VAILLANTE JUSQU’AU BOUT!
«Vaillante jusqu’au bout!» À combien de femmes du peuple, héroïnes ignorées, ne pourrait-on pas appliquer ces paroles? Seules à lutter contre les difficultés, si nombreuses parfois, qu’elles semblent insurmontables, elles font face au danger avec ce courage qu’on puise en l’amour et qui centuple les forces, même physiques.
Que de fois, dans ces ménages d’ouvriers, n’avons-nous pas vu cet héroïque exemple! La maladie, le chômage, tout un concours de circonstances malheureuses ont fait entrer au logis la noire misère.
Le mari désespère, se lamente, et souffre, impuissant.
La femme... elle est mère et épouse... et son double amour la rend surhumaine. Elle souffre aussi, mais avec un sens pratique idéal, elle a saisi le nœud de la situation et se dit que c’est, moins que jamais, le moment de jeter le manche après la cognée, et que ce ne sont pas des larmes et des lamentations qui nourriront ses enfants et, vaillante jusqu’au bout, elle travaille double, jour et nuit à la tâche, afin que ses petits n’aient pas faim et soient propres quand même.
Oh! vaillante mère! Saint trésor de l’amour maternel, sublime dans cet héroïsme journalier, inconnu du grand nombre, salut à toi! Noble femme d’un mari ivrogne, toi qui succombes à la tâche, tandis que le gain qui eût pu apporter l’aisance au foyer s’en va chez le mastroquet du coin (le tenancier d'un débit de boissons), ton vaillant courage n’est pas inutile! Jetez maintenant un coup d’œil sur l’atroce réalité que représente notre gravure.
Le mari, jeune encore, se meurt d’épuisement et de privations de tous genres. À côté de lui, le remède que le docteur a conseillé, pour essayer de soulager ce qu’il sait hélas! ne pouvoir guérir!
La fillette, harassée de fatigue d’avoir couru toute la journée de tous côtés pour aider sa maman dans la besogne quotidienne, le soin du ménage et les commissions, est tombée affalée sur le berceau du dernier-né. Ses forces physiques ont trahi son jeune courage, et son corps, trop frêle pour obéir aux impulsions de sa belle âme, a succombé au sommeil impérieux.
Mais l’héroïque jeune femme reste debout, vaillante à la tâche.
La nécessité de la lutte a centuplé ses forces et, dans un effort suprême, elle a rassemblé tout ce qui lui reste d'énergie pour continuer le travail du jour qui doit suffire aux besoins du ménage, augmentés encore du fait de la maladie du mari. Mais, tandis que son corps se raidit contre la fatigue, qu’elle met toute son énergie à tourner le cylindre de cette machine à calandrer le linge que ses clients attendent, en même temps son cerveau travaille.
D’un regard anxieux, elle suit sur le visage de son bien-aimé les progrès de la maladie, son cœur saigne de le voir souffrir, mais elle ne s’abandonne pas aux lamentations stériles, elle poursuit le travail, l’âme déchirée, mais vaillante toujours... vaillante quand même, vaillante jusqu’au bout!
* * *
Et pourquoi ai-je évoqué ces douleurs, ai-je fait passer sous vos yeux ce tableau lamentable?
Pour éveiller votre pitié aux misères qui nous entourent, sans doute, plus que cela, pour vous inciter à y porter remède dans la mesure de vos moyens, de votre temps disponible, si vous avez du cœur.
Et si vous êtes chrétien, c’est-à-dire disciple de Celui qui fut tout amour pour vous inviter à vous poser à vous-même la question:
– Est-ce que je fais tout ce qui est mon pouvoir pour soulager — de n’importe quelle manière — les malheureux qui se débattent impuissants autour de moi?
– N’y a-t-il pas quelque chose que je pourrais faire pour eux?
– Ne pourrais-je pas payer, sinon de mon argent (en supposant que vous n’en ayez pas à donner) du moins de mon temps, de mes efforts, de ma peine, de mes conseils, de mes soins, etc.
Voici venir l’hiver avec tout ce qu’il entraîne de surcroît de souffrances pour le pauvre qui a faim et froid... et à qui tout manque peut-être à la fois, nourriture, vêtements et charbon. Oh! songez à ce problème devant le Dieu d’amour et ouvrez votre cœur à la divine pitié!
AIMER DIEU ET NE PAS SECOURIR SON FRÈRE DANS LE BESOIN,
C’EST ÊTRE PIRE QU’UN INFIDÈLE!
SONGEZ à toute la désespérance qui s’accumule ainsi dans les cœurs de ceux qui souffrent et qui ont droit au bonheur et à la vie comme vous, songez à cela et faites votre devoir!
SONGEZ, si vous êtes mère, à celles qui ont l’âme broyée par les appels de leurs chéris réclamant du pain, et qui ne savent où le prendre;
SONGEZ aux vôtres, choyés et heureux, douillettement couverts, tandis que ces petits grelottent sous leurs habits en haillons;
SONGEZ à cela et faites votre devoir!
Et si vous n'êtes pas fortuné, ne vous croyez pas libéré pour cela, de l’obligation d’agir. N’y a-t-il pas un plaisir, un quelque chose dans votre vie sinon de superflu, du moins de pas indispensable que vous pourriez sacrifier pour celui qui n’a rien?
Songez à cela sous le regard de Dieu et votre cœur guidera votre cerveau dans les résolutions à prendre.
SONGEZ À CELA ET FAITES VOTRE DEVOIR!
En avant 1910 12 03
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