MISSION
La Mission de Lyon est terminée! Le travail préparatoire, les prières, l’attente anxieuse qui l’avaient précédée, la Mission elle-même — tant attendue — tout cela fait maintenant partie du passé.
«Est-ce que ce fut aussi beau qu’en Suisse?»
C’est peut-être la question que plusieurs se sont posée à son sujet; c’est celle que j’ai été tentée de me poser moi-même, avant mon arrivée sur les lieux.
Comment comparer des choses de nature différente?
Et quoi de plus différent qu’un auditoire suisse, vaudois ou neuchâtelois par exemple et un auditoire lyonnais? On ne peut donc s’attendre à voir des éléments tout différents produire des effets semblables. Mais qu’on se rassure! Ceci n’est pas un petit préambule de parade pour excuser ou expliquer un échec. Car la Mission de Lyon fut bien une victoire.
Ce furent des victoires!
Combien?
Dieu seul pourrait le dire.
La joie nous fut pourtant donnée d’en voir beaucoup qui se peuvent compter. Je n’ai assisté qu’à une partie de ces réunions, la dernière semaine; c’est sur elles que portent ces quelques impressions. Une chose, entre autres, frappa mon attention dès le premier jour: la petite cocarde significative des Missions précédentes avec son inscription connue maintenant: «DIEU TE CHERCHE».
Presque tous la portaient, épinglée bien en vue. Un petit ruban vert attaché à la cocarde désignait ceux et celles qui s’étaient avancés au cours des réunions précédentes pour le salut ou pour une consécration nouvelle. Il y en avait tout un nombre. Il y eut aussi la réclame. Ce n’est pas nouveau, dira quelqu’un; on en fait partout, on en fait toujours. Mais celle-ci fut nouvelle (Pour Lyon du moins, car Paris en a vu à plusieurs reprises antérieurement), originale, saisissante:
Six hommes, à la manière des «hommes-sandwiches», défilèrent chaque jour par les rues de Lyon. Chacun d’eux portait devant soi et au dos une pancarte à grosses lettres; sur les unes se lisait l’adresse de notre salle; sur d’autres, l’annonce des réunions. Sur une autre encore, le «DIEU TE CHERCHE» de la Mission.
C’est d’après celle-ci que furent nommés les membres de la petite bande sur le passage de laquelle on entendait dire couramment:
«Voilà les Dieu te cherche».
Quelle belle appellation! Puissions-nous toujours la mériter. Sur la dernière pancarte enfin, on lisait: «REPENTEZ-VOUS, ET CROYEZ À L’ÉVANGILE».
Celle-ci était portée par le cher Colonel Peyron qui, prêchant d'exemple, marchait ainsi chaque jour, et deux fois le jour, à la tête de la petite bande d’Officiers tout heureux de le suivre. Je ne crois pas m’appesantir trop sur le sujet en répétant que ce fut une réclame saisissante. Il y avait du solennel dans ce défilé inusité que personne au dehors ne s’avisa de tourner en dérision. Pour nous, ce fut une bienfaisante leçon de courage et d’humilité.
En ce qui concerne nos journées, elles furent bien remplies et bien employées.
Le matin, réunion de prières pour les Officiers et ouvriers de la Mission. Ces heures passées dans le petit logement des Officières furent peut-être les plus bénies de toutes. Le Colonel Peyron nous y apporta quelque chose de la riche moisson de leçons et d’expériences qu’il a puisées au contact de Dieu. Ce furent des heures divines, un peu comme un Mont Thabor pour nous tous qui avons eu le privilège d’y assister. Nous en avons remporté une vision plus claire du divin, de l’infini; une vision plus nette et plus précise aussi de ce que peut être la vie de l’âme et le service pour Dieu.
Au cours de la journée, c’était l’action, la mise en pratique des belles leçons du matin. J’ai en horreur tout ce qui peut ressembler — même de loin — à de l’encensement. Je ne pourrais omettre de dire, avec la même simplicité que celle qui caractérisa ses actions, que le Colonel Peyron s’est montré un frère dans toute l’acception du terme au cours de ces journées, il a prêché d’exemple dans les détails les plus infimes de la vie.
De toutes ses prédications si puissantes pourtant, ce fut pour nous peut-être la plus puissante de toutes.
Chaque jour, à 3 heures de l’après-midi, la réunion pour les amis, les convertis, nous retrouvait autour de la Parole divine. Et enfin le soir, la grande et puissante bataille. Il me serait impossible de rendre compte de ces réunions. Leur puissance consista surtout, comme je l’ai dit déjà précédemment. — tant pour celles de l’après-midi que pour celles du soir — en douceur, en profondeur, en divine persuasion, en ce quelque chose d’inexprimable qu’on ne peut plus oublier lorsqu’une fois on l’a ressenti et qui doit être l’amour de Dieu rendu sensible à notre être entier.
Que d'incidents, par centre, je pourrais citer, tous plus touchants les uns que les autres. Ici les quatre enfants d’un pasteur de la ville venant s’agenouiller en même temps au même banc de la repentance, et donnant vraiment par la suite, leur tout en témoignage de reconnaissance pour les bénédictions reçues.
Plus loin, une pauvre femme venant apporter «tout ce qui lui restait» au Capitaine d’E-M. Dejonghe, parce qu’«elle l’avait promis au Seigneur». Lorsqu'on ouvrit l’enveloppe, elle contenait 8 francs, une petite fortune pour celle qui la donnait! Cela, c’est du domaine matériel, c’est vrai, mais ce n’en sont pas moins des actes dont les racines plongeaient dans une conscience et un cœur remués jusqu’au fond par l'amour de Dieu.
Ailleurs, une jeune bonne, hier encore catholique inconsciente, venue avec sa maîtresse, une femme du meilleur monde. L’une et l’autre ressentant les effets de ce même grand amour, s’y abandonnant toutes deux, et l’une venant demander pardon à l’autre en pleine réunion, le dernier soir, parce que tout n’avait pas été conforme pendant la journée à la vie chrétienne entrevue et acceptée.
Tout ceci est froid sur le papier. Cela semble peu de chose. Mais dans l’atmosphère céleste que nous respirions, qui nous unissait tous, c’était bénissant, c’était beau, c’était grand!
La Colonelle Peyron qui est venue à Lyon pour la dernière semaine, donna le dimanche soir une conférence vivement goûtée sur Catherine Booth à «l’Association de la Jeunesse Protestante» de cette ville.
Sa présence nous apporta aussi un autre aspect du divin rayonnement de ceux qui sont pleinement abandonnés à Jésus-Christ. Que dire encore quand il s’agit de choses que des paroles ne peuvent rendre?
Nous avions la joie de posséder parmi nous une jeune fille tout récemment convertie, lors de la dernière mission des Colonels Peyron à Lausanne, et qui n’a pas peu contribué à l’attrait de ces belles réunions, par son merveilleux don de Dieu qu’elle est venue mettre à son service; elle chanta à bouleverser les âmes, mais aussi à les apaiser, à les sauver. Il y eut aussi des «Marthes» pendant cette campagne. Elles ont droit à notre reconnaissance. Une surtout qui, pour nous mieux servir, dut se priver de ce que la Major Rogivue aussi présente, avait si bien appelé nos fêtes spirituelles. À elle la part de ceux qui savent s’oublier, la meilleure.
La mission de Lyon est finie, mais ses leçons nous restent.
Avec nous demeure à jamais Celui qui en fut l’inspiration et la vie. Il reste aussi aux chères Officières du Poste de nouvelles brebis à soigner. Il nous reste à tous de nouveaux devoirs, de nouveaux appels. Que Dieu nous en rende dignes!
L. Heuscher.
En avant 1914 01 10
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