HISTOIRE DE RENONCEMENT
DÉDIÉE À CEUX QUI NE SAVENT PAS À QUOI RENONCER
Alors
Jésus, ayant appelé ses disciples, leur dit: Je vous le dis en
vérité, cette pauvre veuve a donné plus qu’aucun de ceux qui ont
mis dans le tronc; car tous ont mis de leur superflu, mais elle
a mis de son nécessaire, tout ce qu’elle possédait, tout ce
qu’elle avait pour vivre. (Marc
12: 43-44)
Elle aimait ardemment l’Armée du Salut, bien qu'elle ne pouvait porter ni le nom ni le costume des salutistes. Son cœur du moins l’était et sa plus grande joie était d’aider ces braves gens dont elle aurait aimé partager la vie.
La Semaine de Renoncement était venue, la première depuis quelle connaissait cette précieuse Armée! Elle considérait non seulement comme un devoir, mais comme un privilège de pouvoir faire quelque chose pour aider les Salutistes dans ce grand effort annuel pour Dieu et le monde perdu.
Mais comment?
Dans sa joie de pouvoir aider les Officiers elle donnait chaque semaine tout ce qu’elle avait. Tous les objets inutiles qu’elle possédait et qui avaient une valeur quelconque, elle les avait tous vendus pour aider ses amis.
Quand on a tout donné, il ne reste plus rien. C’est presque inutile de le dire.
Elle avait beau tourner et retourner la question dans sa tête, aucune solution ne se présentait à son esprit. Elle ne pouvait prélever sur la part de son revenu qu’elle consacrait à sa famille, au reste très opposée à l'Armée. Et pourtant, elle voulait faire quelque chose.
L’amour rend ingénieux, dit-on.
À force de chercher, elle trouva. Dieu, qu'elle avait supplié de l’inspirer, le fit. (Il le fera pour vous, ami, camarade, qui ne savez peut-être pas quoi donner pour la Semaine de Renoncement.)
C’était, comme chaque année, au commencement de la saison d’hiver, que cette Semaine de Renoncement était venue. Notre amie avait mis de côté une certaine somme destinée à l’acquisition d’un manteau dont elle avait réellement besoin. Il semblait presque impossible de s’en passer, mais l’amour triomphe des obstacles et... elle donna cette somme et se passa de manteau.
Triomphante, le cœur plein de joie, elle porta à ses Officiers la précieuse somme. À l’heure qu’il est, ceux-ci ignorent encore le sacrifice qu’elle fit. Mais peut-on parler de sacrifice, quand Dieu rend au centuple ce qu’on lui donne? Elle n’y pensa même pas et l’année passa... puis la Semaine de Renoncement revint de nouveau et de nouveau l'hiver, et de nouveau la nécessité plus urgente encore d'un manteau.
Nouveau point d’interrogation! Nouvelle solution, toujours la même, qui se présentait à son esprit. Et une fois de plus, le prix du manteau passa dans la collecte.
La troisième année vint, et comme notre amie était de ceux qui ne savent pas ne pas donner, donnant au jour le jour, les ressources s’épuisaient. Les occasions, les appels de fonds ne manquent pas dans l’Armée du Salut.
Tantôt c’était pour le gaz, tantôt pour le loyer ou autre chose encore, et si elle avait dix, quinze, vingt francs dans son porte-monnaie, tout passait à la collecte. C’est dire que la Semaine de Renoncement se répétait plusieurs fois dans l’année.
Mais la vraie était de nouveau là et de nouveau le manteau urgent!
Les bizarreries de la mode aidant, le sacrifice s’augmentait du ridicule qui s’accentuait chaque année. N'était-ce pas une Officière elle-même qui lui avait dit: «J’admire votre courage, mais moi, je ne porterais pas ce manteau», tant elle le trouvait ridicule?
Le diable aussi l’avait dit à cette amie.
Donner de son superflu, même tout son superflu, bien. Mais Dieu ne demande pourtant pas cela. Il est bon d’être simple; mais l’exagération en tout est un défaut, même dans le renoncement. Cela devient du fanatisme! Et que sais-je encore?
Notre
amie
réfléchit. Fallait-il se laisser arrêter?
Lorsqu’elle avait rencontré cette précieuse Armée du Salut, un des points qui l’avaient le plus touchée, était le courage de ces gens qui bravaient le ridicule par amour pour Dieu et l’humanité. Elle avait tant souhaité les imiter et maintenant que l’occasion s’en présentait, allait-elle reculer?
Non. Elle n’hésiterait pas, pour une question d’amour-propre, à obéir à l’impulsion de son cœur, qui venait de Dieu, elle le sentait, et puisqu’il ne lui était pas permis de dépenser sa vie dans l’Armée, elle ferait au moins tout ce quelle pourrait et, si ridicule il y avait, elle supporterait le ridicule. Son précieux Sauveur avait-il reculé devant les insultes et les moqueries?
Son amour était-il si peu réel qu’elle ne pût rien supporter pour Lui?
Elle sentait si bien qu'elle n’aurait plus pu prier si elle avait désobéi à l’impulsion du Saint-Esprit. Comment aurait-elle pu dire sans mentir: «Seigneur, je t’aime de tout mon cœur et je veux faire quoique cela pour te plaire» quand, pour une bagatelle comme celle-là, elle aurait reculé devant une blessure d’amour-propre.
Elle ne le fit pas.
Les anges purent enregistrer une fois de plus son renoncement et la joie qui remplit son âme fut une récompense bien douce.
Aujourd’hui, cette personne a le privilège bien précieux à son cœur de combattre comme Officière dans cette chère Armée.
Et chaque fois que la Semaine de Renoncement revient, elle n’hésite pas à demander aux autres un sacrifice et elle le fait avec chaleur parce qu’elle sait par expérience que tout renoncement est source de joie.
En avant 1904 10 15
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