Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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HÔTELLERIE POPULAIRE POUR FEMMES ET JEUNES FILLES 

10, Rue Fontaine-au-Roi, Paris


«La question du logement, pour l’ouvrière isolée, est souvent une question vitale d’où peut résulter le salut ou la perte.»

Le Comte d’Haussonville (Salaires et Misères de Femmes).

Seule! dans la grande ville aux sollicitations multiples, et ayant à faire face à des conditions de vie plutôt difficiles, avec un salaire dérisoire! Peut-on songer sans frémir, à ce que cela peut vouloir dire pour une jeune fille de 16, 18, 20 ans ou plus, ballottée dans ce grand Paris, sans un foyer, et devant se nourrir, se loger, s’habiller, se chauffer et s’éclairer avec parfois 25 sous par jour! (en 1910)

La faim est mauvaise conseillère, et notre expérience dans l’étude de ces questions nous a conduits à cette conclusion qu’à côté des causes morales qui entraînent la femme hors du droit chemin (mauvaise éducation de la famille, mauvais exemple, conseils de mères dénaturées qui poussaient elles-mêmes leurs filles dans le vice), il fallait envisager des raisons d'ordre économique et social.

C'est une constatation qui s'impose.

Beaucoup de femmes et de jeunes filles demandent au vice le pain qu'un salaire insuffisant, rémunérateur d’un travail exténuant pourtant, ne donne pas. Voilà le fait dans toute sa brutalité et son angoisse poignantes, et comme après cela on peut s’écrier avec Victor Hugo:

Oh! n’insultez jamais une femme qui tombe.

Qui sait sous quel fardeau sa pauvre âme succombe

Qui sait combien de jours sa faim a combattu;

Qui sait combien de jours a lutté sa vertu !...

Si tous ceux qui sortent le soir après un bon dîner et toisent d’un regard méprisant leurs sœurs tombées, voulaient penser à cela, quelle révolution ne verrait-on pas! Mais en attendant, il fallait agir. Le problème douloureux s’imposait à nos consciences, et c’est dans le but d’y apporter un remède qu’a été créée l’Hôtellerie populaire de la rue Fontaine-au-Roi.

Puisqu’il n’était pas en notre pouvoir de relever le salaire de l’ouvrière, nous avons voulu au moins lui offrir un logement sain, hygiénique, et une nourriture substantielle, le tout dans les limites de sa très petite bourse et à l’abri des tentations. Comme on le voit, le but de la maison est non seulement de faire œuvre humanitaire, mais aussi œuvre de préservation morale, en supprimant pour la femme qui désire rester honnête et se tirer d’affaire avec un salaire modeste, la tentation de demander le complément de celui-ci à des moyens inavouables.

Mais l’Institution, béni soit Dieu, est plus et mieux que cela, c’est un foyer pour celles qui s’y adressent. Ce n’est pas seulement une demeure économique, propre et confortable, mais un intérieur où l’on se sent chez soi, où un visage ami vous reçoit avec un sourire et où vous trouverez un cœur de sœur ou de mère pour compatir à vos douleurs et où vous pourrez à l’heure difficile, déverser le trop-plein du vôtre.

C’est la douce intimité de la famille, la joie de se sentir en sécurité et de pouvoir, la journée de travail terminée, se délasser sainement, sans arrière-pensée et sans courir de risque d’aucune sorte.

La maison, ouverte le 15 octobre 1901, est destinée en principe aux ouvrières. Elle peut recevoir 160 personnes et est ainsi divisée:

Un dortoir avec cinquante lits à 0 fr. 30 la nuit. (en 1910)

35 chambrettes à rideaux à 0 fr. 60, la nuit (3 fr. par semaine).

75 chambrettes à portes à 3 fr. 75 la semaine.

Quelques chambres à 22 fr. 50 par mois, belles, grandes et bien meublées.


La majorité de nos locataires sont des ouvrières parisiennes du quartier de Belleville, pour la plupart ouvrières de fabrique, modistes, fleuristes, couturières. C’est ce que nous pourrions appeler la population assise de l’Institution. À côté de cela, quelques jeunes filles arrivées de la province pour chercher du travail à Paris ou des domestiques attendant une place.

Ces deux catégories forment la population flottante de la maison qui, en réalité, n’a pas été spécialement créée pour elles, bien que nous recevions toute jeune fille qui se présente, quelle que soit sa religion ou sa nationalité.

Peut-on songer sans frémir à ce que seraient devenues ces jeunes filles sans ce foyer béni qui fut une vraie Providence pour elles? Nos pensionnaires sont du reste les premières à le reconnaître. Si elles quittent l'hôtellerie pour se placer ou pour toute autre cause, elles saisissent toujours avec reconnaissance l’occasion de revenir à «leur» maison. L’Institution peut être visitée par les dames qui le désirent, l’après-midi de 2 à 6 heures.

En avant 1910 05 28



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