EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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FRATERNITÉ

Soir d’hiver pluvieux et morne.

Morne surtout pour le pauvre angoissé qui ne sait où dormir et qui, la main tendue, quête en vain une aumône! Aumône encore plus rare pour son Cœur fatigué que pour les besoins de son misérable corps.

Que dire de cette angoisse humaine quand elle enveloppe avec le souci du pain quotidien indispensable à chaque créature, le souci cruel de la maternité aux abois?

Et quelle n’est pas la malédiction qui pèse sur un monde où l’enfant et la mère peuvent souffrir de tous les besoins sans que vers eux se tendent le geste paternel qui délivre et soutient?

Rencontré ce soir une de ces mères en détresse en sortant d’une salle de l’Armée du Salut où l’on avait, au nom de Christ, commenté ces mots du Maître:

«Ce que vous ferez à l’un de ces petits enfants, c’est à Moi que vous le ferez».

Grelottant auprès d’elle, trois de ses enfants, la tenant par sa jupe effilochée, les yeux étonnés, anxieux, grands ouverts sur l’éclat des lustres et de l’argenterie, et des plateaux brillants qui resplendissaient devant les cafés riches où leur mère offrait aux habitués les fleurs qu’aucun ne regardait. Ces fleurs étaient des roses. Des roses aux teintes vives, vives comme les lèvres roses et les joues satinées des enfants heureux. Et sur les haillons sordides de la femme et auprès de ces haillons, l’éclat des roses, la pâleur des malheureux enfants et le lointain regard qui tombait des nues sur ces choses, mon regard à moi, pensif et douloureux, s’était aussi arrêté...

Il me semblait voir se rouvrir, devant la cruelle indifférence de ces riches qui continuaient à choquer leur verre en promenant sur ce tableau de la misère humaine leurs yeux froids et railleurs, oui, il me semblait voir se rouvrir les plaies du Christ qui donna Sa vie par amour pour le monde.

Ah! sainte fraternité! ce n’est pas sur les murailles des édifices que nous devons écrire ton nom! mais au fond de nos entrailles où tu l’as fait naître en commençant par en donner l’exemple, ô Toi, Jésus! vrai guide et Sauveur du monde. Gloire à ton nom!

En avant 1910 02 26