BOISSONS ALCOOLIQUES ET CHRISTIANISME
DE LA VALEUR DE L’ABSTINENCE COMME AUXILIAIRE DU CHRISTIANISME
Par Madame Booth
Mais je dois me hâter d’indiquer deux ou trois cas particuliers dans lesquels ce principe a une valeur spéciale par rapport à l’effort religieux agressif.
I. L’ABSTINENCE EST PRÉCIEUSE À CEUX QUI ONT À FAIRE UN PAREIL EFFORT.
1° Parce qu’elle est une source de force.
Aucun homme ne peut, poussé par un divin amour pour le bien des autres, faire abnégation de soi même sans améliorer sa propre nature et rendre plus facile l’œuvre du Saint-Esprit dans son cœur. «N’aimons pas en paroles et avec la langue, mais en actions et avec vérité. Par là nous connaîtrons que nous sommes de la vérité et nous rassurerons nos cœurs devant Lui.» (1 Jean 3, 18).
2° L’abstinence est précieuse à l’ouvrier du Seigneur comme sauvegarde contre la tentation.
C’est un fait bien connu qu’un grand nombre de ceux dont la conduite nécessite la discipline de l’Église doivent leur chute, directement ou indirectement, à l’usage des spiritueux. Or, celui qui n’en boit jamais, ne peut pas succomber sous leur influence. Il reste ferme et inébranlable, parce qu’il n’est pas induit en tentation.
3° L’abstinence est précieuse à l'ouvrier de Dieu parce qu’elle convainc de son désintéressement les esprits des gens auxquels il veut faire du bien, et que cette conviction est indispensable à son succès.
Certes, la répugnance des prédicateurs à renoncer à leur habitude de prendre du vin et des liqueurs a grandement diminué leur prestige, et beaucoup contribué à les, démonétiser parmi le commun peuple.
Nous en sommes convaincus, pour que l’Évangile fasse de grands progrès parmi les masses de ce pays, il faut que ceux qui s’appliquent à le propager abandonnent l’usage de la boisson.
Voici la remarque faite par le Dr Guthrie dans la préface de son livre sur l’abstinence totale.
«Je m’étonne, dit-il, que tant de ministres de l’Évangile et tant de chrétiens tournent le dos à l’ennemi comme ils le font. Quand je travaillais au sein des basses classes de la société dans cette ville, je rencontrais à chaque coin de rue le démon de la boisson. Je m'aperçus alors qu’il était complètement inutile de tenter l’évangélisation de ces païens et de vouloir relever ces foules, sans le secours d'une abstinence totale.
Malgré toute ma confiance en les promesses divines et la bénédiction du Saint-Esprit, je sentis qu'il me fallait pouvoir dire à ce peuple, non pas «Allez en avant!», mais: «Suivez-moi!»
C'est ainsi que je fus amené à devenir abstinent, et je suis convaincu que c'est le devoir de tout homme qui veut se consacrer à la gloire de Dieu et au bien de ses semblables, de combattre, par son exemple, l’usage des boissons enivrantes.»
II. — REMARQUONS MAINTENANT COMBIEN L'ABSTINENCE SERAIT PRÉCIEUSE À CEUX QUE LE CHRÉTIEN DOIT ATTAQUER POUR LEUR SALUT.
1° Elle est indispensable comme premier moyen pour aborder l'ivrogne.
Les preuves, les arguments, les persuasions de l’Évangile s’adressent à la raison, à la conscience, aux sentiments de l'homme, et supposent, par conséquent, une saine disposition d’esprit.
Chacun sait qu’il est inutile de présenter ces choses à un homme sous l’empire de la boisson. Donc pour les milliers d'individus qui vivent dans un état d’ivresse continuel, la seule chance de salut, c’est de les soustraire à l'influence de la boisson.
L’ivrognerie est une maladie physique autant que morale, et pour l’écarter nous devons la traiter avec les mêmes moyens que l’on emploie pour la folie. Nous devons rendre à l'individu sa raison avant de pouvoir sanctifier son cœur.
Quelques-uns de nos amis doutent peut-être qu’il y ait tant de gens continuellement sous l'influence de la boisson?
Qu’ils viennent nous rendre visite dans l’Est de Londres, et, hélas! nous pourrons leur montrer une multitude d’êtres abrutis et plongés dans la torpeur, qui jamais ne sont en état de sobriété suffisante pour saisir la vérité, si même ils sont capables de l'écouter.
Leurs facultés intellectuelles sont tellement engourdies par d’abrutissantes liqueurs, qu’un regard hébété est souvent la seule réponse au premier essai tenté pour leur relèvement.
Tous nos travailleurs sentent qu’il n’y a pas le moindre espoir de salut pour eux, si l’on ne parvient, par quelque moyen, à les arracher à l’influence de l’ivrognerie.
Grâce à Dieu, des milliers de personnes de cette catégorie ont été réveillées et transformées par le travail de notre Armée, mais je ne sache pas qu’il y ait eu un seul cas où la boisson n'ait été complète ment abandonnée.
Dans un livre intitulé: L'Angleterre païenne, le Commissaire Railton a réuni des centaines d’exemples qui montrent la puissance de Dieu pour sauver les plus vils et les plus dégradés des pécheurs. Que ceux de nos amis qui ne croient pas aux effets complètement abrutissants de la boisson lisent ces récits. Il serait difficile de croire à la possibilité de tomber si bas si l'on n'en avait des preuves indiscutables. Nous voudrions demander à ceux qui combattent l’abstinence complète comme moyen de sauver l’ivrogne, quel plan meilleur ils ont à proposer pour rendre à ce malheureux le sentiment et la raison.
Le plan adopté jusqu'ici par beaucoup d’entre eux, nous sommes fâchés de le dire, est tout simplement d’abandonner le buveur à sa destinée.
Pendant qu’on encourage et patronne la boisson, qui fait du buveur ce qu’il est, on le laisse, dénué de tout secours et accablé de misère, s’enfoncer à tout jamais dans l’enfer des ivrognes!
Nous avons le droit de demander pourquoi, en face du nombre alarmant, on l’avoue, des buveurs qui nous entourent, il n'est pas encore entré en ligne de bataille une association nationale de chrétiens spécialement organisée pour atteindre et sauver les ivrognes?
Faudrait-il voir la cause de cette anomalie dans ce fait qu’il est illogique de tenter pareil sauvetage quand on patronne l’ivrognerie?
C'est un fait significatif qu'il est rare de trouver des personnes non abstinentes qui aient à cœur le relèvement des ivrognes.
Nous admettons toutefois, et nous croyons que le travail nécessaire pour obtenir accès auprès de l’ivrogne, ainsi que les efforts faits pour le placer sous l’influence de l’Évangile doivent être l’œuvre de chrétiens.
Mais, EN ATTENDANT QUE LES MINISTRES DE L’ÉVANGILE ET L’ÉGLISE RENONCENT À LEUR PROPRE COMPLAISANCE POUR LA BOISSON pour entreprendre courageusement la chasse aux buveurs, croyez-moi, par pitié, laissez agir les gens de bonne volonté, car quel homme que ce soit a plus de chance d’être sauvé étant sobre qu’étant ivre, n'importe où le message de salut le trouve.
(À suivre).
En avant 1910 05 14
Table des matières |