Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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LE COLONEL AU PAYS DES CÉVENOLS


Des Barandons à Nîmes, la transition est brusque, et c’est un sentiment de douceur et d’apaisement qui vous envahit tandis que le petit chemin de fer des montagnes s'engage dans la descente de la fertile vallée de l’Eyrieux. On se prend alors à regretter pour ceux de là-haut la privation de tout ce qui fait la richesse de ceux d’en bas; mais il y a évidemment des compensations, et chacun préfère encore le coin de terre qui l’a vu naître.

Puisqu’en faisant le rapport de cette tournée, ce sont aussi un peu mes impressions que je conte, je ne saurais passer sous silence le terrible choc que reçut le Colonel, et nous tous avec lui, lorsqu’en arrivant tard le soir à Nîmes, après un long et fatigant voyage, l’Adjudant Dejonghe lui remit trois télégrammes arrivés presque coup sur coup ce même jour, et que le premier ouvert lui annonça l’ensevelissement, pour le surlendemain, d’un jeune Camarade, hier encore rempli de vie et de promesses d’avenir.

Cela ne semblait pas possible, et malgré les trois missives bleues confirmant toutes le même fait navrant, nous ne pouvions nous rendre à l’évidence. C’est que nous pensions soudain à cette tendre mère, dont nous étions si près quelques heures auparavant!


Le matin encore, on nous racontait la séparation déchirante d’avec les siens, le départ émouvant pour l’École Militaire de celui qui n’est plus, et le sacrifice de cette mère qui donnait pour le Seigneur, à Son appel, celui qui avait été le plus tendre des fils dans les heures d’épreuve que la vie ne lui avait pas ménagées, et un vrai père pour ses plus jeunes frères.

Peu s'en est fallu — le temps si mauvais seul l’en avait empêché — que le Colonel ne se rendit la veille auprès de la mère, pour lui apprendre avec joie que son fils était heureux dans sa vie toute consacrée, et en bonne santé. Et, au moment précis où nous quittions sa montagne bien aimée, lui quittait la vallée de luttes et de souffrance pour entrer dans la vie parfaite du ciel!

Nous ne pouvons comprendre... . Mais, nous savons qu’il y a un Dieu d'amour qui dirige tout, et que nous pouvons avoir confiance.

Ne sommes-nous pas des disciples de Christ?

Combien le Colonel a regretté pourtant de n'avoir pu se rendre auprès de ce cœur brisé de mère, pour lui déverser toute sa sympathie, et lui dire que nous pleurons aussi avec elle, car nous aussi nous l’avons perdu.


Cet événement m’a semblé solenniser toutes les réunions tenues ensuite au cours de cette tournée. Celle de Nîmes bien particulièrement.

Le Colonel insista tout spécialement sur la nécessité d’être prêt et d’employer sa vie de façon à n’avoir pas de regrets. «Mettez le même zèle, la même ardeur aux questions éternelles, que vous en mettez aux choses périssables», disait le Colonel, et «SOYEZ PRÊTS».

Ce fut une réunion impressionnante et solennelle, au cours de laquelle bien des âmes furent remuées et s'il n’y eut pas de décisions ouvertes en grand nombre, elle portera ses fruits, nous en sommes assurés.


* * *


Le soleil avait tenu à fêter le jour de l'Ascension. C’est donc par une journée radieuse que nous nous mettions en route, à une heure très matinale, pour nous rendre à Saint-Jean-du-Gard.

C’était dimanche, et ce ne l’était pas. Mais nous eûmes cependant une excellente journée là-haut. Une bonne réunion de sainteté le matin, qui nous prépara pour le combat de la journée, une réunion en plein air des plus réussies, puis, le soir, une réunion puissamment bénie.

Le vent semble avoir élu domicile dans le Midi, et il n’est pas toujours un hôte des plus agréables. Aussi, avait-on peur à Saint-Jean qu'il ne vînt se mettre en travers de nos projets, et nous priver de cet excellent moyen d’annoncer le salut qu’est la rue. Mais la foi triompha.

Malgré le vent qui semblait vouloir tout emporter et quelques pronostics fâcheux, nous allâmes nous installer dans un coin de prairie aimablement mis à notre disposition par son propriétaire et là, à l’abri d’une maison, nous eûmes, nous aussi, notre fête de l'Ascension. Si nous étions en petit nombre, relativement à d'autres rassemblements de ce jour, c'était pourtant le même ciel bleu, le même soleil radieux, les mêmes merveilles de la nature, de la création de notre Dieu et aussi, et surtout, le même salut gratuit et glorieux.

Tandis que nos voix s'élevaient librement vers Dieu pour le louer, nos âmes recevaient une nouvelle bénédiction, une force et un désir plus grand de Le servir. C’était déjà une respectable petite assemblée dont faisait partie un pasteur ami, M. Malan, et ceux qui passaient sur la route s'arrêtaient, attirés par nos chants, étonnés de ce spectacle inusité, et venaient grossir encore notre nombre.

Une grande liberté régna dans cette réunion au cours de laquelle la Capitaine Rossel, cette chère et vaillante Camarade, si éprouvée par la santé de sa mère, parla de sa joie d’appartenir au Seigneur et de son désir de Le servir jusqu’au bout. Notre seul regret était que ce ne fût pas un rassemblement de tous les Officiers, comme c’est le cas en pays voisin. De l’avis de plusieurs, cette merveilleuse petite réunion prépara certainement celle du soir. Camarades et amis y apportèrent tout ce qu'ils avaient éprouvé l’après-midi et avec une salle bondée, nous eûmes ce que l’Adjudant Dejonghe m’a dit être la meilleure réunion qu’il eût encore vue dans ce poste. Le Colonel fut inspiré et parla avec une grande puissance.

La réunion fut des plus solennelles. Presque tous les visages étaient couverts de larmes lorsqu’il termina et la conviction était profonde. Mais il est infiniment plus difficile d’amener à une confession publique le fils aîné de la parabole, celui qui est toujours resté à la maison, que celui qui en est parti pour devenir le «prodigue». Mais l'un comme l'autre, le Seigneur peut les toucher et nous croyons qu’il l’a fait, ce 5 mai.


* * *


Je ne puis plus m’étendre longuement sur les réunions qui suivirent à Saint-Hippolyte et à Valleraugue. Dans la première de ces villes, le Colonel parla à un bon auditoire, malgré l'effervescence électorale qui régnait déjà au dehors. Dans le Midi, on est forcé de comprendre la politique. Il n’est pas de petite vieille, qui, sous sa coiffe de grand-mère, ne se précipite avec les autres pour connaître l'élu.

Aussi, tout le pays est en mouvement et le moment n’était pas des mieux choisis pour des réunions qui ne sont pas électorales.

Celle de notre salle fut précédée par deux réunions en plein air, liberté qui nous est largement octroyée à Saint-Hippolyte, et dont nous ne nous faisons pas faute de profiter. — C’est dans notre jolie nouvelle salle que se tint la réunion.

L’Adjudant Loosli avait craint, en ce dimanche d’élections, pour le succès de ses réunions, car les Gangeois sont gens excitables, dit-on, et avait prié le Colonel de venir un autre jour dans son poste. Le Colonel passa donc son dimanche à Valleraugue. Mais là aussi, c'était la lutte, l’excitation, et les réunions s’en ressentirent malheureusement. Nous eûmes pourtant une bonne journée dont les camarades et amis de Valleraugue ne se plaignirent pas et qui laissera elle aussi des résultats, nous le croyons.

L. H.

En avant 1910 05 21



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