Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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LA PRISONNIÈRE DES BOHÉMIENS

CHAPITRE V


Prisonniere1


Les prières exaucées

Elle languit de les aimer tous, mais — mais ils sont tous si propres et si bien habillés, ne mépriseront-ils pas la pauvre petite bohémienne? Cependant il reste encore beaucoup à faire.

Il te faut retourner chez tes maîtres pour le moment, ma chérie. Demande à Dieu que ce ne soit pas pour longtemps. Ne dis rien aux bohémiens et viens chercher des nouvelles chaque soir. La Capitaine écrit en toute hâte à Londres d’où elle reçoit bientôt la réponse suivante:

«M. et Mme Humbert sont tout à fait convaincus que votre petite Emma est leur fille et M. Humbert se rend à Londres pour la rencontrer. Tenez l'enfant prête à quitter la gare par le train de 11 heures samedi matin, un Officier du Quartier Général rencontrera le train à Londres et s'occupera de l’enfant.»

Ainsi tout est arrangé! La Capitaine Cutmore laisse tomber la lettre et joint les mains pour rendre grâce silencieusement. Tout finit bien!

«Et si les bohémiens ne voulaient pas permettre à l’enfant de les quitter, que devrais je faire?» se demande-t-elle.

Puis la pauvre enfant est si négligée! Est-ce que son père la reverra pour la première fois depuis tant d'années dans ces habits sales et déchirés et ces vieux souliers éculés?

«Non, non! Les salutistes n’arrangent pas les choses de cette manière! Je pense que Mme Dubois me donnera bien une des robes de Sophie et peut-être pourrai-je obtenir une paire de souliers de Mme Jaubert.»

Là-dessus elle va leur exposer la chose et ces deux camarades sont trop heureuses de pourvoir au nécessaire. Beaucoup d’amis s’intéressent à la petite Emma quand ils apprennent sa merveilleuse histoire.


La Capitaine est occupée toute la journée à ces préparatifs. Vous pouvez être sûrs qu’elle attend sa petite amie avec anxiété aussitôt que le soir commence à tomber. À l’instant même où la petite main entr’ouvre la porte la Capitaine vole à sa rencontre.

Tout est arrangé, chérie, s’écrie-t-elle joyeusement, ton père vient te rencontrer demain à Londres et je dois prendre le train de 11 heures du matin.

L’enfant paraît frappée de stupeur. Elle verra son père demain! Elle peut à peine supporter cette bonne nouvelle. — Sois ici à neuf heures demain matin, nous aurons ainsi assez de temps pour t’arranger un peu. Tu n’aimerais pas que ton cher père te vit dans cette robe déchirée, je suis sûre?

L’enfant baisse la tête et les joues pâles deviennent écarlates.

Non, non, murmure-t-elle à voix basse.

Très bien. Sois donc là à temps et ne dis rien aux bohémiens ce soir. Tâche d’avoir une bonne nuit de repos. Demain matin, tu leur diras que la Capitaine de l’Armée du Salut a trouvé tes parents et va te renvoyer à eux. Parle-leur gentiment, n’est-ce pas? Tu m’as dit qu’ils n’ont pas été méchants avec toi. Ils t’ont nourrie et abritée, ils ne sont pas comme les méchants qui t’ont volée à tes parents.

Mais s’ils ne veulent pas me laisser partir? s’écrie Emma en tremblant.

Ils doivent te laisser partir, ils n’ont aucun droit de te garder. Maintenant, ma chère, fais bien attention à ce que je te dis. Obtiens leur consentement pour venir, si tu peux, mais souviens-toi que si tu n’es pas ici à neuf heures j’irai te chercher chez les bohémiens avec un agent de police.

Un agent! La pauvre Emma tremble à cette pensée. Mais elle est une brave fille et elle promet à la Capitaine de faire ce qu’elle lui dit. Combien de fois la Capitaine regarda-t-elle l’horloge le matin suivant? Huit heures et demie, neuf heures moins vingt. Combien ce sera terrible après tout, si elle doit aller chercher la police! Neuf heures moins un quart...

Ah! la voici, dit la Capitaine tandis qu’Emma s’engage sur le sentier.

Ce n’est pas encore neuf heures, n’est-ce pas? dit-elle en haletant. Oh! vous ne savez pas comme j’ai couru. Les bohémiens ne voulaient pas me laisser partir. «Quand je leur déclarai que mon père et ma mère étaient trouvés, ils dirent: «Comment cela se peut-il?» Je leur répondis qu’ils feraient mieux de vous le demander. Ils me firent promettre de dire qu’ils n’avaient pas été méchants envers moi et après cela ils me laissèrent aller. Je suis venue en courant autant que j’ai pu. Je n’ai pas dormi un seul instant la nuit passée. Ce n’est pas encore neuf heures, n’est-ce pas?

Non, ma chère, non. Entre! ma brave petite.

L’eau, le savon, un peigne et une brosse, puis une robe proprette, un chapeau et des souliers convenables ont bientôt transformé la pauvre petite bohémienne en une fillette souriante et heureuse. Un bon déjeuner, encore une prière en commun pour la dernière fois et en route pour la gare!

La Capitaine va trouver le chef du train et place l’enfant sous sa surveillance.

Adieu, petite Emma, adieu! dit-elle en se baissant pour embrasser l’enfant, puis elle lui glisse une petite Bible dans la main. — Tu apprendras à la lire, lui dit elle et le «Jeune Soldat» aussi. Et n'oublie jamais de remercier Dieu de tout ce qu’il a fait pour toi.

Le train se met en marche, la Capitaine le regarde partir les larmes aux yeux, mais le cœur reconnaissant.

«Comme tout a marché merveilleusement! Sûrement Dieu m’a mis au cœur d’aller dans le camp bohémien le jour où j’hésitais, remplie de craintes. Sûrement II m’a envoyée à cette chère fille en réponse aux prières de ses parents», murmure-t-elle tandis qu’elle s’en va.

Quelques jours après, elle eut des nouvelles de l’émouvante rencontre qui eut lieu entre le père et l’enfant.

«Nous avions tout fait pour trouver notre chère enfant, disait Monsieur Humbert, nous avions fouillé toute la contrée. Pendant dix ans nos recherches sont restées sans résultats, mais par la grâce de Dieu, l’Armée du Salut nous l’a retrouvée en moins de trois semaines


* * *


La Capitaine Cutmore a cessé de travailler au bien des pauvres sur cette terre. L’été dernier, elle a été appelée au ciel et s’en est allée joyeuse, laissant dans les cœurs la reconnaissance de ceux qu’elle a secourus: quelqu'un ne l’oubliera jamais, c’est la petite prisonnière des Bohémiens.


FIN


CapitaineCutmore


En avant 1914 03 14


 

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