UNE GRANDE LEÇON!
Je veux parler de celle qu’ont reçue tous ceux qui ont assisté à l’émouvante — quoique très simple soirée — de la Consécration à l’Éternel de la Cadette Rachel Fornachon, la fille aînée de nos chers Colonels.
Des leçons, certes, il y en aurait plusieurs à tirer de cette cérémonie touchante d’un père donnant ce qu’il a de plus précieux au Seigneur, et sentant qu’il ne peut rien faire de mieux, en ce siècle où tant visent pour leur enfant des positions brillantes, et croient l’aimer davantage en désirant pour lui, ou pour elle, d’autant plus de perspectives mondaines heureuses qu’ils l’aiment davantage.
Mais ce n'est pas de cette leçon-là que je veux parler, pas plus, du reste, que de celle que la Cadette donnait aux jeunes qui en sont encore à se demander si — oui ou non — ils doivent répondre à l’appel du Seigneur les conviant à travailler pour Lui, ou s’ils doivent poursuivre leurs rêves ambitieux, égoïstes, qui paraissent séduisants, mais ne leur réservent peut-être que déconvenue.
Non, quelle que soit la valeur de ces hautes leçons, cette soirée en comportait une autre, à mon sens supérieure à celles-là — et pourtant j’attache une importance de tout premier ordre au don de soi, à l’esprit de renoncement et de sacrifice que les premières comportaient — mais on s’attendait à recevoir celles-ci en une pareille soirée — elles étaient, si je puis dire, quoique le résultat d’élans du cœur — elles étaient, dans un certain sens, de circonstance, l’autre aurait pu ne pas exister et acquérait, par suite, une valeur spéciale, indépendamment de sa valeur intrinsèque.
Cette leçon de Respect de la conscience humaine que notre Chef nous donna ce soir, fut, à mon sens, le clou de la soirée, et si quelque philosophe s’était égaré parmi nous, elle aura certainement résonné au profond de son cœur. Quoi qu’il en soit des autres, ce fut le cas pour moi, et si quelqu’un parmi nous avait conservé, dans quelque recoin de son cerveau, l’idée que les Salutistes étaient plus ou moins des fanatiques, voulant soumettre tout le monde à leurs idées, le voile se serait pour celui-ci déchiré, en cette soirée bénie, — et il aurait enfin compris que si — d’un côté, les Salutistes dévorés d’amour pour Dieu et l'humanité, ont une soif intense de voir l’univers tout entier s’incliner devant Lui. l’accepter pour unique Maître parce qu’ils savent que c’est là le secret du seul bonheur réel et durable, par contre:
ils sont infiniment respectueux des droits de la conscience humaine, du libre arbitre de l’individu, à tel point qu'ils ne voudraient à aucun prix le limiter.
Que dis-je, même s’ils avaient à leur disposition un moyen magique d’amener tout le monde à croire en Dieu, et à faire Sa volonté, ils ne voudraient pas s’en servir parce que ce serait aller à l’encontre de la loi divine, du principe sacré que Dieu a déposé dans le cœur de tout être humain: LE PRINCIPE DE LA LIBERTÉ.
Fils de la Liberté, les Salutistes ne veulent à aucun prix la détruire, l’atrophier, ni même y mettre des limites, si lâches soient-elles non, ils la veulent entière, absolue, profonde, allant jusqu’aux fibres les plus cachées de l’individu, lui révélant, s’il l’ignore, que c’est là ce qui fait sa valeur.
Dieu lui-même n’a pas voulu violer la liberté de l’être humain et le Salutiste, fils de Dieu, ne le veut pas non plus. Et c’est ce qui fait qu’un père comme notre Colonel, si ardemment salutiste, si désireux de voir chacun de ses quatre enfants s’engager dans la voie qu’il a choisie lui-même il y a vingt-sept ans, c’est ce qui fait, dis-je que ce père, pour qui c’eût été, certes, une douleur cruelle, douleur qui eût transpercée son âme — de voir son enfant disposer de son avenir pour elle-même — pour sa satisfaction personnelle si honorable que soit du reste la position qu’elle ait choisie dans le monde, c’est ce qui fait dis-je, que ce père — par respect pour la conscience de son enfant, par respect pour sa liberté d’être humain— n’a pas voulu peser sur cette conscience!
C’est simplement beau et grand parce que c’est ce qui doit être, il serait plus exact peut être de dire ce qui devrait être.
Quelle grande leçon pour tous ceux qui aspirent à l’émancipation des peuples: savoir respecter l’âme humaine la liberté d’autrui, même dans le cœur de ses enfants.
Quelle transformation dans notre France si tout le monde savait être respectueux de l'individu dans ce qu’il a de plus grand de cette manière si simple que nous a enseignée notre Colonel.
En tous cas, quelle découverte pour ceux qui nous ignorent et nous prêtent volontiers des mobiles qui sont à l’antipode des nôtres, quelle découverte pour eux s’ils savaient que nous avons un tel respect de la liberté de l’individu, un tel respect de la conscience humaine, que nous nous en voudrions comme d’un crime d’y toucher, de la froisser, de la diminuer en aucune manière au lieu de lui laisser toute sa spontanéité qui en fait seul la valeur.
Jeunes gens et jeunes filles qui vous aussi avez pu être imbus de cette idée fausse qui vous retient peut-être loin d’un apostolat que vous sentez sublime, ne craignez rien, nous ne cherchons que des VOLONTAIRES nous n’avons que faire d’âmes serviles elles seraient hors de place dans l’Armée du Salut.
Pères et mères de famille qui avez le bonheur d'avoir des enfants aspirant à se dévouer, à vivre pour autrui, pour Dieu, pour les tombés, de grâce n’entravez pas leur liberté, sous prétexte que leurs idées ne sont pas les vôtres.
Respectez en vos enfants. les droits sacrés de la conscience:
VOUS AIMEZ LA LIBERTÉ POUR VOUS.
DONNEZ-LA AUX AUTRES!
En avant 1910 09 24
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