DESCENDEZ DE LA CROIX!
Par le Général
À force de machinations, de faux témoignages et de cruelles trahisons, les Prêtres, les Pharisiens et les Saducéens incrédules ont réussi à faire crucifier Jésus-Christ.
Non contents de cela, ses meurtriers L’accablent encore d’insultes pendant qu’il est à l’agonie. Ils ne trouvent pas de plus cruelle moquerie que de L'inviter à descendre de la croix sanglante où ils L'ont cloué, chose impossible à leurs yeux.
Et vous, mes camarades, à force de réflexions, de résolutions, de prières et d’agonie, vous êtes parvenus à vous crucifier.
En présence du Ciel, de la terre et de l’Enfer, vous êtes entrés dans la voie de la crucifixion de soi-même. Vous êtes sur les traces de votre Maître, et, jusqu’à un certain point, un avec Lui. Vous avez compris que ce n'est que par la souffrance que vous pouviez Lui aider à réaliser le but de Sa mort, par la souffrance que vous pouviez Le confesser et Lui obéir, avancer Son règne et soutenir Sa cause.
Vous avez non seulement envisagé votre croix et entendu l’appel du Maître qui vous invite à la porter, mais vous l'avez prise et, en présence de tous ceux qui vous connaissent, vous êtes montés sur cette croix avec un courage divin. Maintenant que vous avez accompli ce devoir, presque aussi important selon moi que celui de monter sur un trône, je vous avertis, quoique vous ayez probablement déjà découvert la chose, qu’ON VOUS TRAITERA COMME ON A TRAITÉ VOTRE MAÎTRE!
– Les uns passeront à côté de vous avec une parfaite indifférence pour les souffrances que vous endurez pour eux.
– D’autres branleront la tête et vous traiteront de fous pour toute récompense. Ils se moqueront non seulement de leurs péchés, mais des efforts que Dieu et leur prochain font pour les en délivrer.
– D’autres vous taxeront d’imposteurs qui souffrez volontairement en vue de quelque intérêt terrestre.
– D’autres enfin feindront d’avoir pitié de votre zèle égaré, et vous conseilleront de laisser là des travaux qui vous tuent; en d’autres termes, ils vous diront ce qu’ils ont dit à votre Maître, il y a deux mille ans, vous suppliant de
descendre de la Croix.
1. À quoi bon, vous diront-ils, ces représentations publiques, ces confessions journalières de Christ, ces témoignages devant tous, cet uniforme? Ce ridicule que vous attirez sur vous est-il nécessaire?
Comment pouvez-vous vous glorifier de ce qu’on vous hait et vous méprise?
Il est impossible que cela vous soit agréable.
Qui est-ce qui aime à être méprisé?
Pourquoi ne pas mettre un terme à votre publicité,
en descendant de la Croix?
2. Ou bien, ils vous diront encore:
Pourquoi ces efforts incessants pour avancer le règne de Christ et persuader les gens de croire en Son Nom?
Dieu ne vous demande pas de tenir toutes ces réunions en plein air et dans les salles, en public et en particulier. Pensez à votre santé. N'est-ce pas un don de Dieu?
Pourquoi Le tenter en hâtant votre mort? Ne vous tuez pas. Modérez-vous. Épargnez votre corps!
Descendez de la Croix!
3. Pourquoi cette vie errante et incertaine, cette pauvreté volontaire?
Regardez autour de vous. Ne pourriez-vous pas trouver un métier plus facile et qui vous rapporterait davantage, vous procurerait plus de plaisir et plus d’amis en vous assurant un avenir?
Ne peut-on être religieux sans se crucifier perpétuellement?
N’y a-t-il pas d’autres saints autour de vous qui vivent autrement que vous?
Pourquoi vous créer un chemin si dur? Cherchez un sentier plus uni!
Descendez de la Croix!
4. Du bien l’on vous dira: Pourquoi parler de Renoncement à tout propos?
Renoncement à propos d’un verre de vin, d’une pipe, d’un moment de repos, de livres, d’ornements, de fleurs et de dentelles, d’or, d’argent ou de pourpre, de sociétés et de récréations: c’est faire la porte et le sentier du ciel trop étroits, le mur de séparation d’avec le monde trop haut, plus inaccessible que de raison.
Soyez raisonnables. Ne voyez-vous pas que vous bloquez le chemin par lequel vous voulez que les gens aillent au ciel.
Vous ne persuaderez jamais le monde d’être sauvé de cette manière.
Descendez donc de la Croix!
5. Ou bien encore: Pourquoi porter le dévouement si loin? Personne ne le fait.
Les autres chrétiens ne parlent pas sans cesse de religion. Prier le matin, prier le soir, prier à midi et demie et après chaque repas, tenir des réunions toute la journée du dimanche et tous les jours de la semaine, lutter contre les ennemis intérieurs et contre les ennemis extérieurs, en somme lutter tout le jour et toute l’année! À ce compte-là, il ne vaut vraiment pas la peine de vivre. Vous ne pourrez le supporter.
Bon gré mal gré, votre santé cédera, votre cerveau, votre cœur ou vos poumons en souffriront.
Relâchez-vous ou vous succomberez.
Allez-y plus doucement ou vous vous en ressentirez pour le reste de vos jours.
Sauvez-vous en descendant de la Croix!
6. Ou bien encore: Ne multipliez pas vos devoirs à l’excès. Il faut faire ce que l’on peut, ça va sans dire, mais comme on dit: L’excès partout est un défaut.
Vous êtes sans cesse occupés à vendre l’En Avant, à faire des tournées dans les cafés, à visiter les quartiers, à tenir des réunions d’enfants, à former des œuvres de relèvement pour les hommes, les femmes ou les enfants perdus; par le chaud, le froid ou la pluie, la neige ou la boue, vous ne cessez de travailler au salut du monde qui n’a rien fait pour vous, vous en veut au contraire, et vous rendez tout le monde malheureux, et vous en particulier.
N’est-ce pas une trop grande responsabilité pour des gens comme vous?
Vous n’y tiendrez pas longtemps.
Vous serez victimes de vos excès, et que deviendront votre pauvre femme ou votre pauvre mari et vos petits enfants, votre mère, etc..?
Non, non. Ne continuez pas ainsi; accordez-vous un peu de relâche; modérez-vous.
Descendez de la Croix!
7. Et puis, comme si ce n’était pas assez de vous dépenser vous-mêmes, vous donnez encore votre argent, au lieu de recevoir un salaire, et vous en mériteriez un bon pour tout ce que vous faites; vous contribuez encore par des dons à soutenir et à pousser la guerre.
Vous donnez pour la conversion des Noirs, des Peaux Rouges, des Mongols, des affamés, des ivrognes, des païens ou de quelqu’un qui est en danger ou à l’extrémité. Il n’y a pas de fin à tous ces dons et, comme si les collectes quotidiennes ou les cartouches hebdomadaires ne suffisaient pas, on fait des appels spéciaux pour toutes ces choses. Cela dépasse vos forces.
Ou il faut se donner, ou il faut aller demander à d’autres, ce qui est tout aussi pénible pour ne pas dire pire, et c’est ça d’un bout de l’année à l’autre. Vous n’avez jamais fini.
N’est-ce pas passer toutes les bornes?
Le ciel ne s’achète pas, et s’il se vendait ce serait le payer trop cher: essayez d’une autre religion, voyez si vous n’en trouvez pas de moins coûteuse et de plus facile.
Descendez de la Croix
Quels que soient ceux qui vous crient d’arrêter vos efforts et vos sacrifices pour ce Christ adorable attaché au bois, ou, pour le salut des hommes, des femmes ou des enfants pour lesquels II a souffert cette mort ignominieuse, vous pouvez être assurés qu’ils ne comprennent pas ce qu’ils disent ou ce que vous faites.
Vous ne risquez rien à vous dire positivement qu’ils ne savent pas ce que vous savez et qu’ils n’ont pas vu ce que vous avez vu.
ILS N’ONT JAMAIS ENTENDU L’APPEL DU SAINT-ESPRIT à l’épreuve ou au sacrifice, pour le salut des âmes:
ils n’ont jamais plongé leurs regards dans l’éternité
et vu le jour du jugement
avec ses épouvantables séparations et conséquences.
Et, ne sachant pas ce que vous savez et n’ayant pas vu ce que vous voyez, ils sont absolument incapables de saisir les sublimes résultats de votre travail.
Quand les gens vous somment de renoncer à la Croix avec ses épines, ses clous et ses angoisses, vous pouvez être sûrs que cette sommation prend son origine dans la méchanceté de ceux qui la font, qu’ils haïssent votre vie sainte, ce qui les condamne; qu’ils détestent ce que vous enseignez quant à la gravité du péché et quant au Dieu juste qui doit s’asseoir sur le grand Trône blanc et s’occuper d’eux au jour du jugement, ou quant à l’Enfer qui le suit immédiatement.
Ou vous pouvez absolument vous convaincre qu’au fond ce sont des hypocrites qui vous tiendraient pour un des leurs, si vous acceptiez leurs conseils et agissiez en conséquence. Non! VOTRE SEIGNEUR NE VOUS A POINT ABANDONNÉS à l’heure des ténèbres et de l’angoisse, et sûrement vous ne l’abandonnerez pas quand les souffrances que vous endurez pour Lui seront les plus intenses, les épreuves les plus lourdes, et lorsque vous vous sentirez comme abandonnés par la terre et par le ciel, voire même par Dieu! Non, mes camarades, tenez bon! c'est l’heure de la foi.
Tenez-vous fermes à la Croix!
NE DESCENDEZ POINT DE LA CROIX!
En avant 1910 03 26
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