UNE HISTOIRE VRAIE
DANS UN HÔPITAL PARISIEN
Scènes touchantes auprès du lit d’une jeune fille mourante. — Son dernier message à sa mère: «Maman n'oublie jamais ces dames». — Témoignages des malades et des infirmières. — Elle est morte comme une sainte!
«Oui, morte comme une sainte!» qui l’aurait cru! La chère enfant appartenait, elle aussi, à celles que le monde appelle dédaigneusement «femmes tombées», et elle est un exemple entre des milliers des glorieux cas de transformations radicales accomplies par Dieu dans une âme qui cherche auprès de Lui la pureté perdue.
Nous pourrions pleurer de joie quand nous songeons à tous ces joyaux que Dieu nous a donné d'arracher à la boue et de faire renaître à l’espérance. Mais évidemment, il faudrait en avoir fait l’expérience pour connaître quelque chose du flot de joyeuse allégresse qui monte de nos cœurs émus.
Pouvez-vous vous imaginer ce que c’est?
Avoir trouvé une pauvre jeune fille désespérée qui fût descendue de plus en plus bas dans la vie en entraînant beaucoup d’autres avec elle, être intervenu à ce moment de désarroi, lui avoir ouvert un horizon nouveau et dans la nuit de son sombre désespoir l’avoir vue reprendre courage, renaître à la pureté et devenir à son tour un sauveur: cela, c’est la joie des joies! Impossible! dites-vous! Rêve d’esprits optimistes, de cœurs généreux.
* * *
Écoutez plutôt:
Un dimanche après-midi à notre réunion de la Salle Auber, une jeune fille de vingt ans à peine s’est affaissée sur une chaise. La tristesse, l’angoisse se lisent sur son visage et contrastent avec sa fraîcheur et sa jeunesse. Touchée de compassion, une Officière s'approche d'elle et avec bonté et discrétion interroge. Ce cœur oppressé s’ouvre sous l’influence de l’amour qui lui est témoigné. Avec ce flair des âmes simples, elle a senti qu'elle pourrait cette fois se confier sans crainte d’être cruellement trompée et l’Officière écoute le récit navrant, mais tant de fois répété, et que vous connaissez tous.
Elle avait naïvement ajouté foi aux promesses de mariage que lui avait faites un jeune homme riche dans la famille duquel elle travaillait et qui l’avait lâchement abandonnée.
Tous les plans qu'elle avait pu faire d’un avenir heureux et riant, d’un doux foyer, d'un intérieur calme et paisible, tout cela s’écroulait.
Partagée entre le remords, la honte, la haine pour l’instrument de sa chute, elle ne voit pas d’issue à sa situation.
Que faire? se dit-elle.
Comment éléverai-je mon enfant?
Qui voudra m’aider?
L’Officière lui parle de notre Maison de Relèvement, elle accepte d’y entrer, et pendant les quatre mois qu’elle y a séjourné, elle y a toujours donné satisfaction. Peu à peu son cœur s’est ouvert à l’influence purifiante qui l’entoure.
Dieu est devenu son Ami, elle lui a donné son cœur.
Transportée à l’hôpital au moment où elle devait accoucher, elle dut y rester six semaines pendant lesquelles elle souffrit beaucoup, Mais sa conduite au dire de tous, malades et garde-malades, fut celle d’une sainte. Elle parlait sans cesse des choses magnifiques qu’elle voyait dans le ciel et bénissait Dieu d’avoir rencontré la Maison.
Sa reconnaissance était touchante et rien n’était plus édifiant que de l’entendre dire aux Officières qui la visitaient quelques jours avant sa mort:
«J’étais une brebis perdue, mais, grâce à vous, j’ai l’assurance que je vais vers Dieu. Recommandez bien aux jeunes filles, ajoutait-elle, d’être braves et de servir Dieu, d’abandonner le mal pour toujours et de ne jamais retourner dans le monde.»
À une de ses compagnes, dont elle avait réclamé avec insistance la visite, elle disait: «Promets-moi de ne jamais retourner dans le monde. Si tu savais comme je regrette ma vie gaspillée!»
Sa mère était venue la voir à l’hôpital dix jours avant sa mort: «Maman, lui disait-elle, tu n’oublieras jamais ces dames, car c’est grâce à elles que je suis ce que je suis. Si je ne les avais pas rencontrées, je serais morte sur la route. Surtout, assiste à leurs prières, tu verras comme elles te feront du bien.»
Les Officières qui la visitaient étaient bénies par son moyen. «Oh! que Dieu est grand! qu’il est beau, qu’il est puissant, répétait elle avec une conviction et une profondeur qui les. émouvaient. Je suis si heureuse! J’AI LE PARDON. IL EST AVEC MOI. Je souffre, mais je ne murmure pas!»
Toujours le cantique et le journal de l’Armée du Salut étaient auprès d’elle, et elle lisait toujours l’un ou l’autre. — Maman, dit-elle un jour à sa mère, je vais mourir. — Non, lui répondit celle-ci, croyant bien faire en l’illusionnant, tu es si jeune, tu n’as que vingt ans! — Non ne me trompe pas. Je sais que vais mourir. Je vais quitter cette terre de péché. Je vais vers Jésus.
«Vous viendrez m’accompagner au cimetière, continuait-elle en s’adressant aux Officières; mais je suis surtout heureuse de ce que j’ai l’assurance que vous viendrez me retrouver là-haut.»
La directrice de la maison était absente de Paris à cette époque, elle lui envoya un dernier message: «Dites-lui que je lui souhaite beaucoup de bonheur, que je lui envoie beaucoup d’affection et de reconnaissance.»
Jusqu’au dernier moment, elle ne cessait d’exprimer sa joie et sa reconnaissance d’avoir trouvé la Maison sur son chemin: «Oh! comme je voudrais disait-elle constamment, que toutes les jeunes filles qui vivent comme je vivais alors, puissent rencontrer une pareille maison sur leur chemin.»
* * *
Nous pourrions continuer et citer beaucoup d’autres cas semblables de jeunes filles qui ont passé dans nos Maisons et qui prouvent par leur vie de chaque jour que nous avons eu raison de croire qu’il était possible de les relever d’une façon permanente et d’en faire des femmes honnêtes et des femmes de Dieu. À Lui en soit toute la gloire!
En avant 1910 05 28
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