EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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MAIN COUPÉE 

Un Colon de l’Amérique du Sud rentrait chez lui avec une forte charge de bois. Il se mit à en fendre quelques bûches pour préparer son repas du soir. Comme il allait terminer, un serpent sortit de dessous les broussailles, s’élança sur lui et, avant qu’il eût le temps de se défendre, le mordit cruellement à la main.

C’était un de ces petits serpents des pays chauds dont le venin a une si terrible puissance qu’il peut en quelques minutes amener la mort. Que faire?

Il n'y avait pas de docteur, pas de pharmacien à dix lieues à la ronde, et la main enflait; déjà elle était devenue toute bleue. Le poison allait monter dans le bras, puis dans l’épaule et, de là, gagner le cœur. C’était la mort, là mort affreuse et à brève échéance.

Le colon n’hésita pas. IL prit un parti salutaire mais héroïque, le seul d’ailleurs qui put le sauver en cette extrémité. Il plaça son bras sur le billot même qui venait de lui servir à fendre son bois, et d’un seul coup de hache, d’un seul, il se trancha la main... Il tomba évanoui; ses enfants accoururent et le pensèrent mort, mais il était sauvé.

Jésus dans l’Évangile fait allusion à un remède semblable lorsqu’il dit:

«Si ton œil droit te fait broncher, arrache-le et jette-le loin de toi. Et si ta main droite te fait broncher, coupe-la et jette-la loin de toi, car il vaut mieux qu’un de tes membres périsse que si ton corps allait dans la géhenne».

On croit généralement que, même dans le domaine moral des retranchements de cette nature sont au-dessus des forces humaines.

Le vieux dicton «qui a bû boira» peut s’enrichir de variantes comme Celles-ci:

«qui a fumé fumera»,

«qui a volé volera»,

«qui a commis adultère recommencera».

Et bien! NON! Il n’est pas dit que celui qui a commis un péché dans sa jeunesse

est fatalement condamné à le commettre toute sa vie.

On a vu des buveurs, des voleurs et des adultères se convertir et se convertir des jeunes, c’est à dire alors qu’ils avaient encore des tentations à rencontrer sur leur chemin et des combats â livrer pour y résister.

Ceux qui, dans ce domaine-là, hésitent à rompre pour toujours avec leurs funestes passions sont des lâches: voilà tout.

Ceux qui prétendent qu’il est impossible de rester pur ou de reste sobre au sein d’une société qui se moque de la sobriété comme de la pureté, sont des inconscients qui ignorent la force morale dont dispose l’homme dès qu’il veut bien faire appel à sa volonté.

Napoléon disait que le mot impossible n’appartenait pas à son vocabulaire.

Ce mot doit être banni aussi du langage des chrétiens, qui sur les traces de leur Maître cherchent à se sanctifier.

Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne: transporte-toi d'ici-là, et elle se transporterait:

RIEN NE VOUS SERAIT IMPOSSIBLE (Matth. XVII, 20).

Quant à ceux qui n’ont pas voulu opérer à temps les retranchements nécessaires, ils en viendront tôt ou tard à reconnaître que la recommandation du Christ: «Arrache ton œil droit et jette-le loin de toi», était infiniment moins irréalisable qu’elle ne leur paraissait au premier abord.

Ils se comptent par milliers, dans nos cliniques et dans nos villes d’eaux, les anciens viveurs, les débauchés d’autrefois, qui, après avoir abusé de leur corps, en sont venus à pratiquer une sobriété qui ferait pâlir Jean Baptiste lui-même.

Pourquoi?

Parce que leur être physique est ruiné, parce qu’il leur refuse tout service. Ce n’est plus qu’une misérable loque que le moindre écart, la moindre imprudence pourrait déchirer.

Aussi quels ménagements, quelle prudence! C’est maintenant qu’on s’arrache l’œil droit, la main droite, mais quel mérite y a-t-il à être sobre, à être chaste quand on ne peut faire autrement?

Ne nous moquons jamais des paroles du Christ.

Celles qui nous paraissent les plus hyperboliques sont parfois celles qui, mises en pratique, procurent à l'âme la plus grande somme de paix et de bonheur.

A. G.

En avant 1904 07 23