Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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JOURNAL D'UN COLPORTEUR

IMPRESSIONS PERSONNELLES EN COURS DE ROUTE


Voyager à la ville et à la campagne, faire quartier par quartier, guerroyer de maison en maison, aller chez tout le monde, catholiques, protestants, incrédules, être reçu tantôt avec une vive joie par nos braves camarades salutistes ou nos chauds amis chrétiens; tantôt avec indifférence par certains mondains; tantôt avec dédain, même avec colère par quelques cas exceptionnels; tantôt vendre et prier dans chaque maison; tantôt visiter 10, 20, 30 maisons sans y placer pour 1 centime de librairie, voilà un peu mon genre de vie, semaine après semaine.

Ce genre de combats rempli d’imprévus me plaît au suprême degré, car être accueilli avec une vive joie, cela me fait tant de bien; de même être reçu avec indifférence, cela me stimule pour continuer chez d’autres, car après la pluie vient le beau temps: et quand je suis reçu avec dédain, cela me fait l’effet d’un coup de fouet, je n’en trotte que plus fort.

Merci au Colonel et au Brigadier de m’avoir lancé sur la grande route, je m’y trouve fort à mon aise. Quand je rentre à Valence pour m’approvisionner de livres, je suis toujours reçu avec joie par ces 2 bons frères que sont le Capitaine Thénet et le Lieutenant Debock; le Capitaine Thénet est un petit Mirabeau d’orateur et le Lieutenant est l’ami de Mlle La Musique.

Je revois à Valence avec plaisir des anciennes camarades de St-Agrève, la famille Roux, installée rue des Alpes: j’y retrouve les camarades Colomb-Frand de Die et La Val d’Aix, nous causons avec plaisir des anciens combats; les combats salutistes sont uniques dans leur genre et rafraîchir sa mémoire par le souvenir du passé cela vous fait l’effet d’une bonne tasse de thé, cela vous stimule.

À Valence même, une dame me ferme la porte au nez, j’ignore sa religion ou sa non-religion; parler à la porte, je ne pouvais, car elle n’avait pas d’oreilles, alors: en Avant plus loin!

À la Beaume, chez les Amis Bérenger, je suis reçu comme si j’étais de la famille. Que c’est beau cette fraternité salutiste; j’y retrouve (à la Beaume) le sympathique Camarade Chaponand peu bien dans sa santé, mais bien sauvé, ainsi crue Mme Chaponand et sa maman; mais que je n’oublie pas de dire que notre hospitalière amie, Mme Béranger est aussi peu bien corporellement, mais elle est rayonnante de joie et toute alléluia. Mlle Rachel, la cuisinière de 1re classe et M. Béranger la soignent de leur mieux.

Dans ce plateau de la Beaume, je suis très bien reçu dans presque toutes les maisons. Le lendemain, je vais dans un autre endroit: Que l’accueil est là différent!

La plupart me semblent avoir revêtu le costume de l’indifférence.

Vers le soir, j’arrive aux Arnoux. Là, c’est un hameau d'amis au cœur chaud, c’est du gâteau après le pain noir.

En allant vers Étoile, je m’arrête: chez les Amis Fayard-Pie. Mme Fayard a vieilli, je lui en fais la remarque, mais elle me relance la pomme, car il paraît que moi aussi j’ai vieilli: qu’ils sont braves tous les deux pour leurs Camarades Officiers.

À Etoile, je vais voir mes cousins Héritier et je loge chez eux; comme il est tailleur, le soir, je l’aide un peu pour la couture. On dit que les tailleurs sont maigres, mais maître Héritier veut faire mentir le dicton, car il pèse 90 kilos et est en route pour les 100; c’est un tailleur peu ordinaire, avec cela il saute sur son établi comme un cabri, que serait-ce s’il ne pesait que 70.

Je colporte dans Etoile et les environs, le pasteur me reçoit comme si j’étais un de ses collègues. À la campagne, en dehors d’Étoile, j’entre dans une maison où l’on est surpris de ma visite et la demoiselle de la famille qui doit avoir environ 20 ans, me dit ne jamais avoir vu passer chez elle de colporteurs; dans cette maison, j’y vends, car on aime lire: c’est peut-être la lecture qui a orné l’esprit de cette jeune fille, car elle paraît une fine causeuse.


Maintenant que c’est l’hiver, que nos Camarades et Amis de la Drôme et de l’Ardèche se préparent à me faire une bonne emplette lors de mon passage chez eux, car eux aussi, s’ils veulent s’orner l’esprit, ils doivent lire: qu’ils se souviennent que le Brigadier Jeanmonod dévore les livres, aussi on se rappelle de ses agréables causeries sur les abeilles, les oiseaux ou tels autres sujets dans les Postes de France.

En allant chez des amis, je m’adresse à un homme qui ramasse du bois et comme il me prend pour un gendarme, ou un garde-forestier, il a peur et me dit de suite: je suis pauvre, Monsieur, je suis pauvre, mais je ne fais tort à personne et j’ai la permission de ramasser du bois.

Cette rencontre me rappelle une autre histoire:

Un jour je passais près d’une maison où l’on n’était pas habitué aux salutistes, 3 enfants se mirent à courir et l’un crie «Maman, un gendarme qui nous vient après!» Pauvres enfants, ils en avaient été quittes pour une frayeur ainsi que le Monsieur dont j’ai parlé.

Dans le village du fond du Pouzin, je visite tout le monde pour ne vendre que dans deux maisons, dans l’une de ces deux maisons, j’ai rencontré de vieux chrétiens oui me parlent du début de l’œuvre de l’Armée au Pont de Boyon près les Ollières: Ils se rappellent de l’audace du Lieutenant Jeanmonod et des mouchoirs qui flottaient, quand des salutistes se recontraient et de ces bonjours si nouveaux, tels que: «Alléluia! Camarade! ».

À Quintel, près St-Julien, je retrouve avec beaucoup de joie les si hospitaliers Camarades J. Rissoan, le papa Rissoam est toujours bien sauvé, mais il est devenu très sourd et je parle très fort pour me faire entendre, nous avons ensemble un joli petit moment de bonne causette.

La maman Rissoan, toujours bien salutiste est peu bien dans sa santé, mais le Seigneur la garde dans un repos parfait.

Les enfants Henry et Lydie sont restés de charmants Camarades. Mme Lydie était très gaie quand j'étais au Poste de Privas, elle a conservé un peu ce genre d’esprit.

J’ai revu avec beaucoup de plaisir à Valence Mlle Eugénie Rissuun qui est garde-malade à Crest, elle a une sainte et noble mission.....

À Loriol, j’ai revu la fidèle Sergente Laurent, elle m’a indiqué des familles à visiter pour la vente, du nombre le Pasteur qui me reçoit et m’achète comme un fidèle Ami.

À Revive, je retrouve les deux Camarades Vey, restées décidées à travers les difficultés.

Au Vignal, Mme Bravais est toujours bien ancrée au Rocher des Siècles; j’ai eu un assez long entretien avec M. Rravais, ce cher Ami devrait se donner à Dieu. Je fais de la réclame pour une réunion et le soir, nous avons un gentil auditoire chez les Amis Bruyère qui ont conservé des cœurs chauds pour l’œuvre salutiste: ils me rappellent avec plaisir leur père qui s’était converti quand j’étais au Poste de Privas et qui est mort bien sauvé.


Aujourd’hui lundi, j’ai été faire une tournée à Saint-Cierge, pays de la capitaine d’E. M. Chapouami: j’ai commencé par M. le Curé qui m’a très bien reçu chez lui, nous avons eu un moment d’entretien, après quoi, je lui ai demandé si nous pouvions prier ensemble, mais il a décliné mon offre, nous nous sommes serrés la main, il m’a conduit jusqu’à la porte, et après une noble courbette de sa part, nous nous sommes séparés: ensuite j’ai été voir le Pasteur qui a été charmant et contre mes habitudes, chez ces Amis, j’ai pris deux tasses de thé (je dis contre mes habitudes, car depuis quelque temps je ne suis plus en très bons rapports avec ces deux Messieurs, le Thé et le Café).

Après cette visite à M. le Pasteur j’ai fait ma tournée dans tout St-Cierge et les environs, en commençant par un café où j'ai vendu. Je comptais trouver à St-Cierge plus d'opposition ou d’indifférence que je n’en ai rencontré et j’ai vendu peu ou prou dans plusieurs maisons.

Dans une maison, j’offre la «Clé du bonheur». «Ah! me dit un Monsieur, si vous me la donniez la clef du bonheur, cela ferait bien mon affaire!» et cela me donne l’occasion de lui parler de la vraie clef du bonheur: le Christ qui transforme les cœurs et donne la vraie joie.

Dans un endroit, il me faut assister à un combat à âne avant de pouvoir entrer en matière. Quand monsieur l’Âne fut fait prisonnier, je pus m’introduire dans la maison, j’y fis la vente et je poursuivis ma route.

Une autre fois je continuerai mes impressions si la rédaction me le permet (*). S. Blanc.

*Avec beaucoup de joie. (N. d. l. R.)

En avant 1910 01 29


 

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