EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

----------

QUELQUES MOTS À CEUX QUI AIMENT LEUR PAYS

J’ai quelque chose sur le cœur depuis bien des années. C’est qu’il y ait tant de mes chers compatriotes qui n’aient jamais voulu réfléchir et se demander à quoi pouvait bien servir l’Armée du Salut.

Je n’épuiserai pas aujourd’hui la question, me proposant d’y revenir; je dirai seulement la chose en deux mots:

«Les Salutistes, disent les uns, des Anglais», et ils croient avoir résolu la question sans se douter qu’ils commettent la plus grossière erreur, puisqu’il y a des salutistes hindous, japonais, lapons, cafres et boers tout aussi bien que français, italiens ou allemands.

Et ils ne songent même pas à se demander pourquoi ils ne taxeraient pas d’Allemand un Français qui partagerait les idées de Karl Marx, ou d’Italien un autre qui serait partisan de Mazzoni. Ce serait logique pourtant!

D’autres disent: «Les salutistes, des illuminés que leur douce folie rend heureux. Gens sincères, convaincus, mais...»

Et partant de ce jugement superficiel, ils ne se sont jamais donné la peine de se demander pourquoi ces gens qui pourraient être heureux et tranquilles chez eux, jouissant du respect et de la considération de tous, affrontent volontairement le ridicule et les moqueries de la foule en même temps qu’une vie de renoncement et de dur travail.

Une troisième catégorie croit avoir trouvé le nœud de la question: «Les salutistes, des habiles qui veulent tenir le peuple dans l’ignorance afin de le mieux dominer!»

Je pardonne un peu à ceux qui émettent cette opinion — bien qu’elle soit radicalement fausse parce que je sais que certains leur ont donné des raisons de parler ainsi et que la confiance perdue ne renaît pas en un jour.

Mais puisque l’occasion s’en présente, laissez-moi vous dire que nous ne redoutons rien tant que l’ignorance, créatrice de crimes, et que nous pensons que si Dieu nous a donné une intelligence, c’est évidemment pour que nous nous en servions et la développions le plus possible.

Loin donc de vouloir mettre la lumière sous le boisseau, nous voulons qu’elle rayonne comme un flambeau, nous rappelant la parole de Jésus: Si quelqu’un hait la lumière, c’est que ses œuvres sont mauvaises.

C’est pourquoi nous voulons vous dire aujourd’hui:

Vous qui ignorez ce qu’est l’Armée du Salut, étudiez-la. Je l’ai fait lorsque je l’ai rencontrée; au lieu de m’arrêter au jugement d’autrui, j’ai voulu me former un jugement personnel sur la question, je l’ai étudiée sur toutes ses faces, et comme résultat, JE L’AI AIMÉE DE TOUTE LA FORCE DE MON ÂME.

Mieux que cela, JE L’AI FAIT AIMER À D’AUTRES.

Vous avez en ce moment une belle occasion de faire comme moi.

Les Salutistes français célèbrent en ce moment la Semaine de Renoncement et dans leurs salles de conférences des collectes spéciales sont faites en vue de recueillir des fonds.

Grave question!

Qui sait à quoi peut bien servir l’argent ainsi recueilli, se demande quelqu’un! J’ai pensé vous être utile en vous donnant quelques renseignements sur ce sujet:

La majeure partie des sommes reçues est affectée à nos Institutions sociales.

Nous n’étonnerons personne parmi ceux qui savent un peu ce qu’est ce genre de travail, si nous disons que ces Œuvres ne font point leurs frais et que par conséquent il nous faut couvrir annuellement d’une part le déficit de l’exercice courant et de l’autre parer aux créations ou développements nouveaux.

L’autre partie des recettes de Renoncement est affectée à nos Œuvres d’évangélisation.

C’est ici que les explications sont plus nécessaires, car beaucoup de gens, ignorants de la question ou ne s’intéressant pas aux choses religieuses, n’en voient point l’utilité et se demandent à quoi servent nos réunions. C’est pour elles un culte à côté d’un autre culte.

Détrompez-vous.

C’est beaucoup plus et beaucoup mieux que cela. Nos réunions visent toutes un but pratique: le relèvement moral de l’individu, plus que cela, sa transformation qui fera d’un débauché un être pur, d’un voleur un honnête homme, d’un ivrogne quelqu’un de sobre, etc.

De cette manière nous atteignons non seulement l’individu, mais le foyer, la famille où l’harmonie peut désormais régner, et par suite le pays entier. C’est donc une œuvre éminemment patriotique que poursuit l’Armée du Salut dans ses salles d’évangélisation, ou dans ses ventes de journaux dans les cafés, puisqu’elle élève ainsi le niveau moral du peuple chez qui elle travaille, en élevant celui de l’individu.

Or, nul n’ignore que ce qui fait la supériorité d’une nation, c’est sa valeur morale.

L’histoire serait là pour le prouver et la Rome de la décadence, sombrant dans la corruption, pourrait nous instruire sur ce point si notre bon sens ne nous le disait pas suffisamment. 

Voilà, chers amis, ce que l’uniforme de l’Armée du Salut devrait vous dire chaque fois que vous le rencontrez; ce qu’on ignore trop et ce qu’on devrait savoir chez nous, c’est que les Salutistes sont les amis du peuple qu’ils aiment en réalité, qu’ils aiment assez pour lui dire la vérité et qu’ils veulent libérer de tout esclavage et du plus dur de tous, L’ESCLAVAGE DU VICE, DU PÉCHÉ sous n’importe quelle forme qu’il se cache, dans le salon, sous des dehors élégants, ou s’étalant sous les haillons d’un vagabond.

Il est le même, l’ennemi de notre pays: LE MAL MENSONGE, ÉGOÏSME, IMPURETÉ, etc., celui qui nous mènera à la décadence si nous n’y prenons garde.

Aux armes, citoyens! contre l’ennemi commun, contre le péché qui vous dégrade.

Guerre au mal! En vous d’abord autour de vous, ensuite.

Dieu est le Grand Victorieux qui purifie tout cœur qui vient à Lui.

Un dernier mot: nous recevons dans nos institutions sociales tout individu sans lui demander compte ni de son origine, ni de sa nationalité, ni de sa religion, ni de ses opinions quelles qu’elles soient. Son seul droit à notre sympathie est son malheur. Il nous suffit de savoir qu’il souffre pour que nous lui ouvrions, en même temps que notre cœur, les portes de l’Institution qui lui convient.

En avant 1904 10 22