L’ATHÈNES DU 1er SIÈCLE ET LE PARIS DU 20e…
CE QUI ARRIVERAIT SI L’ON RÉPÉTAIT, SUR LA PLACE DE L’OPÉRA,
LE DISCOURS DE PAUL À L’ARÉOPAGE.
Les récits de voyage sont toujours intéressants, mais ils prennent un intérêt plus grand pour le penseur dès qu’aux détails purement descriptifs viennent s’ajouter des traits de mœurs des habitants, reflets de leur pensée, de leur caractère, de tout ce qui constitue leur personnalité morale et les fait ainsi vivre et agir sous nos yeux.
Je pensais à cela en lisant dans le livre des Actes des apôtres le merveilleux récit du voyage de Paul à Athènes et des incidents qui s’y produisirent.
Athènes! La Ville lumière d’alors, la cité de l’art dont nous admirons encore les chefs d’œuvres en notre vingtième siècle en nos musées nationaux et dont la pureté de lignes n’a pu encore être égalée. La cité de l’art oratoire aussi et où les places publiques était le rendez-vous aimé de ces Athéniens, grands discoureurs, passionnés pour les discussions philosophiques.
Quoi d’étonnant dès lors qu’ayant entendu l’apôtre Paul s’entretenir sur la place publique avec ceux qu’il rencontrait, et ayant été frappé des «idées nouvelles» qu’il émettait, ils l’aient pris avec eux pour le conduire à l’Aréopage. Soit dit en passant, je trouve les Athéniens du 1er siècle plus intelligents sous ce rapport que les Parisiens du XXe siècle — et ce je que dis des Parisiens je pourrais le dire de bien d’antres grands centres.
Ah!
si
seulement ceux qui sourient en nous voyant passer — sans même
savoir ce que nous sommes et ce que nous voulons — voulaient
quelquefois imiter les Athéniens, contemporains de Paul, et nous
amener à quelque aréopage — ou simplement nous interroger sur
place et nous poser à nous aussi la question: «Pourrions-nous
savoir
quelle doctrine vous enseignez car vous nous faites entendre
des choses étranges?»
Ah! comme nous nous empresserions de leur répondre et ils seraient comme tous ceux qui se sont donnés la peine d’en faire autant — comme moi-même lorsque je l’ai fait — ravis de l’explication et ce serait toujours autant de gens qui auraient un préjugé de moins dans le cerveau, ce qui n’est jamais à dédaigner.
Mais voyons la réponse de Paul et examinons si elle ne pourrait pas rendre des services à nos contemporains.
Il vaut la peine de la citer tout entière:
«Hommes Athéniens, je vous trouve à tous égards extrêmement religieux car, en parcourant votre ville et en considérant les objets de votre dévotion, j’ai même découvert un autel avec cette inscription: Au Dieu inconnu! Ce que vous révérez sans le connaître, c’est ce que je vous annonce.
Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s’y trouve, étant le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite point dans des temples faits de mains d’hommes, il n’est point servi pas des mains humaines, lui qui donne à tous la vie, la respiration et toutes choses. Il a voulu que tous les hommes, sortis d’un seul sang, habitassent sur toute la surface de la terre: il a voulu qu’ils cherchassent le Seigneur et qu’ils s’efforçassent de le trouver en tâtonnant, bien qu’il ne soit pas loin de chacun de nous, car en lui nous avons la vie, le mouvement et l’être.
C’est ce qu’ont dit aussi quelques-uns de vos poètes: De lui nous sommes la race! Ainsi donc, étant la race de Dieu, nous ne devons pas croire que la divinité soit semblable à de l’or, à de l’argent ou à de la pierre, sculptés par l’art et l’industrie de l’homme.
Dieu, sans tenir compte des temps d’ignorance, annonce maintenant à tous les hommes, en tous lieux, qu'ils aient à se repentir parce qu’il a fixé un jour où il jugera le monde selon la justice par l’homme qu’il a désigné, ce dont il a donné à tous une preuve certaine en le ressuscitant des morts».
Qu’est-ce que vous pensez de ce discours?
Ne pourrait-on pas le lire aujourd’hui même, en pleine place de l’Opéra en substituant seulement le mot Parisiens au mot Athéniens et ne serait-ii pas d’application trop facile? Mais quel intérêt il susciterait!
«Quoi! diraient certains, ce sont là les idées de l’Armée du Salut! Nous nous en serions pas douté, mais nous sommes d’accord sur bien des points.»
«Pour ma part, ajouterait un autre, je ne sais pas s’il y a un Dieu. J’en doute même. Je m’efforce de vivre selon ma conscience, je crois à la Vérité, à la Justice, à la Bonté, mais... Dieu?... L’existence d’un Dieu est pour moi très problématique!
«Pourtant, si j’arrivais jamais à croire, c’est à cette conception du culte à rendre à Dieu que je me rattacherais.
«C’est égal, je trouve pourtant que c’est aller un peu loin que de prétendre que nous sommes des gens religieux! Qui aurait jamais cru cela?... et quant à l’autel au dieu inconnu... je ne l’ai jamais rencontré!
— Moi, je l’ai rencontré, dirais-je alors.
— Et où donc?
— Mais chez vous!
— Comment chez moi?
— Oui, c’est vous-même qui l’avez élevé — et beaucoup d’autres en ont fait autant, du reste.
— «Expliquez-moi cela!
— «C’est très simple. Vous tous qui, comme ce monsieur, recherchez la Pureté, la Bonté, la Justice, la Vérité, qui aspirez aux choses élevées, et qui vous désolez de ne pas les atteindre. Vous avez dressé un autel au dieu inconnu!
Une voix dans la foule: C’est vrai pourtant puisqu’on dit que ce sont les attributs de Dieu!
— «Ce que vous révérez sans le connaître, c’est ce que je vous annonce: le Dieu qui a fait le ciel et la terre et qui n’habite point des temples faits de mains d’hommes.»
«Le temple qu’il désire c’est votre cœur où II veut régner sur le trône de vos affections, de vos pensées, de vos sentiments.
Ne vous privez donc pas plus longtemps de la Source même capable de produire cette Vie en vous, de la Force qui peut transformer vos bons désirs, vos aspirations inassouvies en glorieuses réalités!
Mettez-vous donc en relations intimes et immédiates avec Elle et vous constaterez par vous-mêmes la différence entre l’expérience que vous faites aujourd’hui et celle que vous ferez alors.
Ne vous méprenez pas sur ma pensée. Je ne vous convie pas à des formes ou cérémonies, c’est presque inutile après ce que viens de vous lire et l’Armée du Salut qu’on a définie: «la réaction du fond contre la forme» serait mal venue pour le faire.
Nous convenons du reste que vous qui, tout en niant Dieu, recherchez honnêtement la Vérité, la Justice, la Bonté et aspirez à les vivre, nous convenons dis-je que vous êtes plus près de Dieu que vous rejetez sans le connaître — QUE VOUS REJETEZ PARCE CELUI QU’ON VOUS A PRÉSENTÉ N’EN ÉTAIT QUE LA GROSSIÈRE CARICATURE — nous convenons, je le répète, que vous êtes plus près de ce Dieu inconnu de vous — que tous les formalistes, qui n’ont de la religion qu’une écorce mais sous laquelle ne coule plus aucune sève. Vous n’avez pas l’écorce, mais vous aspirez à la Vie. Je ne vous dis pas: mettez un peu d’écorce — lisez formes et cérémonies — par dessus votre désir de vie — je dis au contraire; saisissez la Vie dans toute sa plénitude.
Demandez-la à Celui qui en est l’Auteur et la donne à tous libéralement et sans aucun prix.
Mettez-vous en relations directes avec Lui, sans intermédiaire, parlez-Lui de vos besoins, racontez-lui vos luttes, vos désirs, vos tentatives infructueuses pour saisir ces vérités que vous sentez de toute première nécessité pour votre vie intime, et II vous les donnera avec abondance comme Il nous les a données.
Il vous donnera la victoire, là où jusqu’ici, vous avez enregistré la défaite quelque effort que vous ayez fait pour résister. Vous avez cherché la force en vous, et n’avez pas réussi parce que la Force n'est pas en vous, elle est en Dieu. Vous êtes de la race de Dieu, mais la communication entre Lui et vous a été brisée. Il faut la rétablir et la rétablir au plus tôt.
Confessez-Lui votre impuissance à faire le bien; c’est le commencement obligé de la vie de communion avec Dieu et:
Quand votre orgueil naturel aura consenti à cet aveu d’impuissance,
Dieu fera le reste.
Une seule condition est demandée: un cœur droit et humble, qui se repent du mal, est décidé à l’abandonner et à laisser à Dieu toute la place, afin qu’il puisse agir en vous, comme II l’entendra, y faire Son œuvre, y demeurer constamment.
Êtes-vous prêts à remplir cette unique condition?
Là est toute la question.
Jeunes, vieux, savants, ignorants, riches ou pauvres, tous ont également et librement accès auprès de Lui. Essayez dès aujourd'hui cette nouvelle manière de vivre et vous expérimenterez désormais que vous n'aspirez plus seulement à la Bonté, à la Vérité, à la Justice, mais que par la force du Dieu qui, autrefois vous était inconnu, vous les possédez en vous comme des réalités tangibles parce que votre «nature» aura été changée par ce Dieu devenu dès lors votre ami!
Nous dirons une autre fois ce que nous aurions répondu aux autres catégories de gens réunis sur la place de l’Opéra écoutant le discours de Paul.
* * *
Puisse Dieu aider ceux qui ont lu ces lignes et qui sont des gens «respectables», aspirant à la vérité, à la justice, à la pureté, à se demander si le déficit qu’ils constatent avec tant de douleur dans; leur vie morale, ne vient pas justement de ce qu’ils ont rejeté de leurs plan, le seul élément qui pouvait leur assurer le succès et leur donner de réaliser leur idéal:
DIEU!
En avant 1910 01 22
Table des matières |