Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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SEPTANTE FOIS SEPT FOIS


Ils se comptent par milliers les foyers d’anciens buveurs convertis par le moyen de l’Armée. C’est la gloire des salutistes de compter dans leurs rangs plus d’ex-ivrognes que n’importe quelle société dans le monde.

Que de fois n’entend-on pas ce témoignage. En plein air et dans la salle:

«Notre maison était un enfer, c’est un petit ciel aujourd’hui! Gloire à Dieu!»


* * *


Tout était tranquille dans la petite maison. Notre homme avait enfin un peu de repos. Il était rentré aujourd’hui plus tôt que de coutume au logis. En entrant dans la chambre, quel triste spectacle!

Les enfants pleuraient de faim et de crainte. «La mère» était sur le sofa, comme un monceau. Depuis l’instant où elle s’y était laissée tomber, elle n’avait pas changé de position.

La table du déjeuner était encore couverte, comme Georges l’avait laissée à son départ le matin. Et maintenant il rentrait à la maison fatigué et ayant faim, les larmes lui venaient aux yeux. Il se contint cependant et sourit à ses enfants: «Soyez tranquilles, leur dit-il, je vais porter la mère dans son lit, et après nous souperons à notre aise.»

Entre ses bras vigoureux, il porta la femme ivre dans la chambre à coucher et la posa soigneusement sur les oreillers. Comme elle respirait avec peine, il décrocha un peu son col. Sans un mot de plainte, il revint dans l’autre pièce pour y mettre de l’ordre et soulager les petits affamés.

Au bout d’un instant, toute la petite bande était à table occupée à boire du lait accompagné de tartines au beurre. Ils étaient si ravis que de temps à autre le père devait leur dire: «Doucement, vous allez éveiller la mère.» Après le repas, il fit tout ce que sa femme aurait dû faire au fond: il lava la vaisselle, amusa quelque peu ses enfants, puis les mit au lit et pria avec eux.

«Cher Sauveur, dirent-ils, bénis père et mère, et fais de nous de bons enfants».

Peu après, ils dormaient d’un sommeil léger. Georges était habitué à tout cela, pourtant son coeur se fendait toujours à nouveau... Sa femme avait été autrefois la plus charmante jeune fille de la contrée, mais maintenant elle ne pensait plus qu’à passer la journée au cabaret. Elle n’avait plus aucun sentiment de devoir vis-à-vis de ses enfants, plus aucun respect d’elle-même; elle buvait jusqu’au moment où elle s’affaissait par terre, faute de secours.


Le lendemain, elle se montrait honteuse de sa conduite, et demandait pardon è son mari avec larmes. Et il lui pardonnait. Mais peu après l’affreuse passion s’emparait d’elle à nouveau, et tout recommençait.

Les amis de Georges lui conseillaient de donner ses enfants à une sœur mariée qui demeurait dans une ville éloignée, et de demander le divorce après avoir payé à sa femme une certaine somme.

«Oh non, disait-il tristement, je l’ai épousée pour les bons et les mauvais jours. Je crois que Dieu arrangera une fois ce que le diable a gâté».

Cette nuit pourtant, son fardeau lui parut insupportable. Que de fois il avait déjà pardonné à sa femme! Devait-il toujours le faire en souvenir de ce qu’elle avait été pour lui? Les enfants grandissaient, un exemple pareil ne pouvait leur être que nuisible.

La semaine dernière, elle avait engagé son meilleur habit au Mont-de-Piété pour du cognac. Lui avait dû travailler des heures en plus pour le retirer. Son habit avait certainement pris de nouveau la route du Mont-de-Piétié.


DIEU POUVAIT-IL EXIGER DE LUI QU’IL PARDONNE TOUJOURS?


Ses yeux tombèrent sur la Bible qui était ouverte devant lui. Il lut la question que Pierre posa à son maître:

«Est-ce assez de pardonner sept fois à mon frère lorsqu’il a péché contre moi?»

Jésus lui répondit:

«Je le dis, non pas sept fois, mais septante fois sept fois.»

«Ah oui, Seigneur, dit-il, Tu m’as pardonné tous mes péchés sur l'ignoble croix, moi aussi je lui pardonnerai jusqu’à ce que Tu lui parles».

Des années s'étaient écoulées depuis, Georges portait toujours sa croix. Il en parlait peu, même pas du tout, mais il avait vieilli avant l’âge. Les enfants étaient pour lui une grande consolation, ils s’étaient donnés à Dieu et le servaient dans l’Armée du Salut. Georges lui-même était Officier local. Aux côtés de sa femme, il vivait une vie de fidélité continuelle envers son Dieu. Avec une grande patience, il essayait de la conduire sur le droit chemin. Il avait la ferme confiance que Dieu ne laisserait pas sa prière inexaucée.

Son uniforme salutiste avait été pour lui la cause d’un petit avantage matériel; la mère ne pouvait plus emporter son meilleur habit maintenant. Chacun dans le Corps la connaissait. Un soir, il arriva un événement inattendu.

Comme elle passait devant la salle de l’Armée, elle s’arrêta un instant pour écouter. Les camarades, priaient, témoignaient, comme si cela avait été la dernière réunion de leur vie. Toute la semaine qui suivit, des prières ardentes montèrent jusqu’à Dieu pour la pauvre femme.

Georges allait chaque jour à son travail, plein de foi et d’espérance. Pendant ce temps, les choses n’avaient pas changé à la maison. Lorsque, le dimanche suivant, la femme annonça qu’elle voulait aussi aller à la réunion, son mari ne put retenir un alléluia retentissant. Pourtant, la foi du mari et des enfants devait être encore éprouvée.

La mère partit avant la réunion de prières; à la maison elle ne souffla mot, si ce n’est que le chant lui avait beaucoup plu. Le mercredi qui suivit, elle était de nouveau à côté de Georges dans la salle.

Tout à coup, il sentit une main tremblante sur la sienne. «Crois-tu que Dieu peut me sauver?» lui demanda sa femme.

«Mon cœur se brise, lorsque je pense à l’amour que tu m’as témoigné pendant toutes ces années. Si tu m’avais chassée avec injures et mépris, je l’aurais mieux supporté! Et maintenant, j’entends dire que Dieu m’aime encore mieux que toi. Oh, Georges, pardonne-moi!»

Georges prit sa femme et la conduisit au banc des pénitents. Il était rayonnant, on aurait dit qu’il la conduisait à l’autel nuptial. Les prières du mari étaient enfin exaucées, maintenant que sa famille était aux pieds du Sauveur pour Lui demander le salut ou pour se consacrer à Lui.

Les Soldats versèrent des larmes de joie, et demandèrent pardon à Dieu de ne pas avoir cru avec une plus ferme confiance à la conversion de cette femme.


* * *


Sept années ont passé depuis que le Corps a été témoin de cet événement de famille, et notre femme est toujours sauvée et heureuse. Son mari et ses filles se réjouissent à la vue de la bonne influence que sa vie exerce sur d’autres. Dans son Corps, on l’apprécie à cause de sa fermeté, de son courage et de son amour pour les âmes. Il n’y a pas longtemps, un médecin lui prescrivit de l’eau-de-vie. «Non», dit-elle «je ne peux pas en prendre. Si je meurs, je veux paraître devant Dieu avec des lèvres pures, et si je reste en vie, je veux d’autant plus le louer.»

Elle n’est pas morte, mais elle continue à vivre à la grande joie de son mari. Dieu a rempli le cœur de ce dernier d’un amour sacré pour sa femme, le «septante fois sept fois» est devenu sa seconde nature.

En avant 1914 01 31



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