LE FILS DE L’INCRÉDULE
Je rencontrai un jour un camarade d’études que j’avais connu à l’Université, il était alors incrédule et j’eus le bonheur de trouver en lui, quelques années après, un chrétien humble et dévoué. L'instrument de sa conversion avait été son petit garçon, âgé de six ans environ
— J’avais été élevé, me dit-il, par une mère pieuse, mais ses prières semblaient avoir été vaines pour moi. Dieu n’était à mes yeux qu'une idée philosophique, et Jésus un homme vertueux et sage, martyr de sa doctrine.
Ce que la Bible dit du ciel et de l’enfer me paraissait un conte fantastique. Cependant, quand je fus marié et père de famille, j’élevai mes enfants dans l’esprit du christianisme, car j’avais assez vu de jeunes enfants devenir la proie des passions, pour avoir été élevés dans la libre pensée.
Un soir, ma femme me raconta que notre petit Charles s’était mal conduit dans la journée; je le grondai vivement et me détournai de lui avec un visage sévère. À peine au lit, il se mit à pleurer à chaudes larmes. Je vins lui demander la cause de son chagrin. Il put à peine me répondre à travers ses sanglots: — Papa, c’est à cause des anges qui ont écrit ma sottise dans le livre du bon Dieu. Dis-moi, papa, est-ce que cela ne peut plus être effacé?
Ce repentir me touchait et, quoique ce qui l’effrayait me fît peu d’impression, je cherchai à le consoler et je lui répondis: — Console-toi, mon ami, la vilaine histoire de ta désobéissance peut être effacée. Demande à Dieu de te pardonner. — Oui, papa, je veux le faire, mais il vaudrait mieux m’agenouiller, je crois. Il sortit d’un bond de son petit lit, se mit à genoux et me dit: — Papa, si tu t’agenouillais avec moi, je suis sur que le bon Dieu nous exaucerait.
J’étais embarrassé; je cédai cependant au désir de mon cher enfant, mais je n’aurais pas voulu que l’un de mes nombreux amis libres-penseurs me vit dans cette position! Tandis qu’il priait, il se produisit en moi un revirement inexprimable.
Après l’amen final, Charles me demanda avec sérieux: — Alors maintenant, papa, tout est effacé avec une éponge? — Non, mon ami, c’est avec le sang du Sauveur. Après un moment de silence, il reprit tout ému: — Et toi, papa, as-tu aussi commis des péchés qui soient encore inscrits dans le Grand Livre? — Oui, mon ami et maman aussi. — Alors vous avez demandé à Dieu de les effacer, et II l’a fait, n’est-ce pas?
Devant cet enfant si naïf, il me semblait être en présence du souverain Juge. Je lui répondis à voix basse: — Oui, je l’espère !... À ce moment, j’entendis quelqu’un pleurer derrière nous; c’était ma femme qui était entrée et avait assisté à tout notre entretien. Elle nous pressa dans ses bras, Charles et moi, et nous priâmes tous trois ensemble le Dieu qui nous avait été inconnu jusqu’à ce moment, et auquel Charles nous avait amenés, sans s’en douter.
Ce fut pour ma femme et moi le commencement d’une nouvelle vie. Maintenant, je puis dire que les prières de ma mère en ma faveur ont été pleinement exaucées.
En avant 1910 05 07
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