Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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REVUE DE LA PRESSE


Paris, 12 octobre.

Tout le monde connaît tout au moins l’uniforme de l'armée dite du «Salut», et les petites distributrices de journaux, en jersey bleu et chapeau miss Halyett, qui vont partout, zélées, tenaces, infatigables...

On a longtemps souri, même à Londres, de leurs musiques et de leurs interminables processions. Nous sommes, nous, résolument partisans de la philosophie et de la morale positivistes, et nous souhaitons qu’elles triomphent enfin dans le monde. Mais nous ne devons rien laisser ignorer aux lecteurs du mouvement philosophique et religieux. Aussi lira-t-on assurément avec intérêt quelques notes rapides sur l’Armée du Salut, qui, plus que jamais, fait parler d’elle, et, d’ailleurs, la récente réception du Général Booth, organisateur et chef des Salutistes, par le roi Édouard VII, en son propre palais de Buckingham, n’équivaut-elle pas, en quelque sorte, à une consécration officielle?


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Il y a quinze ou vingt ans, toute l’Angleterre couvrait l’Armée du Salut de ridicule. Aujourd’hui on s'aperçoit que, malgré ses allures excentriques, cette Armée, ou plutôt cette Association a rendu d'immenses services, principalement en ce qui concerne les œuvres utilitaires et de bienfaisance.

Le côté religieux ne passe maintenant plus qu’au second plan, car, avec leur bon sens si pratique et si exercé, les Anglais ont compris que l’Armée du Salut détient avec elle une force morale et matérielle considérable, avec laquelle il faut compter.

Sous les auspices du Général Booth, il s’est tenu à Londres un grand Congrès international, qui a duré du 24 juin au 5 juillet. Les plus grandes salles de la capitale britannique n’ayant pu contenir tous les congressistes, il a même fallu élever une immense construction de fer pouvant contenir 5 000 personnes. Des délégués étaient venus de tous les pays du monde, et le Général Booth, infatigable et plein d’ardeur, malgré ses soixante-dix ans, parlait du matin au soir, défendant et propageant les idées salutistes, développant le programme et les plans d’avenir de son «Armée».


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Donc, à l’heure actuelle, l’Armée du Salut possède une vaste organisation qui rayonne dans le monde entier, on peut le dire, puisque ses Officiers prêchent en 30 langues différentes et qu’elle étend son action sur quarante-neuf pays et colonies.

La Russie, seule, est demeurée réfractaire à l’organisation des Salutistes.

On sait que cette organisation comporte des Cadets, des Officiers et un État-Major. C’est là une hiérarchie toute platonique, mais dont les efforts de propagande et d’incessante prédication sa traduisent, dans la pratique, par des refuges, des maisons de secours pour les femmes, des restaurants à bon marché, des imprimeries, des colonies de travail et une vaste Société d’assurance.

L'année dernière, l’Armée du Salut a pu venir en aide à près de huit millions de personnes. Certes, c’est là un magnifique résultat philanthropique, auquel était loin de s'attendre le général Booth quand il fonda son œuvre. Cet homme, convaincu, plein d’énergie et d’ardeur, s’attache principalement à adopter les bonnes idées qui s’offrent à lui, et à les faire mettre à exécution par des hommes capables. Il visite beaucoup de pays; il prêche, mais il ne se mêle jamais des détails. Il nomme son Armée «une autocratie démocratique», et n’intervient que lorsqu’il s’agit de modifier les méthodes.

Tout homme, toute femme peut parvenir au premier rang de l'Armée du Salut. Mais le dernier mot appartient au général Booth.


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L'Armée possède plus de 45.000 Officiers locaux, laborieux et dévoués. Non seulement ces Officiers ne sont pas rétribués pour le temps qu’ils donnent à la propagande, mais encore ils fournissent de l’argent de leur poche.

Des milliers de personnes, n’ayant qu’un salaire de 25 shillings (en 1904), n’hésitent pas à donner cinq shillings par semaine, soit 6 francs 25, à l’Armée du Salut.

On compte, rien qu’en Angleterre, 17.000 musiciens salutistes; ils n’ont aucune rétribution, et souvent même ils ont payé leur instrument de leurs propres deniers.

On a constaté, depuis longtemps déjà, qu’une notable amélioration s’est produite dans la valeur des Officiers salutistes. Quelques-uns sortent de la bourgeoisie, mais la plupart proviennent des rangs les plus pauvres de la société. Or, des observateurs fort attentifs ont constaté que tous ces Officiers hommes ou femmes, ont des manières de beaucoup supérieures à celles de leur classe d’origine.


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Ce fait s’explique par l’obligation où sont les cadets de passer une année au moins dans les maisons de discipline, d'éducation et d’instruction que possède l’Armée

Le cadet qui aspire à être Officier, doit ensuite séjourner dans la «maison internationale d’éducation» de Clapton, qui contient en ce moment, environ 600 hommes et femmes.

On voit que, de même que le catholicisme, le «Salvationisme» emploie des femmes; mais le personnel salutiste envoyé dans chaque pays, même au Zoulouland, doit conquérir ce pays à l’aide de ses propres convertis. Du reste, au point de vue de l’avancement, les deux sexes sont égaux.

C’est ainsi qu’une femme, Miss Evangéline Booth, a obtenu, par sa capacité, le commandement suprême des salutistes du Canada. Toutefois, il y a une distinction entre le travail des hommes et celui des femmes. Par exemple, au Canada, les femmes ne se rendent qu’accompagnées dans les cellules des prisonniers.

Presque tous les Officiers mariés le sont avec un autre Officier salutiste.

Ces milliers de personnes ne boivent pas, ne fument pas, n’ont aucune coquetterie, donnent de leur mieux l’exemple. Le grand projet, le rêve du Général Booth, «si Dieu, dit-il, lui accorde dix années de vie», c’est de créer deux Universités salutistes, l’une à Londres, l’autre à New-York. Mais il reconnaît qu’il faudra pour cela un million. En attendant, l’Angleterre considère Booth comme le plus remarquable chef religieux qui ait paru depuis John Wesley.

Jacques Larcher.

(Le Petit Méridional, 13 octobre 1904.)

En avant 1904 12 03


 

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