Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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À BAS LA ROUTINE!


Nous n’avons pas de pire ennemi que l’habitude, le convenu, la forme. C’est le sable mouvant où l’on s’enlise à mesure que l’on y met le pied, la pente dangereuse qui conduit à l’abîme, pente d’autant plus funeste qu’on ne s’aperçoit pas qu’on s’y engage, tant l’ennemi est rusé et ses pièges subtils.

Le remède?

Fermons l’oreille aux objections du monde, des amis, de nos camarades même, qui voudraient nous rendre esclaves de l’opinion de celui-ci ou de celui-là.

NE DÉPENDONS QUE DE DIEU! Laissons-le briser toute chaîne et nous réaliserons alors l’incomparable beauté d’un salut complet.

En avant 1910 04 16


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LA JOIE DE VIVRE!


«La vie est triste», me disait quelqu'un dernièrement. «Elle est en tous cas sans intéret», ajoute un autre, «et ne vaut pas la peine d'être vécue».

Ce fut pour moi, je l’avoue, un langage énigmatique. La vie triste! sans intérêt! sans raison d’être!

La vie me semble meilleure chaque jour. Je la trouve toujours plus digne d’intérêt, parce que chaque heure qui s’écoule nous met en contact avec de nouvelles misères, avec des larmes à sécher, des cœurs avec lesquels nous pouvons sympathiser, du bien à faire, en un mot.

Le seul regret que j’aie, c’est qu’elle s’écoule si rapidement. On souhaiterait parfois avoir dix vies à sa disposition, pour pouvoir suffire à tous les besoins, répondre à tous les cris d’alarme, calmer toutes les angoisses, solutionner tous les problèmes complexes et délicats qui nous sont présentés chaque jour.

Oui, en dépit de toutes les assertions mensongères des blasés, des sceptiques, de ceux qui ne vivent que pour eux-mêmes, la vie est bonne et elle le sera toujours pour ceux qui voudront s’occuper des autres. C'est là le secret d'une vie heureuse, utile et pleine d’intérêt.


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«Le salaire du péché, c’est la mort».

La Bible nous le dit, et l’expérience journalière est là pour le prouver de jour en jour. Non seule ment la mort, au sens usuel du mot, mais la mort dès ici-bas:

LA MORT DE L’ÂME, alors que le corps est vivant,

LA MORT DE L’ÂME, conséquence toute naturelle du péché, qui la désagrège.

Ces paroles me revenaient avec force, en réponse à un raisonnement absurde que quelqu’un me tenait l’autre jour. Le cours de la conversation nous avait amenés à parler du mal qui s’étale partout et sous bien des formes.

Comme je demandais à mon interlocuteur s’il pouvait penser, sans frémir, à un pareil état de choses, et s’il y avait trop du concours de toutes les bonnes volontés pour essayer d’enrayer le mal, il me répondit avec un cynisme révoltant: «Je crois que le remède, c’est de laisser faire les choses, et que le mal se détruira de lui-même».

À l’appui de son dire, il citait l’exemple de la Rome de la décadence qui avait sombré dans la corruption. Et comme je m’indignais à la pensée qu’un pareil langage pût sortir de la bouche d’un Français, il ajouta: «Puis, elle s’est reconstituée sur de nouvelles bases.»

Or, il n’est besoin d’apprendre à personne que ceci est l’erreur la plus grossière, historiquement parlant et que, si une société nouvelle a pu s’élever sur les débris de la Rome antique, engloutie dans la fange, ce lut, d’une part, grâce à l’appoint des nations barbares qui envahirent l’Empire romain et y apportèrent un élément simple, jeune, vigoureux, et de l’autre, à la sève du christianisme qui s’y implanta.

Je crois, du reste, sans me faire illusion sur la grandeur du mal qui nous entoure, que, fort heureusement, nous n’en sommes pas là. Mais, même si cela était, et si la décadence était imminente, je sens que je ne pourrais pas l’attendre de gaieté de cœur et me croiser les bras. «Libre à vous, Monsieur», ai-je répondu, «d’envisager sans épouvante la possibilité d’un pareil cataclysme. Je vous plains profondément; mais j’aime trop ma France bien-aimée pour m’y résoudre. Je la désire grande et pure, grande par le cœur et les nobles pensées, et la perspective de la voir s’effondrer dans la corruption ne saurait me laisser indifférente.

Même, si j’étais seule à penser ainsi, je sens que je pourrais dire comme Lamartine affirmant sa foi à l’immortalité:

......Seul, malgré mon effroi

Être infaillible et bon, j’espérerais en toi,

Et, certain du retour de l’éternelle aurore,

Sur les mondes détruits, je t’attendrais encore.

Je sens, dis-je, que je pourrais m’écrier: «Je ne me résoudrai pas à voir mon pays sombrer dans la décomposition morale, sans faire un effort pour l’en empêcher».

Certaine de la possibilité d’une vie pure (certitude que je base sur mon expérience), je lutterai jusqu’au bout. Mais, béni soit Dieu, je ne suis pas seule à tenir ce langage.

Tout le peuple salutiste et, à côté de lui, bon nombre de chrétiens, d’hommes de conscience et de devoir, se lèveraient pour protester à leur tour et s’écrier: «Nous ne voulons pas dire: «Après nous le déluge!», mais nous voulons lutter pour le triomphe de la pureté et du bien.»

Si l’on étudie, du reste, l’état d’âme qui se révélait par l’attitude du monsieur en question, ou verra tout de suite que c’est moins l’exposé d’une théorie, qu’une manière de parer les coups et de cacher le malaise d’une conscience blessée qui souffrait de son péché, mais n’osait pas l’avouer. Or, nous existons pour secouer la torpeur de ces indifférents, pour les avertir du danger qui les menace, les tirer de leur léthargie morale. C’est pourquoi, comme je le disais en commençant, la vie est sérieuse pour nous; elle est pleine d’intérêt, parce qu’elle a une raison d’être:


Sympathiser avec ceux qui souffrent,

relever les tombés,

faire luire l'espoir où tout est sombre.


Et c’est aussi pourquoi, bien que notre cœur saigne très souvent en face de la souffrance, nous pouvons dire sans ironie:


La vie est belle!


Elle vaut la peine d'être vécue, «parce qu’on est toujours bien là où l’on se dévoue».

En avant 1910 04 16


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