Cieux.

«Si tu as couru avec les gens de pied et qu'ils t'aient lassé, disait Jérémie, comment te mêleras-tu parmi les chevaux?» (Jér. XII, 5.)

Si sans être chargé, sans être vêtu, il t’est impossible de traverser à la nage ce fleuve dont la rive opposée touche au royaume des Cieux, que feras-tu, que deviendras-tu, chargé de bagage?


«Ce ne sont pas les richesses, il est vrai, dit un Réformateur; qui par leur nature nous empêchent de servir Dieu, mais telle est la méchanceté du cœur humain, qu’il est presque impossible que ceux qui ont tout en abondance, ne se laissent enivrer.

C’est ainsi que Satan captive ceux auxquels les richesses abondent, de telle sorte que bien loin d’aspirer au Ciel, ils s'enfouissent, ils se lient eux-mêmes, ils se vendent eux-mêmes à ce monde.» (Cal. Ad h. I.)

Ces paroles sont bien fortes, M. F. Mais jugez vous-mêmes de leur vérité.

La présence seule des richesses ne favorise-t-elle pas des dispositions et des convoitises déjà assez fortes, assez enracinées de leur nature?

N’y a-t-il pas un orgueil de la propriété? Une estime indistincte de soi-même; comme l’appelait une femme d’esprit.

Cette pensée, «JE SUIS RICHE», ne peut-elle pas produire la vanité?

Il nous est dit du pieux roi Ezéchias, que «Dieu l’ayant abandonné pour voir ce qui était dans son cœur» (2 Chr. XXXII, 31.), à ce moment-là, ses richesses l'éblouirent au point qu'il s’en fît gloire vis-à-vis des ambassadeurs du roi de Babylone.


Combien y a-t-il de riches qui soient exempts de cette vanité, qui n’aiment pas faire parade de leurs demeures, de leurs équipages, de leurs vêtements, de leurs propriétés?

Si l'ombre du prophète Ésaïe pouvait s’offrir à eux, elle leur ferait les mêmes reproches qu'à ce roi.

La présence des richesses n’est-elle pas comme une armure qu’on se fait contre les dispensations de la Providence?

N'arrive-t-il pas souvent au riche d'oublier la dépendance où il se trouve?

«J’ai de l'argent. On fait tout avec de l'argent.»

Voilà la pensée que les richesses font naître quelquefois quoiqu’on ne se l’avoue guère.

C'est alors qu'on dit: «Nous irons aujourd’hui ou demain dans une telle ville, et nous y passerons une année, et nous y trafiquerons, et nous gagnerons» (Jacques IV, 13.), c’est alors «qu’on se glorifie dans ses pensées orgueilleuses».

Si l'Éternel envoie des calamités, j’ai de l’argent;

s'il envoie des maladies, je m’entourerai de soins;

s’il envoie des révolutions, je liquiderai tout et je m’en irai ailleurs.

Il y a de la folie dans de telles pensées, mais il faut avouer que la présence des richesses est bien propre à les faire naître.

Écoutez le Psalmiste à tous ces égards.

«Il y en a qui se confient en leurs biens et qui se glorifient de l’abondance de leurs richesses». (Ps. XLIX, 6.)


Cependant PERSONNE ne pourra en AUCUNE MANIÈRE racheter son frère, ni donner à Dieu sa rançon. (Ps. XLIX, 7.) Leur intention est que leurs maisons durent toujours et que leurs habitations subsistent d'âge en âge; ils ont même donné leurs noms à leurs terres!

Cette conduite qu'ils suivent est une folie, et cependant leurs successeurs approuvent leurs maximes.


Si l’orgueil est une disposition qui ferme la porte du royaume des Cieux, que deviendra celui qui possède tous ces moyens de le nourrir?

La présence des biens seule a aussi une influence sur l'amour des richesses ou l’avarice. Il semblerait que cette influence devrait être de calmer cette passion; mais il n'en est pas ainsi, M. F.


Tout comme la présence d’un instrument réveille des dispositions musicales, ainsi LES BIENS DE LA FORTUNE EXCITENT L’AMOUR D'EN AVOIR.

«De vray, a dit un philosophe, ce n’est pas la disette, c’est plutôt l’abondance qui produict l’avarice». (Montaigne; Essais, Liv. I, ch. 40.)

Avoir, posséder, même indépendamment de toute jouissance, uniquement parce qu'on a, ou qu’on possède, est une attache qui nous lie à ce monde.


LÀ OÙ EST VOTRE TRÉSOR, LÀ AUSSI SERA VOTRE CŒUR.

(Matth. VI, 21.)


«La possession des richesses a des filets invisibles où le cœur se prend insensiblement. Le désir se fait mieux sentir parce qu'il y a de l'agitation et du mouvement; mais dans la possession on trouve comme dans un lit, un repos funeste, et l’on s’endort dans l’amour des biens de la terre, sans s’apercevoir de ce malheureux engagement». (Génie de Bossuet, pag. 297-299)


Si l'avarice, si l’amour du monde sont en opposition avec le désir et l’amour du royaume, des Cieux, où ira celui qui, aimant naturellement ce monde, tient son trésor ici-bas; n'ira-t-il pas «avec les gens du monde», qui, selon l'expression du Psalmiste, «ont leur portion en cette vie(Ps. XVII, 14.)

Outre cela, M. F., les richesses sont un obstacle au salut par ce qu’elles entraînent après elles.

D’abord elles procurent une certaine considération. Vous me demanderez pourquoi, M. F.!

C'est là un de ces caprices des choses humaines, dont on ne saurait guère rendre raison.


C'est COMME SI L'ARGENT QU'UN HOMME POSSÈDE FAISAIT PARTIE DE LUI-MÊME, comme si une fortune supposait toujours des talents, de l'activité, des vertus chez celui entre les mains duquel elle se trouve.

Quoi qu'il en soit, c'est un fait. «Là où il y a beaucoup de bien, il y a aussi beaucoup de gens qui le mangent» (Eccl. V, 11.), et tous ces consommateurs grands et petits, qui sont à la table ou aux gages du riche, composent une espèce de cour dont il reçoit les hommages.

Ceux qui ne dépendent pas de lui ne se lassent pas d'être éblouis de la somme de bonheur, que leur imagination lui attribue.

Et ceux-là même qui crient contre la richesse et les distinctions, ont bien de la peine, en bien des cas, à résister au torrent.

Dieu nous garde d'introduire quelque chose de satirique dans ces réflexions! mais ne peut-on pas dire à plusieurs égards que cette parole, est vraie selon le monde: «Quiconque est riche est tout?».

Qu'y a-t-il donc d’étonnant que le riche entouré de ce prestige se laisse séduire, oublie en lui cet homme intérieur qu’il connaît pour ne voir que l'homme extérieur, accepte les flatteries, finisse par y croire, prenne le rang qu’on lui assigne à cause de sa position, élève son cœur, se flatte lui-même, s’accoutume à rapporter tout à lui?


Ces dispositions se trouvent déjà dans le cœur de tout homme. Mais ici quelle occasion de les développer!

Où sera l’humilité en pareil cas?

Où sera la conscience qui crie quelquefois au pauvre: Pécheur! Pécheur!


Écoutez l'Écriture, M. F.:

L’homme riche pense être sage (Prov. XXVIII, 11.).

Les amis du riche sont en grand nombre (Prov. XIV, 20.).

Le pauvre ne prononce que des supplications, et le riche ne répond que par des paroles rudes (Prov. XVIII, 23.)

Tu as amassé de l’or et de l’argent dans tes trésors, tu as accru ta puissance par la grandeur de ta sagesse dans ton commerce; puis ton cœur s'est élevé à cause de ta puissance (Ez. XXVIII, 4-5.).

Comment fera-t-on passer cela, M. F. PAR LA PORTE ÉTROITE?


* * *


À la considération que les richesses procurent, il faut joindre un grand nombre de jouissances dont elles sont la source et auxquelles elles invitent.

Et ces jouissances lorsqu’elles sont légitimes, sont des biens ainsi que les richesses elles-mêmes, ou plutôt une partie du bien que Dieu veut nous faire par le moyen des richesses. MAIS À CAUSE DE LA MÉCHANCETÉ DU CŒUR, tous ces biens peuvent tourner à mal.


C’est ici que l’on trouve cette «SÉDUCTION DES RICHESSES», (Marc IV, 19.) dont N. S. dit QU'ELLE ÉTOUFFE LA PAROLE.

Quel instrument que les richesses, par rapport à des jouissances, coupables, défendues! Quelle tentation pour celui qui penche à avoir «soin de la chair pour satisfaire ses convoitises», à se faire un «Dieu de son ventre», à mener une vie matérielle et sensuelle!

Quelle tentation pour celui ou pour celle qui aime à briller; à étaler une vaine parure, à avoir au lieu des ornements intérieurs de la femme chrétienne, un ornement extérieur, «des cheveux frisés, de l'or, des perles, ou des habits somptueux!» (1 Tim. II, 9; 1 Pierre III, 3.)

Quelle tentation d’user avec excès de ce qui est permis!

Quel ne sera pas l’empire de toutes ces vanités, de tous ces plaisirs, d’une vie douce et commode?

Comment se détacher de la vie qui offre tant d’attraits?


L’ivresse de la prospérité fait oublier les devoirs les plus sacrés. Salomon et David en ont donné des preuves bien tristes.

Si celui-ci avait été encore auprès de ses brebis, au lieu de se trouver sur la terrasse d'un palais; il n'aurait peut-être pas perdu de vue l’Éternel. Et, sans parler de chutes pareilles, où ces illusions conduiront-elles une âme? — À L’OUBLI DE L’ÉTERNITÉ!

«J’ai une maison de marbre que je dois quitter, et je ne pense pas à la maison éternelle où je serai toujours».

Vraie folie! ON S’OCCUPE DU PRÉSENT COMME SI C’ÉTAIT L’ÉTERNITÉ.

«Faire peu de réflexions; sortir comme, hors de soi par les plaisirs que donnent les choses étrangères; chercher à oublier ses propres maux; ne reconnaître d’autre prudence que celle qui fait qu’on ménage ses plaisirs; vivre pour ce monde; donner au monde à venir quelques instants dérobés, afin d’imposer en quelque sorte silence à une voix intérieure qui se plaint de cette vie mondaine; voilà l’histoire de plusieurs âmes.

Voilà le danger auquel la richesse expose l’homme naturellement sensuel et vraiment fou par rapport aux choses de l’éternité». (Saurin; Sermons. T. VIII.)


Joignez à cela les occupations qui résultent aussi de la richesse et les devoirs réels ou fictifs sous lesquels elle enchaîne les hommes.

Les affaires, les usages, les habitudes, les convenances absorbent un temps considérable.

Après les affaires terminées, le pauvre à quelquefois ses dévotions pour délassements; le riche a ses plaisirs.

Les raisons que le pauvre donnerait pour ne pas observer Ie repos de l'Éternel; le riche ose les donner. Et c’est ainsi que sa vie s’écoule au milieu d’un grand nombre de CHOSES NÉCESSAIRES SELON LE MONDE qui lui font oublier la «SEULE CHOSE NÉCESSAIRE» selon Dieu. (Luc X, 42.)

Avec cela le riche a une plus grande, plus redoutable responsabilité.

«Plus il a été confié à quelqu'un, plus on exigera de lui(Luc XII, 48.)

Ces ressources, ces moyens de faire du bien temporel et moral, d’aider ses semblables et pour le corps et pour l'âme, tous ces bienfaits de Dieu seront l'objet d’un compte exact au jour du jugement.

Et remarquez bien que la responsabilité portera, non sur ce qu'il y a de difficile dans la position du riche; mais au contraire sur ce qu’il y aurait de si facile.

Quel est le moyen par lequel vous espéreriez vous faire aimer d'un de vos semblables, et le rendre reconnaissant?

N’est-ce pas en lui faisant du bien?

OR C’EST PRÉCISÉMENT CE QUE DIEU A FAIT AU RICHE. Mais la richesse élève le coeur.

Celui qui a peu est souvent, toujours peut-être, plus reconnaissent que celui qui possède beaucoup; et l'action de grâces retentit plus souvent et plus réellement devant le pain noir et des mets clairsemés que devant les tables chargées.


On devrait être content de son sort, et on ne l'est pas.

La reconnaissance ne consiste pas seulement en paroles; les richesses ont leur destination dans la main de celui qui les possède.

Si vous vouliez encourager un homme à donner, que feriez-vous?

Vous lui donneriez vous-mêmes.

Eh bien! C’EST CE QUE DIEU A FAIT PAR RAPPORT AU RICHE.

C'est un point sur lequel portera particulièrement sa responsabilité;

C'est un point sur lequel il sera beaucoup exigé!

Que de choses entreront à cet égard en ligne de compte!

Que de profusions! Que de vanités!

Que d'argent perdu ou mal employé!


Et le malheur est encore en ceci, c’est que Ie riche donnant DE SON SUPERFLU, lorsqu’il fait beaucoup à ses propres yeux et à ceux des autres, est tenté de s'en vanter; ou de s’en enorgueillir, ou de s'en faire un mérite devant Dieu, quoique ses plus grands sacrifices soient bien éloignés en proportion de l’offrande de cette veuve qui donnait «de sa subsistance ce qu’elle avait pour vivre». (Marc XII, 42-43.)


Quand on pense au jour du jugement et à ces trois questions:

1. As-tu été content de ton sort?

2. En as-tu été reconnaissant?

3. En as-tu fait un bon usage?

Il y a de quoi trembler.


* * *


Enfin les avantages du riche l'exposent aussi à quelques désavantages.

Il lui manque aussi quelques expériences et quelques secours extérieurs.

On raconte qu'un amateur ayant présenté un de ses ouvrages à un peintre célèbre, celui-ci, frappé de ses dispositions, lui dit: «II ne vous manque rien d'autre qu’un peu de disette».

Et si ce propos trouvait son application dans cette circonstance-là, il l'a trouve encore mieux au sujet de la vie spirituelle.

Le sentiment du besoin, de la dépendance continuelle, journalière, est vraiment avantageux à la piété!


C’est par là qu’on apprend à prier;

C’est par là qu’on remarque les réponses et les bienfaits de Dieu;

C’est par là que la foi et l'espérance se fortifient, que l’on apprend à demander le «pain quotidien» et à en vivre.

La disette nous aide à nous détacher de ce monde!


Enfin, il est plusieurs; sacrifices, plusieurs actes de foi, qui, par la position même du riche, ne peuvent entrer dans ses expériences.

S’il a quelquefois des pensées sérieuses, des désirs de trouver Dieu, de se rapprocher de lui; la solitude est souvent ce dont il a le plus besoin et ce qui lui manque le plus.

S’il s’inquiète sur son âme, s’il est triste; il ne manque ni de distractions, ni de gens qui le distraient.

Qu’y a-t-il de plus utile pour connaître la vérité et pour marcher dans la vérité, que de rencontrer des personnes franches, ouvertes, qui ne nous flattent point, qui nous fassent connaître nos erreurs, nos faiblesses, qui quelquefois nous reprochent nos péchés?


Le pauvre est souvent en présence de gens qui ne l’épargnent pas; mais le riche est retranché derrière un mur de difficultés, de civilités et de convenances.

Lorsque le pauvre est malade, son chevet est comme une place ouverte où le chrétien, où le ministre du Seigneur ont un libre accès; on peut lui apporter les consolations de l’Évangile avant son agonie lorsqu’il entend encore, lorsqu’il comprend encore, alors même que sa maladie ne menace point; mais le chevet du riche est souvent entouré de gardiens de toute espèce, qui le défendent «contre les consolations du Dieu fort». (Job XV, 11.)


C’est ainsi qu'à cause de sa richesse, il s’avance tout dépouillé sur le chemin des demeures éternelles, et qu’on entend crier sur son passage: «Les morts ensevelissant leur mort». (Matth. VIII, 22.)

Vous donc qui possédez des richesses, permettez-nous, d’après cette déclaration du Sauveur: «Il est plus facile qu’un chameau passe par le trou d’une aiguille qu'il ne l’est qu’un riche entre dans le royaume des Cieux», permettez-moi d’après cette déclaration, que nous avons peut-être délayée, de plaindre ainsi votre position et de vous exprimer nos craintes sur VOTRE salut?

C’est un langage nouveau, surprenant peut-être pour plusieurs d’entre vous; mais nous ne sommes ici que l’écho du Seigneur!

Cette parole de l’Ecclésiaste vient le confirmer:


«Il y a un mal fâcheux sous le soleil,

c’est que les richesses sont conservées

pour le malheur de celui qui les possède».

(Eccl. V, 13.)


Par rapport au royaume des Cieux; l'homme est un aveugle et un sourd, le riche est un aveugle et un sourd ayant en plus un bandeau sur les yeux et les oreilles bouchées.


* * *


Tout cela était pénible à dire.

Vous le savez M. F., pour échapper au mal, il faut parler du mal, il faut le montrer tel qu'il est.

Cependant il doit y avoir une portion de cet auditoire, qui jusqu'à présent a peut-être écouté sans prendre une part directe et personnelle à ce que nous avons dit.

C’est un discours pour les riches, dira peut-être tel ou tel; on aurait dû nous congédier!


Avez-vous remarqué, M. F., que c'est à ses Apôtres, qui certainement n’étaient pas riches, que Jésus a adressé ces paroles?

Avez-vous remarqué dans quel sens ils les ont comprises?

C'est ici que vient la définition du riche.


Sans nier que notre Seigneur ait voulu désigner des richesses dans notre texte, ne peut-on pas dire pourtant que l’Évangile a une autre mesure de la richesse que le monde?

«Tel se fait riche qui n’a rien du tout, tel se fait pauvre qui a de grands biens». (Prov. XIII, 7.)

Le terme de richesse est relatif aux temps, aux lieux, aux proportions.

Mais quoiqu’il y ait divers degrés de richesses, ne peut-on pas dire que tout superflu est une richesse,..... et que tout homme qui gagne au-delà de ce qui lui est nécessaire pour se nourrir et se vêtir simplement, lui et les siens, est proportionnellement riche, et selon cette proportion, exposé aux dangers de la richesse?


«Qu'un homme ait de grandes richesses, dit Augustin, s'il ne s'en est pas enorgueilli, il est pauvre.

Qu’un autre n’en ait pas, mais qu’il convoite et qu’il s’enfle, Dieu lui assigne sa place parmi les réprouvés. C’est au cœur et non dans leur coffre ou dans leur demeure que Dieu mesure les riches et les pauvres». (August. Enarr. Ps. 88.)


Dans le cas dont nous parlons, les obstacles au salut sont: LA CONFIANCE DANS LES RICHESSES, DANS L'AMOUR DES RICHESSES.

Or on peut les estimer, les aimer sans les posséder.

Ces sentiments ferment la porte du royaume des cieux au pauvre comme au riche.

«Ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation et dans le piège, et dans plusieurs désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et dans la perdition;

car l’amour des richesses est la racine de toutes sortes de maux, et quelques-uns les ayant recherchées avec ardeur, se sont embarrassés eux-mêmes dans bien des tourments» (1 Tim. VI, 9-10.)


C’est cet amour qui a attiré sur Guéhazi, serviteur d’Élisée, sur Judas le traître, sur Ananias, les terribles châtiments du Seigneur; C’EST CET AMOUR QUI A FERMÉ LEURS ÂMES À LA LUMIÈRE QUI SAUVE.

Qu’importe qu’un homme possède, peu, beaucoup, ou point de richesses; s’il les aime il lui est impossible d’entrer dans le royaume des Cieux.

Et le pauvre qui n’a rien, qui murmure, dont l'orgueil se révolte et qui jette un regard d’envie sur le riche, qu’éprouve-t-il si ce n’est l'amour des richesses sous une autre forme; un amour malheureux, mais cependant la même affection?

Ce pauvre-là, mes M. F., est un des riches qui ne saurait entrer dans le royaume céleste.


Mais il est une autre richesse que celle de l'or ou de l’argent, et qui peut produire les mêmes effets.

On peut être riche en FORCE, en BEAUTÉ, en TALENTS, en ESPRIT, en SCIENCE; cela aussi séduit, enorgueillit les hommes; cela aussi les attache au monde et les expose à un grand nombre de péchés et de tentations; cela les conduit à se considérer comme des centres d'attention où tout doit aboutir.

Et ces tentations-là sont d’autant plus dangereuses, qu’elles sont subtiles, en ce que ses avantages sont plus personnels que les biens du monde à celui qui les possède.

C'est pourquoi le prophète Ezéchiel s’adresse au roi de Tyr en lui disant:

«Ô Chérubin, Ton coeur s’est élevé à cause de ta beauté, Tu as corrompu ta sagesse par ton éclat; Je te jette par terre, Je te livre en spectacle aux rois afin qu’ils te regardent» (Ez. ; XXVIII, 16-17).

Et le prophète Ésaïe disait à la Vierge, fille de Babylone:

«Ta sagesse et ta science est ce qui t’a séduit, et tu as dit en ton cœur; C'est moi, et il n'y en à point d’autre que moi». (Ésaïe XLVII, 1-10)


Enfin il est une richesse qui contribue particulièrement à fermer le royaume des Cieux.

C’est une richesse de vertus..... de vertus humaines.

C’est celle que Jésus nous présente dans le Pharisien lorsqu’il disait:

«Ô Dieu! je te rends graces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes qui sont ravisseurs, injustes, adultères, ni même aussi comme ce péager. Je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que je possède.» (Luc XVIII, 11.)

C'est cette vertu qu’il rabaisse en disant à l’Ange soit au représentant de l’Église de Laodicée,

«tu dis: Je suis riche, je n’ai besoin de rien, et tu ne reconnais pas que tu es malheureux, et misérable, et pauvre, et aveugle, et nu...» (Apoc. III, 17.)


On serait tenté de désirer, si la charité permettait un vœu de ce genre, que les riches de cette espèce, qui s’appuient sur leur propre justice, qui se tranquillisent en disant: Je ne fais tort à personne, je remplis tous mes devoirs, fissent quelque chute grave, que tel ou tel péché qui ne se trouve chez eux qu’en pensée ou en convoitise, devint une réalité visible; fît éclat aux yeux des hommes, afin de leur dévoiler à eux-mêmes LEUR PROPRE MISÈRE, afin qu’ils s’approchassent de Christ «travaillés et chargés»(Matth. XI, 28.). Que deviendront-ils, s’ils s’en approchent autrement?

En vérité, il est plus facile qu’un chameau passe par le trou d’une aiguille, qu’il ne l’est, qu’un de ces RICHES EN VERTUS MONDAINES entre dans le royaume des Cieux.


Et pour terminer tout ce que nous venons de dire, l’incrédulité seule sur la déclaration que nous avons développée, suffit pour en exclure une âme.

Celui qui ne croit pas à cette impossibilité du salut pour le riche de quelque espèce qu’il soit, est incrédule là-dessus, ou par orgueil et présomption, ayant une meilleure idée de lui-même que celle que la Bible en donne, ou par amour pour les choses visibles.

Il adore Mammon de loin ou de près. Il fait partie de ce monde «étranger au Père»; de ce monde qui reste toujours le même, de telle sorte que la peinture qu’en faisait Chrysostome lui convient encore:

«Ô avarice! dit-il. Tout est devenu richesses. C’est par là que tout est renversé de fond en comble.

Quelqu’un a-t-il un heureux succès, c'est d'elles qu’on fait mention.

Quelqu’un souffre-t-il des revers? C’est de là que vient son malheur.

Et toutes les conversations roulent sur la manière dont tel ou tel s’enrichira, dont tel ou tel s’appauvrira.

Service militaire, mariage, profession, quoiqu’on entreprenne, on n’y met pas la main avant que de savoir que les richesses en découleront abondamment et promptement.» (Chrys. Homil. 91 in Matth.)


Que dirons-nous de la gloire, qui est un autre degré de mondanité?

Ceux qui n’admettent pas qu’elle rend le salut impossible, comprennent-ils, ont-ils reçu le salut?

C’est ici, M. F., que se fait entendre la sentence d'un Apôtre:

«Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est point en lui; car tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, l’orgueil de la vie, ne vient point du Père, mais du monde». (1 Jean II, 15.)

Comment donc celui qui entretient ces convoitises pourrait-il voir le salut?


* * *


M. F.! En méditant des paroles de l’Écriture, qui s’appliquent en sens différent à plusieurs classes de personnes, on éprouve une crainte, c’est:

de rassurer les uns en avertissant les autres;

de ramener la parole de Dieu à une espèce de niveau, à une généralité qui en émousse le tranchant.

Nous voudrions éviter cet inconvénient si possible.


Vous donc, M. B. A- F, qui possédez des richesses, qui devez vous dire à vous-mêmes: «au fond, je suis riche» dans le sens de ces paroles;

si vous croyez qu’elles sont de Jésus-Christ,

si vous croyez que Jésus-Christ connaisse le mieux la nature de son royaume, le chemin et la porte pour, y entrer:

ne devriez-vous pas éprouver, par un seul effet du raisonnement, avant même que votre conscience ait parlé, un sentiment d’effroi?

Je suis riche..., il est impossible que j’entre au royaume des Cieux – c’est bien le sens de notre texte!


IL EST IMPOSSIBLE SANS MIRACLE QUE J’ÉCHAPPE À LA SÉDUCTION DES RICHESSES; c'est comme une étincelle placée à côté d’un monceau de bois sec.

Mais que sera-ce lorsque la conscience viendra se joindre à l’entendement?

L’écriture vous dit:

Quand, les richesses abonderont; n'y mettez point votre cœur. (Ps. LXII, 10.)

Prends garde à toi, de peur qu'après que tu auras mangé et que tu auras été rassasié, et que tu auras bâti de belles maisons afin d’y habiter, et que ton argent et ton or seront multipliés, et que tout ce que tu auras sera augmenté, alors ton cœur ne s’élève et que tu oublies l’Éternel ton Dieu. (Deut. VIII, 12-14.)


Examinez quel effet vos richesses ont sur vous.

Examinez si vous y avez mis votre confiance et votre affection; si vous les confondez avec votre personne.

Pouvez-vous dire sérieusement avec Job: «Que vous n’avez pas mis votre espérance en l’or?»

Que vous ne lui avez point dit: «Tu es ma confiance?»

Que vous ne vous êtes point «réjouis de ce que vos biens étaient multipliés»

Et de ce «que votre main en trouvait beaucoup?» (Job XXXI, 24.)


Examinez donc:

si vous en avez été vraiment reconnaissants;

si vous témoignez cette reconnaissance et en paroles et en actions;

si vous savez économiser vos biens, car il faut aussi que le riche ait de l'économie;

si vous les économisez et les dépensez pour la gloire de Dieu;

si, au milieu de l'usage que vous en faites, vous fermez votre cœur à la vanité?


Un jour les livres seront ouverts, et vous rendrez compte de l’étalage, de la profusion, de ce que vous aurez employé pour vous FAIRE DU BIEN À VOUS-MÊMES, de ce que vous aurez employé pour FAIRE DU BIEN AUX AUTRES, de la manière dont vous l’aurez fait:

«Les terres d'un homme riche avaient rapporté avec abondance, et il disait lui-même: QUE FERAI-JE? car je n’ai pas assez de place pour serrer toute ma récolte. Voici, dit-il, ce que je ferai:

J’abattrai mes greniers et j’en bâtirai de plus grands, et j'y amasserai toute ma récolte et tous mes biens; puis je dirai à mon âme: Mon âme, tu as beaucoup de biens pour plusieurs années; repose-toi, mange, bois et te réjouis.

Mais Dieu lui dit: Insensé! cette même nuit ton âme te sera redemandée, et ce que tu as amassé pour qui sera-t-il?

Il en est ainsi de celui qui amasse des biens pour lui-même et qui n'est pas riche en Dieu.» (Luc XII, 16-21.)

Qu'il est triste le moment où un riche doit se dire à lui-même:

Que sais-tu? RIEN.

Que vaux-tu? RIEN.

Qu'es-tu? Je ne suis QUE riche.

Déjà, selon le monde, de telles réflexions sont bien humiliantes. Mais que sera-ce, je vous prie, au jour du jugement, si vous êtes obligés de dire, devant le miroir de l'inflexible vérité, lorsque le Grand Juge vous demandera, qu’as-tu fait? J’ai été riche. Je n’ai été QUE riche.

Il vous a déjà donné sa réponse:

«Malheur à vous, riches, parce que vous avez déjà reçu votre consolation! (Luc VI, 24.) Souviens-toi que tu as eu tes biens pendant ta vie». (Luc XVI, 25.)


MAIS N'Y AURA-T-IL PAS DES RICHES SAUVÉS?

Oui, il y en aura, M. F., comme nous le dirons bientôt.

Cependant, ne voulant vous laisser aucun oreiller de sécurité, nous vous appellerons à examiner, D’APRÈS L'ÉCRITURE, dans quelle proportion, par rapport aux pauvres.

«L'ÉVANGILE EST ANNONCÉ AUX PAUVRES» (Matth. XI, 5.), dit Jésus.


Saint-Jean nous raconte «que plusieurs des principaux crurent en lui; mais qu'ils ne le confessaient point» (Jean XII, 42.);

Jésus a menacé de «renier devant les anges de Dieu» ceux qui le renieraient «devant les hommes». (Luc XII, 9.)

Ezéchiel, en parlant de l’œuvre du bon Berger, dit: «Je chercherai celle qui sera perdue, je ramènerai celle qui sera blessée et je fortifierai celle qui sera malade; mais je détruirai celle qui sera grasse et forte. (Ez. XXXIV, 16.).

«Il a rempli de biens ceux qui avaient faim, dit Marie, et il a renvoyé les riches à vide». (Luc I, 53.)

Et l’observation de St.-Paul s'est vérifiée dans l’histoire de l’Église.

«Considérez, M. F., qui vous êtes, vous que Dieu a appelés; il n’y a pas parmi vous beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles. (1 Corinth. I, 26.)

Dieu n’a-t-il pas choisi les pauvres de ce monde, qui sont riches en la foi et héritiers du royaume qu'il a promis à ceux qui l’aiment». (Jacques II, 5.)

Sérieuse considération, M. F!


Quant à vous, qui n'avez pas les biens de la fortune, si «vous vous travaillez pour vous enrichir» (Prov. XXIII, 4.), si vous n'êtes pas contents de votre sort, si vous regardez le riche d’un œil d’envie, ou si seulement vous envisagez sa position comme la source du bonheur;

sachez «que nul serviteur ne peut servir deux maîtres» (Luc XVI, 13.);

sachez que par vos efforts, par ces mouvements de vos cœurs, par cette manière de voir, vous prenez soin – vous-mêmes – de semer les tentations, les obstacles, les difficultés sur votre route, et que cherchant le danger, vous périrez dans le danger, étant d'autant plus INEXCUSABLES que, vous allez, de vous-mêmes, au-devant de la séduction.


Et vous que votre science, ou vos talents, ou votre esprit, ou votre beauté, ou tel autre avantage terrestre occupent, enorgueillissent; pensez-vous avoir un meilleur sort?

Tout cela n’est-il pas une idolâtrie de vous-mêmes!


J'admets, ce qui ne va pas sans dire, que vous combattiez ces mouvements d’orgueil et que l'estime que vous faites de vous-mêmes ne soit pas sans quelque fondement, tout cela ne vous attache-t-il pas au monde et aux choses visibles, et ne savez-vous pas «que si quelqu’un aime le monde, l'amour du Père n’est point en lui(1 Jean II, 15.) et QUEL SERA LE SORT D’UN ENFANT QUI N’AIME PAS SON PÈRE?

Or à cet égard, je vous le déclare en conséquence de mon texte, vous courez le plus grand danger. «Si vous ne devenez comme des enfants vous n'entrerez point au royaume des Cieux» (Matth. XVIII, 3.), et c’est là ce qui, sans miracle, vous est impossible.


* * *


Ah! M. B. A. F.! Après tout cela, combien on éprouve le besoin d’entendre autre chose! et qu’on est heureux de connaître la vérité que N. S. exprime ensuite:


«QUANT À DIEU, TOUTES CHOSES SONT POSSIBLES».


Oui, tout est possible à Dieu!

IL PEUT SAUVER TOUT HOMME, toute espèce de riche, le savant, l'homme d'esprit, la personne qui est douée de beauté et de richesses.

Oui, il y a eu, et il y aura encore des riches sauvés.

Augustin exprime à ce sujet cette belle pensée: «Le PAUVRE Lazare repose dans le sein du RICHE Abraham».

Oui, les Patriarches Abraham, Isaac, Jacob, étaient «très riches en bétail, en argent et en or»; (Gen. XIII, 2.) Job de même.

Joseph réunit la beauté à la grandeur.

David sur son trône alliait l'opulence, la grandeur et le génie.

Moïse et Daniel étaient habiles l'un dans la science des Égyptiens, l'autre dans celle des Chaldéens.


Les riches et les savants se sont retrouvés dès lors çà et là au rang des fidèles.


Tous ceux-là ont CRU, tous ceux-là se sont DÉTACHÉS DU MONDE, tous ceux-là ont APPARTENU AU ROYAUME DES CIEUX; ils l’ont AIMÉ, ils l’ont CHERCHÉ, ils l'ont TROUVÉ, ILS Y SONT ENTRÉS.


Mais aussi Dieu est-il riche en secours et abondant en moyen.

Pour préparer les riches au royaume des Cieux, il leur envoie des souffrances, des revers, des privations, des peines:

Abraham fut appelé à sacrifier son fils unique,

Jacob passa par les plus grandes angoisses,

Joseph fut vendu, captif, calomnié, injustement châtié,

Job fut frappé et dans ses biens et dans sa famille et dans son corps,

David fut en proie aux agitations, aux persécutions, aux révoltes, aux guerres, il vit la main de ses serviteurs et de son fils levée contre lui, il souffrit des calamités domestiques,

Moïse fut méconnu, fut accablé de fatigues et de soucis à la tête du peuple,

Daniel goûta aussi des fruits de la captivité et de la calomnie.

Telles sont les dispensations de Dieu. Tels sont d’un autre côté les ravages du péché dans l'âme des mortels.

Attachée à la poudre et aux fantômes de ce monde, elle ne peut en être déprise (séparée), elle ne peut commencer à vivre et persévérer à vivre pour un autre monde, pour le royaume de Dieu, qu’en conséquence de grands déchirements.


Non, M. F. bien-aimés, ce n'est pas pour vous repousser, ce n'est pas pour vous condamner, que Jésus vous tient ce langage.

Ce n'est pas, comme nous le disions en commençant, pour vous repousser que nous vous l’avons présenté.

C’est au contraire PAR AMOUR POUR VOS ÂMES IMMORTELLES.

C’est afin que vous soyez sauvés que le Seigneur déclare que votre salut est une chose impossible.


La première condition pour que vous parveniez au salut, c’est que vous croyez cela.

Si vous n’en êtes pas convaincus, il est impossible que vous cherchiez sérieusement le Sauveur. Sans cette compréhension, point de détachement, point de combat!


CELUI QUI N’A PAS COMPRIS LE DANGER DE SON ÂME,

NE SAURAIT ÊTRE SAUVÉ.


Rappelez-vous donc, M. B. A. F., que votre salut est une chose impossible pour vous, MAIS POSSIBLE À DIEU.


«Que le sage ne se glorifie point dans sa sagesse, que le fort ne se glorifie point dans sa force, et que le riche ne se glorifie point dans ses richesses. Mais que celui qui se glorifie se glorifie en ce qu’il a de l’intelligence et qu'il me connaît. (Jér. IX, 23.)

Plusieurs disent: Qui nous fera avoir des biens? Fais lever sur nous la clarté de ta face, ô Éternel! (Ps. IV, 7.)

Et voici ce que je dis, M. F.: C’est que le temps est court désormais. Que ceux qui sont dans la joie, soient comme s’ils n'étaient point dans la joie, ceux qui achètent, comme s’ils ne possédaient point, et ceux qui usent de ce monde, comme s’ils n’en usaient, point, car la figure de ce monde passe, (1 Corinth. VII, 29.)


UNE SEULE CHOSE EST NÉCESSAIRE;

(Luc X, 42.).

Heureux celui qui l'a trouvée, en Jésus-Christ.


Amen!




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