APRÈS L’ALARME
Paris respire! Paris respire! disait un quotidien aujourd’hui (30 janvier).
Paris respire, car la Seine baisse, la Seine a baissé!
Le
fléau
s’arrête et l’on peut enfin respirer! Et l’on
s’arrachait les feuilles porteuses de bonnes nouvelles, comme la
veille on s’en arrachait d’autres, de celles qui annonçaient la
crue toujours montante d’un fleuve paisible jusque-là entre tous
les fleuves, et devenu soudain la nappe d’eau terrifiante qui
envahit tout, menace, épouvante et ruine les choses et les
hommes
qui se trouvent par malheur sur son passage. «Paris respire!
Paris
est sauvé!»
Sans le gîte
Et de parcourir ces lignes annonciatrices de la bonne nouvelle, les fronts se déridaient, les gens se félicitaient les uns les autres, comme s’ils venaient d’échapper chacun à un danger personnel, immédiat.
Et, en effet, le danger avait été général et pressant, et par là même, tous s’étaient sentis solidairement unis dans ce danger même d’autant plus épouvantable qu’il était moins attendu, d’autant plus effrayant que l’on y était moins préparé.
Tous s’étaient sentis solidaires, tous aussi s’étaient portés avec une spontanéité touchante au secours de ceux que le Fléau avait touchés! Et c’est là où je veux m’arrêter, pressée de le faire par Dieu même, dont si souvent la Voix crie en nous:
«PARLE ET CONFESSE-MOI!»
Oui, c’est là où je veux m’arrêter un moment. Tous s’étaient sentis solidaires dans cette calamité et tous s’étaient portés au secours les uns des autres!
Ah! il est une autre calamité qui passe sur le monde, depuis des siècles, et qui tend chaque jour davantage à préparer sa ruine définitive, et cette calamité c’est le mal, fléau envahisseur et mortel, dont les miasmes empoisonnés répandent, en passant à travers les hommes, plus de décomposition que n’en prépare à l’heure présente le fleuve en courroux qui vient, selon la forte expression d’une plume autorisée, de faire aux hommes sa leçon!
Solidaires dans le mal!
Oh! la terrible responsabilité qu’encourent ceux qui n’hésitent pas à se charger de l’âme d’autrui pour y souffler l’incrédulité, pour en détruire l’harmonieux équilibre et pour semer le doute et le blasphème là où Dieu même, de Ses mains, avait façonné un cœur préparé à Le saisir et à Le reconnaître comme l’Auteur de toutes choses!
Pour une telle œuvre, combien sont solidaires!
Combien s’assemblent pour l’accomplir!
– Ici c’est la rue, aux spectacles démoralisants dont l’être humain, encore neuf et faible, sent monter le mal jusqu’à lui et le solliciter!
– Là, c’est à l’atelier où il étale son impudeur; où il presse le jeune homme, la jeune fille, d’entrer dans la voie large qu’il trace et qu’avec orgueil il montre derrière lui, encombrée de la foule dont il est suivi!
– Ailleurs, c’est dans les livres captivants qu’il s’infiltre et tend, ainsi que la Seine perfidement destructrice hier, à envahir tout ce qui se trouve sur son chemin!
Auteurs immoraux, qui vous êtes basés sur la connaissance du cœur humain pour donner en pâture des œuvres malsaines,
Artistes de talent qui n’avez pas hésité à produire, afin de mieux l’empoisonner, des images dont l’obscénité est une honte pour une nation polie;
Inspirateurs de toutes sortes qui poussez au vice, à la dégradation, à la bestialité ce qui était fait pour la vertu, la noblesse et la liberté!
Oh! comme vous vous sentiriez solidaires les uns des autres dans l’œuvre de mort que vous préparez, s’il vous était permis d’envisager les conséquences de cette œuvre avec des yeux aussi convaincus de leurs réalités spirituelles, comme vous avez pu, de vos yeux de chair, contempler les dégâts incalculables causés autour de vous par les eaux dévastatrices de la Seine!...
Comme vous vous sentiriez solidaires et tenus de réparer aussitôt, sans attendre, le mal que vous auriez fait à l’édifice élevé par Dieu, c’est-à-dire à l’âme humaine, son chef-d’œuvre, et la fin pour laquelle il avait préparé la création tout entière!
Seigneur, préservez-moi, préservez ceux que j’aime.
Mes frères, mes amis, mes ennemis même
Dans le mal triomphant!
De jamais voir, Seigneur, l’été sans fleurs nouvelles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants!
Tel fut le vœu du poète, ô Dieu!
Mais il en est un autre que nous voulons faire et faire en Ta présence à Toi! qui sais notre amour infini pour l’enfant!
C’est qu’il vaut mieux que la maison des hommes demeure sans enfants, plutôt que de les voir servir à augmenter plus tard l’armée du vice et du crime, du malheur et des blasphémateurs!
Qu’il soit permis, devant le désastre national qui vient de suspendre le cours habituel des affaires humaines, de nous rappeler les uns les autres à cette solidarité des principes moraux qui font la base la plus solide des nations.
L’exemple de chacun de nous a sa répercussion profonde sur les autres.
L’ENFANT SE MODÈLE SUR L'HOMME FAIT!
Malheur à qui la majesté de l’âme humaine n’en impose pas, et qui se moque des lois immuables que le Dieu de l'Univers y a tracées de toute éternité!
De même que chacun s’est porté avec une généreuse ardeur a soulager, à diminuer le mal qui s’est abattu, par la colère des éléments destructeurs, sur un si grand nombre de nos concitoyens, de même aussi, unissons-nous, rapprochons-nous d’un commun élan, pour faire face à la montée menaçante du mal sous quelque forme qu’il soit.
Unissons-nous pour dégager du sépulcre où l’ont enfermé LES MAUVAIS CHRÉTIENS, LES CHRÉTIENS DE NOM ET DE BOUCHE, l’adorable Crucifié qui sentit si fort en son âme immense palpiter le cœur souffrant de l’humanité, qu’il voulut, ainsi qu’une mère sublime donnerait avec joie sa vie pour sauver son enfant, qu’il voulut, Lui, donner la sienne pour nous affranchir tous de l’égoïsme qui prépare en effet la ruine de l’humanité.
Tous, comme un seul homme travaillons à l’avancement de son règne qui est sur la terre l’avènement aussi de la vraie fraternité!
Paris respire! Paris est sauvé!
Oh! que cela soit en réalité. Que la plus belle ville du monde tire de la cruelle alarme qui vient de l’oppresser la leçon de sagesse et de virilité qu’elle pouvait si bien en tirer!
Qu’au lieu de songer seulement au mal extérieur dont elle vient de subir les atteintes, elle puisse contempler ce qui serait, ô mon Dieu! si à la lumière de la foi en Christ, elle considérait ce que deviendrait le monde si, la Capitale du monde civilisé, consacrait au bien, à la Vérité, à l’avancement du règne de Christ enfin, ce qu’elle renferme dans ses murs de clarté vives, de sciences éclatantes, de célébrités vers lesquelles tout ce qu’il y a d’intelligences dans le monde est tourné! ...
Cela pourrait être! Car RIEN N’EST IMPOSSIBLE À L’ÉTERNEL, cela serait demain si l’esprit de Christ en effet ressuscité, soufflait en chacun de nous et nous montrait chaque chose à la lueur qui les éclairera quand cet autre fleuve que la mort roule derrière elle depuis le commencement des choses, passera au seuil de notre maison et cette fois, sans recours possible, NOUS EMPORTERA À JAMAIS AUX RIVES DE L’ÉTERNITÉ!
Ah! dis-le nous dès maintenant, ô Paris! dis-le nous que feront, là, tous ceux qui se seront perdus dans ton sein?
Que feront-ils de tes pierres précieuses, de tes diaments que tant de créatures achètent au prix de leur âme!
De tes merveilleuses richesses à côté desquelles tu laisses périr de misère et de froid des petits enfants et des vieillards!
Confesse, par un vrai retour à l’Évangile du vrai Sauveur du monde, du Christ ressuscité en effet d’entre les morts;
oui, confesse que tu as compris l’enseignement mystérieux contenu dans la «Leçon des Eaux» et que, te sentant avec le monde entier une réelle et indéniable solidarité, tu veux par amour pour Christ, travailler enfin à l’émancipation du monde en pratiquant toi-même, ô merveille! les principes qui furent les siens.
La Seine baisse! Paris respire!
G. Membrard.
Qui retrouva Christ dans l'Armée du Salut.
En avant 1910 02 12
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