Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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PUBLIC, ON TE VOLE!


Aujourd’hui, je passais boulevard Sébastopol, quand mes yeux furent attirés par un attroupement; je m’approchais, car à Paris peut-on savoir! Il se passe de si drôles de choses et je me disais; qu’est-ce qu’il peut bien y avoir là? Eh bien! il n’y avait rien, ou plutôt si, collée contre une petite baraque, il y avait une grande affiche verte avec ces mots imprimés en gros caractères épais et noirs:


Public on te vole!


Oh me disais-je en m’éloignant, la belle affaire ce n’est pas nouveau! Combien en a-t-on déjà collé sur les murs de Paris et d’ailleurs de ces sortes d’affiches: peuple on te trompe, peuple on t'oppresse, peuple on se moque de toi et tutti quanti....

Depuis le temps qu’on lui dit la même chose, il commence à n’y plus faire attention ce cher peuple. J’ai pu m’en apercevoir par les hochements de tête, les sourires, les réflexions que j’apercevais et entendais autour de moi. Nous aussi nous crions au peuple qu’on le vole, qu’on le trompe, qu’on l’endort, qu’on lui ment et nous avons presque autant de succès que les fabricants d’affiches rouges et vertes.

Le peuple serait-il devenu subitement incrédule?

Que non!

Au contraire, c’est justement parce qu’il est trop crédule que certains semblent éprouver le besoin de le réveiller en lui criant: Peuple, tu es trop bête, tu paies ton café 2.40 la livre (en 1910), quand il ne vaut que quarante sous, ton pétrole 0.60, c’est le même que celui de 0.50, etc., etc. — c’était le texte de l’affiche verte — Oui est le voleur, le trompeur, le menteur là-dedans? Mais je crois que c’est le peuple lui-même.


La grande idée dominante d’aujourd’hui, c’est faire de l’argent pour pouvoir jouir, s’amuser, mener la vie à grandes guides, étaler son orgueil, promener sa superbe personne par monts et par vaux, et pour arriver à ce but, tout est bon:


L’HOMME N’EST PLUS GUIDÉ

QUE PAR L’ESPRIT D'EN BAS, L’ESPRIT DE TÉNÈBRES...


... c’est pourquoi il aime tout ce qui se fait dans la nuit, en cachette, qu’il n’oserait pas avouer au grand jour.

Il vole, il ment, il trompe son prochain.

Sa conscience reste muette, son cœur est sec.

De cet état de choses, il n’y a pas de quoi s’étonner car ce n’est que la conséquence de ceci c’est que — L'HOMME A PERDU SON DIEU — il a perdu son centre de gravité, il fait tout le contraire de ce qu’il devrait faire et cependant il aime le bien chez les autres, une belle action lui fait plaisir, un acte de probité le réjouit, il approuve l’honnêteté, la véracité, la droiture.

Pourquoi?

Parce que dans ces profondes ténèbres de temps en temps une légère lueur s’aperçoit, l’homme a comme un vague souvenir qu’il est — selon le mot du poète. Un dieu tombé qui se souvient des cieux.

Sur sa façade, il affiche une sorte de morale sans Dieu, qui n’ajoute qu’un tourment de plus à sa vie, car:

Une morale sans Dieu est hésitante, sans énergie, livrée à toutes les erreurs, c’est un navire désemparé sans boussole et sans pilote, voguant au gré des idées et des opinions.

Quand la communion cesse avec le Père, la mésintelligence fraternelle suit de près?


PAS DE FOYER SANS CHEF,

PAS DE SOLIDARITÉ HUMAINE SANS DIEU!


Peuple on te vole, non pas seulement ton argent, mais ta foi.

Peuple on te ment quand on te dit qu’il n’y a pas de Dieu.

Peuple on te trompe, lorsque l’on t’affirme qu’après la mort, c’est le néant.

Peuple, réveille-toi, secoue ta torpeur, ton indifférence, réfléchis un peu, n’accepte pas tout ce que l’on te dit sans le passer au crible de la réflexion.

Souviens-toi de ton Créateur, reviens à ton Dieu.

Tu voudrais faire le bien, tu voudrais être bon, sache que tu peux le devenir, appelle ton Dieu à ton secours, aie foi en Lui, en Sa Puissance pour sauver, régénérer, transformer le cœur; obéis à ta conscience, c’est elle qu’il faut développer et prendre pour maîtresse de toutes tes actions, c’est elle qui te montrera la voie que tu dois suivre et qui te fera goûter le bonheur qu’il y a dans le sentiment du devoir accompli. Débarrasse-toi de tous ces reptiles que tu réchauffes dans ton sein.

Ne vole plus, ne mens plus, ne trompe plus et tu seras heureux!

Victor Seydel.

En avant 1910 02 05


 

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