RELIGION EXPÉRIMENTALE
Le
récit
de l’Évangile auquel fait allusion la gravure ci-contre
«Entretien
de
Jésus et de la femme Samaritaine au bord du puits de Jacob»
est trop connu pour que je m’attarde à le raconter longuement.
Les poètes l’ont chanté; il a inspiré bien des artistes et donné lieu à bien des controverses théologiques.
Nos lecteurs connaissent donc les faits: Jésus, fatigué du voyage et se reposant au bord d’un puits pendant que ses disciples étaient allés au bourg voisin à la recherche de provisions, entre en conversation avec une femme samaritaine, venue là pour puiser de l’eau.
Quelle simplicité dans ce récit!
Nous entrons immédiatement dans le vrai caractère de la mission de Jésus.
Rien d’officiel, de pompeux, de dogmatique dans sa manière de faire. Au bord de la route ou sur le lac de Génésareth, aussi bien que dans la maison de Marthe et de Marie, il accomplit simplement sa mission sublime.
Venu pour guérir les cœurs souffrants, il ne cherche point un lieu spécial pour le faire, car, hélas, les cœurs souffrants sont partout!
Sans souci de la forme et de l’extérieur, ni de l’apparence des personnes, ni même des nationalités — car les Samaritains et les Juifs étaient ennemis — il accomplit sa mission d’amour.
Lui qui lit au fond des cœurs, Il sait qui est cette femme — combien de fois du reste ne lui a-t-on pas déjà reproché de frayer avec les gens de mauvaise vie? Et c’est justement parce qu’il le sait, PARCE QU’IL CONNAÎT LES RAVAGES QUE LE PÉCHÉ a faits dans cette âme, parce que le mal est profond, parce qu’il voit tout cela, que son amour pour cette âme augmente.
Il a donné sa vie pour elle, il a quitté son ciel, il faut donc qu’il agisse.
Et avec quelle délicatesse! Il entre en matière, en lui demandant un service: «Donne-moi à boire!»
Que nous sommes loin de l’attitude des pharisiens orgueilleux, qui l'auraient dédaigneusement toisée, se drapant dans leur dignité et l’accablant de leur mépris.
Point de sermon, ni de reproche, mais l’action de l’Esprit divin qui fait immédiatement rentrer cette femme en elle-même et l’amène à sentir que cet homme n’est pas un homme ordinaire: «Je vois que tu es prophète!»
– Et à quoi l’a-t-elle reconnu?
– Aux discours qu’il lui a faits?
– Aux explications bibliques qu’il lui a données?
– Aux ordonnances mosaïques qu’il lui a rappelé d’accomplir?
NON. Elle a reconnu en lui le prophète, un homme de Dieu, pour la raison qu’elle indique elle-même aux gens de sa ville où elle court, oubliant sa cruche, parce qu’il lui a dit tout ce qu’elle a fait: «Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait!»
Oh! sublime parole! que comprendront tous ceux qui ont un jour rencontré Christ sur leur chemin.
Il a parlé à leur cœur, il leur a dit aussi tout ce qu’ils avaient fait et à cela ils ont compris qu’il était le Christ, le Messie promis.
Oh! comme je bénis Dieu d’avoir un jour fait la connaissance d’un pareil Sauveur!
Dans le sanctuaire de ma conscience qu’il a éveillée à la Lumière, il m’a montré le péché qui souillait mon âme, je me suis connue moi-même, — ou plutôt j’ai commencé à le faire car, béni suit son Saint Nom, c’est une œuvre qui se poursuit, et lorsque moi aussi je l’ai entendu me dire tout ce que j'avais fait humiliée, souffrant de mon péché, dans un profond repentir:
J’AI RÉCLAMÉ SON PARDON
ET IL ME L’A DONNÉ.
Mais j’ai fait plus que cela, j'ai cherché ne Lui la force de vaincre le mal, d’extirper le péché de mon cœur, de marcher dans une vie nouvelle et dans la lumière.
Comme j’ai compris alors la profondeur et la grandiose simplicité de ces paroles qu’il a justement dites à cette femme:
«Crois-moi, l'heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem, que vous adorerez le Père...
Mais l’heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité, ce sont là les adorateurs que Dieu demande.
Dieu est esprit et il faut que ceux qui l’adorent, l'adorent en esprit et en vérité.»
Voilà la vraie religion, celle qui se prouve par des faits, celle qui n’est pas une adoration des lèvres, un vain cérémonial, mais un sacrifice du cœur, une vie qui se donne à Dieu dans un élan d’amour et qui sent qu’aimer Dieu et le servir.
L’adorer comme il en est digne, c’est vivre comme il aime, dans la pureté et l’amour, dans la droiture et l’humilité, loin de tout ce qui souille, nous rappelant que ses yeux «sont trop purs pour voir le mal» et que:
C’EST INSULTER DIEU que de prendre part à des cérémonies religieuses, de porter le nom de chrétiens en conservant, le sachant et le voulant, le péché dans son cœur. C’est la pire infamie!
Mieux vaut mille fois être incrédule, ou plutôt c’est cette religion-là qui les fait, car qui ne sait, hélas! que notre pauvre France est peuplée d’incrédules qui le sont devenus parce qu’ils ont été dégoûtés de l’inconséquence — j’allais dire du vice — de CEUX QUI S’APPELAIENT CHRÉTIENS ET ONT TRAÎNÉ DANS LA BOUE LE NOM DE JÉSUS.
Oh! que cela soit pour nous un prends-garde, que cette pensée aide chaque disciple du Christ qui lit ces lignes, à vivre de telle manière qu’il puisse se rendre à lui même ce témoignage a quil est «un adorateur en esprit et en vérité.»
Si vous ne l’êtes pas, que pour la première fois vous compreniez la chose à cette lumière, oh alors, là où vous êtes, décidez à cette minute même que dorénavant tout sera changé et que si votre profession de foi a été mensonge jusqu’ici, désormais elle sera vérité, ou plutôt votre vie parlera d’elle-même et n’invitera personne à blasphémer le Dieu que vous voudriez aimer.
Celui qui lit les Évangiles comprend cela avec son esprit, car combien de fois Jésus n’a-t-il pas flétri avec indignation les pharisiens hypocrites qui nettoient «le dehors de la coupe», combien de fois n’a-t-il pas répété, sous des formes diverses, que celui qui veut entrer dans le Royaume, des Cieux ce n’est pas «celui qui dit Seigneur, Seigneur, mais celui qui fait la volonté de Dieu.»
Et si le lecteur de l’Évangile comprend cela, en effet, simplement avec son intelligence, combien plus celui qui vient au contact de Jésus, celui qui vit dans Son intimité!
Celui-là comprend avec son cœur, il expérimente la chose; il sent grandir dans tout son être une telle soif de pureté et de sainteté, qu’il vient chaque jour puiser à la source bénie «qui jaillira jusque dans la vie éternelle»
Ami lecteur, à qui cette vie bénie, toute rayonnante de joie, fait envie, toi à qui Jésus a dit souvent, peut-être: «tout ce que tu as fait», qui aimerait être transformé mais qui n’a pas eu le courage d’abandonner le péché ou t’en es senti incapable, crois en mon expérience.
Viens à Jésus, maintenant, simplement, de tout ton cœur,
– ouvre-lui ton âme,
– confie-lui le chagrin qui t’oppresse:
Il enlèvera ton fardeau
si tu reconnais ton péché humblement
et veux honnêtement, loyalement, le délaisser.
À ton tour tu pourras aussi t’écrier: «Ce n’est plus à cause de ce que tu as dit, que je crois; car je L’ai entendu moi-même, et je sais qu’il est vraiment le Sauveur du monde».
En avant 1904 09 24
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