Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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AUX JEUNES

et à tous ceux qui s’en occupent:

MÈRES ET ÉDUCATEURS


En parcourant les cafés avec notre magnifique feuille de salut, je suis toujours plus navrée d’un spectacle affreux qui me glace d’horreur. «Achetez mon journal, Monsieur, c’est une bonne lecture.» — «Je préfère celle-ci», me répond-on, et avec un sourire narquois où on ne lit aucune joie, mon interlocuteur m’indique une horrible feuille, aux gravures infâmes, qu’il dévore, qu’il savoure en dégustant une absinthe ou une autre drogue analogue, s’empoisonnant ainsi le corps et l’âme, tuant son esprit, les forces vives de son être, ce qui fait sa dignité, pour descendre au dernier degré de l’abrutissement.


Si l’alcoolisme est un danger, les mauvaises lectures en sont un pire encore et souvent les deux se tiennent.

À quoi bon multiplier les conférences pour éclairer les individus sur les dangers d’empoisonner leur corps, s’ils sont incapables de vous comprendre? Or, qui ne sait que ces lectures insipides, vides de sens, détruisent peu à peu l’intelligence, le jugement; de même qu’un alcoolique réclame toujours un poison plus violent pour satisfaire son palais brûlé par l’alcool, de même LES HABITUÉS DE CES FEUILLES RÉCLAMENT TOUJOURS UNE PLUS FORTE DOSE D’INEPTIE.

Combien de vies brisées, de cœurs souillés, victimes des infâmes productions soi-disant littéraires de notre époque, pourraient aujourd'hui témoigner dans ce sens?

Si nous pouvions les entendre, elles nous diraient combien ces stupides romans les ont trompées, leur ont présenté une vie factice, séduisante, ont fait miroiter devant leurs yeux de magnifiques perspectives qui se sont évanouies, faisant place à la plus amère désillusion.

Or, s’il y a une force dans notre pays, c’est évidemment la jeunesse, le Belge de demain, l’avenir de notre race. C’est pourquoi je sens la nécessité de crier gare à vous tous, chers jeunes gens et jeunes filles.

Par amour pour vous-mêmes, respectez votre esprit et votre cœur, ne ternissez pas votre âme!

Pourquoi ne feriez-vous pas comme ce jeune garçon à qui j’avais parlé de ce danger et qui, résolument, déchira le paquet de mauvaises chansons qu’il avait apporté dans notre salle, premier pas de la lutte contre le mal, premier effort de la volonté qui rendra le second plus facile!


Malheureusement, souvent l’exemple vient des plus âgés.

Je n’oublierai jamais le profond dégoût qui s’empara de moi, un jour, dans un omnibus. En face de moi, étaient assis un tout jeune homme, presque un enfant, et une dame âgée.

Sans respect pour ses cheveux blancs, celle-ci tendit à son compagnon deux ou trois de ces journaux illustrés. L’enfant rougit d’abord, refusa plusieurs fois, mais la dame insistait toujours et il finit par céder. Dire la souffrance que je ressentis alors est impossible.

J’aurais voulu intervenir, ma conscience me disait de le faire. Mais comment?

Je priai Dieu d’avoir pitié de ce cher jeune garçon, de l’arrêter sur cette pente funeste et je le remerciai de m’avoir préservée.

Lorsque je n’étais pas capable de juger moi-même de la valeur d’une lecture, ma mère bien-aimée veilla avec un soin religieux à ce que rien qui pût froisser mon âme, ternir mon esprit, ne me tombât sous les yeux. Et pour cela, elle avait un moyen bien simple:

yxyx C’était de s’interdire elle-même toute mauvaise lecture, de ne pas en avoir dans sa maison!


Mères de famille, quelle est votre attitude

dans cette question vitale?


Croyez-vous que vos enfants se paient de mots?

Vous leur dites: «Ce n’est pas pour les enfants» et en supposant qu’ils vous écoutent, plus tard ils diront: «JE SUIS GRAND» et à longs traits ILS BOIRONT LE FUNESTE POISON QUE VOUS-MÊMES LEUR AUREZ PRÉPARÉ.

Combien de mères qui pleurent sur leurs tristes enfants et pourraient s’accuser de les avoir conduits elles-mêmes à leur perte.


L’âme de l’enfant est une terre vierge.

À vous, mères et éducateurs, à en tirer parti. Déposez-y de la bonne graine; semez-y des désirs purs, qui plus tard se transformeront en résolutions saines et viriles, qui feront de vos enfants des hommes et des femmes de devoir, de droiture, de conscience.

Préservée par ma tendre mère, il vint pourtant un moment où je dus prendre une décision personnelle.

On ne tient pas toute sa vie un enfant en lisières, il vient un âge où l’on s’oriente, où selon l’influence subie alors, on se jette ou dans la bonne ou dans la mauvaise voie.


«Il y a des paroles qu'il fait bon entendre quand on a vingt ans et qu’on emporte avec soi pendant toute sa vie ainsi qu’un viatique» a dit quelqu’un.

J’eus aussi ce privilège. J’avais dix-huit ans, j’étais élève d’École Normale et je me préparais à cette noble mission d’élever la jeunesse. Un matin, notre directrice entra dans la salle d’études pour sa conférence habituelle, tenant à la main un petit volume de poésies d'un de nos plus grands poètes lyriques contemporains:

«Mesdemoiselles, voilà ce qu’une femme qui se respecte peut seul lire de cet auteur», nous dit-elle, et alors, avec toute la conscience du péril que couraient nos intelligences éveillées, avides de savoir, elle nous invita à veiller sur nos lectures avec un soin jaloux, afin de garder purs notre esprit et notre cœur, et à nous interdire quoi que ce soit qui pût les souiller:

«Respectez-vous vous-mêmes, si quelqu’un vous présente un mauvais livre, fermez-le, si attachant qu’il puisse vous paraître. S’il vous appartient, détruisez-le afin de ne pas être l’occasion de contaminer quelqu’un d’autre

À bien des années de distance, ces paroles résonnent dans mon cœur avec la même intensité. J’ignore l’impression qu’elles ont laissée dans l’âme de mes compagnes d’alors, mais je sais qu’elles furent pour moi l’occasion d’une décision pour la vie. En traits de feu, elles s’imprimèrent dans mon âme; non seulement je pris cette résolution pour moi-même, mais je voulus la faire partager à d’autres.

Aux centaines de jeunes filles de l’éducation desquelles je me suis occupée, j’ai tenu ce même langage et j’ai eu la joie de susciter dans leur conscience une résolution virile.

Je ne vous cacherai pas que c’est là mon but, aujourd’hui comme alors.

Il m’est revenu plusieurs échos de décisions prises, ou de bénédictions reçues par le moyen de la lecture de témoignages insérés dans l'En Avant. Nous aimerions justement que ce fût là le rôle de ce journal. De même que des âmes convaincues viennent au «banc des pénitents» à la suite d’une réunion où Dieu leur a parlé, que d’autres se livrent aussi à Lui après avoir lu tel ou tel article. Pourquoi pas?

Pourquoi ne prendriez-vous pas l’engagement sous le regard de Dieu et avec sa force à l’instant même, là où vous êtes, de ne plus jamais lire un roman ou un mauvais journal. Peut-être dites-vous:

«Cela me donnera-t-il le salut de mon âme?»

Laissez-moi vous dire que CELA PEUT VOUS AIDER plus que vous ne le croyez.

Voici pourquoi:

Que faut-il pour être sauvé?

Être convaincu de péché, se sentir coupable envers Dieu et pour cela entendre la voix de sa conscience.

Or, le résultat le plus clair et le plus fâcheux de ces mauvaises lectures, c’est de détruire la conscience, de la fausser, d’y amener à tel point le trouble et l’illusion qu’on ne sait plus ce qui est bien et ce qui est mal.

On y est transporté dans un monde faux où l’on a des applaudissements pour la ruse qui triomphe et des railleries pour l’honnêteté qui succombe. On s’habitue peu à peu à cet état, fermant toujours plus son cœur à la voix de Dieu qui doit alors envoyer l'épreuve pour se faire entendre.

Ne le forcez pas à agir de cette manière avec vous; n’attendez pas plus longtemps, venez lui consacrer votre jeunesse, vos forces, vos facultés tout entières. Si vous saviez comme on est heureux à son Service!

Je vous parle par expérience.

En avant 1904 06 18


 

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