Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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DES JOYAUX QUI SE PERDENT


Il est des douleurs si grandes, si intenses, qu’elles laissent à jamais une trace dans le cœur et sur le visage de ceux qui ont été atteints par elles. Mais, paraisse la Croix de Christ dans ces vies et chaque empreinte douloureuse se transforme en un joyau de prix dont l’éclat se répand dans les vies d’alentour, instruments dont Dieu se sert pour embellir des vies et des milieux qui n’eussent peut-être jamais connu autrement la pureté, la beauté et l’amour.

Mais les âmes ainsi formées et qui se donnent pour un ministère de miséricorde, ne sont pas nombreuses et de toute part s’élève le cri: «QUI VIENDRA À NOTRE SECOURS?»


Hélas, hélas, les ouvriers de la vigne du Seigneur ne sont qu’en petit nombre!

Ces pensées venaient à mon esprit alors que joyeusement, je me dirigeais vers une de nos salles dans un des pauvres quartiers de la ville. Tout le long du chemin, je m’étais réjouie d’assister à la petite fête organisée pour les enfants de la Villette. Mais ma joie tomba lorsqu’arrivée aux portes de la salle, je vis le petit troupeau de la misère se presser pour entrer tenant chacun sa tasse — ou les moins favorisés qui n’en avaient même pas — sa casserole pour boire le bon chocolat préparé par les Officières.

Oui, tandis que mes yeux parcouraient les bancs où s’entassaient littéralement environ 200 enfants, ma joie fit bientôt place à une intense tristesse.

Un bambin qui avait peut-être bien 6 ans se tenait là, les yeux tristes révélant un monde de souffrances qu’on ne s’attendrait pas à rencontrer dans une vie aussi jeune. Ses vêtements étaient déchirés, ses cheveux en désordre et ses petites mains vides, car hélas, à la maison on n’avait pas de tasse à lui donner! Il était venu quand même, espérant bien qu’on le tirerait d’embarras...

Un garçon assis à ses côtés, lui prêta son bol et bientôt le petit dégustait la chaude boisson comme une gâterie peu habituelle.

J’examinais longuement le garçon qui avait prêté la tasse. Lui aussi portait les traces que laissent les privations et l’âpre morsure du froid et de la faim. Il était l’aîné de 7 à la maison, la mère malade, deux tout petits pouvant marcher à peine et toute la gamme de deux en deux ans de distance.

Quand avec le chocolat on distribua les petits pains dorés et appétissants, le garçon glissa furtivement le sien dans sa poche, mais son geste n’avait pas été inaperçu et lorsqu’on le questionna, il répondit honteusement qu’il l’avait mis de côté pour sa mère malade. Une autre à ses côtés avait fait de même pour sa petite sœur malade!

Inutile de dire qu’on doubla leur ration pour qu’eux aussi pussent avoir leur part de régal.


Je pensais en avoir vu assez... quand mes regards tombèrent sur une petite forme presque inerte qu’une de nos amies tenait dans ses bras. Elle avait déchargé un garçonnet de 10 ans — le garçon à la tasse — du petit fardeau pour qu’il pût à son aise jouir de la fête.

J’ai examiné longuement ce petit visage maladif, où nul rayon de joie n’a brillé, afin d’en emporter avec moi la vision au plus profond de mon cœur pour me stimuler à l’amour et vous la faire partager, ô vous plus privilégiés dans la vie!

Je voudrais disposer d’une plume plus habile pour pouvoir vous décrire dans un langage vibrant de pitié et d’amour ma vision de souffrance et en faire, entre les mains de Dieu, un moyen pour presser plusieurs d’entre vous à entrer dans le jardin du Seigneur pour cultiver ses fleurs.

J’ai vu, j’ai senti — et j’en ai frémi — la misère, la misère noire hôtesse permanente au foyer de ce bébé, le septième petit: Petite plante qui faute de nourriture suffisante et de soins, végète sa petite vie, petit ange innocent encore, dont les yeux bleus vous parlent déjà de souffrance.

Oui, ma joie s’était envolée.

Je sortis de là le cœur triste et lourd d’un fardeau que j’aspire à vous faire partager à vous tous qui souffrez de la souffrance des autres. Et je me suis demandée depuis lors:

«Qui viendra nous aider à ramasser dans les bas-fonds de Paris les joyaux du Seigneur?»

Qui viendra avec ses bras et son cœur pour travailler et aimer les petits de tout âge, leur parler de l’amour de Dieu et de Jésus-Christ, pour «aller avec un zèle infatigable dans les haies et les carrefours pour chercher ceux qui sont perdus»...


Il y a en France des êtres aimants et doués qui devraient se lever.

Il en est qui pour l’amour de Christ et de Sa cause devraient aller, quittant père, mère et maison.

Combien il en est qui ont eu la vision céleste et qui ont entendu le «Vends tout et suis-moi» de Jésus, mais qui ont détourné le regard du noble but et s’en sont allés refroidis et malheureux.

Le temps passe!

Bientôt les enfants d’hier auront grandi, hommes de l’avenir. Avant que l’égoïsme de ceux qui pourraient leur aider n’en ait fait des révoltés!

Ne voulez-vous pas vous lever vous qui avez eu un appel et venir porter à ces âmes le message de l’amour de Christ. Oh! les joyaux du Seigneur qui se perdent faute de cœurs qui se donnent pour faire luire sur eux le rayon divin.

Je termine et espère n’avoir rien donné de moi-même, de mes impressions, mais seulement des choses vues et vécues dans un monde trop souvent ignoré. Je voudrais leur aider dans ma grande faiblesse et je demande à Dieu, qui est l’inspiration de ma vie de vous aider à vous lever pour faire votre devoir vis-à-vis de Lui et de l’humanité souffrante.

C. de Ch.

En avant 1910 01 15



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