Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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LA PRISONNIÈRE DES BOHÉMIENS


«La Capitaine Cutmore dont il est «question dans cette histoire vient de mourir en Angleterre. En rappelant son souvenir, on s’est plu à faire le récit si captivant que nous faisons paraître ici et qui est vrai dans tous ses détails.»


Prisonniere1

CHAPITRE I.

«Achetez-moi un bouquet de violettes, ma bonne dame!» dit une voix. La Capitaine lève la tête. Près d’elle se tient une petite fille, un grand panier de violettes printanières suspendu au bras.

M’achetez-vous un bouquet, bonne dame? crie l’enfant de nouveau.

Mais la Capitaine Cutmore ne songe pas aux fleurs, elle regarde l'enfant elle-même. Il lui est facile de voir que personne n’en prend soin, sa robe est toute tachée et en lambeaux, ses souliers ne valent pas mieux et ses cheveux noirs sont négligemment attachés derrière son cou à la manière bohémienne. Cependant elle a une figure très douce. Ses grands yeux bruns ont une expression intelligente qui va droit au cœur de la Capitaine.

As-tu faim, petite? demande-t-elle avec pitié.

Oui, répond l’enfant à voix basse.

La Capitaine plonge la main dans sa poche. Elle a fait ses petites provisions, son Corps est pauvre, mais ne lui reste-t-il rien? Vingt centimes! Elle aurait pu trouver moins! Elle les glisse dans la main de l’enfant en disant:

Cours chez ce boulanger, pauvre petite, il te donnera de bons gâteaux chauds pour vingt centimes».

La fillette ne se le fait pas dire deux fois, elle s'enfuit son gros panier branlant è son bras. La Capitaine l’observe une minute. Midi sonne.

Déjà! soupire-t-elle.

La Capitaine a une longue course devant elle et devait être à la maison. Elle se hâte de rentrer, mais elle ne peut s’empêcher de penser encore à la fillette. «Que ses grands yeux sont tristes. Oh! j’espère qu’elle a quelqu’un qui l’aime!»



* * *


Il reste une douzaine de Cri et autant de Jeune Soldat. Je désire donner ces journaux à ceux qui sont réellement trop pauvres pour les acheter. Je vais visiter les maisons près du marais, les gens sont pauvres et j’ai eu à cœur de leur parler ces derniers temps, dit la Capitaine à sa Lieutenante.

La journée est charmante, l’air est embaumé de la senteur des bois et la Capitaine remarque dans les petits jardins que les fleurs commencent à faire leur apparition. Il y a trois semaines qu’elle a rencontré la petite marchande de violettes et quoiqu’elle ait essayé de la découvrir chaque fois qu’elle est sortie, elle n’a pas réussi.

En marchant rapidement elle atteint bientôt les pauvres maisons et tout le monde semble heureux de la voir. En quittant la dernière elle se demande ce qu’elle va faire, lorsqu’elle aperçoit dans le marais, à une petite distance, une misérable masure ou hutte et tout près deux ou trois voitures bohémiennes.

Où irai je maintenant? se demande-t-elle.

Va là-bas. Que c’est étrange! C’est comme si ces paroles avaient été murmurées à son oreille.

Aller là? Mais non, je ne puis pas aller vers ces bohémiens; j’en ai peur et je suis seule. Une autre fois, quand la Lieutenante sera là.

Va maintenant!

De nouveau c’est comme si elle avait entendu cet ordre. Elle s’arrête pour réfléchir.

Peut-être que Dieu désire que j’aille. Pourquoi aurais-je peur? Il peut me garder là aussi sûrement que dans ma chambre. Oui, je veux aller!

Une minute plus tard elle est parmi les buissons de bruyère et approche de la triste maisonnette. Elle était si sûre que personne ne pouvait vivre dans un lieu aussi misérable qu’elle est toute surprise de voir une petite fille qui se tient près de la porte du jardin.


Prisonniere2

Pauvre enfant, je vais lui donner un Jeune Soldat. Elle en prend et s’avance vers elle. Soudain elle reconnaît la fillette à qui elle donna les vingt centimes trois semaines auparavant. Qu’elle est contente de la revoir!

Aimerais-tu un Jeune Soldat, ma petite? lui dit-elle. Mais l’enfant se retourne tristement et sa voix est si faible que la Capitaine peut à peine comprendre lorsqu’elle dit:

Je — je n’sais pas lire!

Tu ne sais pas lire? Pauvre petite! Prends-le quand même et regarde les gravures.

La fillette le prend timidement des mains de la Capitaine, la remerciant d’un regard rapide de ses yeux bruns.

Quelle chose étrange qu’une enfant paraissant si intelligente ne sache pas lire!

Où sont ses parents?

Que font-ils pour gagner leur vie?

Sont-ils chrétiens?


Tandis que la Capitaine se pose ces questions son cœur est de plus en plus attiré vers la petite.

Vas-tu à l’école du dimanche?

Oh! non, madame, je suis presque toujours laissée ici pour garder la maison, excepté quand je vais vendre des violettes ou autres articles.

Est-ce que ta mère ne te conduit jamais quelque part pour entendre parler de Dieu?

L’enfant regarde hâtivement autour d’elle, comme pour s’assurer que personne n’est là, alors elle s’approche de la Capitaine et lui chuchote d'un air effrayé:

Aimeriez-vous — aimeriez-vous venir dedans?

Oui, mon enfant, nous pourrions mieux causer là.

Silencieusement elle lui montre le chemin et la Capitaine pénètre dans le sombre intérieur. (À suivre).

En avant 1914 02 07



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