SEMEURS D’ATHÉISME
Ces jours derniers, à la suite d’une conférence sur l’existence de Dieu, nous avons entendu plusieurs contradicteurs essayer d’expliquer pourquoi ils approuvaient l’athéisme.
«Comment pouvons-nous croire, nous ont-ils dit, à l’existence d’un Dieu juste et bon, quand l’histoire nous offre le spectacle de tant de crimes commis en son nom? Nous nous détournons d’une foi que l’on a voulu imposer par la force, qui a provoqué tant d’actes d’intolérance et d’injustice, tant de persécutions et de cruautés; nous nous détournons d’une foi dont les représentants sont si orgueilleux, si ambitieux, si cupides».
Après cette discussion, quelques jeunes gens nous ont communiqué un ordre du jour ainsi conçu:
«Les camarades réunis dans la salle protestent contre l’existence de Dieu, aussi longtemps qu’ils n’en auront d’autres preuves que les paroles de ses partisans».
Évidemment, il y avait chez nos contradicteurs du parti-pris. Ils étaient injustes quand ils ne voulaient pas distinguer les vrais chrétiens, ceux qui obéissent à la loi d’amour, d’avec les faux chrétiens qui trahissent par leur conduite le Maître qu’ils prétendent servir.
Ils avaient grandement tort de repousser l’idée de Dieu à cause des inconséquences de certains hommes.
Mais n’est-il pas humiliant de constater que ces inconséquences sont si nombreuses et si graves?
Rien n'est plus scandaleux que L'ATHÉISME PRATIQUE DE CEUX QUI SE DISENT CROYANTS, que le matérialisme de ceux qui affectent de vivre la vie de l’Esprit. Voilà les grands semeurs d’incrédulité!
Ah! si nous voulons désobéir à la loi divine, si nous n’avons d’autre morale que celle de l’intérêt, de la force ou du plaisir, NE DISONS PAS QUE NOUS SERVONS DIEU!
Si nous sommes de ceux qui tirent vanité de ce qu’ils appellent leur sagesse et leur vertu, si nous croyons en nous-mêmes, NE DISONS PAS QUE NOUS CROYONS EN DIEU.
Ne cherchons pas à cacher nos hontes derrière sa sainteté, et à couvrir nos ténèbres de sa lumière.
Ne cherchons pas à l’associer à notre déshonneur, à faire de lui notre complice.
N’ajoutons pas l'hypocrisie à la corruption.
Si nous vivons sans Dieu, contre Dieu,
ayons le courage de le reconnaître et de le dire.
Nul homme, nulle église n’a le droit de s’écrier:
«C’est au nom du Christ que je mens, que j’exploite, que je hais, que je me venge, que je fais souffrir, que je fais mourir.»
Parler ainsi, c’est blasphémer. Ces blasphèmes-là sont bien plus coupables et bien plus dangereux que ceux d’un Sébastien Faure.
Notre peuple n’est pas irréligieux, quoiqu’on en dise. Mais il est dégoûté d’une religion qui protège les exploitations, les infamies les plus révoltantes; d'une religion qui s'incline devant l’argent et devant le sabre; d’une religion qui méprise les pauvres et encense les riches.
Ainsi que le disaient deux ouvriers parisiens, NOTRE PEUPLE SE DÉTOURNE DES CHRÉTIENS QUI «SABOTENT LE CHRIST», «qui font du tort à leur corporation».
Il nous faut donc aller vers ce peuple que nous aimons, vers ce peuple si souvent trompé, si souvent déçu, et lui montrer, par l’exemple de notre vie, ce qu’est la vraie religion, celle dont il a un si grand besoin, celle après laquelle, dans le tréfonds de son âme, il soupire. Il nous faut lui révéler, autrement que par des paroles, ce qu’est le Christianisme, si méconnu, si caricaturé.
Donnons-lui la vision du Christ, du Christ miséricordieux et humble, du Christ consolateur, du Christ Sauveur.
Que Jésus Lui-même vive en nous, afin qu’en nous notre peuple puisse apprendre à Le connaître et à L’aimer.
«Que notre lumière luise devant les hommes afin qu’ils voient nos bonnes œuvres et qu’ils glorifient notre Père qui est aux cieux».
Nous serons alors des semeurs de foi et non plus, comme nous l’avons été trop souvent, des semeurs d’athéisme.
W.-H. Guiton.
(Reproduit de l’Évangéliste).
En avant 1914 01 24
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