UNE OEUVRE UTILE
Nous extrayons de la Dépêche de Toulouse l’entrefilet suivant relatant des faits des plus intéressants et de la plus haute importance au point de vue de l’éducation sociale d’un peuple et de sa valeur morale:
«On sait ce qu’est à Tokio le Yoshiwara, sorte d’immense ville de plaisirs, à côté de la ville d’affaires, quartiers fermés et mystérieux, où sont agglomérées toutes les maisons infâmes.
Les malheureuses jeunes filles, vendues par leurs parents aux tenanciers, devenaient leurs esclaves, et quel que pût être leur désir de mener une autre vie, elles ne pouvaient y échapper. Depuis trente ans, la vente des enfants était bien défendue, mais les marchands tournaient la difficulté en appelant l’achat un «prêt». À ce prêt venaient s’ajouter les sommes dépensées pour la nourriture et le logement de la jeune fille, et la dette prenait de telles proportions, que la malheureuse ne pouvait compter que sur la mort pour la délivrer.
L’Armée du Salut prit en main la cause de ces pauvres femmes.
Un numéro spécial de son journal, le War-Cry, imprimé en japonais, et en appelant à toutes ces femmes, leur conseillant de quitter de suite leur vie de honte, offrant de les recueillir et de les défendre, fut publié et distribué dans les rues du Yoshiwara.
Les tenanciers et leurs employés se précipitèrent sur les «Soldats» de l’Armée du Salut, et, après une bataille épouvantable, les chassèrent du Yoshiwara. Mais la lutte ne s’arrêta pas là.
La presse tout entière de Tokio prit parti pour les «Salvationistes» et une vigoureuse campagne commença, qui s’étendit dans tout le Japon. Le gouvernement s’émut. De nouvelles ordonnances de police furent promulguées.
Désormais, un tenancier ne peut plus retenir contre son gré les jeunes filles qui lui doivent de l’argent en leur nom ou en celui de leur famille et il leur suffit d’adresser une demande à la police pour être immédiatement libérées.
Quelques semaines seulement après la publication de ces nouvelles lois, quinze pour cent des prostituées de Tokio avaient quitté le Yoshiwara pour rentrer dans leurs familles ou dans les refuges que l’Armée du Salut avait ouverts pour elle.»
Nous sommes heureux d’ajouter que cette œuvre d’affranchissement de nos pauvres sœurs tombées n’est pas la spécialité du Japon et que nous avons le triste devoir, parce que LE MÊME TRISTE PÉCHÉ SÉVIT CHEZ NOUS, EUROPÉENS, comme chez nos frères jaunes, de travailler au Relèvement de celles qui ont glissé dans la vie sur le sentier du mal.
Cette œuvre, si éminemment nécessaire et si attachante, se poursuit dans nos Maisons de Relèvement (Paris, Nîmes, Lyon, Bruxelles) pour ne parler que de ce Territoire, où toute femme ou jeune fille désirant revenir au bien et à une vie pure, peut entrer sans distinction de religion ou de nationalité.
En avant 1904 10 08
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