SATISFACTION
Par le Brigadier JEANMONOD
J’ai appris à être content de l’état où je me trouve. Saint-Paul.
La surprise serait grande si les lecteurs d’un journal quotidien, en parcourant les diverses annonces de la 4e page, lisaient la notice suivante:
«On demande quelqu’un pour enseigner l’art d’être mécontent et de devenir malheureux».
Chacun trouverait cette annonce déplacée, ridicule même, et l’on penserait que son auteur déraisonne. Pourquoi une annonce de ce genre serait-elle reçue avec un pareil dédain et lue avec un sourire sceptique?
Parce qu’il n’est pas nécessaire d’enseigner à autrui l’art d’être mécontent ou malheureux, pas plus que l’on ne fait appel aux connaissances humaines pour professer un cours sur la manière de s’appauvrir.
Au contraire, tous seront d'accord pour reconnaître l’utilité d’apprendre à son prochain l’art d’être heureux.
Voici précisément la parole d’un homme qui écrivait au temps de l’empire romain: J’ai appris à être content de l’état où je me trouve. De notre temps, ces paroles n’ont rien perdu de leur valeur, de leur utilité, et de leur immense intérêt.
– Être malheureux, mécontent, cela vient tout naturellement, sans effort, tout comme les mauvaises herbes dans les champs.
– Être heureux, posséder cette expérience que réalisait Saint Paul, cela s’apprend.
J’ai appris, c’est une école.
Pour apprendre il faut vouloir, désirer, travailler; il faut un effort.
Comment Saint Paul a-t-il appris à être heureux?
Considérons quelque peu la vie de cet apôtre. Jeune homme, il reçoit, dans le foyer familial, l’éducation d’une mère et d’un père qui désirent voir leur fils marcher dans la voie du bien. Après avoir pris connaissance de ce que le savoir humain peut enseigner, nous le trouvons à Jérusalem, l’élève enthousiaste et capable des Pharisiens, qui fondent sur cet élève brillant leurs meilleures espérances.
Dans ce milieu, qui a LE CULTE DE LA LETTRE SANS QU’IL SOIT VIVIFIÉ PAR L’ESPRIT, la mentalité de Saint Paul se forme et se résume en cette formule, qui est encore la profession de foi de beaucoup de gens:
«Je ne veux pas changer.» Les uns disent cela dans un sens, les autres dans un autre.
«Je ne veux pas changer de milieu.» «Je ne veux pas changer de religion, d’idée, etc.».
Cette formule: «JE NE VEUX PAS CHANGER», est opposée à tout progrès et à toute liberté, c’est le commencement d’une déchéance inévitable.
Aucune transformation vers le mieux, le bien, le savoir, ne peut se produire qu’en modifiant, qu’en agrandissant sa pensée.
Changer, c’est la base de tout progrès véritable.
Ne pas vouloir changer, c’est s’enliser,
rester sans cesse attaché aux choses vieillies et en train de mourir.
POUR CHANGER, IL FAUT AUSSI SAVOIR OBÉIR, c’est une école de discipline et de souffrance.
Sur la route de Damas, la parole de Jésus, parole de Révélation, parole de Lumière, arrête le jeune homme sincère qui se croit être dans le vrai. En ne voulant pas changer, tu persécutes la vérité, la justice, tu violes la loi de la fraternité, de la miséricorde, que tout homme doit pratiquer.
Saint Paul se lève. Il a compris; il accepte la révélation du Fils de Dieu, il marche dans la lumière, il change. La puissance divine vient à son aide, comme le rayon de soleil réchauffe la terre dans laquelle la semence est jetée pour germer.
Pour être heureux, il faut plus que le désir, le bon vouloir humain,
il faut l’action divine.
La parole de la Révélation est aussi pour nous, elle est offerte à tous, acceptons-la, obéissons à cette impulsion, à cette émotion ressentie quand l’appel du Sauveur se fait entendre, puis dans l’obéissance à la Révélation, une transformation intérieure, se produira.
Il n’y aura plus en nous un besoin intense de jouir de ce monde de plaisirs ou du faux bonheur qu’il offre; mais un principe vrai, un principe de renoncement à nous-mêmes éveillera en nous les frémissements de la vie divine, nous vivrons d’une vie cachée avec Christ en Dieu.
Le principe morbide de l’égoïsme, qui est la source de tant de misères, devra faire place au désintéressement.
Nous redirons alors avec Saint Paul:
«J'ai appris à être heureux de la situation dans laquelle je me trouve, j’ai répondu à l'appel divin».
J'ai appris à être content, à posséder en mon être intime la paix, la joie, le repos, la tranquillité d’esprit, parce que l’Esprit de vie qui est en Jésus Christ m’affranchit des liens du péché et de la mort.
Je fais une chose: oubliant ce qui est en arrière et me portant vers ce qui est en avant, je cours vers le but, vers le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus Christ.
En avant 1910 06 25
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