FLEUR DES BOIS
J’ai gardé de mon court séjour dans les montagnes de la Haute-Loire un exquis souvenir d’une histoire, délicieuse dans sa simplicité.
Dans un ravissant coin de verdure, habile, dans une demeure plus que rustique, une chère femme, vivant, jour après jour, dans la frugalité, attendant tout de Dieu et comprenant tout naturellement que le bonheur ne se trouve qu’en Lui.
Si vous demandez à cette bonne vieille de vous conter quelque grand événement de sa vie austère, elle vous racontera avec animation dans un français entrecoupé de mots patois, cette simple histoire:
Un jour, jour mémorable dans sa vie, une inconnue aperçut son humble demeure, entra, s’entretint avec elle, et avant de se retirer lui lut le chapître XIV de l’Évangile de Jean.
Un rayon de joie avait illuminé l’intérieur de cette chère vieille femme. Désirant se souvenir du passage dans sa chaumière d’une envoyée de Dieu, elle cassa un brin de laine du bas qu’elle était en train de tricoter et en fit une marque dans sa Bible à l’endroit où sa visiteuse avait lu.
L’Officière — car cette visiteuse était une salutiste — s’étant aperçue de ce petit manège chercha discrètement dans son livre une fine gravure et, délicatement, lui substitua au morceau de laine grise.
La pauvre solitaire trouva dans cet échange tant de bonté, tant d’amour, que les larmes lui en vinrent aux yeux. Depuis ce jour, elle se sentit moins seule, comprit mieux sa Bible, l’ayant vu mettre en pratique dans un détail bien insignifiant peut-être aux yeux du monde, mais grand pour cette pauvre femme et qui devait rester gravé ineffablement dans son vieux cœur.
L’Officière a quitté la montagne, dirigé ses pas vers d’autres lieux, sa trace bénie demeure dans une humble maisonnette. Son acte, insignifiant en apparence, était grand en raison du sentiment d’amour pour Dieu et pour autrui qui l’avait dicté.
N. Schleiden.
En avant 1910 05 07
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