Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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UNE HISTOIRE D’AUJOURD’HUI


Un hanneton entra un jour par une fenêtre grande ouverte. Le bruit de ses ailes donnait une si jolie mélodie et si distincte, qu’involontairement j’adaptai les paroles de ce chant qui semblaient si bien appropriées.


Petit oiseau, va chercher la joie,

À travers les fleurs et les prés,

Va, c’est Dieu qui te l’envoie

Dans ce beau temps d’été.

C'est Dieu qui nous donne toutes choses

Parce qu'il aime nous réjouir;

Il crée les oiseaux et les roses.

Dis, ne veux-tu pas Le bénir?


D’où savait-il donc cela le petit hanneton? C'est qu’il était entré peu d’instants auparavant dans une pauvre mansarde; là une bonne vieille grand-mère lisait en suivant du doigt chaque ligne de ces mêmes paroles.

C’est là qu’il les avait apprises le savant petit insecte! il les avait de suite saisies et retenues, parce qu’elles avaient depuis longtemps résonné à son cœur et à ses oreilles. Et voilà qu’une autre musique l’attire encore; elle vient de la salle de l’Armée du Salut.

Mais combien différente; bien plus forte, bien plus puissante; il veut l’entendre et s’approche. Ah! oui, la voilà, dans ce coin à droite; quels brillants instruments! et là-haut sur l’estrade, ce quelqu’un qui donne de grands coups à une sorte de grande caisse ronde! oui la grosse caisse parut la plus belle chose du monde au petit hanneton! Mais son inspection est loin d’être terminée; tout hanneton qu’il est il y voit clair, il a bonne tête et veut s’instruire. Du haut de l’estrade il entend la voix sérieuse de la Capitaine qui lit ces paroles de l’Évangile:

«Père Abraham aie pitié de moi et envoie Lazare afin qu’il trempe dans l’eau le bout de son doigt pour me rafraîchir la langue, car je suis extrêmement tourmenté dans cette flamme

Les yeux de la Capitaine semblent lire les cœurs; ils paraissent y découvrir tout au fond le mal qui rend malheureux et elle cherche à subjuguer et à captiver, par la puissance du Saint-Esprit, les âmes qu’elle a devant elle.

Mais ils sont nombreux ceux qui évitent ce regard; ils sentent peser sur eux la condamnation; ils songent à leurs péchés passés; la pensée de la mort assombrit leur front et ils ne sont pas tranquilles.

D’autres personnes, jeunes gens, femmes et vieillards écoutent religieusement et sur leurs figures l’on peut voir qu’ils réalisent ces paroles:

«Seigneur, j’aime les parvis de ta maison et le lieu où ta gloire habite».

Ce n’était pas tout; il restait encore bien d’autres choses à voir: En haut les soldats de l’Armée du Salut. Ils ont pour la plupart des visages fatigués, car leur travail accompli durant cette journée pour leur divin Maître, n’a pas été facile mais ils rayonnent cependant d’une joie céleste.

Et là dans la salle, ces jeunes filles?

Ne les avait-il pas déjà vues? et portant le chapeau salutiste?

N’était-ce pas elles qui autrefois avaient, la main sur le drapeau, promis à Dieu de vivre et de mourir pour lui.

Et maintenant elles étaient là, légères, rieuses, se moquant même de ceux qui cherchaient, avec tant d’amour et de zèle, à gagner des âmes pour Dieu. Qu’était devenu leur chapeau de l’Armée?


Le hanneton regarde et voit les volumineux échafaudages qui péniblement ont pris leur place. Avait-on besoin de tant de mètres de rubans pour couvrir ces têtes vides et ces cœurs plus vides encore?

Seule la modiste qui en sait le compte, peut dire quelque chose de certain sur la longueur de toute cette magnificence superflue.

Une chose cependant dont se rend compte notre petit hanneton, c’est que les cœurs de ceux qui les portent sont exactement comme les têtes, c’est-à-dire un inexprimable fouillis de pensées vides et creuses.

Ces paroles de l’Évangile prononcées avec sérieux, résonnent avec force à travers la salle:

«D’ailleurs il y a entre vous et nous un grand abîme afin que ceux qui voudraient passer d’ici vers vous ou de là vers nous, ne puissent le faire.»

Comme elle était triste cette voix, pleine de pitié pour ce riche, qui trop tard se mettait à penser et à implorer... TROP TARD! Mais la voix passe comme un souffle, pour ceux qui jouaient avec leur âme.

Dans quel but étaient-ils venus?

Pour entendre un prophète, une marche, un chant?

Les oreilles, LES YEUX, LES MAINS ET LES BOUCHES ÉTAIENT PRIS PAR LES CHOSES EXTÉRIEURES.


PAUVRES GENS SUPERFICIELS!


Le hanneton vola vers le côté opposé quand il entendit encore retentir ces paroles:

«Je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père afin qu’ils ne viennent pas aussi dans ce lieu de tourments.»

Une étrange crainte le saisit en voyant combien de cœurs résistaient aux appels de Dieu. Les sourires qu’il voyait sur tant de visages ne s’accordaient pas avec l’invitation pressante:

«Louez l'Éternel vous tous ses anges!

Louez-le vous toutes ses armées!

Louez le soleil et lune!

Louez-le vous toutes, étoiles lumineuses!

Qu’ils louent le nom de l’Éternel! car son nom est seul élevé.

Sa Majesté est au-dessus de la terre et des cieux!»

Le hanneton s’envola tristement. Il entendit encore dans le lointain ces paroles résonner:

«S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne seraient pas non plus persuadés, quand même quelqu’un des morts ressusciterait.»


Comme se terminait la réunion, un jeune homme vint s’agenouiller en pleurant. Il s’était laissé persuader par ceux dont l’âme était vivante. Mais les cinq autres, qui auraient dû venir, si toi tu n’avais pas ri et troublé l’action du Saint-Esprit par ta légèreté et tes murmures... ils étaient encore à leur place, dans le lieu de tourment.


QUE CELUI QUI A DES OREILLES ENTENDE.


M. S.

En avant 1914 02 07

 

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