Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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L’AMOUR PLUS FORT QUE LA HAINE 


La nouvelle reine semble douée pour conquérir les cœurs belges. Elle est bonne, elle aime son mari, elle adore ses enfants, elle s'est montrée douce et secourable à toutes les détresses, physiques ou morales.

Quand, il y a dix ans, elle fit, après son mariage avec le prince Albert, son entrée à Bruxelles, les socialistes avaient projeté une manifestation républicaine. Mais elle nous arrivait précédée d’une réputation qui n’a fait que grandir depuis; nous connaissions des traits admirables de la petite princesse soignant les pauvres aveugles dans la clinique de son père, le duc oculiste, Charles-Théodore de Bavière. Aussi, lorsqu’elle parut, au bras de son époux, au balcon de l’Hôtel-de-Ville, simple et souriante, les socialistes les plus farouches se sentirent désarmés devant tant de jeunesse radieuse, et plus d’un, parmi eux, joignit ses acclamations à celles de la foule. Pas un cri hostile La frêle jeune femme avait dompté la manifestation républicaine d’un sourire.


Plus tard, on la vit parcourir, suivie seulement d’une dame d’honneur, les quartiers pauvres de la ville, les petites rues, étroites et sales, où grouillent la misère, la souffrance et le vice, illuminer de sa présence les logements des misérables. Et une légende se répandit sur son inépuisable charité. Puis on apprit qu'elle avait rendu visite à notre grand peintre Laermans, atteint d’une grave affection de la vue, et dont les yeux semblent vouloir se fermer à jamais à la beauté et à la lumière. À part deux ou trois cérémonies officielles, elle ne parut qu’une seule fois à la grande foire internationale de la plaine de Solbosch; ce fut pour se rendre à l’exposition du travail à domicile, accompagnée d’un frère prêcheur et... d’un député socialiste, organisateurs de cette émouvante exhibition; dans la maison d’un tisserand flamand, elle embrassa longuement une petite fileuse de neuf ans, toute couverte de la poussière de chanvre.


Enfin, il y a quelques jours, elle assista avec deux de ses enfants aux manifestations socialistes de la Chambre. À l’aîné de ses fils qui se serrait contre elle, un peu apeuré par les clameurs soudaines, elle expliqua:

Il est très naturel que, quand on veut réclamer, on crie pour obtenir, comme toi et ton frère vous faites quelquefois...

Et quel est cet homme qui parle de papa? demanda le bambin.

C’est le chef des socialistes, M. Vandervelde, un homme très important, un grand orateur.

Et le lendemain, le Peuple, organe officiel du parti socialiste, écrivait: «Élisabeth est décidément une brave petite reine et Jean Prolo lui doit ce compliment...»

Ce nom de «petite reine» restera parce qu’il traduit avec une touchante éloquence le sentiment de respectueuse affection que la nation a vouée à la toute douce et gracieuse souveraine. Et ceci prouve que la bonté peut rapprocher ceux que des barrières séparent et que la destinée oppose les uns aux autres.

Il y a des heures dans la vie où les conflits d’intérêts s’effacent, où les colères et les haines se taisent, où les passions politiques s’apaisent, pour ne plus laisser en présence que des hommes qu’une douleur commune réunit.

Nous vivons une de ces heures-là. D’un sentiment profond, unanime, la Belgique fait des vœux ardents pour le retour à la santé de sa petite reine.

(Reproduit).

En avant 1910 12 03


 

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