Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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JOURNAL D’UN COLPORTEUR

IMPRESSIONS PERSONNELLES EN COURS DE ROUTE


Barandons.

Pour moi la vie est belle, et je le réalise plus que jamais ; cependant je dois dire qu’à l’automne dernier, quand le Colonel me dit que je devais quitter les Barandons, ce fut avec un peu de regret que j’acceptai cette idée, car j'aime ce Poste et les Camarades de ce Corps, et d’un autre côté devenir colporteur pour notre chère Armée, cela me souriait, car j’aime cette vie de salutiste errant.

Mes délices sont pourtant d’aller voir un peu tout le monde et je ne suis jamais plus dans mon élément que quand je suis en contact avec la foule. Que voulez-vous que j’y fasse, j’aime la variété, car pour moi pour qu’un bouquet soit vraiment joli, il faut qu’il y ait un mélange de toutes sortes de fleurs.

Cela me charme donc, d’avoir des entretiens un peu avec tout le monde,

Messieurs les prêtres m’intéressent beaucoup,

le public catholique m'attire toujours plus,

l’indifférent me stimule pour le combat

et l’incrédule a toute ma sympathie.

Non pas sa doctrine, car JE CROIS À LA BIBLE DEPUIS LA GENÈSE À L’APOCALYPSE, mais je sympathise avec l’incrédule, et j'ai avec lui souvent de longs entretiens.

Je remarque du reste que le vrai souffre au fond de son cœur. Aimons les incrédules et montrons-leur Celui qui enlève la souffrance ; il y a encore beaucoup de Commissaires Cosandey dans le monde (le Commissaire Cosandey était jadis incrédule).

Depuis que j’ai quitté les Barandons, mon partage a été des joies extra délicieuses; dans notre Armée j'ai été l’un des officiers les plus heureux, mais jamais je n’ai été plus heureux que maintenant, car je me sens tellement à ma place!

Depuis l’automne dernier les fleurs de la joie et de toute couleur m’ont été données à profusion, aussi j’étais tout joyeux quand le Colonel vint à Valence. Mais voici, devinant ma pensée, il me dit: Blanc, cela vous ferait-il plaisir de venir passer dimanche prochain aux Barandons? — Je crois bien, lui répondis-je. — Il remarqua que mes yeux brillaient de joie et il me dit: Eh bien vous pouvez y aller (le Colonel devait présider les réunions de cette journée).

Je prépare ma bicyclette et l'huile comme il faut et en route! Chemin faisant j’arrive à Lamastre où je prends mon Camarade l’Enseigne Fromentin, car lui aussi avait été gentiment invité. Nous faisons la grimpée jusqu’à Saint-Agrève; là nous nous arrêtons chez nos toujours et si braves amies Russier et Bouix: elles ont bon cœur, et on se sent chez soi chez elles ; après nous être restaurés et après la prière nous filons sur Barandons et y arrivons le samedi soir.

Les Officiers nous reçoivent avec des cœurs bouillants d’affection. (L’Armée du Salut est une famille). Dans la soirée, je vais loger chez nos braves camarades Vérilhac à La Bruyère, leur salutisme me fait tan de bien ; ils ont raison d’être reconnaissants à leur digne maman (l’Armée est leur mère).

Léonie Vérilhac, sa cousine Léontine, le Camarade Denis Issartial aident les Officiers pour la jeune Armée ; et, surprise extra-délicieuse, j’apprends que depuis mon départ la Jeune Armée a triplé. Triplé en si peu de temps, eh bien, oui, triplé, et puis au moins une dizaine d’enfants ont accepté le salut.

N’ai je pas lu dernièrement sur l’En Avant que le Capitaine Delcourt allait enrôler, si je me rappelle bien, douze jeunes soldats; cela c’est sublime. Si le Capitaine d’Etat-Major Seydel était là pour l'enrôlement, lui qui a dansé de joie à Paris, que ferait-il aux Barandons? 


Dimanche.

La voici, la grande journée; je suis aussi désireux que mes Camarades qu’il y ait beaucoup de monde aux réunions du Colonel; aussi, je m’en vais distribuer des prospectus.

Le matin il y eut une excellente réunion, et l’après-midi à deux heures, il y avait tant de monde que le Colonel ne put s’empêcher d’en faire la remarque et de la part du Colonel cela veut dire beaucoup.

La salle du Mont-du-Salut est très vaste et pourtant les gens y étaient entassés comme des sardines; il y avait encore plus de monde du pays, qu’à l'inauguration du 14 juillet.

À cette réunion deux hommes se donnèrent à Dieu, ces deux derniers venaient augmenter le contingent des sauvés, car les Officiers ont eu plusieurs cas de conversion. À une réunion le Camarade Royer de Béal était si content, qu’il frappait du poing sur un banc de la salle.

Mon frère Pierre, que je fus si heureux de revoir, me dit que c’était magnifique comme l’œuvre marchait dans ce poste. Les Camarades Gyry Royer, Fournier et tous les Camarades ont reçu un baptême de joie, car ces camarades aiment les âmes et, puisqu’ils ont des âmes sauvées, ils se trouvent dans leur élément, comme le poisson dans l’eau.

Il paraît que la Capitaine d’État-Major Chapouand est un épervier salutiste de premier ordre, je veux dire par là, qu’elle s’y entend à merveille pour attraper les inconvertis et les amener au banc des pénitents.

Dire qu’il y a plus vingt-cinq ans, qu’elle est une Officière de Réveil: que c’est beau! Le Lieutenant Abric est très aimé par les Camarades.

J’ai vu aussi aux Barandons, la Capitaine Heuscher qui contribua à la réussite de la victoire, le cher Monsieur Moilliet à qui les Barandonais doivent tant.

Les Camarades furent aussi contents de faire la connaissance de l’Enseigne Fromentin et de l'entendre.

Aux réunions du dimanche, il y avait le Sergent Bournac d’Intres avec le Camarade Boit ; des Amis de Fay-le-Froid étaient venus en voiture; tous s’en retournèrent enchantés. Dieu soit béni, Barandons promet beaucoup pour l'avenir et d’autres Camarades prendront la place des Lieutenantes Russier et Perrier, car ces dignes Camarades après avoir bien bien combattu ont échangé la terre pour le ciel. Mourir sous le drapeau, quel honneur!

J’appris là, aux Barandons, avec un vif plaisir que mon ami Léon Issartial allait rentrer à l’École Militaire. Que Dieu le bénisse pendant son séjour à Paris et fasse de lui un homme de Réveil ; je le reverrai avec tant de plaisir dans les Conseils d’Officiers.

Comme Marie il a choisi la bonne part, que d’autres suivent son exemple.

S. Blanc.

En avant 1910 05 14


 

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