LES DÉSEMPARÉS
Par le Commissaire
Qui
dira
jamais les luttes, les angoisses, le désespoir, l’agonie des
millions de victimes que recèle l’Océan mystérieux! Que
pourrait-on imaginer de plus navrant que la position — telle
celle
représentée par notre gravure — d’êtres humains qui ayant
vainement lutté contre les éléments en furie voient peu à peu
leur navire désemparé, brisé, s’engloutir dans les flots, loin
de tout secours, n’ayant aucune voix amie pour répondre à leurs
cris, aucune lueur d’espérance dans l’horizon lointain, rien que
la mer agitée, rien que la lutte tirant à sa fin, rien sinon une
mort affreuse.
Il faut avoir lu le récit des souffrances, des tortures endurées et relatées par les survivants de navires en détresse, pour se former une idée, bien imparfaite pourtant, de la situation périlleuse à laquelle ils ont échappé.
La construction moderne avec ses blindages d’acier, le perfectionnement qu’elle a apporté dans les hélices, la précision mathématique assurée à la direction des navires a diminué de beaucoup les sinistres maritimes; et cependant ils sont encore nombreux.
Mon intention toutefois n’est point de m’attarder sur de tels désastres; j’ai hâte d’aborder le sujet qui me tient tant à cœur:
Les désemparés de la vie que je veux parler.
Qu’il avait donc raison celui qui comparait la vie à un vaste océan! N’est-elle point, en effet, une mer sans limite, — sinon celle de la mort, — l’humanité dont nous faisons partie!
Ne pourrait-on pas dire que l’Océan de la vie sur lequel nous naviguons, tout comme les eaux profondes qui entourent notre globe, a ses remous, ses orages, ses tempêtes, ses écueils?
C’est un voyage au long cours que chaque être humain est en train d’accomplir. Le frêle esquif sur lequel il navigue, a comme point de départ la naissance, comme but suprême, la mort, comme point d’arrivée, l’Éternité!
Entre ces deux limites extrêmes, que de combats, que de souffrances, mêlées de joies, que d’espérances déçues pour ceux qui n’ayant point saisi la Croix invincible, et pris à bord le Pilote certain, n’ayant point cultivé cette boussole indispensable, la conscience, sont allés à la dérive, ont été emportés par les flots de leurs passions, et ont fait naufrage avant d’arriver au port.
L’humanité est pleine des désemparés de la vie!
Combien de fois n’ai-je pas rencontré des vies brisées, des cœurs meurtris, des âmes absolument découragées. Bien souvent lorsque, afin de les aider, je cherchais à remonter à la source, à la cause première de leur désastre, j’ai trouvé que cet homme, que cette femme avaient bien commencé dans la vie; sortis d’une famille chrétienne, ayant embrassé la foi ils ne demandaient pas mieux que de faire leur chemin dans ce monde, d’être bons, d’aimer et de servir Dieu.
En effet, pour un temps, tout alla bien; leur vie fut heureuse, féconde en résultats bénis, MAIS HÉLAS, AU QUART OU AU TIERS DU VOYAGE, ILS SE FATIGUÈRENT DE LA CROIX.
Une sorte de torpeur spirituelle s’empara de leur âme:
– la vision céleste perdit son attrait;
– les choses du monde devinrent à leurs yeux, plus importantes que celles de l’Éternité;
– ils recherchèrent, abondonnant le chemin étroit, leurs aises, leur confort, leurs avantages terrestres au lieu de tenir ferme.
– Puis ballottés par le doute, par la crainte, par les regrets peut-être, ils devinrent le jouet de leurs désirs, de leurs faiblesses, de leurs passions.
Vous les trouvez aujourd’hui, ces désemparés, ces rétrogrades dans presque tous les lieux de culte. Je ne connais pas de spectacle plus douloureux que celui d’une âme qui, ayant bien commencé a, pour une raison quelconque, vendu son ciel, trahi son Dieu, perdu sa couronne et, bien souvent, fait naufrage quant à la foi.
Lecteur, qui lis ces lignes, serais-tu peut-être un de ces désemparés?
Ballotté par la tempête, tourmenté par le remords, harcelé par le démon, rongé par le doute. La dernière lueur d’espérance a-t elle disparu de ton ciel?
Écoute, ami, reprends courage, compagnon de route,
le Dieu que tu as trahi, le Christ que tu as abandonné, pense à toi,
et Ses pensées sont toutes des manifestations d’amour.
IL NE T’AS PAS ABANDONNÉ.
Et, si pour un temps, Il a permis que tu récoltes ce que tu as semé — de la chair, la corruption, des passions, le feu qui consume, du monde l’abandon cruel — ce n’était que pour te faire toucher du doigt ta misère et ton incapacité à te conduire sans Lui.
Écoute ce qu’il te dit, car c’est pour toi:
«Je n’éteindrai point le lumignon fumant, je ne briserai point le roseau froissé»,
et encore:
«Dieu aime un cœur brisé».
Se penchant sur ton âme, tendrement il murmure:
«Reviens à moi, car je veux pardonner. Si tes péchés étaient rouges comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige.»
«Reviens, car si ton père et ta mère t’abandonnent, je ne te laisserai point».
Frère en détresse, sœur au cœur angoissé, reconnaîtras-tu cet appel, le dernier peut-être avant que la nuit éternelle vienne t’engloutir dans sa terreur et que dans cette Catastrophe suprême tu perdes à la fois ta vie et ton ciel.
Oui, tu écouteras la voix de ton Dieu,
– tu considéreras tes voies,
– tu confesseras tes péchés,
– tu donneras libre cours à ta douleur,
– tu seras sauvé,
– tu reprendras à bord, le bon Pilote
– et, riche des expériences du passé, veillant et priant afin de rester debout, tu marcheras courageusement de l’avant, glorifiant ton Dieu, le servant de tout ton cœur, jusqu’au jour où tu entreras triomphant dans le beau ciel qui t’attend.
Voyez-vous cet autre navire. Il est peint des plus belles couleurs, ses mâts flottent fièrement au vent; tous les passagers sont joyeux à bord, remplis de confiance; ils ont choisi comme pilote, un des leurs. Mais voici que le ciel s’assombrit, l’orage gronde, la tempête se déchaîne et bientôt ils découvrent qu’ils ont trop présumé de leurs forces: le navire sur lequel ils sont abord, CELUI DE LA PROPRE JUSTICE, n’avait que les apparences de la force, au moment de l’épreuve, elle s’est révélée sous son vrai jour: faiblesse!
Un dernier coup de vent jette le Propre Juste sur les rochers de l’Orgueil.
Voyez leurs signaux de détresse. D’où viendra le secours?
Y a-t-il quelque espoir pour ces infortunés?
Oui, béni soit Dieu. Il peut sauver même le Propre Juste, mais à la condition absolue que, se reconnaissant tel qu’il est, un pécheur perdu, condamné, il jette par devers Dieu ce cri de détresse:
«SOIS MISÉRICORDIEUX ENVERS MOI QUI SUIS PÉCHEUR!»
Ce cri, Christ l’entend toujours quand il s’élève d’une âme vraiment repentante.
Le jetteras-tu, âme qui jusqu’ici t’es complu dans la propre justice d’un cœur aussi vide qu’orgueilleux.
Reconnaîtras-tu qu’avec tous tes préceptes, toute ta morale purement humaine, toutes les bonnes œuvres dont tu t’es vantée jusqu’ici, tu n’es qu’un fruit mûr pour l’Enfer à moins que tu n’éprouves le besoin, au même titre que le pécheur grossier, de t’abaisser dans la poussière, de te jeter au pied de la Croix et d’implorer le pardon de Celui qui est mort pour te sauver.
Propre juste, comprendras-tu le besoin absolu que tu as du Calvaire?
T’humilieras-tu au pied du Sauveur, comprendras-tu enfin la vérité de ces paroles:
«Si vous ne naissez de nouveau, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux.»
Ô vous, tous les désemparés, qui que vous soyez, votre seul espoir est en Jésus.
ACCEPTEZ-LE MAINTENANT ET SOYEZ SAUVÉS.
En avant 1904 08 13
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