À
MÉDITER PAR TOUS CEUX QUI S’INTÉRESSENT À L’AVENIR
DE LA FRANCE ET À SA RÉELLE GRANDEUR.
VERS NOTRE «89» RELIGIEUX!
LIBERTÉ
Si le Fils vous affranchit vous serez véritablement libres.»
ÉGALITÉ
Que celui qui sent être le plus grand parmi vous soit le serviteur
FRATERNITÉ
Aimez-vous les uns, les autres
*
* *
«Je deviens de jour en jour plus intimement et plus consciencieusement révolutionnaire. Je médite sans cesse à genoux devant Dieu, et je crois qu’il faut que nous et ce temps-ci, nous servions courageusement la loi de rénovation.»
Lamartine à son ami Vinieu.
«Dieu travaille en nous à la façon d’un ferment. Les révolutions, dont les gens à courte vue s’effarent, ne sont que les poussées de cette fermentation dans les peuples. C’est toujours Dieu qui veut nous obliger à nous rendre libres.»
«L’égoïsme, sous ses formes grosses et sous ses formes subtiles est l’ennemi juré de la démocratie, le seul qui puisse la perdre et la seule révolution effective sera la révolution profonde, encore à faire, celle qui l’aura déraciné.
«Le christianisme, traduit en institutions, est la république.»
* * *
Lors d’une interview que j’eus avec le Colonel lorsqu’il vint prendre possession du commandement des forces salutistes françaises, il prononça avec enthousiasme et conviction ces paroles qui sont demeurées burinées dans mon cœur et dans mon cerveau et auxquelles je souscris pleinement:
«L'âme française est encore vibrante, non seulement pour l’idéal, mais pour l’idéal AVEC DIEU, l’idéal AVEC L’ÉVANGILE, l’idéal AVEC JÉSUS-CHRIST.
«La France est toujours sortie victorieuse de toutes les crises par lesquelles elle a passé. Nous aurons notre «89 religieux»
Ce ne sont pas là des mots en l’air, des rêves d’utopistes qui prennent pour une réalité, ou tout au moins pour une possibilité, le désir de leur âme. Mais c’est une certitude qui s’appuie d’une part sur l’histoire de notre peuple, et de l'autre sur l’étude de son caractère, de sa mentalité, des raisons historiques, sociales et morales qui l’ont conduit au point «critique» où il se trouve.
Et pourquoi se trouve-t-il à ce point critique?
Cherchons un peu si vous voulez bien — non pas à épuiser la question, il faudrait un volume ou plus pour le faire —, mais à réfléchir quelques instants ensemble sur quelques points qui sautent aux yeux.
Tout d’abord le Français est idéaliste, ardent, généreux, enthousiaste, épris de justice, capable de se donner corps et âme pour une cause élevée.
D’ou vient donc que ce même peuple — dans son ensemble — dans la généralité se trouve aujourd'hui dans le camp des négateurs — négateurs qui le sont incognito, ou négateurs qui s'affichent et se déclarent ennemis de tout ce qui est «religieux», et surtout des gens religieux.
Car enfin, il ne faut pas se le dissimuler: à côté d'une très petite minorité de chrétiens vivants et conscients, minorité qui se recrute dans tous les groupements religieux, nous nous trouvons chez nous en face de deux blocs:
– le premier, celui des négateurs, des «hostiles», des ennemis déclarés, parmi lesquels beaucoup ont décidé, coûte que coûte, d’extirper ce qu’ils considèrent comme «l’erreur par excellence», l’obstacle à la marche en avant,
– et de l’autre la masse des indifférents, rattachés encore par quelques liens factices à une forme morte, et celle des bigots, des superstitieux, des fanatiques de tous bords.
Entre ces deux camps, un immense fossé qui va s’élargissant chaque jour. Nous savons cela, nous le voyons très clairement, et pourtant, connaissant cet état d'âme et en raison même de cet état d’âme, nous disons avec une foi profonde: Nous aurons notre «89 religieux», et ce qui est plus, ce «89 religieux» éclatera au sein même des opposés d'aujourd’hui, des ennemis jurés de la religion.
C’est dans leurs rangs que se recruteront les plus bouillants adorarateurs du Dieu de Liberté, du Dieu Vérité et Justice, LE JOUR OÙ LA LUMIÈRE SERA FAITE EN EUX, et où ils auront reconnu leur erreur.
Car, hélas, il y a à la base de tout ceci, un immense et grave malentendu dont les incrédules ne sont pas responsables.
Notre dessein n’est pas d’établir ici les responsabilités. Il est facile, du reste, à qui le désire, de consulter l'histoire pour remonter à la genèse de l’erreur, voir où la confusion s’est produite, et comment la cause de Dieu ayant été, hélas, solidarisée avec celle de l’autorité despotique dans quelque domaine qu’elle s’exerçât, la méprise était fatale pour ceux qui aspiraient à briser le joug qui pesait sur eux.
C’est pourquoi il est grand temps, il est de toute urgence, si nous voulons conduire nos compatriotes à Jésus-Christ, le seul qui puisse satisfaire leur cœur et assouvir leur soif de justice, il est, dis-je, plus que temps de:
DÉSOLIDARISER LA CAUSE DE DIEU ET DE L’ÉVANGILE
DE CELLE DE LA RELIGION.
Il n’est que trop vrai que ce qu’ils connaissent de la religion a été fait non pour leur faire aimer Dieu, mais pour les en éloigner parce que c’était l’antipode de ce que leur conscience leur disait qu’il était et leur conscience avait raison!
Ceux qui fréquentent les milieux ouvriers peuvent en faire journellement l’expérience: avec une rude franchise — franchise qui a sa valeur — ils vous diront: «tous ces gens-là, ce sont des menteurs et des hypocrites»; parfois même ils ajouteront: «ils font des choses abominables et ils parlent du bon Dieu!»
Est-ce la faute de ces ouvriers s’ils ont vu et entendu des choses qu’ils n’auraient dû ni voir ni entendre? non pas parce qu’on aurait dû les leur cacher, mais parce qu’on n'aurait pas dû les faire!
Et involontairement ma pensée se reporte vers ces paroles du grand poète italien Carducci, mort ces dernières années, adorateur du Dieu vivant, et qui pouvait écrire:
«Dieu, la plus haute vision à laquelle un peuple dans la force de sa jeunesse puisse s'élever.
Dieu, soleil des intelligences sublimes et des cœurs ardents.»
Cet homme, qui a dû réclamer des obsèques civiles afin de désolidariser sa foi des religions officielles, cet homme adorateur du Dieu vivant, je le répète, fervent adepte de la religion en «esprit et en vérité», c’est le même homme qui a écrit ces paroles, qui devraient être méditées par tout Français dans le cerveau duquel se livre le même combat que dans celui de Carducci!
«La haine, une vieille haine pour une superstition tyrannique et pestilentielle a éloigné les Latins de l’idée de Dieu.»
Nous sommes, nous aussi, des «Latins» et chez nous règne plus que n’importe où, peut-être en raison même du sens droit de notre peuple ce même funeste malentendu qui va non seulement g se perpétuant, mais s'élargissant. Oui, à la base de toutes les négations de la grande majorité des «hostiles» d’aujourd’hui il y a, non pas l’incrédulité, non pas la lutte contre l’idée religieuse, contre les vérités évangéliques, IL Y A LE DÉGOÛT DE L’HYPOCRISIE OU DE L’INCONSÉQUENCE DE GENS PRÉTENDUS RELIGIEUX, l’indignation de consciences droites qui spontanément rejettent ce qui est fourbe.
Mais ne vous y trompez pas. Nos compatriotes ont soif d’autre chose. C’est une erreur de dire que notre pays rejette Dieu. Il est dégoûté des formes vides pharisaïques, mais il n’est pas fatigué du Dieu vivant. La vérité, c’est qu’il ne le connaît pas.
Si vous y regardez de près, en effet, et si vous savez comprendre, au fond de toutes les négations des incrédules, vous trouverez une soif de vérité et de justice, des cœurs et des esprits inquiets qui soupirent, sans le savoir peut-être, après le Dieu inconnu.
En avant 1910 07 16
Table des matières |