Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

----------

LES JAPONAIS À PARIS


Souper fraternel avec nos frères et sœurs de l'Empire du Mikado. — Au dessert, intéressantes communications du Directeur d'un asile pour prisonniers libérés de Tokyo, et du Rédacteur de notre journal japonais. — Profession de foi de celui-ci: ami du peuple, comment il entend l'émancipation de ses compatriotes. — L'avenir du Japon. — Le péril jaune conjuré. — Histoire originale de deux ivrognes japonais.


Les Japonais sont à l’ordre du jour. Aussi, lorsque la nouvelle nous arriva que les délégués japonais, en route pour notre Congrès international, débarquaient à Paris, fûmes-nous tous intéressés au plus haut point.

Mais?... grave question!... Japonais... japonisant... même si les cœurs battent à l’unisson, les esprits ne s’entendent pas toujours. Jusqu’à nouvel ordre, la meilleure manière qu’on ait trouvée d’échanger des idées, c’est encore de parler une langue commune. Qu’en serait-il de nous?

Mais... les voici... À leur entrée à la rue Auber, ils soulèvent sur leur passage une curiosité que je ne condamne pas, et pour cause... Qui sont-ils? Ce sont des libérés. Libérés de quoi? Libérés d’où? Vous verrez tout à l’heure. En attendant, j’aurais eu, dis-je, mauvaise grâce à condamner la curiosité des autres, car, lorsque les jeunes Japonaises qui faisaient partie du contingent, sont entrées dans la pièce que j’occupais, je les ai, moi aussi, examinées...

Très gracieuses mes sœurs de l’Extrême-Orient! — Pas embarrassées pour faire des saluts. C’est le pays qui le veut, n’est-ce pas? Cela leur sied très bien, du reste, et s’harmonise avec le costume, qui ne manque pas de grâce non plus.

Leur chevelure, noire d’ébène, très abondante, égale en intensité le noir de leurs yeux brillants, pétillants de vie et de joie aussi. N’était-ce pas l’une d’elles qui nous disait, le soir, à la réunion (quel dommage que vous n’étiez pas là pour les entendre), qu’elle avait une religion qui rit parce qu’elle ne pouvait pas faire autrement, que le salut était dans son cœur? Et je vous assure que cela se voyait.

Si vous l’aviez vue frapper des mains en chantant un solo en japonais, vous auriez pensé qu’elle avait été toute sa vie à la Salle Auber, et vous seriez sans doute écrié: «Ces Salutistes, ils sont tous les mêmes!» Eh! oui, ils sont tous les mêmes, blancs, noirs ou jaunes, LEUR CŒUR BRÛLE D’AMOUR POUR DIEU ET LEURS FRÈRES.


Mais je ne veux vous entretenir ni de leur physique, ni de leurs manières. Comme vous pensez bien, nous nous sommes occupés de questions bien plus profondes et plus sérieuses.

À l’occasion du départ des Cadets quittant les Écoles Militaires, une agape fraternelle avait réuni les Officiers parisiens. J’étais encore dans mon bureau quand un tonnerre d’applaudissements retentit; une formidable poussée d’alléluias, d’amens, me fit tressauter. Qu’est-ce?

J'avais oublié.

C’étaient nos Japonais qui faisaient leur entrée dans la salle, et c’était la cordialité de la réception qui se manifestait ainsi. Vive l’Armée du Salut! pour sa chaleur d’âme, sa bonne humeur et sa gaieté de bon aloi.

Quand je descendis, installés à la table d’honneur, ils étaient déjà de la famille. Le souper terminé, c’était le moment de faire plus ample connaissance, et pour ne pas manquer à la tradition salutiste, on réclame de tous côtés: 


Un solo japonais

Le langage ne nous est pas intelligible, mais nous n’avons pas besoin d’interprète, les yeux de l’Officière, (car c’était une Capitaine que cette petite Japonaise à l’allure si décidée), ses yeux, dis-je, traduisaient très bien son chant. Pleins de feu, d’ardeur, ils disaient sa joie de combattre pour Jésus-Christ. Nullement intimidée, elle battait des mains avec tant d’entrain et de joyeuse simplicité qu’elle faisait plaisir à regarder. Ma pensée se portait à travers les mers et je la voyais là-bas, dans l’Orient lointain, pendant que les canons grondaient au loin; de sa voix douce, je l’entendais annoncer le pardon et l’amour, la paix et la joie. Messagères d’espérance, puisse votre voix être entendue!


C’est maintenant le tour du Directeur d’un asile pour prisonniers libérés.

Belle tête pensive et intelligente. En l’entendant on est immédiatement frappé d’un fait: la simplicité du salut par Jésus-Christ dans cet esprit.

Nos lecteurs savent tous combien les Japonais sont un peuple intelligent, libre d’esprit, indépendant; une nation qui s’est montrée non seulement accessible aux idées nouvelles, à tout ce qui se fait dans l’Occident, mais dont les jeunes générations, prises d'une soif ardente de rénovation et de développement pour leur pays, sont tous à l’œuvre pour réaliser le mieux possible cet idéal. Ils s’instruisent, se développent de toutes manières, joignant aux bénéfices qu’ils retirent de leur contact avec la civilisation occidentale, les qualités propres au génie de leur race jeune, vigoureuse, entreprenante, décidée à réussir et à vaincre.

En entendant parler ces camarades, leurs témoignages, leur but, leur plan, leur conception de l’avenir de leur peuple, de la manière dont il faut l’atteindre, tout cela prenait corps pour ainsi dire devant nos yeux. La concision et la netteté de la pensée était surtout remarquable:

«Chez nous, disait cet homme, les gens bons (lisez respectables) n’aiment pas les prisonniers. Mais nous, nous les aimons, parce que c’est l’esprit de Jésus-Christ».

On ne pouvait mieux dire en moins de mots. Précis et juste comme un théorème de géométrie, mais que de profondeur dans cette concision laconique!

Puissions-nous tous et toujours mettre l’esprit de Jésus-Christ dans toutes nos actions.


Lecteur, as-tu l’esprit de Jésus-Christ?

Le fais-tu intervenir dans tes relations avec les hommes, dans les jugements que tu portes sur autrui?

Les hommes sont tous les mêmes, sous quelque latitude qu’ils vivent. C’est ce qui fait que là-bas, à Tokyo, comme chez nous, hélas, le difficile pour une œuvre parmi les prisonniers libérés, c’est de trouver du travail à ces hommes. Aussi, c’est avec beaucoup d’intérêt que nous entendons le récit des démarches, enquêtes, visites, etc., qu’il faut que ce Directeur fasse pour réussir à aider ceux qu’il veut relever. Mais aussi, grâce à cette patience persévérante, à cet amour qui fait crédit de bonne volonté à ces voleurs ou ces criminels, il réussit merveilleusement.

Une proportion de presque trois quarts de ces individus sont relevés au point de vue social et les deux tiers sont régénérés, transformés radicalement par le salut de Jésus-Christ.

Tout naturellement, pour faire un pareil travail solide et durable, IL FAUT ÊTRE SOI-MÊME RÉGÉNÉRÉ DE FONT EN COMBLE PAR LE SALUT. C’est justement le cas de notre camarade, Directeur de cette institution. Écoutez-le plutôt:

«Avant ma conversion, dit-il, j’étais mondain. Je portais des bagues, des bijoux et des ornements de tous genres. Assoiffé de bonheur j’avais lu à cette intention beaucoup de livres japonais et anglais, mais néanmoins je ne l’avais jamais trouvé.

Sur ces entrefaites l’Armée du Salut vint à Tokyo.

Les témoignages des soldats me frappèrent. Autrefois païen, je compris ce qu’était le salut, ce qu’était Dieu et ce qu’il attendait de moi. Je vins au banc des pénitents, mon cœur fut changé radicalement, ainsi que ma vie.

J’abandonnai tous les plaisirs du monde et je me consacrai à l’humanité. C’est pourquoi, à cette heure, où chez nous on se bat, moi je ne veux tuer personne.

Mon désir est de faire la guerre au mal; mon devoir, c’est d’aider les pécheurs à se convertir et je m’efforce de faire le plus de bien possible à tous les prisonniers libérés qui passent par l’Institution.»

Ajoutons pour être exact que le travail de l’Armée dans nos institutions sociales est très apprécié du Gouvernement japonais. Nos lecteurs se rappellent sans doute la visite de ce haut fonctionnaire japonais, M. Tomeaku, qui visita les œuvres sociales de l’Armée du Salut à Paris et fut très intéressé par tout ce qu’il y vit.

En avant 1904 06 25



Table des matières