LA PAGE BLANCHE
Un jour — j’avais sept ou huit ans alors — le maître d'école nous annonça que, le jour de l’an étant proche, deux heures de liberté nous étaient accordées pour écrire à nos parents des lettres de «compliments».
Il nous exhibait, en parlant ainsi, de magnifiques feuilles de papier brodées, enguirlandées, ornées de petits oiseaux qui tenaient dans leur bec une banderole où les mots «bonne année» se lisaient en lettres d or.
Qu’elles étaient belles, ces feuilles, et qu’elles étaient bon marché! Le maître, en effet, nous les offrait à raison de vingt centimes l’une, enveloppe comprise! J’en achetai une, et, arrondissant le bras gauche autour de la précieuse feuille pour faire le mystère autour de mon travail, tirant la langue dans l’effort de composition laborieuse que je m’étais imposée, je commençai ainsi:
«Mes chair parens,
Le soleil...»
Quel début! Il n’était pas possible d’en trouver un plus beau. Je m’arrêtai, émerveillée d’avoir trouvé une idée si lumineuse et si élevée. Mais le difficile, c’était de continuer. Accoudée sur la table, mâchonnant fiévreusement mon porte-plume de bois rouge, je répétais à demi-voix:
«Le soleil, le soleil...» et ne trouvais rien à ajouter.
Cela n’était pourtant pas suffisant, cela ne disait rien du tout!... Et tandis que je cherchais une transition, voici que, de ma plume trop chargée, tomba sur mon papier une belle tache noire, un soleil d’encre... Oh! l’affreux malheur!
L’oiseau bleu, au coin de la feuille en fut fort enlaidi; les fleurs de la guirlande me parurent flétries, et mes larmes, tombant à flots sur la pauvre feuille, achevèrent de la gâter... Mes parents ne reçurent pas de lettre de Nouvel An, cette année-là.
* * *
Jeunes gens qui lisez cette véridique histoire et qui riez de ma mésaventure, prenez garde! Pareille chose, et pire que celle-là, peut vous arriver.
Chacun de vous est placé devant une belle feuille, plus ou moins ornée, enguirlandée, mais parfaitement blanche: C’EST VOTRE VIE!
Qu’allez-vous en faire?
Vous n’en avez qu’une:
Si vous la gâtez, ce sera fini;
vous ne la retrouverez plus jamais.
À qui allez-vous la dédier? De quoi allez-vous la remplir?
Il n’y a qu’un Être qui soit digne de recevoir l’hommage de votre vie: c’est le Dieu qui vous a faits, qui vous aime, qui vous a donné Son Fils.
Il n’y a qu’une chose qui soit digne de remplir votre vie: c’est le service de Dieu, selon le modèle qu’il vous a Lui-même tracé, en vous donnant Jésus-Christ.
Oui, placez Jésus devant vous et prenez-Le pour modèle dans Son humilité, Sa douceur, Sa confiance, Son amour, que votre cœur soit plein du désir de servir Dieu de la manière qu’il jugera la meilleure.
Il vous faut pour cela le concours du Saint-Esprit, car la meilleure volonté du monde ne nous rend pas capable de servir Dieu. Le Saint-Esprit, c’est Dieu tenant notre main et guidant notre plume. Dieu agissant en nous et par nous.
PRENEZ GARDE AUX TACHES!
En avant 1904 08 06
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