Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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UN ENSEVELISSEMENT NI RELIGIEUX NI CIVIL 


Paradoxe, dira-t-on, écoutez plutôt. C’est une chose triste que je vais vous narrer.

Un ensevelissement n’est pas un acte gai par lui même, mais ce qu’il m’a été donné de voir dépasse tout ce que j’ai vu en tristesse. Un bref entrefilet dans un journal local conviait les amis de M. Astier à l’accompagner à sa dernière demeure. Je m’y rendis.

Un radieux soleil inondait d’effluves printanières les côtes de Sassenage. Après ces rudes gelées, c’était comme une résurrection de la nature vous portant à l’adoration. Une foule émue et recueillie suivait le convoi, sobre de décors, selon le désir du défunt: une couronne et une croix.


Au départ de la maison mortuaire où, dit-on, le mort avait, durant les trois dernières années de sa vie, chanté des cantiques, prié et adoré son Dieu, aucune prière, aucun discours, pas un geste, pas une parole; tristement on avait chargé le cercueil, comme on aurait fait d’un hors-la-loi... religieuse, et pourtant je remarquais, parmi l’assemblée, deux ministres de culte et une corporation.

Je me dis: «Un hommage sera sans doute rendu à la mémoire de mon excellent ami au cimetière».

Nous arrivons bientôt.


Un petit cimetière de campagne, quelques arpents de terre, quatre murs, quelques tombes, quelques fleurs, un grand trou; lentement on y glisse le cercueil; les ministres s’approchent, la corporation s’arrête, une vive émotion nous étreint, chacun attend dans le silence.

Je vis alors une scène étrange: un ministre demande la parole pour rendre un dernier hommage à la mémoire de mon ami. Il se la voit refuser par le fils du défunt, d’ailleurs très émotionné, seul représentant de la famille. La foule déconcertée a de la peine à s'écouler.

Va-t-on se quitter comme cela?

Chacun semblait avoir survies lèvres la même pensée: «Si c’était la dépouille de mon cheval, oui, mais celle de mon père...» Quand une femme, dans l’assemblée, s’avance au bord de la tombe, et y jetant les roses d’un bouquet: «Adieu, papa Astier», s’écria-t-elle. «Tu fus un bon époux et un bon père, adieu...» Sa voix s’étouffa dans un sanglot.

Oui, papa Astier, mon excellent ami, tu méritais plus que cela à ton dernier voyage sur la terre; il me semblait que tu allais te dresser de toute la hauteur de ta stature d’athlète, et que de ta voix puis santé tu allais crier: «N'y a-t-il aucun ami ici pour me dire au revoir!»

Tu en avais pourtant des amis et des amis qui te regrettent pour le bien que tu as fait, et que tu voulais faire encore. Au revoir, mon vieux camarade repose en paix jusqu’au jour de la Résurrection!

Un de ses amis.


* * *


Dans un certain sens, la foi qui n’est pas éprouvée ne mérite pas son nom.


En avant 1914 02 14


 

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