À CEUX QUI CHERCHENT LA RELIGION DE L’AVENIR
À QUOI PENSE-T-ELLE?
(Écrit en contemplant un tableau représentant la Samaritaine
après son entretien avec Jésus au bord d’un puits.)
À des choses étranges, si nouvelles pour elle, que son cerveau ne peut les concevoir. D’abord à la singulière question de cet homme, un juif, qui rompant avec tous les usages reçus, avec la tradition faisant force de loi — lie conversation avec elle, une femme samaritaine, et quelle femme!
Mais elle devait passer d’étonnement en étonnement.
Ne lui parle-t-il pas d’une Eau Vive qui calme la soif pour toujours?
Plus encore, Il lit dans le fond de son cœur, et lui révèle son passé, passé de souillure, de honte! Notons, en passant, LA DROITURE DE CETTE FEMME QUI AVOUE SA FAUTE: «En cela, tu dis vrai.»
Et, avec cet instinct sûr des cœurs souillés qui s’inclinent devant la pureté, elle a deviné en son interlocuteur le Juste, le «Prophète» comme elle dit. Comment dès lors ne pas profiter de cette occasion pour l’interroger: «Nos pères ont adoré sur cette montagne (le mont Garizim), et vous dites, vous, que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem.»
Qui aurait jamais pensé que cette femme put avoir des préoccupations de ce genre?
Étrange contradiction de la nature, humaine ou plutôt non, ÉTERNEL BESOIN DU DIVIN QUI GÎT AU FOND DES CŒURS fussent-ils les plus impurs, témoignant par là — même s’ils n’en ont pas conscience — de leur origine céleste.
Aujourd'hui encore, en notre vingtième siècle qui se pique d’indépendance et de largeur de vues, on répète la même erreur que faisait, il y a vingt siècles, cette femme de Samarie.
On s’inquiète de savoir où il faut adorer Dieu, si tel lieu est préférable à tel autre, telle formule, telle cérémonie plus conformes à la saine doctrine, si tel groupe religieux est le «moyen normal» désiré par Jésus pour continuer son œuvre, si telle prière est plus acceptable que telle autre, si telle attitude convient mieux, etc., etc., etc.
Mais insensés que vous êtes tous, qui vous préoccupez de tous ces détails dont Dieu n’a cure, ne voyez-vous donc pas que vous faites fausse route, que vous négligez la seule chose nécessaire et que vous êtes aux antipodes de la pensée de Celui qui a dit: «Le Royaume de Dieu est au-dedans de vous» sachant que Dieu n’habite pas des temples bâtis de mains d’hommes.
Qu’importe donc la forme de votre sanctuaire, et l’absolue correction de votre formule dogmatique! N’oubliez pas d’ailleurs que vous pourriez souscrire dans votre esprit, à la doctrine la plus «orthodoxe» et être un infidèle quand même et doublement si votre cœur n’est pas le «Temple du Saint-Esprit».
Par contre, si votre prière est un sacrifice d’actions de grâces, si elle jaillit de votre cœur comme un encens qui monte vers Dieu, si elle est l’expression de l’aspiration de votre âme assoiffée de vérité, de pureté et de sainteté, d’une âme qui sent sa misère et soupire après la délivrance, oh! alors quelle que soit l’imperfection de la forme, elle ira droit au cœur de Dieu et II y répondra.
Votre âme sera le sanctuaire où il descendra, le «temple qui n’est pas fait de mains d’hommes». Après cela, peu importe le lieu où vous vous trouvez, dans une majestueuse cathédrale ou dans une misérable mansarde, au bord du chemin, peut-être, où saisi par l’Esprit vous vous êtes agenouillé, où vous avez laissé votre âme s’épancher et crier à Lui ou sceller peut-être un contrat pour la vie entre l’Éternel et vous.
Il y a des gens qui cherchent la religion de l’avenir et qui se demandent quelle forme elle revêtira.
Ils sont fatigués des citernes crevassées où ils n’ont point trouvé d’eau, des formules vides, du pain qui ne nourrit pas. De tout cela ils ont un tel dégoût qu’ils le rejettent comme un estomac fatigué qui ne peut supporter une nourriture inassimilable.
Et comme pourtant ils ont soif de divin, ils soupirent après la vérité et cherchent, cherchent toujours.
Vous avez raison de chercher, mais vous cherchez mal et au mauvais endroit.
La religion de l’avenir — ou plutôt celle que appelez ainsi — et que vous entrevoyez vaguement à travers les aspirations les meilleures de votre être, cette religion-là est vieille de vingt siècles. Elle tient tout entière en ces paroles de Jésus à la Samaritaine:
«Crois-moi, l’heure vient et elle est déjà venue où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père...
L'heure vient et elle déjà venue où les vrais adorateurs adoreront le Père en Esprit et en Vérité, car ce sont là les adorateurs que le Père demande.
Dieu est esprit et il faut que ceux qui L’adorent, l’adorent en esprit et en vérité.»
Ce qui revient à dire que pour satisfaire les cœurs altérés de vérité, les consciences qui cherchent un Dieu réel, IL FAUT TOUT SIMPLEMENT UN RETOUR AUX SOURCES et je veux bien vous concéder que dans un certain sens cette religion pourrait être la religion de l’avenir, car celle du présent s’en est passablement écartée.
Oui, ce qu’il nous faut aujourd’hui, ce qui satisfera à la fois les vrais chrétiens et les incrédules honnêtes qui cherchent de bonne foi, c’est UN RETOUR AUX SOURCES PURES, au christianisme du Christ non pas à celui que les hommes ont déformé, altéré au point de le rendre méconnaissable, mais le christianisme tel que Jésus l’a établi, le christianisme apostolique des temps primitifs, le christianisme du Christ Je répète l’expression à dessein — car le mot a été détourné de son sens — de telle manière qu’il y a aujourd’hui des gens de très bonne foi qui déclarent que le christianisme a fait faillite.
C’est le mot qui les trompe, l’expression qui les sert mal.
Ce qu’ils veulent dire, ces gens qui ont du reste mille fois raison, c’est que l’idolâtrie, la superstition, l’hypocrisie, le pharisianisme ont fait leur preuve et que le temps n’est plus où l’on jetait de la poudre aux yeux des gens par quelque simulacre religieux. Le masque — béni soit Dieu — est ôté.
On ne veut plus de cette religion et on a raison. Oui, c’est parfait. Ce christianisme-là, qui n’est du reste que la grossière caricature du christianisme, a fait faillite. Nous aimerions que cette faillite fût plus complète encore et nous ne pouvons que sympathiser avec ceux qui proclament — fût-ce avec une brutale franchise qui leur fait honneur du reste — que DIEU ET LE MENSONGE NE PEUVENT ALLER ENSEMBLE et que l’inconduite d’un homme religieux détruit sa profession de foi.
Oh! combien de pareilles paroles nous réjouissent! Nous y applaudissons de tout notre cœur. «Vous voyez donc bien, disent les critiques, que tout cela c’est de la comédie et que Dieu n’existe pas.»
* * *
Un instant, s’il vous plaît, nous différons sur la conclusion.
Nous flétrissons comme vous — et nous en souffrons dans notre conscience — une profession de foi qui n’est pas étayée sur une vie pure et nous disons comme vous, non seulement, c’est une comédie, mais c’est une infamie!
Mais, nous ne rendons pas Dieu responsable de ces erreurs et de ces fautes.
Nous ne sommes pas assez simples pour proclamer la faillite de Jésus à cause de l’indignité de quelques-uns de ses disciples et cela non seulement parce que ce serait injuste, mais parce que ce serait absurde.
Condamner Jésus au nom même du principe pour lequel il a vécu, quel manque de logique!
Pourquoi en fin de compte, Jésus est-il venu sur la terre?
Pour sauver l’humanité, c’est entendu, mais la sauver de quoi?
Quel était l’obstacle à son salut?
Le péché et le plus grand de tous, l’hypocrisie!
Or, Jésus savait cela et en souffrait. Autour de Lui, allaient et venaient les pharisiens, les scribes, gens d’église de tous genres, très attachés aux formes et à la lettre, mais éloignés de l’esprit du Dieu vivant.
Nul n’ignore que le Maître n’eut pas d'ennemis plus implacables, et que par tous les moyens ils cherchaient à le faire mourir. Et pourquoi cette hostilité manifeste contre ce Juste?
Sans doute parce que sa vie pure les condamnait, mais surtout parce qu’ils réalisaient pleinement et mieux que personne la valeur de la mission de Jésus. Certains pouvaient s’y méprendre, mais eux sentaient très bien que son triomphe était leur chute et leur ruine.
Il fallait à tout prix se débarrasser de ce Révolutionnaire qui venait intérioriser la religion, déclarant qu’elle avait son siège dans le coeur et dans la conscience (Le Royaume de Dieu est au dedans de vous) proclamer la nécessité de la nouvelle naissance: «Si un homme ne naît de nouveau il ne peut voir le royaume de Dieu»; chasser les vendeurs du temple et flétrir avec une sainte colère ceux qui nettoyaient le «dehors de la coupe tandis que le dedans était plein de rapine et de méchanceté.»
Pour une révolution, certes, c’en était une, car c’était saper à la base l’échafaudage savamment combiné de cérémonies purement extérieures et proclamer sur ces ruines la souveraineté de la conscience et le sacrifice que Dieu aime, celui d'un «cœur brisé» Si encore Jésus s’était contenté de leur exposer sa doctrine à eux! mais il en faisait part au vulgaire et il choisissait pour dépositaire de ces solennelles vérités, une femme méprisable, des gens de rien! et c’est eux qu’il conviait à cette adoration en esprit et en vérité que Dieu demande.
Était-ce supportable?
N’entendez-vous pas nos formalistes du vingtième siècle constatant avec terreur la diffusion de l’Évangile, mis à la portée de tous et qui vont clamant de tous côtés: «Mais qui expliquera à ces simples et à ces ignorants, les livres sacrés?» — Bonnes gens, ne vous mettez point en peine. Dieu les leur expliquera Lui-même.
Sa parole est lumineuse pour toute âme simple qui assez honnête pour ne pas repousser la lumière quand elle découvre le mal dans son cœur.
Or, en définitive, là est la question.
– Mettons-nous donc tous d'un commun accord en relations directes avec Dieu,
– exposons-Lui nos besoins en toute simplicité de cœur comme un enfant qui va vers Son Père,
– obéissons minute après minute à la lumière reçue,
– abandonnons tout le mal que le Saint-Esprit nous révèle en nous,
et nous expérimenterons alors ce que c’est que l’adoration en «esprit et en vérité», et de notre âme affranchie s'élèvera un joyeux Hosanna.
La pensée de savoir si c’est à Garizim ou à Jérusalem qu’il faut adorer n'abordera jamais plus notre esprit. Ceux qui ont la substance, ne recherchent plus l’écorce!
Mon frère, ma sœur, chrétien de nom, qui lis ces lignes, veux-tu revenir à la Source pure, à Jésus? Jésus Lui-même, et baser dès aujourd’hui ta vie religieuse sur Lui, nourrir ton âme de Ses enseignements, modeler ta vie sur la Sienne?
Tu marcheras d’étonnement en étonnement et du diras: comment ai-je pu si longtemps me priver du soleil! Incrédule Va vers Jésus Lui-même, parle-Lui et écoute Sa réponse.
Tu comprendras alors ce que c’est que boire à la Source d’Eau Vive, tu réaliseras le divin en toi et dès lors le témoignage d’autrui ne te sers plus nécessaire: tu parleras d’expérience et tu pourras dire comme Job:
«Autrefois, mon oreille avait entendu parler de Toi,
mais maintenant mon œil l’a vu.»
Ou bien comme les Samaritains qui disaient à la femme qui leur avait parlé de Jésus:
«Ce n'est plus à cause de ce que tu as dit que nous croyons, car nous l'avons entendu nous-mêmes, et NOUS SAVONS QU'IL EST VRAIMENT LE SAUVEUR DU MONDE.»
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