AUX ARMES, COMBATTANTS!
De toutes parts on n’entend parler que de paix, paix par-ci, paix par-là, je crains qu'il n’y ait trop de paix, un peu de guerre; beaucoup de guerre serait préférable; nous avons des tendances à nous endormir sur l’oreiller de la paix, tandis que des milliers se meurent sans secours et sans aide.
Ils sont légion, les voyageurs attaqués et terrassés sur le bord du chemin de la vie par les émissaires de Satan!
Ils crient au secours, ils appellent à l’aide.
À certains moments, ils ont comme une lueur d’espoir, il leur semble entendre des pas s’approcher de plus en plus...
ils croient encore bénévolement à la bonté d’âme de quelques prêtres ou lévites, mais, ô désillusion amère, ceux-ci passent outre! Ils aiment leurs aises, leur confort, ils ne veulent pas se baisser pour relever cette épave, ce meurtri de la vie.
C’est un ivrogne, disent-ils, c’est un impur, on aurait trop à faire s’il fallait s’occuper de tous ces gens-là.
C’est vrai qu’il faut presque toujours pour cela descendre de sa monture, se baisser, et cela demande un effort, et l’on préfère passer outre: que faut-il faire alors?
Il faut instruire le voyageur, lui apprendre à se tenir sur ses gardes, lui dire que la route n’est pas sûre, qu’à chaque tournant il est susceptible de rencontrer quelque tentation, de contracter quelque mauvaise habitude qui, s’il n’y prend point garde, le terrasseront, lui voleront son honneur, sa santé, et le laisseront inerte sur le bord du chemin.
Il faut l’armer pour qu’il puisse se défendre, et pour cela il faut commencer lorsqu’il est encore jeune, qu’il n’est encore qu’un enfant. Car, et c’est là où je voulais en venir, il reste vrai que:
LE MEILLEUR MOYEN DE FAIRE DES HOMMES,
C’EST D’ÉLEVER CONVENABLEMENT DES ENFANTS!
Et pour élever des enfants, il faut des éducateurs — hommes et femmes surtout, qui veulent se donner de la peine, qui veulent sortir de la routine et surtout entrer dans la mentalité et la nature des enfants.
Or, ceux-ci ne sont pas pour rester immobiles, passifs, mais ils aiment la vie intense, le mouvement, l’action. Ce sont des bourgeons printaniers qui éclatent de toutes parts, sous la poussée de la sève.
Prenons garde que notre froideur et notre indifférence ne gèlent ces bourgeons, car c’est la perte de toute la récolte. Nous pouvons, en nous désintéressant de l’enfant, être la cause de centaines, de milliers de vies gâtées, perdues sans retour.
Nous avons compris cela, dans notre chère France et en Belgique aussi, c’est pourquoi nous avons réorganisé notre Jeune Armée. Il y a encore bien des sceptiques quant à notre réussite! Que de fois l’ai je entendue, cette phrase encourageante:
«Capitaine, je ne voudrais pas être à votre place, vous avez assumé une bien lourde tâche.»
Je réponds: «C’est dur d’échouer, mais il est pire, oh combien, de n’avoir jamais essayé de réussir!»
J’ai le sentiment que nous n’arriverons à quelque chose, que par l’effort soutenu, le travail acharné.
– Sachons arracher le triomphe en nous donnant de la peine et en risquant quelque chose.
– Osons affronter la fatigue qu’occasionne toujours une trouée dans un chemin nouveau;
– Soyons des pionniers joyeux de faire une œuvre d’homme en sauvant les enfants.
Depuis que je suis Secrétaire de la Jeune Armée, je suis hanté par ce problème: Comment faire une Jeune Armée prospère, bien disciplinée, vraie pépinière de combattants?
J’ai entrepris de le résoudre, il y a danger que je n’v arrive pas, mais ce serait méconnaître l’esprit et la parole de Celui qui a dit un jour à Gédéon: «Va, avec la force que tu as!» Et c’est confiant dans cette force qui, d’une part, est le secours de Dieu, et d’autre part la bonne volonté de tous mes camarades du champ de bataille franco-belge que je crois pouvoir résoudre le problème. Il n’y en a pas un qui dira qu’il est trop timide, ou ignorant, ou fatigué: au contraire, tous nous sentirons tressaillir de glorieuses possibilités dans nos cerveaux et dans nos cœurs pour nos deux pays.
Ne détournons pas nos regards de l’enfant de la rue; allons à lui comme au fils du plus riche de la ville. Il n’est pas nécessaire d’avoir toujours de l’or et de l’argent dans sa ceinture pour le rendre heureux, mais une parole tendre et affectueuse, une caresse gentille sur ce visage, peut-être mal lavé, peut être le moyen de ramener cette brebis sauvage dans le bercail.
«SI VOUS N’OUVREZ PAS VOTRE CŒUR,
CELUI DES AUTRES VOUS RESTERA TOUJOURS FERMÉ.»
Occupons-nous des enfants, le champ est vaste et il y a peu d’ouvriers; aussi que tous ceux qui sont déjà sur le Champ travaillent d’arrache-pied.
Soyons enthousiastes, ne perdons pas cette précieuse faculté qui a fait l’Armée du Salut.
Faisons notre devoir, tout notre devoir, c’est la substance de tout, et cela dans l’esprit qui caractérise ce grand soldat du Christ dont nous venons de célébrer le 81e anniversaire: le dévouement au devoir, la détermination d’agir loyalement et la résolution inébranlable, celle de:
Ne jamais abandonner notre tâche avant d’avoir un triomphant succès.
Victor Seydel.
Secrétaire de la Jeune Armée.
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La meilleure manière d’aider son prochain dans ses difficultés, c’est de lui inspirer le courage et l’énergie de les supporter.
En avant 1910 04 30
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