VERS LE PROGRÈS
Par le Commissaire
C’est avec une intention évidente que les hommes chargés de trouver une nouvelle effigie pour les pièces d’argent françaises ont choisi le type que nous reproduisons ci-contre, celui de «La Semeuse».
Heureuse pensée, choix bien à propos.
La France, en effet, n’a-t-elle pas toujours été au premier rang parmi les nations de ce monde lorsqu’il s’est agi d’idées nouvelles? N’est-ce pas de la France que sont partis les grands principes de liberté, issus de la Révolution?
On doit, avec raison, répudier les excès de ce mouvement, on doit regretter les flots de sang versés par un peuple que l’injustice, le servilisme et la cruauté de siècles d’oppression avaient conduit, fatalement, aux moyens violents et suprêmes; mais, tout en déplorant ces débordements, qui serait assez insensé ou arriéré pour ne pas apprécier les bienfaits qui ont résulté de ce terrible réveil de la conscience nationale?
N’est-ce pas la France aussi qui a jeté tout au travers du monde le souffle libérateur de 1848? Et aujourd’hui, la France républicaine n’est-elle pas à l’avant-garde des idées de progrès, de liberté et d’humanité? Oui, vive la République Française!
Mais le Salutiste (et le Chrétien) regarde de plus haut; il ne s’arrête pas à considérer les résultats passagers seulement des événements, il va jusqu’au fond des choses, il en étudie le pourquoi, et voyant tel effet il ne se donne aucun repos jusqu’à ce qu’il ait découvert la cause qui l’a produit.
Le Salutiste français (et le Chrétien) déplore LE DISCRÉDIT, LE MÉPRIS QUI S’ATTACHE AUJOURD’HUI DANS SON PAYS À LA RELIGION, et s’il est forcé de reconnaître que bien souvent les représentants officiels d’un culte officiel ont, par leurs inconséquences, attiré un juste châtiment sur eux, d’un autre côté il déplore que le peuple en général ne sache pas faire la distinction entre les errements des hommes et la suprême grandeur du christianisme libre cle toutes les entraves dont on l’a lié, de toutes les superstitions où on l’a enfermé.
Le Salutiste regrette profondément, tout en le comprenant que les inconséquences du fanatisme clérical aient amené par réaction la haine et la lutte aveugle contre choses et gens religieux, en même temps la confusion s’est établie dams les esprits entre les représentants de Dieu et Dieu lui-même. Mais c’est en raison même de ces erreurs que nous avons foi dans l’avenir.
Nous savons en effet qu’aucune superstition, aucun fanatisme, nulles ténèbres enfin ne peuvent résister à la lumière toute puissante du vrai christianisme et, c’est forts de ce sentiment que nous jetons aux quatre coins de la France la semence de l’Évangile, le pain de vie, que nous proclamons:
LE SALUT LIBRE ET GRATUIT PAR LA FOI EN JÉSUS-CHRIST.
Nous savons, en effet, par expérience — d’ailleurs l’histoire même de l’humanité dans son éloquente impuissance n’est-elle pas là pour le prouver — que tous les remèdes proposés pour le relèvement des mœurs, l’amélioration du sort de tant de malheureux ne seront que tout autant d’incertitudes aussi longtemps qu’ils n’auraient pas pour base et centre tout à la fois le Salut par la foi en Jésus-Christ.
Mais nous savons aussi — et c’est là qu’est notre espoir — que dans le christianisme senti, dans le christianisme vécu, dans le christianisme du Christ, se trouve le remède à toutes les souffrances, la solution de tous les problèmes, et cela aussi bien pour la nation que pour l’individu.
Et qu’on ne nous dise pas que parce que le christianisme altéré, faussé dont on a voulu nourrir la France, n’a pas réussi, le christianisme vrai et divin doit aussi échouer.
Où donc a-t-il jamais failli à sa mission sublime, ce christianisme-là?
Est-ce lorsqu’il a renversé les barrières étroites du judaïsme?
Est-ce lorsqu’il a débarrassé Rome de ses faux dieux et, répondant aux arènes par l’amour et l’abnégation, il l’a domptée, en transformant son âme vile et corrompue en une âme virile, noble et remplie de l’esprit de sacrifice?
Où donc a-t-il failli, le Christ?
Serait-ce sur les bûchers de l’Inquisition, alors que ses disciples, abandonnant tout ce qui dans le monde fait le bonheur de l’homme: famille, biens, patrie, vie même, répondaient à la haine par l’amour et que pourchassés, battus, torturés, sciés, ils scellaient joyeusement leur foi de leur sang?
Nous devons nous réclamer de ces héros, nous sommes les fils de ces martyrs et comme eux nous vivons pour une idée; nous saurons la défendre jusqu’au bout, nous saurons nous imposer tous les sacrifices pour son triomphe final.
– Cette idée, c’est celle du Calvaire;
– Cette idée, c’est celle de l’Évangile,
– Cette idée, c’est celle de l’amour et du dévouement chrétiens.
– Cette idée, c’est celle de la Révolution — non point par le feu et le sang qui détruisent vies et propriétés — mais par LA RÉVOLUTION ENTIÈRE DE L’ÊTRE MORAL, LE CHANGEMENT DU CŒUR DE L’HOMME.
Nous croyons au Sang... de Jésus-Christ qui purifie de tout péché et sauve.
Nous croyons au Feu du Saint-Esprit qui sanctifie l’âme et met ainsi l’homme régénéré à même de produire une glorieuse activité pour Dieu et l’humanité.
Oui, nous croyons au Feu et au Sang!
Camarades de France, notre cause est la plus belle que le cœur d’homme puisse rêver:
– Revenons donc de plus en plus dignes de notre Maître,
– Servons-Le de tout notre cœur en nous dépouillant de tout égoïsme et en nous élançant à l’assaut de toutes les Bastilles du péché, du vice, du mensonge et de la corruption.
– Semons à pleines mains la semence de l’Évangile.
– Sauvons, sauvons, oui, sauvons la France!
En avant 1904 07 14
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